CHAPITRE VIII

Les huit délégués, quatre de chaque camp, étaient assis face à face, les pêcheurs d'un côté, les paysans de l'autre.

Une barque était accostée, à quelques mètres, sur la longue bande de terre dénudée avançant dans le lac. L'endroit avait été choisi parce qu'un piège ne pouvait y être tendu. On verrait arriver des barques et l'absence de végétation interdisait une approche par la rive.

Le silence s'appesantit encore. Les huit hommes se regardaient avec colère.

Lid parcourut les visages contractés, 'se demandant si l'un des hommes n'avait pas apporté une arme. Il avait revêtu ses vêtements de chasse pour montrer ostensiblement qu'il voulait rester étranger. Personne ne lui avait reproché de porter ses armes. La sagaie à la main, le javelot dans le dos, il était immobile, surveillant les mains.

  • Les pêcheurs ont toujours vécu du travail des hommes-de-la-rive, dit soudain un paysan au front têtu.

En face un pêcheur réagit.

  • On vous a donné du poisson ! On a tout acheté, tout ce qui vient de la rive a été payé en poissons.

Jamais vous n'avez fait de cadeau... Et souvent vous avez profité de ce que le poisson était rare pour exiger davantage. Des journées de travail à couper du bois pour vous, en hiver. Les paysans ont abusé de nous !

Lid réprima difficilement un geste d'agacement. Ça durait comme ça depuis plusieurs heures. Tantôt les pêcheurs reprochaient aux paysans leur richesse, tantôt ceux-ci traitaient les pêcheurs de parasites...

Le paysan qui avait parlé se leva brusquement, menaçant. Aussitôt Lid fit un pas en avant.

  • Cette entrevue est celle de la paix, pas de la guerre, dit-il sèchement, en faisant sauter légèrement la sagaie dans la main. Assieds-toi.

L'autre ne répondit pas, mais jeta un long regard au jeune homme avant de s'installer de nouveau près des autres paysans. Lid recula pour montrer que Son intervention était terminée et que le débat pouvait reprendre.

Le débat... Il ne sortait rien de cette entrevue. Elle arrivait trop tard. Ou trop tôt, peut-être ? Quand il y aurait des dizaines de morts, les survivants parleraient peut-être... Quoique... non pas avec la haine latente que l'on sentait.

Lid se sentit découragé et eut envie de tourner les talons et de partir. Il fit un effort pour revenir au débat.

  • ... nos morts ? Jamais nous l'oublierons, criait furieusement un pêcheur. Si vous voulez absolument la paix, vous devrez nous livrer les coupables et payer les familles.

  • C'est vous qui voulez la paix, riposta un vieux paysan aux cheveux gris. C'est à vous de payer pour nos morts. Vous devrez désigner deux hommes par famille où il y a eu un mort. Ils travailleront le reste de leur vie pour racheter vos fautes ! Quoi ?

Les pêcheurs avaient sursauté.

  • Il faudra d'abord accepter ça pour qu'on accepte de discuter des réparations, reprit encore plus fort le paysan. Sinon chaque barque qui accostera sera brûlée !

Les quatre pêcheurs se levèrent ensemble, serrant les poings.

  • Touchez à une seule de nos barques et vous serez tous massacrés, hurla l'un d'eux.

Rapidement Lid se glissa entre les deux groupes, levant haut sa sagaie, les bras en l'air.

  • Silence... silence tous !

Ils se turent l'un après l'autre.

  • On ne peut discuter avec colère, dit-il. Vous avez vidé vos cœurs. Vous savez maintenant ce que chacun reproche à l'autre. Vous pouvez mesurer l'effort à accomplir pour trouver un accord. Laissez la colère s'apaiser. Rentrer dans vos villages, calmez-vous. Vous vous retrouverez ici dans deux jours, à l'aube.

Des yeux il parcourut les rangs, ne rencontrant que des regards haineux, des mouvements nerveux. Mais les deux délégations firent lentement demi-tour en se surveillant attentivement.

Bientôt il fut seul et s'assit. Longtemps il resta ainsi, les yeux perdus sur le lac. Le soir venait et les rayons de soleil adoucissaient le paysage. La lumière devenait plus orange. On ne distinguait pas l'autre rive, perdue dans un halo rose-orange.

Plus tard, il pénétra dans le village-de-la-rive et se dirigea vers la maison de Masopo. Il y avait du monde, devant la porte. Une dizaine d'hommes qui faisaient face au vieil homme et à Kilt.

C'est la jeune fille qui parlait. Les yeux brillants,

les joues rouges de colère, elle se redressait comme un jeune animal belliqueux, magnifique.

  • ... Jamais je ne vous le permettrai, criait-elle. Si l'un de vous, si quelqu'un du village menace Lid, si on le touche, je ne chercherai pas à savoir de qui il s'agit, je mettrai le feu aux champs ! Et si ça ne suffit pas, je mettrai aussi le feu au village...

Elle reprit son souffle avant de continuer.

  • Vous n'avez pas plus de raison qu'un kraal. Lid vous a expliqué ce qui arriverait si la guerre s'installe, ça ne vous suffit pas ? Est-ce que vous êtes incapables de trouver un arrangement ? Les pêcheurs ont tort, mais la guerre n'arrangera rien... Et si vous voulez y mêler Lid, vous me trouverez en face de vous ! Je suis une paysanne, moi, ne l'oubliez pas. Je sais comment faire brûler un champ, comment détruire une récolte...

  • Tu ne feras pas ça, gronda un homme. Tu n'as pas le droit. Ce serait trahir le village !

  • Et toi ! As-tu le droit de mêler Lid a nos histoires ? Il veut la paix, lui.

  • Masopo, cria un autre, explique-lui, toi, qu'on a besoin de Lid, de sa science du combat.

Le vieil homme secoua sa tête blanche.

  • Vous me connaissez tous. Depuis plus de quarante années je n'ai jamais changé d'avis. Il ne faut pas se battre. C'est la loi qu'avaient découverte les Ancêtres. Comment pouvez-vous aujourd'hui me demander d'intervenir pour faciliter une guerre ? Kil a raison et je la soutiens. Jamais nous ne demanderons à Lid de combattre. Bien plus... s'il avait l'intention de se ranger de notre côté à cause de Kil, par exemple, je lui dirais de ne pas le faire !... Maintenant allez-vous-en.

Lid n'avait pas fait un pas, restant dans l'ombre des barrières des enclos. Il regardait Kil, sentant en lui monter une immense admiration pour la force de la jeune fille qui tenait tête à la foule sans hésiter, qui bravait ses amis.

Jamais il n'avait ressenti un sentiment pareil. Mais jamais il n'avait rencontré une femme comme elle. Aussi belle et aussi droite. Véritable pétusse femelle pour défendre les siens ! Rien et personne ne la ferait changer, il le savait, et se sentait fier d'inspirer une telle honnêteté.

Et comme elle était belle aussi... Il la regarda surveiller la foule qui se dispersait. Provocante, impériale !

Quand tout fut calme, plus tard, il pénétra dans la maison. Masopo, Kil et sa mère étaient en train de manger, les enfants devaient être couchés.

La mère de Kil sourit en le voyant entrer et une fois de plus il eut l'impression de voir Kil dans vingt ans. La chaleur du visage, la générosité du regard et ce charme infini qu'on retrouvait chez l'une et l'autre.

Lid sourit à son tour et vint s'installer à la table, naturellement, choisissant une place en face de Kil pour mieux la voir.

  • Tu étais là, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle, grave.

  • Oui, fit-il, étonné. Tu m'avais vu ?

Elle secoua la tête faisant voler doucement ses longs cheveux noirs.

  • Non, mais je le sentais. Je regrette de m'être mise en colère.

  • Elle ne t'a pas fait peur, jeune Lid ? dit Masopo avec un léger sourire. Une vraie peska... Si j'étais un jeune homme, j'aurais des inquiétudes. Je réfléchirais longuement.

  • Grand-père ! lâcha Kil d'une voix furieuse. Est-ce que tu veux vraiment me faire du tort ?

Lid retrouva l'atmosphère de son arrivée dans cette maison, l'ironie de Masopo, les réactions de la jeune fille et le sourire attendri de sa mère les regardant se chamailler.

Il eut envie d'entrer dans le jeu à son tour.

  • Mais je réfléchis, vieil homme, je réfléchis. Je cherche désespérément un moyen de m'en tirer, dit-il d'un ton accablé. Devant une pareille femme, qui résisterait ?

Kil tourna de son côté un visage stupéfait, parfaite image de celui de Masopo... C'est l'immense éclat de rire de la mère de Kil qui les tira de leur ahurissement.

  • Alors, toi aussi ? fit Kil.

  • Nous avons de belles soirées en perspective, dit joyeusement la mère de la jeune fille en se levant pour aller chercher une écuelle de terre et la placer devant Lid. Voilà qu'un troisième personnage se joint à vos disputes.

Lid perdit son sourire en voyant le visage de Kil se crisper. Il tendit doucement la main et la posa sur celle de la jeune fille.

  • Kil... je plaisantais. Tu n'as pas compris ? Elle secoua la tête.

  • Quand grand-père plaisante, quand il se moque, je le sais tout de suite... mais toi ! Je crois tes paroles et... j'ai peur.

  • Il n'y a qu'une personne au monde dont tu n'auras jamais à avoir peur, Kil, c'est moi.

Lid avait prononcé ces mots d'un ton si grave que le silence s'appesantit dans la pièce.

  • Jeune Lid, fit enfin Masopo solennel, j'avais de l'amitié pour toi, mais si tu sais te moquer, toi aussi, alors je crois que je vais t'aimer. Et tu en as besoin... comme nous tous d'ailleurs.

Ce rappel brutal fit disparaître les sourires.

  • Crois-tu que les hommes du village auront assez de sagesse pour faire taire la colère ? demanda le jeune homme.

Masopo fit la moue.

  • Tu les as entendus tout à l'heure. Je suis inquiet pour l'avenir, jeune Lid. Mais toi, tu dois rester en dehors de tout cela.

  • Si je le peux, murmura le jeune homme, soucieux. A me dresser entre les camps je risque d'être rejeté par les deux.

Il se redressa.

  • Je dois partir, maintenant. Je veux savoir ce qui se passe au village-de-l'eau. S'il se produisait quelque chose, peux-tu m'envoyer un messager, Masopo ? Qu'il aborde prudemment au ponton de mon ami Vaï. Ce serait mieux s'il s'agissait d'un enfant. Il ne risquerait rien.

* *

En abordant avec le canot qu'il avait caché, celui dont il s'était servi pour ramener les deux corps, Lid utilisa sa vitesse pour venir mourir sans bruit contre un grand poteau, sous la hutte de Vaï, Puis il se glissa silencieusement à l'intérieur, de la maison se souvenant avec tristesse de l'époque où il venait sans se cacher.

La famille était réunie, à part les jeunes enfants déjà couchés. Vaï lui fit un signe amical de la main.

  • J'espérais bien que tu viendrais, dit-il.

  • Les délégués ont dit ce qui s'était passé ? demanda Lid.

Val hocha la tête en silence.

  • Les paysans ont encore menacé, lâcha l'aîné des fils.

Lid nota que la voix du garçon n'était plus haineuse, mais plutôt indécise.

  • Les paysans aussi, rectifia Lid. Vos délégués ont réclamé qu'on leur livre les coupables des meurtres. On imaginait très bien ce qu'ils voulaient leur faire... Ce n'est pas avec des demandes comme ça qu'on négocie la paix. D'ailleurs y aura-t-il jamais une paix ? Même si les choses s'arrangent, jamais la vie ne sera comme avant, ici.

  • Tu crois qu'on ne sera plus amis ? Interrogea Nekam, le fils cadet.

  • Il s'est passé trop de choses, garçon répliqua doucement Lid. Personne n'oubliera jamais complètement. Un jour de mauvaise humeur les reproches viendront aux lèvres. Mais si les événements se passent ainsi, ce sera encore beaucoup de chance. On en est loin. Que dit-on dans le village, Vaï ?

Le grand pêcheur haussa les épaules, désabusé.

  • Je ne reconnais pas mes amis, dit-il. J'ai l'impression qu'il y a encore plus de colère ce soir.

  • Les délégués iront-ils à la prochaine entrevue ?

  • On en est encore loin... Pour l'instant je pense qu'ils préparent plutôt la guerre. On me tient à l'écart, désormais...

  • Je regrette, dit Lid sincèrement. Tout est probablement de ma faute.

  • Il y a des choses que je me reproche, retourna Vaï, mais pas celle-là. Tu es mon ami, si je n'avais pris ton parti j'aurais eu honte de moi !

  • Les hommes vont-ils à la pêche ? demanda le jeune homme en changeant de sujet.

  • Aujourd'hui seules deux barques sont allées sur le lac. Et ce soir je n'ai vu personne partir déposer les pièges.

  • Sais-tu pourquoi ?

  • Non, justement... Je n'aime pas ça. Ils doivent être réunis, mais on ne m'a pas prévenu. Pourtant, si les paysans attaquent, je devrai me battre, comme eux.

Dans le silence revenu, ils entendirent un grattement à la porte. Le jeune fils de Vaï se leva et alla ouvrir. Il se trouva en face d'un jeune paysan, âgé de guère plus de treize ans, qui recula soudain, effrayé.

Le fils de Vaï le prit par la main et l'attira à l'intérieur rapidement avant de refermer.

  • Tu est fou de venir ici, Lepur, dit-il.

  • Vous vous connaissez ? demanda Lid.

  • Bien sûr, c'est le frère de mon ami Safri, répliqua le fils de Vaï. Il nous accompagnait toujours quand on allait se baigner dans la petite crique aux lors. Il en pêchait avec nous.

Lid s'approcha du jeune garçon qui commençait à se rassurer un peu, et posa la main sur son épaule.

  • C'est moi que tu viens voir, petit ?

  • Oui. J'ai... j'ai un message pour toi.

  • De Masopo ?

Le gosse hocha la tête et un sale pressentiment crispa le ventre de Lid.

  • Parle.

Le gosse regarda autour de lui, indécis.

  • Tu peux parler devant eux, dit Lid nerveusement, ce sont mes amis.

  • Voilà... Des hommes sont venus voir Masopo pour lui parler. Et pendant ce temps d'autres sont entrés dans la maison et ont emmené Kil.

Un bourdonnement secoua la tête de Lid. Il avait l'impression de reprendre connaissance après avoir été assommé, ne comprenant pas encore ce qui se passait autour de lui. Son sang cognait dans son crâne, l'empêchant de réfléchir. Il monta une main à son front et se frotta le visage.

  • Masopo m'a dit de venir te prévenir, continuait l'enfant. Un homme lui a donné un message pour toi. Il disait que si tu ne revenais pas pour combattre avec nous, tu ne reverrais jamais Kil.

  • Non ! Ce n'est pas possible...

Vaï s'était redressé.

  • Ils n'oseraient pas, hein, Lid ? Elle est de leur village, ils n'oseraient pas.

  • Si, c'est vrai, dit Lid d'une voix blanche. Tout à l'heure elle les a défiés. Ils en sont capables.

  • Alors... alors tu vas...

  • Qu'a dit Masopo, petit ? Qu'a-t-il dit d'autre ?

  • Juste ça. Il a rien ajouté.

Bien sûr, il ne pouvait rien dire. Il laissait Lid agir selon sa conscience, ne s'accordant -pas le droit de l'influencer. S'agissant de sa petite-fille préférée, c'était une belle preuve d'honneur.

  • C'est bien, petit, va-t-en maintenant et sois prudent. Dis à Masopo que tu m'as vu et que je réfléchis. Dis-lui ça.

Le cadet de Vaï emmena le garçon vers l'arrière de la hutte pour le faire sortir discrètement.

Lid s'était rassis. Il voulait réfléchir, ne pas se lancer dans l'action sans avoir prévu ses gestes. Les autres avaient de l'avance sur lui. Vaï approcha.

  • Tu n'a qu'à demander, Lid. Je ferai ce que tu voudras. Tu peux compter sur moi.

  • Je sais, Vai.. je sais.

Il fallait d'abord chercher qui avait enlevé Kil. Quelqu'un avait sûrement vu les hommes. La mère de la jeune fille peut être ? Avec des noms, il serait possible d'agir. Sauf si tout le village était complice...

On avait dû emmener la jeune fille assez loin du village. Donc les hommes étaient revenus, ou plutôt n'étaient probablement pas encore rentrés. Leur retour serait révélateur... Seulement, en attaquant, il serait considéré comme l'ennemi par les paysans !

Quoique ça, c'était déjà fait. Pour qu'ils en arrivent à enlever Kil afin de le forcer à combattre pour eux, il fallait bien qu'on ne le considère pas comme un allié naturel.

Il se tourna vers Vaï, au bout d'un long moment.

Je vais au village-de-la-rive, dit-il. Je rechercherai qui a emmené Kil et j'irai la délivrer. Si on m'en empêche, je n'hésiterai pas à me battre. Mais, pour l'instant au moins, je dois être seul, sinon les paysans penseront que je suis du côté des pêcheurs. Mais plus tard je ne pourrai pas rester au village...

  • Tu pourras prendre la barque quand tu voudras, dit Vaï simplement.

Lid apprécia l'offre de son ami qui abandonnait son bien le plus précieux. Se mettant debout, il ramassa sa sagaie et se dirigea vers la porte pour se glisser dehors.

Dehors tout était calme. Il avança vers le bord du ponton, se baissant pour repérer le canot.

Un choc terrible lui ébranla la nuque, il se sentit tomber en avant...

***

Une douleur atroce lui foudroya le crâne quand Lid voulu se redresser.

Que se passait-il ? Il porta la main à son front, écrasé par la souffrance. Quelque chose lui meurtrissait les reins. Il y porta la main et perdit de nouveau conscience...

**

La fois suivante, il trouva la force de se relever, découvrant qu'il reposait sur un plancher de bois. Une cruche d'eau était posée près de lui. Il but abondamment et se rallongea pour laisser la douleur de sa tête se calmer. Puis il se rendormit.

***

Il souffrait toujours, en revenant à la vie pour la troisième fois, mais la douleur était maintenant supportable. Elle revint en force quand il essaya de se mettre debout. Il attendit quelques instants qu'elle se calme et entreprit de regarder autour de lui.

Visiblement il était toujours au village-de-l'eau... Kil ! Il venait soudain de se rappeler... Aussitôt l'angoisse le saisit. Depuis combien de temps était-il enfermé ici ? Un peu de lumière passait à la limite entre le toit et les parois. Il devait faire jour ! Et ce mal de tête qui l'empêchait de réfléchir.

Il se rassit, les jambes croisées, et se prit le crâne à deux mains, s'efforçant de faire le vide dans son esprit, comme on le lui avait appris, autrefois, dans la tribu.

Peu à peu la douleur s'estompa. Il but longuement à la cruche, cherchant si de la nourriture avait été déposée. Non, il n'y avait rien... Il fut tenté de crier pour faire venir quelqu'un et porta vivement la main à sa ceinture, se souvenant seulement maintenant de ses armes !

Plus rien. Evidemment mais... le petit couteau ? Celui qu'il avait pris au grand guerrier, autrefois. II l'avait toujours glissé le long de son mollet, sous les lanières ! Il ne s'en servait jamais, le gardant en secours...

Il était toujours là ! Ils ne l'avaient pas trouvé. Pas de raison qu'ils l'aient cherché puisque personne ne l'avait jamais vu. Voilà enfin une bonne nouvelle. Il défit la lanière de sa jambe droite et sortit la lame, se sentant mieux quand il soupesa le manche au creux de la main. Avec ça il pourrait se défendre. Et même attaquer le premier qui entrerait dans la pièce.

Mais pourquoi cette agression ? Il cherchait à comprendre ce qui s'était passé. Et Kil, toujours prisonnière... La rage montait en lui d'être immobilisé alors qu'elle était peut-être en danger. Si les paysans avaient décidé de se servir d'elle comme appât, ils ne devaient plus avoir d'amitié pour elle ! La considérer presque comme une ennemie.

Et comme elle n'était pas fille à se laisser faire... Si quelqu'un l'avait touchée, il...

Un voile rouge passa devant ses yeux tant la colère le faisait bouillir. Il se sentait devenir une bête fauve acculée ! Il fallait qu'il s'échappe. Au moins tenter quelque chose. Encore qu'il ne pourrait pas pénétrer dans le village-de-la-rive en plein jour. Surtout sans arme. Il fallait voir Masopo. Il n'était certainement pas resté inactif.

Il ne devait pas non plus compter s'échapper de jour, mais attendre la nuit.

Marchant autour de la pièce, pour examiner tant bien que mal les parois, il s'aperçut qu'il avait faim, et même grand-faim. Il tendit l'oreille un long moment pour essayer de se repérer, deviner de quel côté il devrait commencer à entamer la paroi avec le couteau pour se faire un passage.

Et Vaï ? Que lui avaient-ils fait ? On avait dû le capturer, lui aussi, sinon il aurait déjà délivré Lid. Il fallait se reposer, prendre des forces pour ce soir. Il s'allongea.

La lumière ne pénétrait presque plus dans la pièce quand il entendit des bruits à la porte de bois épais. Son premier geste fut de sortir le couteau mais il se reprit et le glissa dans sa manche gauche, le manche vers le bas.

La porte s'ouvrit brutalement.

  • Montre-toi, Lid, lança quelqu'un.

Le jeune homme reconnut la voix de Fijas. Celui-là serait le premier à mourir !

Un bruit de conversation... Ils étaient plusieurs ! Ça changeait tout. Impossible d'attaquer sans savoir exactement à qui il avait à faire. Il se leva et vint se placer dans la clarté, clignant des yeux. Le soleil n'était pas encore couché.

  • Pourquoi m'avez-vous attaqué ? demanda-t-il en essayant de contrôler sa voix.

  • Reste où tu es maintenant... Reste, je te dis !

Une silhouette se découpa. Lid reconnut immédiatement sa sagaie dans la main de l'homme, et eut un mouvement de colère auquel l'autre réagit immédiatement en levant l'arme.

Ne bouge pas !

Une seconde silhouette se dévoila et la voix de Fijas s'éleva.

  • Je n'aurais pas de regret à te tuer, alors reste immobile.

  • Que veux-tu ?

  • Ton aide. On veut que tu te battes avec nous.

  • Je vous ai déjà dit que votre histoire ne me concerne pas.

  • Je me doutais bien que tu répondrais ça, fit Fijas avec un rire désagréable. On va quand même essayer de te convaincre !... De toute façon on a tes armes et c'est déjà un avantage sur les paysans. Pour toi... tu vas rester comme ça, sans manger... Dans quelque temps tu auras peut-être changé d'avis. On te donnera à boire, mais rien d'autre.

Alors c'était ça ? Lid recula de deux pas montrant par là qu'il n'avait rien à répondre. La porte se referma.

Le jeune homme attendit un grand moment avant de sortir son couteau pour entamer une paroi. Dans l'obscurité il était difficile de se rendre compte de ce qu'il faisait. Il devait s'interrompre et tâter avec les mains pour « voir » l'avancement du travail.

Et ça n'allait pas vite... Au bout de plusieurs heures il se rendit compte qu'il avait mésestimé l'épaisseur de la paroi. Il avait pensé qu'il s'agissait de planches alors qu'il se trouvait manifestement devant des rondins ! Il faudrait des jours pour faire un trou. Et quelqu'un le découvrirait avant qu'il ne soit assez large !

Il se sentait abattu, découragé. Beaucoup moins inquiet pour lui que pour Kil. Un jour, quand il était jeune garçon, il avait vu un prisonnier de la tribu s'affaiblir de jour en jour, dans les mêmes circonstances. Demain, il serait encore en état de combattre mais après il serait déjà faible.

De rage il cogna le plancher, se meurtrissant la main. Son esprit ne pouvait se détacher de la jeune fille. Elle avait besoin de lui et il était là ! Il se força à s'allonger pour dormir. C'était encore la meilleure façon de conserver des forces et d'oublier son ventre qui commençait sérieusement à réclamer.

Et s'il faisait mine d'accepter la proposition de Fijas, on lui donnerait peut-être à manger? Et il trouverait bien le moyen de s'échapper ?

Il sombra dans le sommeil avant d'avoir pu trouver une solution.

C'est un grattement continu qui le réveilla, plus tard. Immédiatement il fut sur ses gardes, le couteau à la main. Il faisait noir...

Le grattement reprit, doucement, semblant venir de la porte. Il approcha et colla l'oreille contre le montant.

Il n'entendait rien. Levant la main il gratta légèrement à son tour...

Aussitôt on lui répondit. Puis quelques bruits sourds parvinrent et la porte s'entrouvrit. A la lumière des étoiles il aperçut une mince silhouette. Une voix chuchota.

  • Lid, c'est moi, Nekam !

Le fils cadet de Vaï !

Le garçon tendit la main et Lid distingua dans la faible clarté des étoiles le corps allongé d'un pêcheur qui dormait sur le ponton voisin ! Nekam accrocha le poignet de Lid et l'entraîna doucement, sautant de ponton en ponton sans utiliser les passerelles.

Bientôt ils parvinrent à un angle du village. Un canot se balançait dessous. Le garçon y descendit prudemment, suivit de Lid qui glissa le couteau à sa ceinture. Ils empoignèrent chacun une pagaie et s'éloignèrent en s'efforçant de ne pas soulever d'eau en avançant.

Le son porte loin, sur l'eau, et Lid renonça à interroger Nekam, se contentant de ramer. Le garçon avait l'air de savoir exactement ce qu'il fallait faire.

Bientôt on aperçut la rive et le canot vint s'échouer en douceur. Une silhouette apparut brusquement. Dans la même seconde Lid avait sorti le couteau et fléchissait les genoux, prêt à combattre.

  • C'est moi Vai

Lid se redressa, soulagé.

  • J'ai eu peur pour toi. Je pensais qu'ils t'avaient capturé aussi, dit-il.

  • Je ne savais pas ce qui se passait, fit le grand pêcheur à voix basse. Je n'avais pas de nouvelles de toi. C'est par hasard que mon fils aîné a entendu des pêcheurs raconter qu'on te retenait dans le village. Nikam a cherché et fini par découvrir cette maison gardée en permanence. Le...

Lid le coupa.

  • Attends, as-tu quelque chose à manger ? Ils ne m'ont rien donné pour me forcer à combattre avec eux.

Vaï jura sourdement.

  • Non... je n'ai rien apporté.

  • Ça ne fait rien je volerai quelque chose. Je n'ai plus mes armes, Fijas me les a prises.

  • - Fijas ! Je vais...

  • Non, le coupa encore Lid. N'interviens pas, je ne veux pas que tu sois mêlé à tout ça. Tu dois penser à ta famille. Et puis je préfère que tu saches ce qui se passe au village-de-l'eau pour me tenir au courant. Il faut pour ça que tu y vives. Moi, je vais être obligé de disparaître. Les deux camps me sont hostiles, désormais. Rentre au village avec Nekam et ne faites aucun bruit. Tu ignores tout de ce qui s'est passé !

Lid fit quelques pas machinalement et releva la tête, le regard attiré...

  • Oh non !

Vaï se retourna. Là-bas, sur le lac une flamme grandissait de seconde en seconde...

  • Le village, murmura le grand pêcheur. Les paysans !

  • Vite, lança Lid, va chercher ta famille ! Commence par détacher ta barque, éloigne-la des flammes... Et emmène les tiens à la petite crique du venal mort. Je t'y retrouverai, je vais chez les paysans... Attends, non !

Le jeune homme réfléchissait très vite.

  • S'ils ont mis le feu au village, c'est pour vous chasser, pour vous forcer à regagner la rive où ils vous affronteront... Oui, c'est ça. Sois très prudent, Vaï. Que la barque reste prête à quitter le bord quand vous prendrez le pied sur la rive.

Vaï pagayait déjà comme un fou quand Lid termina. Celui-ci leva les yeux vers le ciel. Le jour n'apparaissait pas encore.

Indécis, il fit quelques pas vers les arbres, taches sombres dans l'obscurité. Il se demanda pourquoi les paysans avaient attaqué. Ils cherchaient à l'avoir dans leur camp, logiquement ils auraient dû attendre que leur manœuvre avec Kil ait réussi... Cette attaque était habile mais inattendue.

Soudain il songea que les pêcheurs allaient eux aussi passer à l'attaque... Masopo et la famille !

Il prit aussitôt la direction du village en courant. Tout se précipitait, maintenant. Il ne contrôlait plus les événements mais se contentait de réagir comme il le pouvait, de parer au plus pressé.

Ses jambes n'étaient pas trop solides et sa tête recommença à le faire souffrir, mais il continua sur le même rythme. Il longeait la rive, sous les arbres, afin d'éviter un éventuel guetteur posté au bord de l'eau.

Tout le village-de-l'eau semblait en feu, maintenant. Les pêcheurs allaient tout perdre. Quelle guerre absurde !

En approchant des maisons de pierre il obliqua vers l'intérieur de la forêt pour arriver du côté des enclos. Il commençait à en avoir l'habitude.

Des silhouettes couraient dans le village-de-la-rive. Une agitation désordonnée, insolite. Les paysans devaient bien avoir préparé leur affaire, pourtant ?

Des cris venaient de la plage. Pas le temps de s'en préoccuper. Il fonça vers la maison de Masopo, comptant sur les allées et venues pour passer inaperçu.

L'enclos le plus proche... Il stoppa un instant. Il y avait de la lumière chez Masopo... Il n'hésita pas. Tant pis pour la discrétion. Au point où en étaient les choses...

Il poussa la porte.

La mère de Kil était près du foyer, ses deux jeunes enfants près d'elle, blêmes.

Deux hommes se tenaient devant Masopo. L'un tenait un gourdin et l'autre une de ces lames dont les paysans se servaient pour couper l'herbe...

  • ... vas parler, sinon tant pis pour eux !

L'homme au gourdin s'interrompit en entendant la porte s'ouvrir et parut stupéfait de découvrir Lid.

Le jeune homme dégaina son couteau à toute vitesse.

  • Que faites-vous ici ? gronda-t-il. Alors Kil ne vous suffisait pas ?

  • Tu es venu ? fit l'homme à la lame.

Avec retard il monta d'un ton.

  • Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt ? Nous ne sommes pas prêts et les pêcheurs vont attaquer !

  • Alors pourquoi avoir mis le feu ?

L'autre haussa les épaules, agacé.

  • Des jeunes, se borna-t-il à répondre.

Apparemment il n'y avait pas de chef ici, sinon il n'aurait pas toléré des actions séparées aux conséquences dangereuses. Mais maintenant que c'était fait...

  • Où est Kil ? interrogea Lid sèchement.

  • On ne sait pas, fit l'homme au gourdin. Personne ne sait qui l'a emmenée. C'est peut-être des pêcheurs? ajouta-t-il méchamment.

Lid lui jeta un tel regard qu'il tourna les yeux. Le jeune homme luttait contre la colère qui le poussait à tuer ces deux hommes. Pourtant ça ne servirait à rien et c'est ce qui l'arrêta. Il remit le couteau à sa ceinture.

  • Allez-vous-en, dit-il. Et ne revenez plus jamais ici ou je vous tue.

L'homme au gourdin fit un pas en avant.

Et tes armes, où sont-elles ?... Comment tu …?

  • Mon couteau suffirait, répondit Lid. Masopo... ouvre-leur la porte.

Les hommes hésitèrent un instant et sortirent. Le silence revint dans la pièce et tout le monde entendit le gémissement que la mère de Kil laissa échapper.

Le jeune homme se tourna vers le vieillard.

  • As-tu des nouvelles ? demanda-t-il.

  • Non, je n'ai rien pu savoir.

  • Mais enfin, comment as-tu appris ce qui s'était passé ?

  • Amil, l'un des hommes qui t'avaient attaqué avant l'hiver, est venu me voir. Il a dit qu'il saurait quand tu arriverais et que Kil serait ramenée quand les paysans auraient vaincu, pas avant. Il a dit que, de cette. façon, tu te battrais mieux. Puis il est parti et je ne l'ai pas revu. Je pense qu'il doit garder la petite.

Masopo avait les traits creusés, les joues pâles. Lid avança la main vers lui.

  • Nous la trouverons, vieil homme, dit-il. Il se tourna du côté de la mère de la jeune fille.

  • Des pêcheurs me retenaient prisonnier, dit-il. Ils voulaient me forcer à me battre pour eux en ne me donnant rien à manger... As-tu quelque chose, femme ? Il faut que je reprenne des forces.

  • C'est pour ça que tu n'es pas venu plus tôt ? Lid hocha la tête, et vint s'asseoir à la table. Masopo s'installa de l'autre côté.

  • Ta blessure à la tête, c'est eux ?

  • Oui. Ils m'ont assommé au moment où je venais. L'enfant est rentré sans ennui ?

  • Oui, oui... Comment vas-tu faire, jeune Lid ? Comment vas-tu retrouver Kil ? Ils ont dû la cacher dans la forêt et l'y laisser avec Amil avant de revenir. La forêt est trop grande pour la fouiller.

La mère de Kil apportait une écuelle de légumes cuits et de viande froide qu'il commença tout de suite à engouffrer en se dominant pour ne pas avaler sans mâcher, tant il avait faim.

  • Je n'ai pas le temps de fouiller la forêt, dit-il. Il faut trouver ceux qui sont revenus au village... Mais il faut aussi songer à la guerre. Le village-de-l'eau est en feu et...

  • Comment ? Que s'est-il passé ? Manifestement, Masopo ignorait l'attaque des paysans.

  • Des paysans bien sûr, des jeunes, a dit l'autre tout à l'heure.

  • Je me demandais de quoi vous parliez. Alors ça y est, la guerre est commencée...

  • Oui. Le village-de-l'eau est perdu, les pêcheurs tentent de sauver les femmes et les enfants, mais ensuite ils vont prendre les dernières barques pour venir ici... Tu imagines ce qui va se passer. Ils seront probablement moins nombreux, mais ils voudront se venger et la colère leur donnera l'avantage. Et si des enfants sont morts, là-bas, ils tueront tout le monde dès le début !... Vieil homme, il faut vous préparer. Que voulez-vous faire, qu'avez-vous décidé ? Combattre avec les vôtres ?

Masopo secoua la tête.

  • Jamais ! Nous avions dit, avec Kil, que la famille quitterait le village-de-la-rive. On avait préparé des ballots. Des vêtements et quelques outils.

Lid se sentit mieux soudain. Heureux de leur décision qui ne les éloignait pas de lui. Mais Kil, où était Kil en ce moment ? Il avait encore faim mais il savait qu'il ne devait pas trop manger d'un coup. Et puis il n'avait plus le temps. Il eut brusquement une idée.

  • Vieil homme, tu connais Vâi, n'est-ce pas ?

  • Je le connais, oui.

  • C'est lui et ses fils qui m'ont délivré. Il déteste la guerre. Je pense que tu peux lui faire confiance, toi aussi. Il connaît mes sentiments pour toi et ta famille. Il doit emmener les siens à la crique du venal mort, je vais t'y conduire. Vous y serez en sécurité. Je ne peux vous abandonner ni vous ni lui, comprends-tu ?

  • Oui, je te comprends, jeune Lid, fit le vieillard, grave.

  • Préparez-vous, alors. Au jour il sera trop tard. Moi je...

Des hurlements retentirent quelque part. Lid se leva rapidement courant à la porte qu'il ouvrit à la volée.

On se battait du côté de la rive. Les pêcheurs arrivaient...

Il se retourna vers l'intérieur.

  • Préparez-vous rapidement. Je dois trouver un homme ; si je ne suis pas revenu dans un moment, partez sans moi et faites confiance à Vaï !

Il n'attendit pas la réponse, s'enfonçant dans l'obscurité. Il voulait trouver les-longs-bras, l'un de ses anciens adversaires, l'un de ceux qui lui avaient cassé le bras. Quelque chose lui disait qu'il était assez ami avec Amil pour avoir pu être l'un des agresseurs de Kil.

Plusieurs silhouettes passèrent en criant près de lui sans l'apercevoir.

Il s'aplatit contre l'angle d'une maison en entendant des bruits étranges, pas loin. Ça venait de l'autre côté de la maison. Doucement il commençait à en faire le tour quand une clarté jaillit tout près. Le feu...

Le toit de la maison prenait feu. Les pêcheurs ! Un bruit derrière...

Il se retourna juste à temps pour parer le coup de couteau qui arrivait dans ses reins. De la main gauche, il avait fauché le poignet armé, alors qu'il sortait son arme. Sans y avoir réfléchi il frappa à la poitrine.

Son adversaire n'avait rien vu, tout s'était passé trop vite. Les réflexes du jeune homme étaient ceux d'un guerrier entraîné. L'autre n'était pas de force !

Lentement, l'homme glissa au sol. Sans s'attarder, Lid avança...

Deux pêcheurs étaient en train d'étrangler un homme à genoux.

Lid se sentit devenir froid, conscient du raisonnement qui se déroulait dans sa tête, mais sans éprouver la moindre émotion à la vue de l'homme en train de mourir. Il avait seulement vérifié qu'il ne s'agissait pas des longs-bras ! Il retrouvait le guerrier qu'il avait été autrefois, lucide et sans pitié. Il n'était plus temps pour la pitié.

Il démarra en flèche vers la rive. Plus loin, d'autres maisons prenaient feu à leur tour.