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L’Oregon arrivait dans le golfe du Bengale pour préparer l’exfiltration de l’équipe. La rumeur des combats de rue à Lhassa avait atteint les médias. Des équipes de télévision et de radio, des journalistes de quotidiens ou de magazines s’apprêtaient à entrer dans le pays. Pour maintenir un voile sur les activités de la Corporation et lui permettre de continuer ses missions, il fallait s’éloigner du Tibet avant l’apparition des journalistes.

Jusque-là, tout s’était déroulé comme du papier à musique, mais il demeurait une grande inconnue.

Le stratagème des Russes avait permis de contenir l’armée chinoise au nord mais le risque venait à présent de l’aviation. Si Pékin ordonnait à des escadrons de bombardiers et d’avions de chasse d’attaquer le pays, les résultats seraient catastrophiques. Les Dungkar ne disposaient que de moyens limités pour lutter contre une attaque aérienne. Un bombardement systématique de Lhassa occasionnerait d’effroyables pertes humaines.

Le seul espoir résidait en une couverture médiatique de la situation.

Si le monde apprenait par la télévision que les Tibétains avaient rejeté le joug de leurs oppresseurs grâce à leurs seules forces et que le contrôle du Tibet se trouvait entre les mains du peuple et de son guide spirituel le dalaï-lama, alors un bombardement chinois serait considéré comme un acte de brutalité insensée. La condamnation qui s’ensuivrait serait un fardeau dont même la Chine ne pouvait s’encombrer.

Hanley appela le Bhoutan pour ordonner au C-130 de se préparer à évacuer son équipe.

— Grimpeur Un à Sauveteur, fit Murphy.

Gurt manœuvrait le Bell 212 au-dessus d’une vallée barrée des deux côtés par des pics déchiquetés. À quelques kilomètres, on voyait l’hélicoptère de secours, posé au sol. Tandis que Murphy regardait dans ses jumelles, leurs pales se mirent à tourner en prenant de la vitesse jusqu’à ce qu’on ne distingue plus qu’un mouvement flou.

— Sauveteur Un, croassa la radio. On vous voit à l’œil nu et on s’apprête à vous suivre.

Murphy regarda l’hélicoptère décoller presque à la verticale puis commencer à avancer. Lorsqu’ils le dépassèrent, Murphy tourna la tête vers l’arrière et confirma qu’ils étaient derrière eux, légèrement sur le côté.

— Comment tu te sens ? demanda-t-il à Gurt.

— J’ai l’impression de m’être pris un coup de pied dans l’épaule, répondit-il, mais dans l’ensemble, ça va pas mal.

— J’aimerais bien savoir ce que Gampo t’a donné, dit Murphy.

— Une vieille potion tibétaine, répliqua Gurt en surveillant les compteurs. J’espère seulement que ça va durer.

— J’ai parlé à L’Oregon, déclara Murphy, et un des pilotes remplaçants va te ramener au Bhoutan.

— Quelle aventure, fit Gurt en soupirant. J’ai cru que j’étais foutu.

— Moi aussi mon vieux, dit doucement Murphy. Moi aussi.

Pour les Chinois, la bataille de Lhassa était loin d’être terminée. Ils avaient perdu l’initiative lorsque King avait interrompu l’avancée des véhicules blindés. À ce moment-là, les Dungkar avaient été pris d’une rage qui ne connaissait plus de limites.

Coordonnées par le général Rimpoche, des équipes s’étaient déployées à travers Lhassa, enfermant les soldats chinois dans leurs casernes ou dans d’autres lieux. La bataille pour le parc automobile de l’armée fut sanglante, mais au bout de quarante minutes de combat farouche, les Dungkar en avaient pris le contrôle.

— C’est toute la peinture rouge que j’ai pu trouver, annonça un soldat Dungkar en se garant à l’intérieur de l’enceinte du parc.

Le général Rimpoche était assis sur le siège passager d’une jeep chinoise, un bandage sanglant enroulé autour de la jambe. Il avait été touché par l’éclat d’une grenade à fragmentation alors qu’il menait le dernier assaut.

— Marquez les cars blindés et les trois chars qui restent du symbole du dalaï-lama, ordonna-t-il, pris d’une quinte de toux ; puis prévenez les nôtres que ces véhicules sont sous notre contrôle.

L’homme s’éloigna à toutes jambes pour exécuter cet ordre tandis que l’aide de camp du général approchait.

— J’ai trouvé une douzaine d’hommes qui ont au moins des notions de conduite, dit-il. Les véhicules pourront sortir dans la rue dès qu’ils auront été peints.

— Parfait, répondit Rimpoche. Nous devons montrer que nous contrôlons la situation.

À ce moment-là, il entendit un hélicoptère qui venait de Gonggar et le regarda se diriger vers le Potala.

L’inspecteur Po et ses coéquipiers tibétains venaient d’échapper à une meute de Tibétains qui voulaient les capturer. Ils se trouvaient à présent dans les faubourgs est de Lhassa, et Po en venait peu à peu à considérer que sa mission était un échec. Soit il n’y avait personne ici répondant à la description de ceux qu’il cherchait, soit les Tibétains que ses hommes et lui avaient interrogés leur avaient menti. Mais la situation était plus complexe ; lors de la dernière demi-heure, Po avait senti le vent tourner.

De plus en plus il avait l’impression d’être la proie et non plus le chasseur.

Son dernier appel au bureau de police n’avait pas obtenu de réponse et il se demandait si son imagination lui jouait des tours ou bien si les Tibétains qui devaient l’aider commençaient à le regarder différemment.

Un hélicoptère passa au-dessus de lui et ralentit pour se poser sur l’étendue plane en dessous du Potala.

— Arrêtez la camionnette, ordonna Po.

Le conducteur ralentit et s’arrêta. L’hélicoptère ne se trouvait qu’à deux cents mètres et ses patins venaient de toucher le sol. Armé de ses jumelles, Po attendit que la poussière soulevée par les pales soit retombée et que les passagers soient descendus. Le chef du groupe portait un casque et il indiquait un point aux hommes qui venaient de descendre. Po le vit alors prendre un téléphone attaché à sa ceinture et ôter son casque pour écouter.

Po observa à travers ses jumelles : l’homme avait une coupe en brosse, mais son visage lui était famillier. Po continua à regarder.

— Tu es sûr, Max ? demanda Cabrillo.

— Je viens d’obtenir confirmation, répondit Hanley, à mille cinq cents kilomètres de là.

— Parfait, j’y vais, dit Cabrillo.

— La presse va arriver, dit Hanley, et le dalaï-lama a déjà quitté l’Inde. Il devrait atteindre Lhassa, comme les journalistes, d’ici une heure. Il vous faut quitter les lieux de toute urgence. J’ai détaché le C-130 qui vient de Thimbu, et Seng est en train de rassembler tout le monde. Débarrasse-toi vite de ce truc et tire-toi de là.

— Tout ce que j’ai à dire, c’est que tu as intérêt à avoir de la bonne bière à bord de cet avion.

Le sourire, ce sourire, c’était le même que celui de l’homme sur la vidéo. Po rangea les jumelles dans leur étui et se tourna vers le conducteur.

— À Potala.

— Transportez le chargement jusqu’à ce niveau et déposez-le là, dit Cabrillo en montrant du doigt la partie centrale du palais, blanche et nue, puis commencez à chercher. Je vous retrouverai dans la cour contiguë à la partie haute.

Le Dungkar responsable de la logistique hocha la tête.

— Moi je vais passer par l’escalier et fouiller les niveaux bas, dit Cabrillo en sortant de l’hélicoptère une petite bouteille à oxygène qu’il attacha sur son dos. Il plaça l’embout sous son nez, ouvrit la bouteille et monta l’escalier.

Quelques instants plus tard, l’hélicoptère décollait de la plaine puis déposait les Dungkar et leur chargement. Quatre minutes après, la camionnette qui transportait Po et les policiers tibétains s’arrêtait au bas des escaliers. Po dégaina son pistolet et, suivi des autres, il gravit les marches. Cabrillo disparut de sa vue derrière le premier bâtiment en bordure des escaliers.

L’hélicoptère, une fois vide, se posa sur la plaine près de la camionnette. Le pilote, remarquant le véhicule, appela L’Oregon par radio.

— Elle porte le sigle de la police tibétaine, déclara-t-il.

— Je préviens Cabrillo, répliqua Hanley, mais à votre place je ne m’inquiéterais pas pour ça. Nous avons des retours radar sporadiques ici. Il faut encore que nous déterminions la source. Regardez le ciel.

Bouddha d'or
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