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À Pékin, on commençait à recevoir des informations sur les événements au Tibet et une réunion d’urgence fut organisée.
Le président Jintao alla droit au but.
— Quelles sont vos opinions ? demanda-t-il.
— Nous pourrions envoyer des avions bombarder Lhassa, proposa le chef de l’aviation. Puis rassembler des parachutistes en vue d’un assaut ultérieur.
— Cela nous rendrait vulnérables sur le front mongol, fit remarquer Jintao. Quelles sont les dernières nouvelles sur les mouvements des Russes ?
Le chef du renseignement chinois était un homme de petite taille et d’une forte corpulence. Il ajusta ses lunettes avant de prendre la parole.
— Les forces russes sont actuellement assez nombreuses pour repousser et contourner les troupes qui sont en train de descendre la passe jusqu’à la province de Qinghai. S’ils engageaient en plus un soutien aérien, nous pourrions perdre les deux provinces de Qinghai et de Xinjiang, c’est-à-dire presque toute la façade ouest.
— Cela leur donnerait le contrôle de nos installations nucléaires de Lop Nur, ainsi que d’une bonne partie de notre programme spatial, déclara Jintao avec inquiétude.
— J’en ai bien peur, monsieur le Président.
— Bon, commença Jintao lorsque son assistant particulier déboula dans la pièce et lui chuchota quelque chose à l’oreille.
— Messieurs, déclara le Président, poursuivez la discussion, j’ai un rendez-vous urgent. L’ambassadeur de Russie insiste pour me parler, et il est arrivé plus tôt que prévu.
L’ambassadeur attendait dans un autre bureau et se leva à l’entrée de Jintao.
— Monsieur le Président, dit-il avec une respectueuse affabilité. Je vous présente mes excuses pour ce changement dans l’heure de notre rendez-vous, mais le président de mon pays a insisté pour que je vous voie immédiatement.
— Venez-vous m’apporter une déclaration de guerre ? demanda Jintao sans détour, tout en indiquant à l’ambassadeur un canapé près de la fenêtre qui donnait sur les jardins.
Le Russe s’assit à l’extrémité gauche du canapé et Jintao à droite.
— Non, monsieur le Président, répondit le Russe en tirant sur ses jambes de pantalon. Je viens avec une offre commerciale qui pourrait mettre fin à la tension entre nos deux pays tout en restaurant la solidité de votre économie.
Jintao regarda sa montre avant de répondre.
— Vous avez cinq minutes, dit-il.
Le Russe n’en eut besoin que de quatre pour tout expliquer.
— Ainsi vous êtes convaincus de pouvoir tirer les ficelles d’un vote du Conseil de sécurité de l’ONU ? demanda Jintao lorsque l’ambassadeur eut terminé.
— En effet.
— Et qu’obtiendrions-nous si nous acceptions de voter pour la résolution ? demanda Jintao. Si la Chine votait pour la résolution ?
L’ambassadeur russe sourit.
— La paix dans le monde ?
— Je pensais à une part plus importante du gisement.
Deux minutes plus tard, le Russe faisait une offre.
— Monsieur le Président, si vous me permettez de passer un coup de téléphone…
— Dites-leur que je veux un arrêt immédiat de la colonne de blindés, dit Jintao, et une confirmation par reconnaissance satellite.
Huit minutes après, les nouveaux pourcentages étaient confirmés et la colonne de chars russe s’arrêtait. Les négociations allaient se poursuivre jusqu’à la réunion du Conseil de sécurité.
À l’instant où l’ambassadeur de Russie appelait Moscou, le C-130 qui transportait les membres de la Corporation passait au-dessus de la frontière indienne. Ils croisèrent sur leur droite l’avion qui ramenait le dalaï-lama chez lui. Le pilote du jet agita les ailes de son avion et celui du C-130 lui rendit la pareille.
Moins d’une heure après, l’équipe arrivait à Calcutta où elle retrouvait l’hydravion de la Corporation. Quelques minutes après l’atterrissage, ils étaient tous à bord et se dirigeaient vers le navire.
Au soir du 31 mars, L’Oregon filait vers le sud dans le golfe du Bengale.
Sur le pont, Hanley et Cabrillo regardaient le coucher de soleil.
— J’ai eu un coup de fil d’Overholt après votre départ de Calcutta, dit Hanley.
— Comme d’habitude, je suppose, fit Cabrillo. Bravo, bon travail, vous recevrez votre chèque.
— En effet, ainsi qu’un virement que Halpert a déjà confirmé.
— Et puis ? demanda Cabrillo.
— Il a un autre boulot pour nous, dit Hanley.
— Où ?
— Au pays du soleil de minuit, monsieur le président. Dans le cercle arctique.
Cabrillo huma l’air marin, puis se dirigea vers l’écoutille pour rentrer.
— Si tu m’expliquais ça devant un dîner ?
— Pourquoi pas un apéro d’abord ? proposa Hanley. Je n’ai pas bu un cocktail depuis Cuba.
— Cuba, soupira Cabrillo. J’ai l’impression que ça fait une éternité.