21

 

— C’était un mouchard, dis-je à Drew. Un informateur professionnel qui travaillait en free-lance. Il a commencé par vendre des voitures à Altoona pour son oncle, Al.

— Tonton Al d’Altoona ?

— Il a découvert que son oncle et sa tante trompaient le fisc dans les grandes largeurs. Double comptabilité, comptes bancaires secrets… D’après moi, il n’était pas facile de travailler avec le tonton et il s’est mis à son compte.

— Il les a caftés au fisc ?

— C’est une activité qui peut rapporter. Je le savais depuis longtemps, mais j’ignorais à quel point c’était devenu une industrie familiale. Il y a un numéro vert pour les mouchards. Je l’ai appelé hier et je suis tombé sur une femme qui m’a expliqué comment ça fonctionnait. Je lui ai posé des tas de questions et je n’ai pas eu le sentiment que c’était la première fois qu’elle les entendait. Passer ses journées à discuter avec des gens qui ne pensent qu’au gain et à la vengeance…

— Il y en a partout.

— Il faut croire. La récompense est un certain pourcentage des amendes et arriérés d’impôts à payer par le fraudeur, ce pourcentage variant avec la qualité des renseignements fournis. Apporter un jeu de livres de comptes et permettre au fisc de boucler entièrement le dossier d’accusation est beaucoup mieux payé que lorsqu’on se contente de dire aux inspecteurs où aller fourrer son nez.

— Ce n’est que justice.

— En plus, on peut garder l’anonymat et je suis sûr que Glenn ne s’en est pas privé. Il est possible que son oncle ait compris qui l’avait dénoncé, mais ce n’est pas certain. Il a été obligé de jouer fin pour éviter le pénitencier de Leavenworth. Il a vendu tous ses biens et a quitté la ville en pleine disgrâce. J’ignore ce que le fisc lui a demandé de payer, mais je suis sûr que c’est grâce aux dividendes de sa dénonciation que Glenn a pu se payer ses études.

— Imposables, ces dividendes ?

— Tu sais, lui répondis-je, c’est une question que j’ai posée à l’employée et elle m’a répondu que le fisc préférait opérer une retenue à la source.

— Ben voyons !

Nous nous trouvions au bar du Docket(38), dans Joralemon Street, à deux pas de l’hôtel de ville de Brooklyn. Haute de plafond, lambris de chêne, cuivre et cuir rouge, la salle est agréable. Comme l’indique le nom de l’établissement, les clients sont en majorité des avocats, l’endroit ne déplaisant pas aux flics non plus. C’est à]’heure du déjeuner que l’activité est la plus forte. Les sandwiches sont copieux et la boisson ne manque pas.

— Superbe journée, reprit Drew.

— Très belle en effet. Il faisait le même temps la dernière fois que j’ai mangé ici. C’était au printemps et je déjeunais avec un flic de la Criminelle de Brooklyn. John Kelly, je viens de le voir au bar en entrant. Il faisait tellement beau qu’en sortant j’étais allé me promener jusqu’à Bay Ridge. Je ne pense pas que j’en ferai autant aujourd’hui. Tu sais quoi ? Si la journée d’hier avait été douce et ensoleillée, je crois que je me demanderais toujours d’où venait l’argent de Glenn.

— C’est le mauvais temps qui t’a retenu chez toi.

— Oui. J’ai passé la journée au téléphone et il se trouve que c’est comme ça qu’il fallait procéder. Dès que j’ai compris comment il s’était mis en selle, il m’a été facile de savoir qui appeler et où chercher. Après avoir réussi l’examen du barreau, il est allé travailler à White Plains. Peu après son départ, la boîte a fait faillite. L’associé auquel j’ai parlé m’a vaguement laissé entendre que

Glenn aurait pu deviner ce qui se préparait. Un avertissement écrit sur le mur, c’était sa formule.

— Par Glenn lui-même, je parie.

— Mais pas signé. J’ai rappelé Jespesson, c’est le nom du type, pour lui demander ce qui s’était passé. La question a dû le prendre par surprise car il ne m’a même pas demandé pourquoi je la lui posais. Toujours est-il qu’un des associés aurait représenté des trafiquants de drogue.

— Et ce monsieur était payé en argent sale qu’il ne déclarait pas, et c’est pour ça qu’on lui a foutu sa baraque en l’air. Ah, Matt, tu peux pas savoir combien je déteste ce genre d’histoires !

— Sauf que ce n’est pas tout à fait comme ça que ça s’est passé. La boîte ne faisait rien de répréhensible. Ces clients-là, elle ne les représentait que pour d’autres : affaires. Les honoraires étaient payés par chèque ou alors, quand il y avait des règlements en espèces, personne n’était au courant. Jusqu’au jour où ledit associé a commencé à beaucoup aimer la coke.

— Non, pas ça, Matt.

— Et pour pouvoir payer, il s’est mis à dealer un peu. Malheureusement, un de ses acheteurs n’était autre qu’un agent de la DEA(39) Ils lui ont offert la possibilité de dénoncer le réseau, mais il faut croire qu’à son idée faire de la prison valait mieux que de terminer à la fosse commune. Lorsque tout a été fini, on s’est aperçu que le monsieur f volait aussi ses clients. Jespesson ne m’a pas donné l’impression que démanteler la firme avait posé de sérieux problèmes : il n’en restait tout simplement plus rien.

— Je suppose que c’est Glenn qui a mis la DEA au parfum.

— Je suppose la même chose. Je n’ai pas rappelé pour avoir confirmation, mais je crois que la conclusion s’impose.

— Ce qui fait que la DEA paierait elle aussi des mouchards.

— Je le leur ai demandé, et ils ne se sont pas montrés aussi accueillants que la bonne dame des impôts. Mais oui, quand même : ils paient une prime pour la capture des dealers et donnent un pourcentage des avoirs confisqués. J’en ai appris un peu plus long sur la manière dont ça fonctionne en appelant un type qui s’y connaît bien en matière de mouchards et de valeur du renseignement confidentiel sur le marché libre.

Il s’agissait de Danny Boy et je l’avais appelé chez lui où il s’était enfermé à cause du mauvais temps.

— La politique du « seuil de tolérance zéro » n’est peut-être pas en train de gagner la guerre contre la drogue, continuai-je, mais il y a manifestement un début de rentabilisation. À chaque arrestation, on commence par confisquer tout ce qui est à portée de main. Les véhicules, les bateaux et la drogue, bien sûr, mais aussi le liquide quand les types qu’on coince voulaient acheter. Lorsque le marché a été conclu à l’intérieur d’une maison ou lorsqu’on y a entreposé de la marchandise, on y ajoute la baraque. Toutes ces petites choses s’additionnant, on se retrouve vite avec beaucoup d’argent pour récompenser ses indics.

— L’appartement ! s’écria Drew.

— Tout d’un coup, ça paraît assez évident, non ? Ne pas oublier que c’est un Européen ou un Sud-Américain qui l’a acheté en liquide et sous le couvert d’une société basée aux îles Caïman. Il est possible qu’il y ait d’autres choses, mais la drogue n’est certainement pas absente du paysage. La saisie pourrait très bien expliquer pourquoi la MultiCircle Productions a perdu l’appartement alors qu’il n’y a jamais eu d’hypothèques impayées. Après, il y a le problème de la US Asset Réduction Corp. Si je n’ai jamais réussi à en retrouver la moindre trace, c’est à peu près sûrement parce qu’elle n’existe que dans quelque obscur dossier d’une administration fédérale X ou Y. Il doit s’agir d’une société bidon spécialisée dans la liquidation des biens confisqués.

— Et moi qui croyais qu’ils adoraient se faire de la pub avec leurs saisies ! Tout pour montrer au contribuable qu’on ne rigole pas avec les trafiquants !

— Hé non, ce n’est pas toujours le cas, lui répondis-je. Parfois, ils préfèrent jouer en sourdine. Il ne faudrait pas que le Congrès commence à se poser des questions sur tout le fric qui passe entre leurs mains.

— Et reste parfois collé à telle ou telle ?

— Ce n’est pas impensable.

— Et Holtzmann, là-dedans ? Qu’a-t-il fait pour hériter de l’appartement et surtout : à qui l’a-t-il fait ?

— Je ne sais pas. Au début, je me suis dit qu’il avait peut-être aidé les Feds à coincer quelqu’un de la MultiCircle. Mais ça lui aurait mis la tête sur le billot, non ? Si jamais les types qu’il baisait découvraient qui il était et qu’en plus il habitait maintenant dans leur appartement !

— Peut-être, mais je ne vois pas comment il en aurait hérité autrement. En dehors d’un paiement pour services rendus…

— Imaginons qu’il ait cafté monsieur X et se soit retrouvé à la tête de quelques centaines de milliers de dollars de récompense. Et que quelqu’un lui ait dit : « Écoutez… vous devriez avoir un logement plus décent. Tenez, on a justement une liste d’appartements confisqués à distribuer. Vous en choisissez un et on s’occupe du titre de propriété ? »

— Comme quoi la vertu serait récompensée ?

— Elle l’est toujours, lui fis-je remarquer.

Il attira l’attention de la serveuse et lui montra nos tasses vides. Lorsqu’elle les eut remplies, il ajouta :

— Et qui c’est, ce monsieur X ? Des idées là-dessus ?

— Aucune.

— Il n’y a qu’à reprendre son CV. Il commence par vendre des bagnoles à Altoona et finit avocat à White Plains. Où va-t-il après ça, notre Jonas du Jugement dernier ?

— Il atterrit dans le service juridique d’une maison d’édition. Ce bateau-là était en train de couler lorsqu’une multinationale l’a repris.

— Comment s’y est-il pris ?

— Je ne pense pas qu’il ait joué le moindre rôle dans l’affaire. Après, il est entré chez Waddell & Yount, où il travaillait encore lorsqu’il s’est fait descendre. Entrer dans le service juridique d’une maison d’édition est une idée assez bizarre pour un mouchard professionnel.

— Ce qui veut dire ?

— Que j’ai ma petite idée là-dessus, lui avouai-je. Ça colle avec les faits et ça cadre assez bien avec l’impression que j’ai du bonhomme.

— Je n’arrête pas d’oublier que tu le connaissais.

— Pas vraiment. Je l’avais rencontré deux ou trois fois, c’est tout.

— Allez. Dis-moi un peu ta théorie.

— Je crois qu’il s’est laissé prendre au jeu. Je pense qu’il a compris ce que fabriquait son oncle et qu’il en a éprouvé un beau mélange d’indignation vertueuse et de ressentiment personnel. Toujours est-il qu’il coince tonton Al et se tire d’Altoona sans tarder. Quant à s’acheter une Mercedes avec la prime des impôts… non. Il se paie des études de droit. Il raconte partout que c’est un héritage qui lui a permis de décrocher son doctorat et je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il tenait ces gains pour une espèce de patrimoine. Qui sait même s’il ne se disait pas que ce fric aurait dû lui appartenir dès le début et qu’en fait, là où Al Benziger avait décroché le jackpot, sa mère, elle, n’avait récolté que des miettes.

« Bref, il s’en va bosser à White Plains. Ce n’est pas du premier choix, il aurait préféré travailler pour un ; cabinet d’avocats à New York, mais il n’a pas pu trouver mieux. Il fait bonne impression, mais, à la longue, il se révèle moins entreprenant que ce qu’il a laissé croire à ses associés. À ce propos… c’est exactement la même chose qui se produit chez Waddell & Yount. Quand elle l’a engagé, Eleanor Yount voyait en lui un successeur possible, mais il ne lui a pas fallu longtemps pour comprendre qu’il n’avait pas l’étoffe nécessaire.

« Et quand il est à White Plains, il s’aperçoit qu’un des patrons de la boîte est sérieusement impliqué dans un trafic de cocaïne. Il n’est pas impossible que le boulot l’ait un peu déçu, tout comme son plan de carrière, d’ailleurs… Qui sait si ses dépenses ne commençaient pas à excéder ses revenus. Et tout d’un coup, voilà le grand patron qui rate des déjeuners d’affaires et conclut des marchés douteux ? Glenn se souvient de tonton Al et du plaisir qu’il a éprouvé à lui mettre son nez dans le caca. Sans parler du fric.

— Et donc, il passe un coup de téléphone.

— C’est effectivement ce qu’il fait. Et encore une fois, il a déjà vidé les lieux lorsque la merde reflue dans les tuyaux. Il s’est trouvé un boulot dans une boîte d’édition, il y reste aussi longtemps qu’il peut, puis il passe chez un concurrent. Il n’est pas ambitieux et n’a rien d’un monsieur qui aime vivre dans le luxe. Il emménage dans un petit studio près de la 80e Rue Est.

« Mais à un moment donné, il découvre un autre moyen de se faire des ronds. Au début, je croyais que, ayant rencontré Lisa, il avait décidé qu’il leur fallait un bel appartement et qu’il avait rapidement trouvé quelqu’un à donner. Mais ça ne cadre pas avec la chronologie. Je pense maintenant qu’il ne cherchait des noises à personne lorsque, une bonne occasion se présentant, il a préféré ne pas la laisser passer.

— « Y’avait une occasion et j’l’ai saisie », c’est ça ?

Je le regardai sans comprendre.

— La phrase est de George Washington Plunket. Un plumitif démocrate de la fin du siècle dernier. Il a écrit ça dans un mémoire politique étrangement naïf, à mi-chemin entre l’honnêteté et le désir de se faire mousser. Les occasions, il les voyait, et il les « saisissait » toujours. Mais pour en revenir à notre ami Glenn… je me demande de quelle occasion il pouvait bien s’agir.

— Je n’en sais rien, lui répondis-je. Au pif, je dirais que ça n’avait rien à voir avec son boulot. Il est probable que ça concernait quelqu’un qu’il avait connu à Yorkville.

— Parce qu’il avait déménagé.

— C’est toujours comme ça qu’il procédait, non ? On baise X ou Y et on se tire. Bref, il a dénoncé quelqu’un et il a une belle prime en perspective. « Alors, Glenn, lui dit-on, sous quelle forme aimeriez-vous votre récompense ? » « Et si on parlait immobilier ? leur répond-il. Vous n’avez rien de libre en ce moment ? » « Voyons, voyons… Si, on a un joli trois-pièces en cogestion. : Étage élevé, vue sur le fleuve… le propriétaire était un gentleman corse qui ne s’en servait que le dimanche. Voilà les clés, allez donc y faire un tour. »

— Parce que c’est comme ça que ça marche ? Ils vous montrent ce qu’ils ont en stock et ils vous laissent choisir ?

— Je n’en sais rien. Mais en gros, je dirais que c’est bien comme ça qu’il a hérité de son appartement. Il venait juste de faire la connaissance de Lisa. Quand il a senti que ça devenait sérieux, il leur a dit d’accélérer la paperasse et lorsqu’il est rentré des Bermudes, l’appart était prêt.

— Et le fric dans la boîte ?

— Un autre petit boulot ? Ou le même. À mon avis, j quelque chose a changé en lui quand il s’est marié, mais i peut-être était-ce déjà amorcé. Il a commencé à voir ses activités annexes sous l’angle professionnel et à ne plus les considérer comme des à-côtés du type épisodique. Les occasions, il s’est mis à les chercher.

— Comment le sais-tu ?

— Question d’emploi du temps. À sa boîte, il avait tout juste assez de boulot pour remplir ses huit heures par jour, mais il racontait à Lisa qu’il était tellement débordé de travail qu’il était parfois obligé de bosser le soir, voire le week-end. En fait, je pense qu’il prospectait. Et je crois aussi que c’est pour ça qu’il s’intéressait à moi.

— Il voulait te dénoncer pour fraude fiscale ? Je me demande ce qu’ils auraient bien pu te confisquer ? Tes chaussures du dimanche ?

— Non, c’était mon boulot qui le fascinait, lui répondis-je. Il m’a dit qu’il voulait publier mes mémoires. Des conneries, tout ça, évidemment. Sa boîte ne publie pas de manuscrits originaux. Ce qu’il voulait, c’était voir comment opère un détective. Il voulait que je lui apprenne les ficelles du métier. Il envisageait peut-être de me mettre dans le coup, genre : on remue la boue et on en fait de l’or. Je n’ai jamais su ce qu’il avait en tête parce qu’il ne me plaisait pas assez pour que je l’encourage en aucune manière.

— Résultat, il reniflait en solo.

— C’est clair.

— Qui l’a tué ?

— Je ne sais pas.

— Aucune idée ?

— Aucune, lui répondis-je. Je dirais qu’il fouinait à droite et à gauche et qu’il passait son temps à fourrer son nez dans des endroits où il n’aurait pas dû se trouver. Et qu’à un moment donné quelqu’un a compris ce qu’il fabriquait.

— Et l’a tué ?

— Ça fait partie des risques quand on essaie de coincer des trafiquants de drogue. On en court beaucoup moins quand on se contente de cafter le tonton qui triche sur sa feuille d’impôts. Sauf que, tôt ou tard, on finit par se retrouver à court de parents à dénoncer. Et les avocats véreux de White Plains ne sont pas légions… Mais quand on joue à ça avec les pros, se faire buter, ça arrive.

— Les risques du métier, quoi.

— À mon avis, oui. D’un autre côté, il y aussi pas mal de chances pour que ça se soit passé comme le pensent les flics.

— George Sadecki.

— Il y a de fortes chances pour que ce soit effectivement lui qui l’ait abattu et qu’est-ce que ça change si ce n’est pas vrai ? Laver Sadecki de cette accusation n’intéresse absolument personne. Pour ma part, je crois qu’il est innocent, mais je serais bien en peine de le prouver. Quant à désigner un autre coupable… Glenn n’a pas laissé traîner ses notes, ni non plus la moindre enveloppe « à ouvrir en cas de disparition ».

— Tous ces gens sans égards, quand même ! Tu reprends du café ?

Je secouai la tête.

— Conclusion : il y a sans doute quelqu’un qui est en train de l’emporter en paradis. Mais ça arrive tout le temps.

— Et Glenn était un type si gentil !

— Je ne sais pas jusqu’où allait sa saloperie. D’un côté, c’était effectivement un mouchard qui se faisait payer, mais de l’autre, on pourrait le prendre pour un héros yuppie du type chasseur de primes des temps modernes. Cela dit, quel que soit l’angle sous lequel on le regarde, je ne vois pas que son fantôme devrait être vengé.

— Et notre cliente ? Peut-elle dormir sur ses deux oreilles tant que l’assassin de son mari sera dans la nature ?

— Rien ne s’y oppose, mais c’est toi son avocat. Où est son intérêt ?

Drew réfléchit un instant, puis me répondit :

— On laisse pisser.

— C’est ce que je me disais moi aussi.

— On passe encore quelques jours à chercher des avoirs cachés, mais je ne crois pas qu’il y en ait d’autres.

— Moi non plus.

— Et les impôts ne devraient pas nous faire d’embrouilles. Moi, je la vois assez bien se tirer de cette histoire avec un bel appartement et une grosse boîte pleine de fric. Ce qui n’est quand même pas si mal.

— Non.

— J’aimerais que ça se termine bien, reprit-il. Et ça ne me déplairait pas de savoir qui a tué son mari, sans même parler du pourquoi et du comment. Voir l’assassin terminer en prison serait encore mieux. Mais dans cette histoire, l’intérêt du client, c’est que l’affaire soit close aussi vite que possible. Faire du foin et rameuter la presse ? Pour qu’un petit couillon des impôts se mette à poser des tas de questions embarrassantes ? Qui pourrait avoir envie de ça ?

— Personne.

— Quant à espérer obtenir une condamnation… À l’heure qu’il est et, quel qu’il soit, notre coupable a déjà dû se constituer des tonnes d’alibi en béton armé. Je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il jouait au rami avec le pape et le grand rebbe des Loubavitch au moment où Holtzmann s’est fait buter.

— Et Dieu sait si la partie fut belle !

— Bah, tu sais comment est le pape, dit-il. Aucun sens des cartes, mais qu’est-ce qu’il aime y jouer !