34

L’Oregon voguait vers le sud en restant sur la frange intérieure de l’orage. Il était six heures du matin et la cafétéria embaumait le bacon, l’œuf, la saucisse et les rouleaux à la cannelle. Cabrillo, attablé à côté de Julia Huxley, vit arriver Hanley, une tasse de café fumant à la main. Ils échangèrent un sourire.

— Eh bien, on peut dire que c’était excitant, dit Hanley.

— On ne s’ennuie jamais, ici, renchérit Cabrillo.

— Comment se portent Reinholt et Jones ? demanda Hanley à Huxley.

— Les blessures sont légères, répondit-elle. Jones a deux côtes fêlées ; je lui ai donné un analgésique et il se repose à l’infirmerie. Reinholt prétend qu’il va mieux, mais je lui ai demandé de se reposer dans sa cabine par précaution.

— As-tu vérifié les réparations du R-44 ? demanda Cabrillo.

— Oui, monsieur le président, répondit Hanley comme un serveur posait devant lui une assiette contenant un rouleau à la cannelle. Une bielle qui contrôle les mouvements du rotor a été pliée. On est en train de la remplacer et il devrait être prêt d’ici quelques heures.

— Parfait, dit Cabrillo. Dès que L’Oregon se rapprochera du continent, il faudra qu’Adams me dépose à un aéroport.

— Comme prévu, dit Hanley.

— Maintenant, il ne nous reste plus qu’à trouver le compartiment secret du Bouddha, dit Cabrillo, et à voir si le contenu est toujours intact.

Sung Rhee aperçut par la fenêtre les quatre hommes qui se dirigeaient vers son bureau. Ils n’avaient pas l’air commode et l’aide de camp ne se donna pas la peine de frapper avant d’ouvrir la porte en grand. Rhee se levait de son fauteuil lorsque l’aide de camp s’effaça pour laisser entrer l’amiral.

— Nous avons réussi à installer des airbags sous l’hydroptère pour le maintenir à flot en attendant les secours, déclara l’amiral sans préambule, mais mes hommes me disent que les réparations prendront près de six mois.

— Monsieur, tenta Rhee.

— Il suffit ! tonna l’amiral. J’ai un bateau hors d’état et nos uniques frégate et corvette sont hors d’usage, immobilisées au milieu de l’eau. Vous m’avez piégé – et vous paierez.

— Monsieur, implora Rhee, j’ignorais complètement… le navire en question ressemblait à un vieux cargo décrépit.

— C’était loin d’être un vieux cargo, déclara l’amiral sur un ton sans réplique. Il a tiré sur les flotteurs de notre hydroptère comme s’il s’agissait d’un simple exercice de routine. Quant aux deux autres bateaux, nous ne savons même pas ce qui leur est arrivé.

De l’autre côté du bureau, l’aide de camp de l’amiral chuchotait dans un téléphone satellite. Il passa la tête par la porte.

— Amiral, appela-t-il doucement. C’est Pékin pour vous.

Chuck « Tiny » Gunderson adressa un sourire à Rhonda Rosselli en produisant un bon au porteur.

— Bon, voici le marché, dit-il. Tracy, Judy et moi, nous avons besoin de faire une sortie anticipée en plein vol. Une fois que nous serons dehors, vous pourrez détacher les pilotes.

— Vous me laissez tomber ? demanda Rhonda sans détour. Et cette proposition de faire partie de votre équipe, c’était un mensonge aussi ?

Gunderson prit un épais cigare dans la poche de sa combinaison et le passa sous son nez, puis il détacha l’extrémité avec ses dents et l’alluma avec un gros briquet en or. Il tira plusieurs bouffées à la suite pour aviver la flamme.

— Je ne mens jamais à une jolie fille, dit-il en souriant, et j’ai toujours raison.

— Alors, quel est le contrat ?

Gunderson glissa le bon avec les autres dans une enveloppe plastifiée qu’il scella.

— Le bon que je vous ai montré sera expédié à votre domicile dès que j’aurai atteint le sol. C’est votre rétribution pour un travail bien exécuté.

— Que devrai-je dire quand nous atterrirons ? demanda Rosselli.

— Je vous conseille de tout dire, dit Gunderson, sauf pour le bon qui restera notre petit secret.

— Tout dire ? fit Rosselli, incrédule.

— Pourquoi pas ? demanda Gunderson. J’ai fait attention à ne rien révéler qui puisse incriminer mon organisation. Mon équipe se charge de prévenir l’ambassade américaine du pays où l’avion atterrira. Videz votre sac et ils vous laisseront partir dans quelques jours. Lorsque vous serez de retour en Californie, quelqu’un qui travaille avec moi prendra contact avec vous, le moment venu.

— Alors je ne vous reverrai pas ?

— On ne sait jamais, dit Gunderson au moment où arrivait la rousse Tracy Pilston.

— Notre point de chute n’est qu’à trois kilomètres, dit Pilston, et nous sommes toutes les deux prêtes à mettre les voiles.

— Vous avez amorcé la descente ? demanda Gunderson.

Pilston hocha la tête.

— Nous devons recevoir un signal qui nous permettra de chronométrer notre saut.

Gunderson sortit deux parachutes d’un placard où ils avaient été cachés par un membre de la Corporation lorsque le 737 se trouvait dans son hangar en Californie. Il aida Pilston à enfiler le sien, puis fit de même. Il sortit également des lunettes d’un sac et en tendit une paire à Pilston.

— Nous allons prévenir Judy, puis sortir par la queue.

— Allez à l’avant, dit Gunderson à Rosselli. Dites à Judy qu’il est l’heure et restez dans le cockpit.

— Est-ce que tout ne va pas être aspiré par l’arrière ? demanda Rosselli.

— La cabine n’est pas pressurisée, dit Gunderson, donc ce ne sera pas si terrible. Mais je vous déconseille de vous déplacer quand même. Restez dans le cockpit et dès que le minuteur se déclenche, détachez les pilotes.

— OK, dit Rosselli qui partit vers l’avant pour prévenir Judy Michaels.

— Compris, fit celle-ci.

Elle vérifia une dernière fois la vitesse, s’assura que le pilote automatique fonctionnait, puis elle appuya sur la manette qui ouvrait la porte de la queue de l’appareil. La porte commença à s’abaisser lentement et les alarmes du tableau de bord à sonner. Après avoir tourné le bouton d’un petit minuteur, Michaels passa devant Rosselli.

— Garde la porte fermée et quand ça sonnera, tu sais quoi faire.

Rosselli hocha la tête.

— Ravie de t’avoir rencontrée, dit Michaels en franchissant la porte.

Elle descendit le couloir en courant et s’arrêta pour que Gunderson jette un coup d’œil à son parachute. Plus la porte arrière se baissait, plus le vent s’engouffrait dans l’appareil. Les magazines voletaient et tout ce qui n’était pas attaché s’envolait. Gunderson regarda un kimono en soie se gonfler comme une voile et être aspiré par l’arrière. Puis le trio avança jusqu’à l’arrière, où les marches descendaient juste sous la queue du 737.

— Tu crois qu’ils vont faire quoi à Rhonda ? demanda Pilston.

— Ils ne peuvent pas faire grand-chose, dit Gunderson en ajustant ses lunettes et aidant Michaels à se mettre en position pour sauter.

— Je pense qu’elle en pince pour toi, dit Pilston en montant à côté de Michaels.

— Je suis la perfection au masculin, dit Gunderson.

À cet instant, son pager alphanumérique reçut le signal par satellite et se mit à vibrer. Gunderson prit une fille sous chaque bras, puis il courut jusqu’au bout de la rampe et lorsque la voie fut libre, il les poussa.

Le Kalia Challenger allait son petit bonhomme de chemin sur la mer de Chine méridionale lorsque le timonier remarqua que le ciel se dégageait enfin. Ce qui avait attiré son attention, c’était l’apparition soudaine de deux avions chinois anti-sous-marins ainsi que d’un hélicoptère de transport lourd à grand rayon d’action. Le Kalia Challenger, construit en 1962 pour l’United States Line, faisait partie d’une série de onze cargos express et après avoir été vendu à une compagnie grecque, il parcourait les océans avec un itinéraire régulier de l’Asie à la côte Ouest des États-Unis.

Long de plus de cent cinquante mètres et large de vingt et un mètres, le navire portait sur son pont des grues pour charger et décharger. Le bas de la coque était d’un rouge rouillé agrémenté d’une bande noire le long des plats-bords. Ce bateau avait mené une longue vie de labeur, dont les stigmates étaient visibles. Il fonctionnait encore bien malgré son âge, mais il avait un défaut : de loin, pour un observateur non averti, il ressemblait à L’Oregon.

Il se trouvait dans les eaux internationales lorsque l’avion lança sa première grenade sous-marine, qui atterrit à cent mètres devant la proue et explosa avec une cascade d’eau qui fut projetée à vingt-cinq mètres de hauteur.

— Mettez en panne ! cria le capitaine.

L’alerte atteignit la salle des machines et le Kalia Challenger ralentit puis s’arrêta au milieu de l’eau.

Il s’écoula une heure avant qu’une patrouille chinoise débarque sur le pont.

Cet arrêt illégal ne fut jamais expliqué.

Bouddha d'or
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