12
L’insaisissable Leia

Shawna commençait à être hantée par sa SDF. C’est en ces termes qu’elle pensait à elle à présent – sa SDF à elle –, car, bizarrement, la malheureuse lui apparaissait aux moments les plus inattendus, mais jamais en chair et en os. Shawna revoyait sa figure cramoisie au Sundance Kabuki en plein milieu d’un film d’Almodovar, ou à la Rainbow Grocery devant le bac des produits vendus en vrac, alors qu’elle remplissait un sachet de riz. Une fois même, elle rêva d’elle, rêva qu’elles dînaient ensemble à la Cliff House et qu’elles papotaient comme de vieilles amies en admirant le coucher du soleil, même si – comme souvent dans les rêves – ce n’était pas la nouvelle et élégante Cliff House, mais l’ancienne, folklo, avec ces photos graisseuses et ce papier-tontisse dont Shawna avait gardé des souvenirs d’enfant.

Ce qui la tracassait le plus, c’était qu’elle ne connaissait pas le nom de cette femme. Si son image devenait de plus en plus nette dans son esprit confus, elle n’avait toujours pas d’identité, cette patère essentielle à laquelle accrocher sa condition d’être humain. Et comment survivre quand personne ne se souciait de savoir comment vous vous appeliez ? se demandait Shawna.

Un après-midi brumeux, elle prit sa voiture et, espérant la retrouver, retourna jusqu’à la rue en dessous de la bretelle d’autoroute, mais il n’y avait qu’une personne sur place, un vieux hippie qui brandissait un écriteau sur lequel on lisait : ANCIEN COMBATTANT DE LA GUERRE DU GOLFE. Pendant qu’elle attendait au feu, Shawna baissa sa vitre et agita un billet de dix dollars pour l’inciter à approcher.

« Excusez-moi », lui cria-t-elle.

Le gars posa son écriteau et s’avança en clopinant. Il empoigna le billet et l’examina soigneusement.

« De nos jours, c’est comme si le pognon il était bidon, pas vrai ? »

Vu le peu de temps dont elle disposait, elle sourit mais se garda de débattre.

« Je me demandais si vous ne connaissiez pas une femme qui fait parfois la manche à ce croisement. Survêtement rouge. La quarantaine ou peut-être la cinquantaine. »

Le gars hocha la tête si lentement qu’elle n’aurait pu dire s’il lui avait répondu ou si c’était juste un tic.

« Alors, vous la connaissez ?

— Elle est pas là.

— Je le vois bien. Vous ne sauriez pas où elle pourrait être ?

— Tu pourrais essayer le refuge pour piétons de South Van Ness.

— Vous savez comment elle s’appelle ?

— Nous, on l’appelle Leia, grommela-t-il en haussant les épaules.

— Comment ça, vous l’appelez Leia ?

— Comme la princesse Leia.

— Mais… pourquoi ?

— J’sais pas. C’est un surnom. Demandes-y. »

Le feu passa au vert, ce qui mit un terme à leur échange.

« Merci beaucoup, lui lança-t-elle en lui tendant la main. À propos, moi, je m’appelle Shawna. »

Le type fixa sa main, comme si elle risquait de le contaminer.

« Tant mieux pour toi », marmonna-t-il en repartant d’un pas traînant vers son écriteau.

 

Shawna chercha la femme au refuge pour piétons de South Van Ness, en vain. Il y avait plusieurs mendiants dans le coin, mais Shawna recula devant la perspective d’interroger encore un inconnu sur l’insaisissable Leia.

Ce soir-là, alors qu’elle dînait avec Otto au Weird Fish dans Mission District, elle lui parla de ses recherches stériles tout en sachant bien qu’il allait la questionner sur ses motivations.

« C’est pour un article ?

— Non. Enfin, ça pourrait l’être en fin de compte, mais pas pour le moment.

— Pourquoi, alors ?

— Je ne sais pas. C’est juste que j’ai le sentiment… que je dois la retrouver. J’ai bien conscience que ça paraît con, mais en ce moment… elle monopolise mes pensées.

— À cause de quoi ? Sa personnalité pétillante ? »

Elle lui balança un regard mauvais.

« Hé, j’essaie juste de piger. Tu aurais dû m’en parler avant.

— Pourquoi ?

— Parce que je l’ai vue cet après-midi. Au centre administratif de la mairie.

— Tu plaisantes ? Qu’est-ce qu’elle faisait là ? »

Il haussa les épaules.

« Elle plaidait au tribunal.

— Hein ? »

Il sourit comme un gamin facétieux, puis enfourna une frite.

« Il faut que t’apprennes à voir quand je blague.

— Non. À toi d’apprendre à ne pas raconter de conneries. Où est-ce qu’elle était ? Qu’est-ce qu’elle faisait ?

— Elle dormait dans un carton.

Sérieusement ?

— Eh bien… aussi sérieusement qu’on peut dormir dans un carton. »

Cette remarque acheva de l’irriter.

« Pourquoi tu plaisantes sur un sujet pareil ?

— Parce que, ma bien-aimée…

— Ne m’appelle pas comme ça. Pas quand t’es lourd.

— Shawna… écoute, répondit Otto sans se départir de son calme – ce qui s’avérait assez exaspérant –, j’ai l’impression que tu pars un peu en sucette avec cette histoire. Moi, je vois ces gens-là tous les jours, et la plupart sont sérieusement chtarbés et dangereux. Contrairement à ce que tu penses, on n’est pas dans le pittoresque ni dans un univers à la Dickens.

— J’ai dit ça ? J’ai parlé de pittoresque et d’univers à la Dickens ?

— D’accord. Très bien. Désolé, lança-t-il en levant les mains en signe de reddition placide. Tu veux que je te montre où elle est ? »

Sa proposition la surprit, jusqu’au moment où elle en comprit la raison.

« Tu ne veux pas que j’y aille seule, c’est ça ?

— C’est exact.

— Entendu. »

Elle lui décocha un demi-sourire, histoire de lui montrer qu’il était revenu dans ses bonnes grâces.

« Ça peut se négocier.

— Quand est-ce que tu veux y aller ?

— Et toi ? » répondit-elle.

 

Ils se garèrent dans Grave Street, pas très loin de l’hôtel de ville, puis coupèrent à travers la place en direction de la bibliothèque et passèrent devant le jardin bio que le maire, Gavin Newson, avait fait créer pour proclamer son soutien à l’agriculture durable. La rustique clôture à claire-voie du jardin offrait un contraste cocasse avec les austères bâtiments de granit alentour. Aux yeux de Shawna, la place, en plein jour, évoquait un film en noir et blanc ; et la nuit, même les ombres semblaient avoir une ombre.

« Et qu’est-ce que tu faisais là, au fait ? demanda-t-elle à Otto.

— Il y avait une matinée à l’opéra et, avec Sammy, on chauffait le public sur le parvis. Après, on est descendus au Burger King. »

Ça la dérangeait qu’il parle du singe comme s’ils formaient un couple, mais elle ne s’était jamais permis de le lui dire. Après tout, c’était Sammy qui l’avait fait craquer pour Otto.

« À propos, enchaîna-t-elle, on l’appelle Leia. Comme la princesse Leia. »

Otto parut perplexe un instant.

« Oh… la bonne femme, tu veux dire ?

— Oui, c’est son surnom dans la rue.

— Elle se coiffait comme Leia ou il y a autre chose ?

— Va savoir !

— Bon, ça tombe bien.

— Pourquoi ?

— Parce que je m’apprête à t’embarquer vers une galaxie très, très lointaine », répliqua Otto sur un ton théâtral.

Ils continuèrent sur Grove, dépassèrent la bibliothèque et s’enfoncèrent au cœur de Tenderloin, dans un vaste coupe-gorge peuplé de drogués et de prostituées. C’était toujours un choc pour Shawna. On n’aurait jamais imaginé que certaines de ces rues couraient jusqu’à Russian Hill avec ses cable cars et ses vues de carte postale sur la baie. Parcourir les quelque trois kilomètres qui séparaient ces deux endroits offrait une illustration parfaite de la dégradation progressive de l’âme d’une ville. D'instinct, Shawna se rapprocha d’Otto.

« Je croyais que tu avais dit qu’elle était au centre administratif de la mairie ?

— Oui… enfin, à deux ou trois pâtés de maisons près. »

Il se tourna vers elle et la regarda gravement.

« Tu veux laisser tomber ?

— Non. Et toi ? »

Otto se contenta d’un vague petit sourire et continua à avancer. Devant eux, au coin, il y avait un terrain à vendre bordé, sur deux côtés, par un muret en ciment, sans doute pour empêcher les voitures de se garer. Pour Shawna, le site ressemblait à un chantier de construction abandonné ou bien aux restes d’un immeuble oubliés là après démolition. Sur un bâtiment voisin, un panneau publicitaire présentait les yeux d’une femme élégante à la peau sombre, qui se détachaient au-dessus d’un verre de whisky, et un slogan affirmant : LA NUIT SAIT CE QU’ELLE VEUT. Si la lumière blanche et froide du panneau permettait de repérer plus facilement le carton de Leia, par chance, elle s’arrêtait juste à la limite.

Ce carton n’était pas immense – d’après Shawna, il avait la taille d’un réfrigérateur. Il pouvait abriter une personne allongée, c’était certain, mais pour le moment une épaisseur de sacs-poubelles noirs dissimulait la personne en question. Shawna, craignant de l’effrayer, s’arrêta trois mètres avant environ, et jeta un bref coup d’œil à Otto.

« Qu’est-ce que je fais ? »

Il haussa les épaules.

« Dis-lui bonjour, par exemple. C’est à moi que tu poses cette question ? »

Otto faisait la moue, c’était évident, mais elle n’avait pas le temps de le dérider. Elle avait déjà remarqué ici et là plusieurs petits groupes de bonshommes à la mine patibulaire. Le théâtre Orpheum, rassurant dans son habillage de néon, se trouvait à deux pas, mais le quartier était de ceux dont on sait qu’il faut les traverser à vive allure, en regardant droit devant soi, dès l’instant qu’on a commis l’erreur de s’y engager. Or ils s’y étaient arrêtés.

« Excusez-moi, cria-t-elle. Leia ? »

Ilt n’y eut pas de réponse et les sacs-poubelles ne bougèrent pas.

« On s’est rencontrées sous l’autoroute, la semaine dernière. Je t’ai donné un peu d’argent.

— Il n’y a personne, affirma Otto.

— T’en sais rien.

— Si elle dort, moi, je ne la dérangerais pas. »

Shawna s’approcha.

« Leia ?

— Arrête, Shawna. »

Elle tendait la main vers les sacs-poubelles lorsqu’ils se soulevèrent d’eux-mêmes en dégageant une odeur de pourriture écœurante qui lui piqua les narines. La personne dont elle venait d’envahir le domicile se redressa tel un diable dans sa boîte en lui arrachant un cri strident. Cependant, ce n’était pas Leia mais un Hispano au visage grêlé et coiffé d’un bonnet de laine.

« Merde. Je suis vraiment désolée. Je cherchais Leia. »

Il se souleva sur un coude.

« Qu’est-ce tu lui veux ?

— L’aider, c’est tout.

— Elle est au bout de la ruelle. J’y garde sa place. »

Shawna frissonna à l’idée qu’il fallait « garder » ce cercueil en carton défraîchi pour quelqu’un, mais elle comprit que ce type disait la vérité : elle venait d’apercevoir, dans les mauvaises herbes derrière, l’écriteau TA MÈRE S’EN FOUTRAIT PAS, ELLE DE LEILA.

« Quelle ruelle ? demanda Otto en s’avançant.

— Là-bas, à côté de la pub bleue pour de la bière, répondit le gars en leur indiquant la direction. Mais y allez pas.

— Pourquoi ?

— Y allez pas, c’est tout. »

Il se recoucha sous les sacs en plastique.

Shawna leva les yeux vers Otto.

« Il faut qu’on y aille.

— Non.

— En tout cas, moi, j’y vais. »

Elle retraversa à grands pas le terrain à vendre, enjamba le muret en ciment, puis se retourna vers Otto. Elle avait compris qu’elle avait mis ce garçon pacifique dans une terrible situation et ne voulait surtout pas avoir l’air de tester son dévouement.

« Ça va, l’assura-t-elle. Je serai prudente. Je veux juste voir. »

Elle gagna le trottoir opposé et remonta un peu la rue jusqu’au début de la ruelle. Elle entendit les pas d’Otto derrière elle – ou ce qu’elle présumait être ses pas –, mais ne se retourna pas pour ne pas l’impliquer davantage. C’était sa folie à elle, pas celle d’Otto.

Large d’à peine trois mètres, la ruelle n’était éclairée que par la lumière d’une fenêtre d’un appart hôtel proche. Depuis le trottoir, déjà, ça empestait l’urine. Vers le milieu de la ruelle, quelqu’un, assis par terre sous une couverture, se balançait d’avant en arrière. Bien plus loin, une autre personne, simple silhouette plaquée contre un mur, affichait bizarrement la raideur d’un condamné prêt à être passé par les armes. Son immobilité était fascinante ; il fallut un moment à Shawna pour s’apercevoir qu’il y avait quelqu’un à genoux devant elle.

« Elle a un client, murmura Otto en lui glissant un bras autour de la taille.

— Merde ! s’écria-t-elle en sursautant plus qu’elle ne l’aurait souhaité.

— C’est bien. T’as encore tous tes réflexes. Allez, viens.

— Attends.

— Je suis sérieux, Shawna. Il faut arrêter. Je ne blague pas, là. »

Elle lui adressa un sourire forcé.

« C’est vrai ?

— Si t’as envie de te faire buter pour une pipe dans une ruelle…

— Chuut ! »

Elle l’attrapa par le bras pour l’obliger à se taire.

« On s’en va, d’accord ? On peut l’attendre à côté de son carton.

On n’attend nulle part. On retourne direct à…»

Un hurlement le coupa net.

« Merde », murmura Shawna qui pivota pour fouiller du regard le passage obscur.

Les silhouettes se profilant au bout n’étaient plus qu’une masse informe. La personne sous la couverture répétait « Ta gueule », comme un mantra, sans cesser de se balancer.

Puis un autre hurlement s’éleva, plus horrible encore que le précédent, qui poussa Otto à s’élancer à toutes jambes vers l’endroit d’où provenaient ces bruits.

« Attends, cria Shawna. Fais gaffe. »

J’ai traîné ce pauvre garçon ici, et maintenant il va se faire tuer.

Elle fonça dans la ruelle, mais plus prudemment qu’Otto.

« On appelle la police ! brailla-t-elle. Laissez-la tranquille ! »

Elle espérait ne pas avoir versé d’huile sur le feu, mais rien d’autre ne lui était venu à l’esprit. Puis une poubelle bascula dans un fracas métallique et un homme, au fond de la ruelle, déguerpit vers la rue, poursuivi par Otto. Une peur abjecte la saisit.

« Non ! Otto, ne fais pas ça ! »

L’espace d’un instant terrifiant, elle ne vit nulle part Leia. Elle poussa alors la poubelle et aperçut une silhouette féminine par terre. Elle s’agenouilla, prit la main de cette femme entre les siennes et tendit l’oreille à l’affût d’un signe de vie.

« Leia ? »

Grognement guttural.

« Ça va ?

— T’es qui, toi, bordel ?

— Ça n’a pas d’importance. Juste une amie. Tu peux t’asseoir ? »

Elle glissa la main sous le dos de Leia, mais quelque chose de chaud et de poisseux la lui fit retirer brutalement.

« Aiiiiie, hurla Leia.

— Pardon, pardon ! »

L’odeur de charogne que Leia dégageait lui noua l’estomac. « Bouge pas, ma belle. On va s’occuper de toi. » Shawna sortit son téléphone de son manteau et composa le 911.

« J’ai une femme à côté de moi, dit-elle à l’opérateur. Je crois qu’elle a reçu un coup de couteau.

— Ah oui, tu crois ? grommela Leia.

— Vous êtes où ?

— Oh… merde… je ne sais pas. Une ruelle dans Tenderloin. En partant de Hyde Street. S’il vous plaît, dépêchez-vous.

— Il me faut un nom, madame. Y a-t-il quelqu’un qui… ?

— Cocksuck, lui souffla Leia.

— Une minute, Leia… Ecoutez, monsieur, je pourrais peut-être attendre sur…

— Cocksuck Alley ! »

Stupéfaite par la connotation tellement sexuelle du nom de la ruelle, Shawna baissa les yeux vers Leia. « C’est vrai ? La ruelle des Pipes, c’est ça ? » Leia acquiesça dans un grognement. « Les flics aussi ils l’appellent comme ça.

— D’accord… parfait. Monsieur, par ici, apparemment, c’est connu sous le nom de Cocksuck Alley. »

Silence.

« Je vous en prie, ne raccrochez pas. Ce n’est pas une blague, je vous le jure. »

Sans lâcher la main de Leia, Shawna, désespérée, porta les yeux vers le bout de la ruelle où Otto venait de réapparaître, haletant. « Qu’est-ce qu’il y a de marqué sur la plaque ? lui cria-t-elle.

— Quelle plaque ?

— Sur le mur, là. On est où, ici ?

— Cossack, hurla-t-il quand il eut regardé.

— Comme… des Cosaques ?

— Oui. »

Shawna clarifia les choses pour l’opérateur et lui épela le nom.

« On a besoin d’une ambulance rapidement. Elle saigne beaucoup. »

Otto les rejoignit et caressa les cheveux de Shawna qui tenait toujours la main de Leia.

« Il a piqué mon couteau ? » demanda celle-ci.

Un peu plus loin, le type sous sa couverture en polyester continuait à psalmodier sa prière nocturne : « Ta gueule, ta gueule, ta gueule. »

Même les sirènes des ambulances, lorsqu’elles arrivèrent, ne parvinrent pas à le faire taire.

Mary Ann en automne
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