***

Adams grimpa à mille mètres, puis il piqua vers la vedette à l’angle le plus raide que pouvait supporter le R-44. Il sentait son corps s’alléger dans son siège tandis que la pression du harnais sur ses épaules se faisait plus forte. À travers sa bulle en Plexiglas, il vit la vedette de police grossir à mesure qu’il lui fondait dessus.

La mitrailleuse de proue essaya de tirer sur l’hélicoptère, mais son angle de tir était limité par la timonerie située juste derrière. La mitrailleuse cracha quelques centaines de balles tandis que l’hélicoptère était encore haut, mais les balles se perdaient et il fut bientôt à court de munitions.

Adams descendit en piqué. Lorsqu’il se trouva à vingt-cinq mètres au-dessus de la poupe, il tira le manche cyclique vers l’arrière et la commande de pas vers le haut, ce qui ralentit la plongée, puis releva le nez de l’appareil. Au moment où le R-44 terminait son arc de cercle, Adams ôta le cache du tableau de commande et appuya sur l’interrupteur. Les deux nacelles plongèrent en plein sur la poupe de la vedette. Une étincelle d’électricité statique mit à feu l’un des missiles restants qui zébra le ciel sur les cinq derniers mètres avant de percuter l’arrière du bateau, qui aussitôt fut en flammes.

Libéré du poids et de l’encombrement des nacelles, Adams contrôlait mieux son appareil, qu’il fit pivoter en direction de L’Oregon ; il scruta l’eau pour discerner la silhouette du navire.

— Coulés, annonça-t-il calmement. Je rentre à la maison.

Pour un homme à la mer, par mauvais temps, la vue de toute construction humaine est une source de consolation. Pour les sept passagers des Zodiac pourchassés par les bateaux chinois, la proue de L’Oregon surgissant du brouillard était aussi réconfortante que la vue d’un carré pour un joueur en train de perdre au poker.

— Dirigez-vous vers les bossoirs, leur demanda Hanley par radio. Il faut qu’on vous hisse à bord le plus vite possible.

Les deux pilotes des Zodiac se logèrent contre les deux bossoirs à bâbord et à tribord de la poupe de L’Oregon, d’où hommes et matériel furent hissés à bord par les matelots en moins de deux minutes. Murphy descendait du Zodiac lorsque Lincoln s’approcha.

— Je me suis servi de ton jouet, dit-il. Tu pourras mettre un nouvel autocollant de bateau sur la console.

Murphy sourit.

— Bien joué, Tex.

— Tout le monde va bien ?

— À part Jones, dit Murphy en le montrant du doigt. Il faut qu’on l’amène à l’infirmerie.

Lincoln traversa le pont en direction du second Zodiac et se pencha en souriant.

— Jones, dit-il, tu fais peine à voir.

— Me fais pas rire, dit Jones. Mes côtes me font mal à en crever.

— Il faut toujours que tu termines ce que tu as prévu, hein ?

— Toujours, dit Jones en indiquant la caisse du Bouddha. Maintenant, descends-moi à l’infirmerie et bourre-moi de calmants.

— C’est parti, dit Lincoln en soulevant doucement Jones du Zodiac aussi facilement que s’il attrapait un chiot dans son panier.

— Trois minutes avant la mise à feu, annonça une voix par l’interphone du Santa Fe.

Dans leurs silos, deux missiles de croisière Tomahawk modifiés comportant le système expérimental de destruction de l’électronique embarquée étaient prêts. Le système FRITZY, pour parvenir à court-circuiter tous les systèmes ennemis, utilisait une explosion d’ondes électroniques. Le capitaine Farragut attendait le lancement avec anxiété, non qu’il doutât de son équipage, parfaitement entraîné et qui accomplirait sa mission sans faillir. Mais l’inconnu le titillait et il était curieux de savoir si le FRITZY était bien ce que l’on prétendait et s’il pourrait bientôt réclamer la palme du premier commandant à l’avoir utilisé dans une bataille. Au mieux, cela pourrait lui rendre service dans le cadre d’une promotion, au pire, cela vaudrait bien quelques verres pour fêter ça lorsque le Santa Fe serait revenu au port.

— Les portes sont ouvertes, commandant, dit le maître principal, et tout est en ordre.

— On vous voit, dit Hanley à Adams, mais il faut atterrir immédiatement.

Adams faisait son approche sur la poupe de YOre-gon et s’alignait pour sa descente sur la plate-forme.

— D’ici deux minutes environ, dit Adams.

— Dans une minute trente, lui dit Hanley en regardant un chronomètre, vos instruments électroniques cesseront de fonctionner.

— Dégagez le pont, cria Adams. Je vais monter, puis éteindre le moteur et lancer l’autorotation.

— Passez l’extincteur sur les ponts, dit Hanley à l’interphone. Nous coupons le courant dans une minute.

On pourrait croire qu’un hélicoptère, privé de courant, tombe comme une pierre, mais en réalité, si le moteur du rotor est coupé, le pilote peut utiliser le vent de sa descente pour faire tourner les pales. Cette manœuvre d’autorotation nécessite beaucoup de doigté, mais elle a sauvé un certain nombre de vies au fil des ans. En général, le pilote dispose d’un champ ou d’une clairière suffisamment large ; faire une autorotation forcée sur une plate-forme à peine plus grande que l’hélicoptère exige des nerfs d’acier et une grande force de caractère. Adams utilisa ses soixante secondes pour prendre de l’altitude. Puis il s’aligna avec l’héliport. Lorsque sa montre le lui indiqua, il éteignit le régulateur et ramena la manette des gaz. La mise en roue libre de l’hélicoptère s’engagea et la transmission entre les rotors central et arrière s’interrompit.

Adams coupa le contact.

Soudain, l’absence de bruit du moteur produisit un calme étrange ; on n’entendait que le sifflement du vent qui balayait le fuselage et le son sorti des lèvres d’Adams qui sifflotait la chanson de Bobby Darrin, Mack the Knife. Le R-44 faisait une descente plus raide que d’habitude mais Adams contrôlait la situation. C’est seulement lorsqu’il vit toutes les lumières de L’Oregon s’éteindre et le bateau disparaître dans le brouillard qu’il changea d’avis.

— Premier lancement, déclara le maître principal. Deuxième lancement.

Les deux missiles de croisière avaient quitté leurs silos et s’élevèrent dans le ciel avant de replonger vers le niveau de l’eau. Programmés par un ordinateur sophistiqué, les missiles fondaient sur la corvette et la frégate chinoises à 450 kilomètres à l’heure. Lorsqu’ils furent assez près des deux bateaux, ils envoyèrent une explosion concentrée d’ondes magnétiques semblable à celle émise lors de l’explosion d’une bombe atomique.

Les circuits électroniques des deux bateaux furent coupés aussi proprement que si quelqu’un avait éteint un interrupteur. Les moteurs s’arrêtèrent et les voyants de la timonerie et des autres salles s’éteignirent. Les deux bateaux furent freinés par l’eau au moment même où une rafale de vent et de pluie balayait la surface.

— Yee-ha ! cria Adams quand le vent heurta de plein fouet le R-44.

Il se trouvait à vingt-cinq mètres derrière la poupe du bateau et à six mètres de hauteur lorsqu’il lança sa fusée. Tirant sur le manche cyclique, il releva le nez de l’appareil en utilisant le poids du rotor éteint pour diminuer la vitesse. Il était à un mètre vingt au-dessus de la plate-forme lorsqu’il cessa d’avancer et le Robin-son tomba sur le pont avec un bruit lourd. La mousse arrivait à mi-hauteur du fuselage et Adams serra le frein du rotor pour que les pales s’arrêtent. Puis il déverrouilla et poussa la porte avant de défaire son harnais.

Richard Truitt se fraya un chemin dans la mousse qui se dissolvait et s’approcha de la porte dès que le rotor se fut arrêté.

— Comment tu te sens ?

— Secoué, mais pas mort, dit Adams en souriant. Quelles sont les nouvelles ?

Au même moment, L’Oregon se remit en branle.

Truitt haussa les épaules.

— On est repartis.

— Grand large, nous voilà ! s’écria Adams en descendant du cockpit.

— Après avoir rempli ton ordre de réparation, il faudra que tu me rejoignes à la cafétéria, dit Truitt. Il y a des choses à organiser.

Les deux hommes sortirent de la surface pleine de mousse au moment où un matelot commençait à la nettoyer avec un jet d’eau de mer. Ils brossèrent les taches sur leurs pantalons en se dirigeant vers la porte qui menait à l’intérieur du bateau.

— Est-ce que je dois apporter quelque chose de particulier ? demanda Adams.

— Des graphes de performances de haute altitude, répondit Truitt.

Bouddha d'or
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