— Bonjour, je m’appelle Harry Martinez. J’ai
rendez-vous à 15 h 15 avec Glen Hamilton.
Harry s’efforça d’adopter une posture naturelle
pendant que la standardiste consultait son écran. Il lui semblait
tellement étrange de donner son vrai nom à un établissement dont
elle comptait forcer l’accès…
Mais soudain, elle se rappela qu’elle n’avait pas
décliné son identité la veille, au téléphone. Zut, elle venait de
gaffer, et dans les grandes largeurs ! Elle balaya rapidement
du regard la salle pour voir si quelqu’un avait pu l’entendre. Des
hommes en costume circulaient parmi les bureaux paysagés, tandis
que les caissiers géraient les affaires courantes à voix basse. Des
clients formaient des files silencieuses devant les guichets, tels
les fidèles à l’église attendant de se confesser. Dans un endroit
pareil, il paraissait presque sacrilège d’utiliser des noms.
Un instant plus tard, cependant, la standardiste
lui adressait un grand sourire et se penchait pour lui indiquer les
distributeurs sur sa gauche. Le badge agrafé au revers de sa veste
précisait son prénom : Juliana.
— Tournez à gauche au bout de cette rangée, vous
verrez trois ascenseurs, expliqua-t-elle. Prenez celui du milieu.
On vous attend au troisième.
Après l’avoir remerciée, Harry suivit ses
instructions et se retrouva devant les trois ascenseurs indiqués,
tous ouverts. Elle s’engagea dans la cabine du milieu, et elle
s’apprêtait à presser le bouton de l’étage quand elle s’aperçut qu’il n’y en avait pas. La
console métallique ne comportait que les commandes d’ouverture et
de fermeture des portes, ainsi que celle de l’alarme. Elle n’eut
cependant pas le temps de s’interroger ; déjà, les portes se
refermaient et la cabine s’élevait. Sans doute s’agissait-il d’un
système sécurisé, contrôlé depuis l’accueil et conçu pour empêcher
les indésirables dans son genre de rôder à l’intérieur de
l’établissement… Cette pensée la mit mal à l’aise.
Puis la cabine s’immobilisa et les portes
coulissèrent, révélant une jeune femme en tailleur bleu
marine.
— Si vous voulez bien me suivre… dit-elle à
Harry.
Elle l’escorta dans un couloir bordé de portes
beiges toutes semblables. Aucune plaque, nulle part, n’indiquait le
numéro de l’étage ou la fonction des bureaux derrière ces battants.
Enfin, la jeune femme en ouvrit un sur sa gauche.
— Je vous en prie, installez-vous. Glen sera là
dans une minute, précisa-t-elle en s’effaçant pour la laisser
passer.
A peine Harry était-elle entrée que
l’employée refermait la porte derrière elle.
Au centre de la pièce se trouvait une table basse
en acajou autour de laquelle étaient disposés quatre fauteuils de
style Queen Anne à l’assise blanche et aux pieds incurvés. Au
premier coup d’œil, Harry devina qu’ils seraient inconfortables. Au
lieu de s’asseoir, elle s’approcha de la fenêtre, mais moins pour
admirer la vue que pour examiner l’ordinateur portable placé sur un
bureau, à côté de documents divers.
Afin de sauvegarder les apparences, elle s’absorba
quelques instants dans la contemplation du panorama. Les toits
bleus et rouges se succédaient jusqu’au port, et au loin elle
aperçut Paradise Island, reliée à Nassau par un pont. Une étonnante
structure rose et bleue, qui semblait s’inspirer à la fois de
l’univers de Disney et du Taj Mahal, dominait l’île. Harry avait
appris dans son guide qu’il s’agissait de l’Atlantis Resort, un
complexe hôtelier extravagant
où les casinos côtoyaient les lagons artificiels.
Enfin, elle étudia discrètement le portable. Il
était en mode veille, constata-t-elle. Elle donna un petit coup de
hanche dans la table pour ranimer l’écran et grimaça en voyant le
message disant que l’ordinateur était verrouillé. Dommage.
Elle reporta son attention sur les papiers qui
encombraient le bureau, espérant découvrir quelque chose d’utile.
Les entreprises dépensaient des millions dans le but de protéger la
confidentialité de certaines informations, alors qu’en réalité
c’étaient souvent des éléments du quotidien qui offraient aux
hackers le point de départ dont ils avaient besoin.
Harry en repéra un parfait exemple scotché sur le
mur à côté d’elle : la liste des numéros internes de la
banque. Après avoir jeté un rapide coup d’œil par-dessus son
épaule, elle sortit son mobile, dont elle braqua le minuscule
objectif vers la cloison. Elle dut faire plusieurs clichés pour
avoir la liste complète. Au besoin, elle n’aurait qu’à assembler
les différentes photos pour la reconstituer.
De nouveau, elle regarda l’ordinateur. C’était un
Dell, modèle standard. Le câble réseau, jaune vif, passait à
travers un trou dans le bureau jusqu’à la prise.
A mi-longueur, une bande de plastique bleue y était attachée,
sur laquelle figurait l’inscription :
« port 6-47 ».
Songeuse, Harry contemplait l’installation quand
un déclic l’avertit que la porte s’ouvrait derrière elle. Elle se
retourna, pour découvrir un couple sur le seuil. La femme lui
tendit la main.
— Bonjour, je suis Glen Hamilton.
Elle fit un geste vers son collègue.
— Et voici mon assistant, Raymond Pickford. Harry
se présenta à son tour et leur serra la main. Pourquoi avait-elle
supposé d’emblée que Glen était un homme ? Elle était pourtant
bien placée pour savoir qu’il ne fallait pas se fier aux prénoms
pour déterminer le sexe de quelqu’un !
— Nous serons mieux ici, affirma-t-elle.
Si Harry en doutait, elle s’exécuta néanmoins.
Glen Hamilton s’assit en face d’elle, ouvrit une serviette de cuir
et en sortit un bloc-notes, qu’elle posa sur ses genoux.
Agée d’une quarantaine d’années, elle avait une
peau couleur tabac et des cheveux courts qui soulignaient la courbe
gracieuse de son crâne. Elle portait un tailleur noir austère qui
aurait mérité d’être égayé par une touche de couleur. Il émanait
d’elle une impression d’autorité qui rappela à Harry la directrice
de son lycée, une femme capable de flairer un mensonge à dix
pas.
Elle se força à soutenir son regard. Après tout,
elle n’avait rien fait d’illégal. Pas encore, du moins.
Glen Hamilton appuya sur le bouton pressoir de son
stylo.
— Avant de commencer, mademoiselle Martinez,
laissez-moi vous préciser que tout ce que nous dirons aujourd’hui
restera strictement confidentiel. Même si vous décidez de ne pas
ouvrir de compte chez nous, cette visite et toutes les informations
que nous aurons l’occasion d’échanger tomberont sous le coup du
secret.
— C’est rassurant.
— Puis-je vous demander pourquoi vous avez choisi
la Rosenstock ?
— Oh, eh bien, mon père a été un de vos clients
pendant longtemps. Un ami de la famille lui avait recommandé votre
établissement. D’ailleurs, c’est lui qui a géré son compte pendant
un bon moment. Vous le connaissez peut-être ? Philippe
Rousseau ?
Harry scruta les traits de son interlocutrice, qui
lui opposa un visage impassible.
— Est-ce qu’il est toujours employé ici ?
insista-t-elle.
Cette fois, ce fut l’assistant de Glen Hamilton,
Raymond Pickford, qui répondit.
—
M. Rousseau est responsable de la clientèle internationale,
précisa-t-il en souriant. Il a obtenu une promotion il y a quelques
années.
Il devait avoir dans les trente, trente-cinq ans,
et s’exprimait avec une pointe d’accent local plutôt inattendue
chez un homme à la peau aussi claire.
Harry se tourna vers Glen Hamilton, qui baissa la
tête et arracha une petite peluche sur son tailleur. Puis elle leva
les yeux et sourit.
— Il se trouve que Philippe travaillait pour moi,
révéla-t-elle. Il a changé de poste il y a huit ans.
— Oh, murmura Harry, qui fronça les sourcils.
Donc, c’est vous qui avez repris le compte de mon père ?
Auquel cas, se demanda-t-elle, où intervenait Owen
Johnson ?
— Non, j’avais déjà suffisamment à faire avec mes
propres clients, répliqua Glen Hamilton. J’ai réparti ceux de
Philippe entre les membres de mon équipe. Ainsi, il a tout le temps
de divertir les clients les plus prestigieux…
Harry hocha la tête.
— Oui, mon père m’a raconté qu’il l’avait
rencontré lors d’une partie de poker. Je ne me rappelle plus
où.
— A Paradise Island, probablement, intervint
Raymond Pickford. Le meilleur casino des Bahamas.
Il jeta un coup d’œil à sa chef puis détourna le
regard en se passant une main sur le crâne. Ses cheveux, ramenés
vers l’avant, étaient luisants de gel.
— Raymond ? Tu pourrais peut-être aller nous
chercher du café ? lança Glen Hamilton, les narines légèrement
frémissantes.
— Bien sûr.
Son assistant posa stylo et bloc-notes sur la
table basse et sortit de la pièce.
— Bien, reprit Glen Hamilton. Venons-en maintenant
à l’origine de vos fonds. Pour des raisons juridiques, nous ne
pouvons pas ouvrir de compte si nous ne savons pas exactement d’où
provient votre argent.
— Je comprends.
Harry croisa
les jambes dans un bruissement de soie. Elle faisait de son mieux
pour avoir l’air sophistiqué d’une femme riche.
— En fait, j’ai profité de la bulle Internet. La
société de software pour laquelle je travaillais a été introduite
en Bourse au début de l’année 2000 et il se trouve que je
détenais des parts.
Aujourd’hui, presque tout est placé dans
l’immobilier et les actions. Si je ne souhaite déposer qu’une
petite somme chez vous pour commencer, à terme j’aimerais liquider
tous mes actifs et virer la totalité sur un compte off-shore.
Elle esquissa un petit sourire triste puis haussa
les épaules.
— J’ai un mari infidèle et je compte demander le
divorce, ajouta-t-elle, mais pas avant d’avoir tout mis hors de sa
portée.
Imperturbable, son interlocutrice se borna à
prendre quelques notes.
— Lorsque vous aurez liquidé vos actifs et que
vous voudrez faire un dépôt, il faudra nous fournir une preuve de
la vente.
— D’accord.
Harry s’éclaircit la gorge. En vérité, ses actifs
se limitaient à une vieille Mini qui, en un sens, était déjà
liquidée. Mais bon, Glen Hamilton n’avait aucun moyen de le
savoir.
— Donc, vous souhaitez l’anonymat maximum, reprit
la chargée de clientèle.
— Tout à fait. Je suppose que vous allez me
conseiller un compte numéroté ?
— Il existe d’autres options mais celle-ci me
paraît la plus adaptée à vos besoins, en effet. Votre nom sera
remplacé par un numéro sur tous les documents relatifs à votre
compte. A part Raymond et moi-même, personne ne connaîtra
votre identité.
— Et je pourrai utiliser ce compte pour acheter
des actions en toute confidentialité ?
— Bien sûr.
Toutes les transactions seront effectuées au nom de la banque. Le
vôtre n’apparaîtra nulle part.
— C’est exactement ce que je recherche.
— Evidemment, nous devons imposer certaines
restrictions si nous voulons maintenir un niveau de protection
maximal. Nous ne délivrons pas de chéquiers pour les comptes
numérotés et il est impossible de retirer des espèces au
distributeur. Les retraits et les virements doivent se faire en
personne, auprès de votre gestionnaire attitré.
— Vous, en l’occurrence ?
Elle hocha la tête.
— Ou Raymond si je ne suis pas disponible. Il est
habilité à agir en mon absence.
Comme s’il répondait à un signal, son assistant
reparut au même moment, chargé d’un plateau. Quand il le posa sur
la table basse, Harry remarqua qu’il avait les paumes moites.
Accrochant son regard, elle le gratifia d’un sourire
encourageant.
Glen Hamilton se pencha en avant.
— Si cette proposition vous convient, nous pouvons
peut-être passer à la partie administrative ?
— Excellente idée.
Harry ouvrit son sac, en retira son passeport, une
facture de gaz et une autre d’électricité, son avis d’imposition et
un relevé bancaire sur lequel apparaissait le solde de son compte
d’épargne. Elle les tendit à la chargée de clientèle, avant d’y
ajouter un chèque certifié d’un montant de trente mille dollars.
Plus d’un tiers de ses économies. Elle sentit son cœur se serrer à
l’idée qu’elle ne reverrait sans doute jamais cet argent.
Après avoir examiné les documents, Glen Hamilton
lui rédigea un reçu pour le chèque pendant que son assistant
servait le café. Lorsqu’il eut terminé, elle lui remit la liasse de
papiers sans le regarder en lui demandant d’en faire des
photocopies. A peine était-il ressorti qu’elle retirait un
formulaire de sa serviette de cuir.
— Si vous
voulez bien le remplir, mademoiselle Martinez… Nous n’avons qu’à
prendre notre café là-bas, près du bureau.
Elle alla s’installer devant l’ordinateur portable
et invita Harry à s’asseoir à côté d’elle. Celle-ci parcourut le
document. Au premier coup d’œil, il ressemblait à n’importe quel
formulaire de demande d’ouverture d’un compte standard : il
comportait les cases habituelles destinées aux informations
personnelles, et à la fin se trouvait une section marquée
« Réservée à l’administration bancaire ». Le dos de la
feuille était vierge, à l’exception d’un encadré intitulé
« Signé pour validation ». Harry inscrivit son surnom,
suivi de son vrai prénom, « Henrietta », afin de
respecter les informations qui figuraient sur son passeport, puis
son adresse.
— J’ai dit à mon père que je profiterais de
l’occasion pour essayer de voir Philippe, déclara-t-elle.
Au même moment, elle se rendit compte qu’elle
avait failli cocher la case « Célibataire » dans la
partie « Statut marital ». C’était tout le problème avec
les mensonges : ils constituaient autant de pièges pour celui
ou celle qui les avait énoncés.
— Vous croyez qu’il sera au casino, ce
soir ?
— Aucune idée, déclara Glen Hamilton, qui se
redressa sur son siège. La loi interdit les jeux de hasard aux
natifs des Bahamas. Mais bien sûr, comme M. Rousseau est à
moitié français et à moitié anglais, cette mesure ne s’applique pas
à lui.
Sur ces mots, elle pressa la touche Entrée avec
une vigueur superflue.
De toute évidence, il y avait de l’eau dans le gaz
entre Glen Hamilton et Philippe Rousseau, songea Harry. Elle-même
continua de remplir le formulaire et cocha une case qui dispensait
la banque de faire une déclaration fiscale en son nom. Suivait une
section intitulée « Autorisation pour les instructions par fax
et par téléphone », comportant une case vide après le
mot : « Code personnel ». Harry fit rouler son stylo
entre son pouce et son index.
— Ce code
pour les instructions par téléphone et par fax… commença-t-elle.
Comment fonctionne le système ?
— Comme je vous l’ai dit, nous préférons que vous
effectuiez en personne la plupart de vos transactions, par mon
intermédiaire ou celui de Raymond. Ceci par mesure de sécurité.
Mais si ce n’est pas possible, si vous ne pouvez pas venir aux
Bahamas, vous pourrez aussi nous transmettre vos instructions par
fax ou par téléphone. Nous vous conseillons alors de ne pas
utiliser votre nom pendant ces communications, et ce afin de
préserver votre anonymat. Il vous suffit de donner votre numéro de
compte et le code qui figure sur le formulaire.
Elle ponctua ces explications d’un grand
sourire.
— Ainsi, nous sommes sûrs qu’il s’agit bien de
vous.
Harry hocha la tête et, le cœur battant,
inscrivit : Pirata.
Elle signa ensuite au bas de la page, avant
d’hésiter sur la date. Son père lui avait affirmé qu’il avait
ouvert son compte à la Rosenstock six mois avant l’opération
Sorohan. Autrement dit, en avril 2000. Les doigts crispés sur
son stylo, elle nota la date du jour, « 14 avril
2009 », en exagérant le cercle du « 9 » de
manière à pouvoir le faire passer pour un « 0 » au
besoin.
Elle venait de remettre le formulaire à Glen
Hamilton quand Raymond Pickford reparut. Il s’approcha du bureau,
sur lequel il déposa une liasse de papiers ainsi qu’une grande
boîte vide. Sa chef tria les documents, rendit les originaux à
Harry et glissa les copies dans la boîte. Puis elle signa dans la
partie réservée à l’administration bancaire, au bas du formulaire.
Elle y agrafa ensuite une copie de la photo d’identité de Harry,
que celle-ci avait signée au dos, et y apposa sa propre signature
en débordant largement sur la feuille au-dessous. Raymond tendit la
main comme pour l’imiter, mais elle l’arrêta d’un geste.
— Débarrassez donc le café, lui
enjoignit-elle.
Docilement, il s’exécuta. Harry lui tendit sa
tasse avec un sourire et reporta son attention sur la chargée de
clientèle, occupée à rassembler à l’aide d’une pince métallique
tous les documents contenus
dans la boîte. Glen Hamilton se concentra ensuite sur une liste
dont elle entreprit de cocher les différents éléments. Au bout d’un
moment, elle dut sentir le regard de Harry car elle leva les
yeux.
— C’est votre dossier personnel, expliqua-t-elle.
Il sera entreposé dans nos coffres. Seuls Raymond et moi-même y
avons accès.
— Que se passera-t-il si vous quittez tous les
deux la banque ?
Manifestement surprise, Glen Hamilton haussa un
sourcil.
— Dans cette hypothèse hautement improbable, votre
compte sera transféré à un autre gestionnaire, qui recevra alors
l’autorisation de consulter votre dossier. Vous lui donnerez vos
instructions accompagnées de votre numéro de compte et de votre
code personnel.
— Et comme votre photographie a été validée,
intervint son assistant, nous serons en mesure de vous identifier
si vous venez retirer des fonds.
— Je vois.
Harry, qui cherchait désespérément une faille dans
le système, plissa le front.
— Il n’est pas possible que quelqu’un force les
coffres ?
Glen Hamilton redressa légèrement la tête.
— Je peux vous assurer qu’ils ont été conçus pour
offrir toutes les garanties de sécurité. De plus, ils sont protégés
par des gardes armés. Je doute qu’un voleur prenne le risque de les
affronter…
De la main, Harry indiqua l’ordinateur
portable.
— Et votre système informatique ? Il est
fiable ?
Cette fois, Glen Hamilton se tourna vers son
assistant. Celui-ci se pencha en avant sur son siège, le visage
soudain animé.
— Il n’y a pas plus sûr, affirma-t-il. Nous
travaillons en collaboration avec les meilleurs consultants en
sécurité informatique. Et je peux vous dire que nos techniciens ne
font pas de cadeaux aux hackers.
— De toute façon, nous ne mettons aucune
information personnelle en ligne, poursuivit Pickford. Tous les
renseignements vous concernant seront enfermés dans nos coffres,
qui, comme l’a souligné Glen, sont extrêmement bien protégés.
— Et qu’y aura-t-il d’autre, dans ce
dossier ?
— L’historique de tous les ordres que vous nous
communiquerez, répondit Glen Hamilton. Fax, appels téléphoniques,
ce genre de choses.
Harry hocha la tête avant de changer de position
sur son siège. Elle se retrouvait à court de questions.
Son interlocutrice pianota encore quelques
instants sur le clavier de l’ordinateur puis ferma la boîte
d’archives, qu’elle tourna vers elle de façon à pouvoir noter au
dos le numéro à huit chiffres inscrit sur son écran. Elle le copia
ensuite sur une petite carte blanche qu’elle donna à Harry.
— C’est votre numéro de compte. Vous en recevrez
bientôt la confirmation officielle mais, dans l’intervalle, tâchez
de le mettre en lieu sûr. Nous conseillons généralement à nos
clients de le mémoriser, de même que le code. Si vous ne pouvez
pas, alors dissimulez-le au milieu d’une série de chiffres, par
prudence.
Aussitôt, Harry songea aux efforts déployés par
son père pour camoufler son code et son numéro de compte.
— Raymond va tout de suite mettre votre dossier au
coffre.
Après avoir confié la boîte à son assistant, Glen
Hamilton se leva, la main tendue.
— J’ai été très heureuse de vous rencontrer,
mademoiselle Martinez. Si vous avez le moindre problème, n’hésitez
pas à m’appeler. Ma ligne directe ainsi que mon fax sont sur ma
carte.
Harry lui serra la main puis se laissa
raccompagner jusqu’à l’ascenseur sans boutons. Alors que la cabine
descendait vers ce qu’elle espérait être le rez-de-chaussée, elle pensa à toutes les mesures de
sécurité prises par la banque. Ascenseurs ultrasophistiqués et
portes dépourvues de tout signe distinctif ; coffres et
gardiens armés ; signatures et contre-signatures ;
numéros et codes. Où étaient les failles ? Elle secoua la
tête. Le système paraissait hermétique, complètement
verrouillé.
Elle venait de glisser dans son sac la carte
donnée par Glen Hamilton quand elle se rappela la liste
téléphonique sur le mur. Un picotement lui parcourut la nuque.
L’ascenseur s’arrêta, les portes coulissèrent devant elle, mais
elle ne bougea pas.
Cette liste téléphonique, qu’elle avait
photographiée sur une impulsion, serait peut-être sa seule arme. Le
système et la technologie avaient beau lui sembler impénétrables,
son expérience du hacking ne la laissait pas sans ressources. Entre
autres, elle avait une longue pratique du social engineering. Or,
le social engineering ne visait pas la technologie. Non, il visait
les hommes qui s’en servaient.
La plus grande faiblesse de tout système de
sécurité : les êtres humains.