CHAPITRE 20
Jour 17. Les lunettes de soleil
Il était sept heures du matin quand Harry entra dans la cellule 23 des arrêts. Becker était assis sur sa paillasse, habillé de pied en cap, et le regardait sans rien exprimer. Harry posa la chaise qu’il avait apportée de la salle de garde au milieu des cinq mètres carrés mis à la disposition des clients d’une nuit des cellules d’isolement et de préventive de l’hôtel de police. Il s’assit à califourchon et proposa à Becker une cigarette de son paquet froissé de Camel.
« Je doute qu’il soit permis de fumer, ici, déclina Becker.
– Si j’étais là avec vue sur perpète, je crois que je prendrais le risque. »
Becker se contenta de le regarder.
« Allez, incita Harry. Vous ne trouverez pas de meilleur endroit pour fumer en loucedé. »
Le professeur eut un sourire en coin et tira la cigarette que Harry avait fait émerger du paquet.
« Jonas va bien, compte tenu des circonstances, déclara Harry en sortant son briquet. J’ai discuté avec les Bendiksen, et ils se sont dits d’accord pour le garder quelques jours chez eux. Il a fallu que je me batte un peu avec la protection de l’enfance, mais ils ont accepté. Et nous n’avons pas encore fait part de l’arrestation à la presse.
– Pourquoi ça ? voulut savoir Becker en inhalant prudemment par-dessus la flamme du briquet.
– J’y reviens. Mais vous comprenez sans doute que si vous ne collaborez pas, je ne peux pas continuer à garder cette nouvelle pour moi.
– Ha, ha ! vous êtes le gentil flic. Et celui qui m’a interrogé hier, c’était le méchant, n’est-ce pas ?
– C’est exact, Becker, je suis le gentil flic. Et j’aimerais beaucoup vous poser quelques questions off the record. Ce que vous raconterez ne pourra être ni ne sera utilisé contre vous. Vous me suivez ? »
Becker haussa les épaules.
« Espen Lepsvik, qui vous a entendu hier, pense que vous mentez, commença Harry en soufflant de la fumée bleue de cigarette en direction du détecteur au plafond.
– Sur quoi ?
– Quand vous affirmez que vous avez simplement discuté avec Camilla Lossius, dans son garage, avant de vous en aller.
– C’est vrai. Que croit-il ?
– Ce qu’il vous a dit la nuit dernière. Que vous l’avez enlevée, tuée et dissimulée.
– C’est complètement dément ! s’écria Becker. Nous n’avons fait que discuter, c’est vrai !
– Pourquoi refusez-vous de nous préciser de quoi vous avez parlé ?
– C’est une affaire personnelle, j’ai dit.
– Et vous avouez avoir appelé Idar Vetlesen le jour où il a été retrouvé mort, mais ce dont vous avez parlé, vous le considérez aussi comme une affaire personnelle, si j’ai bien compris ? »
Becker regarda autour de lui, comme s’il pensait qu’il devait y avoir un cendrier à proximité.
« Écoutez. Je n’ai rien fait d’illégal, mais je ne souhaite pas répondre à davantage de questions tant que mon avocat ne sera pas présent. Et il ne viendra que plus tard dans la journée.
– Hier au soir, nous vous avons proposé un avocat qui pouvait être là immédiatement.
– Je veux un avocat digne de ce nom, pas l’un de ces… employés de la commune. Ne serait-il pas temps que vous me racontiez pourquoi vous pensez que j’ai fait quelque chose à la femme de Lossius ? »
Harry tiqua sur la formulation. Ou plus exactement : l’intitulé. La femme de Lossius.
« Si elle a disparu, vous devriez plutôt arrêter Erik Lossius, poursuivit Becker. N’est-ce pas l’époux ?
– Si. Mais il a un alibi : il travaillait au moment où elle a disparu. La raison de votre présence ici, c’est que nous pensons que vous êtes le Bonhomme de neige. »
La bouche de Becker s’ouvrit à moitié, et il cilla comme il l’avait fait dans son salon de Hoffsveien deux jours plus tôt dans la soirée. Harry désigna la cigarette fumante entre les doigts de Becker.
« Il faut que vous inhaliez un peu de ce truc pour que nous ne déclenchions pas le détecteur de fumée.
– Le Bonhomme de neige ? s’écria Becker. Mais c’était Vetlesen !
– Non. Nous savons que ce n’était pas lui. »
Becker cligna par deux fois des yeux avant d’éclater d’un rire si sec et amer qu’il résonna comme une quinte de toux.
« Voilà pourquoi vous n’avez rien laissé filtrer pour la presse. Ils ne doivent pas savoir que vous avez fait une méga-boulette. Et en attendant, vous recherchez désespérément le bon. Ou le potentiellement bon.
– Correct, approuva Harry en tirant sur sa propre cigarette. Et pour l’instant, c’est vous.
– Pour l’instant ? Je pensais que vous étiez sûr de votre coup, que je ferais aussi bien d’avouer tout de suite.
– Je ne suis pas sûr.
– C’est une combine ? demanda Becker en fermant un œil.
– C’est seulement une impression, répondit Harry dans un haussement d’épaules. J’ai besoin que vous me convainquiez de votre innocence. Cette courte audition renforce juste l’impression que vous êtes un homme qui a beaucoup à cacher.
– Je n’avais rien à cacher. Je veux dire, je n’ai rien à cacher. Je ne vois tout simplement aucune raison de vous parler d’affaires privées dans la mesure où je n’ai rien fait de mal.
– Écoutez-moi bien, à présent, Becker. Je pense que vous n’êtes pas le Bonhomme de neige, et que vous n’avez pas supprimé Camilla Lossius. Et je crois que vous êtes une personne rationnelle. Qui comprend qu’il vous en coûterait moins de me dévoiler ces affaires privées, ici et maintenant, plutôt que de voir les manchettes de journaux, demain, annonçant que le professeur Filip Becker a été arrêté, soupçonné d’être le plus grand tueur en série de Norvège. Parce que même si vous êtes blanchi et relâché après-demain, ces gros titres seront toujours associés à votre nom. Et à celui de votre fils. »
Harry vit la pomme d’Adam de Becker s’élever et redescendre sur sa gorge mal rasée. Vit le cerveau tirer les conclusions logiques. Les conclusions simples. Puis cela vint, d’une voix torturée que Harry mit d’abord sur le compte de la cigarette peu familière :
« Birte, ma femme, était une putain.
– Oui ? » Harry tenta de dissimuler sa surprise.
Becker posa la cigarette sur le sol de ciment, se pencha et tira de sa poche revolver un petit carnet noir.
« J’ai trouvé ça le lendemain de sa disparition. Il était dans le tiroir de son bureau, même pas caché. Au premier coup d’œil, il avait aussi l’air tout à fait innocent. Des pense-bête classiques pour elle-même, et des numéros de téléphone. Seulement, quand j’ai contrôlé les numéros avec les renseignements, ils n’existaient pas. C’étaient des codes. Mais ma femme n’était pas experte en codes, j’en ai peur. Il m’a fallu à peine une journée pour tous les percer à jour. »
Erik Lossius possédait et gérait Rydd & Flytt, une entreprise de déménagement qui s’était taillé une place dans cette branche par ailleurs si peu lucrative grâce à des prix standardisés, une politique commerciale agressive, de la main-d’œuvre étrangère bon marché et des contrats par lesquels il réclamait d’être payé dès lors que les camions étaient chargés. Il n’avait jamais perdu d’argent sur un client, entre autres parce que les petits caractères inscrits sur le contrat stipulaient que les plaintes afférentes à d’éventuels dégâts ou vols devaient être formulées dans les deux jours, si bien que, dans la pratique, quatre-vingt-dix pour cent des nombreux clients s’y prenaient trop tard. En ce qui concernait les dix pour cent restants, Erik Lossius avait mis au point des stratégies visant à se rendre injoignable, ou à faire traîner les procédures en les rendant si compliquées que même les gens dont le piano avait été démoli ou le téléviseur plasma égaré au cours du déménagement finissaient par jeter l’éponge. Erik Lossius avait débuté très jeune dans ce secteur, chez l’ancien propriétaire de Rydd & Flytt. Celui-ci était un ami du père d’Erik, et c’était ce dernier qui l’y avait fait entrer.
« Ce gosse est trop agité pour aller à l’école, et trop intelligent pour devenir escroc, avait expliqué le père au propriétaire. Tu peux le prendre ? »
En tant que vendeur payé à la commission, Erik s’était rapidement distingué grâce à son charme, son efficacité et sa brutalité. Il avait hérité des yeux marron de sa mère et des cheveux épais et bouclés de son père. Il avait une carrure d’athlète, et c’étaient surtout les femmes qui renonçaient à demander des devis chez des concurrents, préférant signer sur-le-champ. Et il était intelligent, doué pour les chiffres et malin. Les prix étaient bas et la responsabilité du client en matière de pertes et dégâts importante. Au bout de cinq ans, la société dégageait un bel excédent, et Erik était devenu le bras droit du propriétaire pour une bonne partie de la gestion. Mais au cours d’une opération de déménagement assez simple, juste avant Noël – monter une table au bureau d’Erik, à côté de celui du chef, au premier –, le propriétaire fut victime d’un infarctus et s’écroula, mort. Les jours qui suivirent, Erik consola l’épouse du propriétaire du mieux qu’il put – et il put assez bien – et une semaine après l’inhumation, ils s’accordaient sur un montant de cession presque symbolique pour ce qu’Erik avait présenté comme étant « un petit magasin dans une branche peu lucrative où les risques sont importants et les marges inexistantes ». Ajoutant que sa priorité était de faire que l’œuvre du mari soit poursuivie par quelqu’un. Ce disant, une larme avait scintillé dans les yeux marron de la veuve, et elle avait posé une main frémissante sur la sienne en disant que dans ce cas, il devait venir en personne la tenir au courant. Erik Lossius devint ainsi propriétaire de Rydd & Flytt, et la première chose qu’il fit fut de bazarder les plaintes pour dégâts et pertes, de réviser les contrats, d’envoyer des courriers à tous les ménages du riche Vestkant d’Oslo où, non contents de déménager plus qu’ailleurs, les gens étaient aussi plus sensibles aux prix.
À trente ans révolus, Erik Lossius avait eu les moyens de s’offrir deux BMW, une résidence d’été juste au nord de Cannes, ainsi qu’une villa de cinq cents mètres carrés quelque part à Tveita, où les immeubles dans lesquels il avait grandi ne faisaient pas d’ombre. En deux mots : il avait eu les moyens de s’offrir Camilla Sandén.
Camilla était issue d’une famille ruinée de commerçants en confection originaire de Blommenholm, Vestkant, un milieu aussi étranger à ce fils d’ouvrier que le vin français dont il avait à présent des piles de bouteilles de plus d’un mètre dans sa cave de Tveita. Mais en entrant dans la grande maison et en voyant tout ce qu’il y aurait à déménager, il découvrit ce qu’il ne possédait pas encore, et devait par conséquent acquérir : la classe, le style, la splendeur d’autrefois et une assurance décontractée que seuls les sourires et la politesse soulignaient. Et tout cela était personnifié par la fille de la maison, Camilla, assise au balcon pour regarder le fjord d’Oslo à travers de grandes lunettes de soleil qui, selon Erik, pouvaient avoir été achetées dans la station-service la plus proche mais devenaient sur elle du Gucci, Dolce & Gabbana et Dieu sait quelle autre marque.
À présent, il connaissait les noms de ces marques.
Il avait déménagé toutes leurs affaires, moins quelques tableaux destinés à être vendus, pour une maison de taille modeste à une adresse moins prestigieuse, et n’avait jamais reçu de déclaration de perte pour la seule chose qu’il avait chipée dans le chargement.
Même lorsque Camilla sortit en tenue de mariée sur les marches de l’église de Tveita, avec les immeubles comme témoins muets, ses parents ne trahirent en rien leur désapprobation quant au choix de leur fille. Sans doute parce qu’ils voyaient que, d’une certaine façon, Erik et Camilla se complétaient : il manquait de classe, elle d’argent.
Erik traitait Camilla comme une princesse, et elle le laissait faire. Il lui donnait ce qu’elle voulait, la laissait tranquille dans leur chambre lorsqu’elle le désirait et n’exigeait rien d’autre qu’un effort de sa part pour bien présenter quand ils sortaient ou invitaient de prétendus couples d’amis – en réalité ses amis d’enfance à lui – à dîner. Elle se demandait parfois tout bonnement s’il l’aimait, et commença petit à petit à développer une grande affection pour ce jeune de l’Østkant, déterminé et dur à l’ouvrage.
De son côté, Erik était on ne peut plus heureux. Il avait compris dès le début que Camilla n’était pas du genre fougueuse, et c’était entre autres ce qui la plaçait à ses yeux dans une tout autre sphère, bien plus élevée, que les filles auxquelles il était habitué. Il parvenait malgré tout à satisfaire ses besoins physiques à travers des relations clientèle rapprochées. Erik en était venu à la conclusion qu’il devait y avoir quelque chose dans la nature du déménagement et du départ propre à rendre les gens sentimentaux, désespérés et ouverts aux nouvelles expériences. Quoi qu’il en soit, il baisait célibataires, divorcées, concubines et épouses sur des tables de salle à manger, des paliers, des matelas sous plastique et des parquets tout propres, au milieu de cartons scotchés et de murs nus, pendant qu’il réfléchissait à ce qu’il achèterait à Camilla la fois suivante.
Le trait de génie résidait dans le fait que par définition, c’étaient des femmes qu’il ne reverrait jamais. Elles devaient déménager et disparaître. Et c’est ce qu’elles firent. Toutes sauf une.
Birte Olsen était brune, douce et dotée d’un corps digne de Penthouse. Elle était plus jeune que lui, sa voix claire et les phrases qui sortaient de sa bouche la faisaient paraître encore plus jeune. Elle en était à son deuxième mois de grossesse, devait emménager en ville, depuis le quartier de Tveita, qu’Erik connaissait bien, pour s’installer dans Hoffsveien en compagnie du père de l’enfant à venir, un mec du Vestkant avec qui elle allait se marier. C’était un déménagement avec lequel Erik Lossius pouvait s’identifier. Et – comprit-il après l’avoir prise sur une chaise en bois rustique au beau milieu d’un salon entièrement vidé – du sexe dont il ne pouvait se passer.
En bref, Erik Lossius avait trouvé son semblable.
Oui, car il la considérait comme un homme, quelqu’un qui ne donnait pas l’impression de vouloir autre chose que ce que lui voulait : baiser l’autre à en perdre la raison. Et d’une certaine façon, ils y arrivèrent. En tout cas, ils commencèrent à se voir dans des appartements désertés dont le contenu devait être déménagé ou emménagé, au moins une fois par mois et toujours avec un risque certain d’être découverts. Ils étaient rapides et efficaces, et leurs rituels étaient immuables. Erik Lossius se réjouissait pourtant à l’idée de ces rencontres à l’instar d’un enfant à l’idée du réveillon de Noël, autrement dit avec des attentes simples, que la certitude que ce devait être ainsi, que ses attentes seraient comblées, ne faisait que renforcer. Ils vivaient des vies parallèles, avaient des réalités parallèles, et cela semblait leur convenir – à elle aussi bien qu’à lui. Ils continuèrent à se voir de la sorte, seulement interrompus par l’accouchement, qui heureusement se fit par césarienne, quelques longues vacances et une maladie vénérienne bénigne dont il ne put ni ne voulut trouver l’origine. Dix ans s’étaient maintenant écoulés, et devant un Erik Lossius assis sur un carton dans un appartement à moitié vide de Torshov, un grand type presque rasé lui demandait d’une voix de tondeuse à gazon s’il avait connu Birte Becker. Erik Lossius déglutit.
Le mec s’était présenté comme Harry Hole, inspecteur principal à la Brigade criminelle, mais il ressemblait davantage à un déménageur d’Erik qu’à un truc-bidule chef. Les policiers avec qui Erik avait été en contact après avoir déclaré la disparition de Camilla appartenaient au groupe des disparitions. Mais quand le gars avait tendu sa carte de police, Erik avait tout de suite pensé qu’il lui apportait des nouvelles de Camilla. Et – puisque le policier qu’il avait devant lui n’avait pas téléphoné, mais était venu le chercher ici – il craignait d’entendre de mauvaises nouvelles. Voilà pourquoi il avait fait sortir ses ouvriers et demandé à l’inspecteur principal de s’asseoir pendant que lui mettait la main sur une cigarette et tentait de se préparer à ce qui viendrait.
« Alors ? interrogea l’inspecteur principal.
– Birte Becker ? » répéta Erik Lossius en essayant d’allumer sa cigarette et de penser très vite en même temps. Il échoua sur les deux tableaux. Seigneur, il ne parvenait même pas à penser lentement.
« Je comprends que vous ayez besoin d’un peu de temps, répondit l’inspecteur principal en tirant son propre paquet de cigarettes. Je vous en prie. »
Erik regarda l’inspecteur principal allumer une Camel, et fit un bond quand l’autre tendit la main vers lui, le briquet toujours allumé.
« Merci », murmura Erik en inhalant si fort que le tabac crépita. La fumée emplit ses poumons, et la nicotine fut comme injectée dans son système sanguin. Il s’était déjà dit que ça pourrait finir par arriver, tôt ou tard ; que la police trouverait d’une façon ou d’une autre un lien entre Birte et lui, et viendrait poser des questions. Mais il n’avait alors réfléchi qu’à la manière dont il parviendrait à tenir l’événement secret pour Camilla. À présent, la situation était tout autre. À partir de cet instant précis, en fait. Car jusque-là il n’avait pas encore compris que la police pensait qu’il pouvait exister un lien entre les deux disparitions.
« Le mari de Birte, Filip Becker, a trouvé un carnet de notes dans lequel Birte avait utilisé une sorte de langage codé, expliqua le policier. Qui était relativement facile à déchiffrer. C’étaient des numéros de téléphone, des dates et de petits messages. Qui laissaient relativement peu de doute quant au fait que Birte ait eu des contacts réguliers avec d’autres hommes.
– D’autres hommes ? ne put s’empêcher de répéter Erik.
– Si ça peut vous réconforter, Becker pensait que vous étiez celui qu’elle voyait le plus souvent. À des adresses très variées, si j’ai bien compris. »
Erik ne répondit pas, il avait juste l’impression d’être dans un bateau, et de regarder un raz de marée grossir à l’horizon.
« Donc, Becker a trouvé votre adresse, a pris le pistolet-jouet de son fils, une réplique criante de vérité d’un Glock 21, et est monté à Tveita pour attendre votre retour. Il voulait voir la peur dans vos yeux, a-t-il dit. Vous menacer pour que vous racontiez ce que vous saviez, puis venir nous donner votre nom. Il a suivi la voiture qui entrait au garage, mais il s’est avéré que c’était votre femme.
– Et il… il…
– Lui a tout révélé, oui. »
Erik se leva de son carton et alla à la fenêtre. L’appartement avait vue sur le parc de Torshov et sur un Oslo baigné dans le soleil pâle de l’après-midi. Il n’aimait pas les appartements donnant sur d’anciens immeubles, qui étaient synonymes d’escaliers. Plus la vue était dégagée, plus les escaliers étaient nombreux et les appartements chers, et avec eux des choses plus lourdes, plus chères, des indemnités de perte plus élevées et des défections pour maladie plus nombreuses de la part de ses ouvriers. Mais on s’exposait à ce risque lorsqu’on choisissait de pratiquer des prix bas qui n’augmentaient jamais : on gagnait toujours dans la course aux déménagements les plus moisis. Sur le long terme, tous les risques cependant ont leur prix. Erik inhalait et entendait le policier parcourir la pièce à pas traînants. Il savait que ce policier ne se laisserait pas épuiser par une stratégie de temporisation, qu’il ne s’agissait pas d’une plainte pour dégâts qu’il pourrait bazarder. Que Birte Olsen, à présent Becker, allait être la première cliente pour laquelle il essuierait une perte.
« En outre il a dit avoir eu une relation avec Birte Becker pendant dix ans, expliqua Harry. Et que lors de leur première rencontre et partie de jambes en l’air, elle était enceinte de son mari.
– On est enceinte d’un petit garçon ou d’une petite fille, rectifia Rakel en tapotant son oreiller afin de mieux voir Harry. Pas de son mari.
– Mmm. » Harry se hissa sur un bras, s’étira par-dessus la femme et attrapa son paquet de cigarettes sur la table de chevet. « Pas plus de huit fois sur dix.
– Quoi ?
– À la radio, ils ont dit qu’entre quinze et vingt pour cent de tous les enfants Scandinaves ont un autre père que celui qu’ils croient être le leur. » Il secoua le paquet pour en faire sortir une cigarette, et la brandit vers la lumière du soir qui filtrait entre les stores. « On partage ? »
Rakel hocha silencieusement la tête. Elle ne fumait pas, mais lorsqu’ils sortaient ensemble, c’était quelque chose dont elle avait pris l’habitude après qu’ils avaient fait l’amour : partager cette unique cigarette. La première fois que Rakel avait demandé à goûter sa cigarette, elle avait dit que c’était parce qu’elle voulait ressentir la même chose que lui, être empoisonnée et stimulée comme lui, venir aussi près de lui que possible. Il avait songé à toutes les jeunes junkies qu’il avait rencontrées, qui s’étaient fait leur premier shoot pour cette même raison idiote, et il avait refusé. Mais elle l’avait convaincu, et c’était progressivement devenu un rituel. Quand ils avaient fait l’amour lentement, avec indolence, longtemps, cette cigarette était comme une prolongation de ce moment. D’autres fois, ça revenait à fumer le calumet de la paix après une bataille.
« Mais il avait un alibi pour toute la soirée pendant laquelle Birte a disparu, poursuivit Harry. Beuverie entre hommes à Tveita, qui a démarré à six heures et a duré toute la nuit. Au moins dix témoins, pétés pour la plupart, d’accord, mais personne n’est parti avant six heures le lendemain matin.
– Pourquoi devez-vous tenir secret le fait que le Bonhomme de neige n’a pas été pris ?
– Aussi longtemps qu’il pense qu’on a le coupable, on peut espérer qu’il va faire profil bas et ne pas commettre d’autres assassinats. Et il se montrera moins vigilant s’il pense que la chasse est terminée. Pendant ce temps-là, on peut l’approcher tranquillement…
– C’est de l’ironie que j’entends ?
– Peut-être, répondit Harry en lui tendant la cigarette.
– Tu n’y crois donc pas complètement ?
– Je crois que la direction a d’autres raisons de ne pas révéler que nous n’avons pas le bon type. C’est le chef de la Crim et Hagen qui ont tenu la conférence de presse au cours de laquelle ils se sont félicités d’avoir élucidé cette affaire… »
Rakel soupira.
« Et malgré tout, l’hôtel de police me manque, de temps en temps.
– Mmm. »
Rakel regarda la cigarette. « Est-ce que tu as déjà été infidèle, Harry ?
– Définis infidèle.
– Coucher avec quelqu’un d’autre que la personne avec qui tu sors.
– Oui.
– Pendant que tu étais avec moi, je veux dire ?
– Tu sais parfaitement que je ne peux pas le savoir à cent pour cent.
– OK, mais quand tu n’avais pas bu, alors ?
– Non, jamais.
– Alors qu’est-ce que tu penses de moi en voyant que je suis ici ?
– C’est une question piège ?
– Je suis sérieuse, Harry.
– Je sais. Simplement, je ne sais pas si j’ai envie de répondre.
– Alors tu n’auras plus de cette cigarette.
– Ouille ! OK. Je pense que tu crois vouloir m’avoir, mais que tu souhaiterais l’avoir lui. »
Les mots s’immobilisèrent entre eux, comme imprimés dans les ténèbres de la chambre.
« Tu es si affreusement… instrumental ! s’écria Rakel avant de tendre la cigarette à Harry et de croiser les bras.
– On est obligés de parler de ça ?
– Mais il faut que j’en parle ! Tu ne comprends pas ça ? Sinon, je vais devenir folle. Seigneur, je le suis déjà ; être ici, maintenant… »
Elle remonta l’édredon jusque sous son menton.
Harry se tourna et se colla tout contre elle. Avant même de l’avoir touchée, elle avait fermé les yeux, appuyé la tête en arrière, et entre ses lèvres entrouvertes, il entendit sa respiration s’accélérer. Comment y arrive-t-elle ? se demanda-t-il. De la honte à l’excitation en si peu de temps ? Comment peut-elle être aussi… instrumentale ?
« Crois-tu… », commença-t-il, et il la vit ouvrir les yeux et braquer son regard sur le plafond, surprise et frustrée face à ce contact qui ne venait pas. « Crois-tu que la mauvaise conscience nous excite ? Que nous sommes infidèles non pas en dépit de la honte, mais à cause d’elle ? »
Elle cilla à plusieurs reprises.
« C’est une chose, répondit-elle enfin. Mais pas tout. Pas cette fois.
– Cette fois ?
– Oui.
– Je t’ai posé la question, une fois, et tu as dit…
– J’ai menti. J’ai déjà été infidèle.
– Mmm. »
Ils se turent pour écouter le bourdonnement lointain du rush de l’après-midi, sur Pilestredet. Elle était venue le voir en sortant du boulot. Il connaissait leurs habitudes, à elle et Oleg, et savait qu’elle ne devrait pas tarder à y aller.
« Tu sais ce que je déteste chez toi ? reprit-elle enfin en lui tirant rudement l’oreille. Que tu es si orgueilleux et têtu que tu ne peux pas te demander si c’était contre toi.
– Bon. » Harry prit la cigarette presque entièrement consumée et regarda le corps nu de Rakel tandis qu’elle quittait prestement le lit. « Pourquoi le saurais-je ?
– Pour la même raison que le mari de Birte. Débusquer le mensonge. Mettre la vérité sur la table.
– Tu crois que la vérité rend Filip Becker moins malheureux ? »
Elle passa son pull par-dessus la tête, un pull moulant en grosse laine noire qui se collait contre sa peau douce. Harry songea que s’il devait être jaloux, c’était du pull-over.
« Vous savez quoi, monsieur Hole ? Pour quelqu’un dont le métier est de découvrir la désagréable vérité, vous appréciez un peu trop les mensonges fondamentaux.
– OK, répondit Harry en écrasant la cigarette dans le cendrier. Dis voir.
– C’était à Moscou, pendant que j’étais avec Fiodor. Un attaché norvégien, avec qui j’avais suivi ma formation d’aspirant, est venu travailler à l’ambassade. Nous sommes tombés très amoureux l’un de l’autre.
– Et ?
– Lui aussi sortait avec quelqu’un. Au moment de mettre un terme à nos relations respectives, elle lui a coupé l’herbe sous le pied et lui a dit qu’elle était enceinte. Et puisque j’ai toujours bon goût en matière d’hommes… (elle tordit la lèvre supérieure au moment de mettre ses bottes)… j’en avais bien évidemment choisi un qui ne fuyait pas ses responsabilités. Il a postulé pour revenir à Oslo, et nous ne nous sommes jamais revus. Et Fiodor et moi nous sommes mariés.
– Et juste après, tu étais enceinte ?
– Oui. » Elle boutonna son manteau et le regarda. « Il m’est arrivé de penser que c’était pour me remette de lui. Qu’Oleg n’est pas le fruit de l’amour, mais d’un chagrin d’amour. Tu le crois ?
– Je ne sais pas, répondit Harry. Je sais seulement que le résultat a été bon. »
Elle lui fit un sourire reconnaissant, se pencha et déposa un baiser sur son front.
« Nous ne nous reverrons jamais, Hole.
– Bien sûr que non. » Il resta immobile, les yeux rivés sur le mur nu, jusqu’à ce qu’il entende la lourde porte cochère donnant sur la rue se refermer derrière elle avec un grondement sourd. Alors il alla dans la cuisine, ouvrit le robinet et prit un verre propre dans le placard au-dessus de l’évier. En attendait que l’eau soit bien froide, il laissa son regard glisser jusqu’au sol, depuis le calendrier orné de la photo d’Oleg et Rakel dans sa robe bleu ciel. Deux empreintes humides de bottes marquaient le lino. Ce devait être celles de Rakel.
Il enfila son blouson et ses bottillons, et s’apprêtait à sortir quand il fit demi-tour, alla chercher son revolver de service Smith & Wesson dans le haut de l’armoire et le mit dans la poche de son manteau.
L’amour l’habitait toujours comme un bien-être frémissant, une légère ivresse. Il était arrivé à la porte cochère lorsqu’un son, un petit claquement, le fit se retourner et regarder dans la cour, où l’obscurité était plus dense que dans la rue. Et il allait poursuivre, il l’aurait fait, s’il n’y avait pas eu ces empreintes. Les empreintes de bottes sur le lino. Il alla donc vers la cour. La lumière jaune des fenêtres au-dessus de lui se reflétait dans les restes de neige qui demeuraient là où le soleil ne parvenait pas. Il était près de la descente vers les boxes de la cave. Un personnage de guingois avec la tête penchée, aux yeux de pierre et au sourire de gravillons qui se riait de lui, d’un rire muet qui retentissait entre les murs et se transformait en cri hystérique ; Harry comprit que c’était le sien au moment où il saisit la pelle à neige posée à côté de l’escalier et se mit à taper, en proie à une fureur pure. Le bord métallique tranchant de la pelle atterrit sous la tête, la soulevant purement et simplement du corps en envoyant de la neige mouillée contre le mur. Il fendit pratiquement le torse du bonhomme de neige en deux, et le troisième coup envoya les derniers restes sur l’asphalte noir, au milieu de la cour. Harry s’était immobilisé, haletant, lorsqu’il entendit un nouveau claquement derrière lui. Comme le son du percuteur d’une arme à feu que l’on relevait. Il fit vivement volte-face, lâcha la pelle à neige et tira le revolver noir en un seul mouvement fluide.
Près de la palissade, sous le vieux bouleau, Muhammed et Salma regardaient leur voisin, pétrifiés, de leurs grands yeux noirs d’enfant. Chacun tenait une branche sèche. Celles-ci auraient pu devenir de jolis bras si Salma, par un réflexe de peur, ne venait pas de casser la sienne en deux.
« No… notre bo-bonhomme de neige… », bégaya Muhammed.
Harry fourra le revolver dans la poche de son manteau et ferma les yeux. Jura intérieurement et déglutit avant de donner à son cerveau l’ordre de desserrer son étreinte autour de la crosse. Puis il rouvrit les yeux. Les larmes étaient déjà visibles dans les yeux marron de Salma.
« Excusez-moi, murmura-t-il. Je vous aiderai à en faire un autre.
– Je veux rentrer », chuchota Salma d’une voix étranglée par les larmes.
Muhammed prit sa petite sœur par la main et lui fit décrire un arc de cercle autour de Harry.
Harry ne bougeait pas, la crosse de son revolver toujours contre sa main. Le craquement. Il avait cru que c’était le son d’un percuteur de revolver que l’on soulevait. Mais c’était complètement faux, cette partie de la détente ne fait pas de bruit. Ce que l’on entend, c’est le son d’un percuteur lorsqu’il retombe, le son d’un coup qui n’a pas été tiré, le son qui informe que l’on est en vie. Il sortit de nouveau son revolver de service. Le braqua vers le sol et enfonça la gâchette. Le percuteur appuyait contre l’arrière du barillet. Il pressa encore. Le percuteur ne bougeait toujours pas. Il ne s’éleva que lorsque Harry eut pressé la détente sur un tiers de sa course et pensa que le coup pouvait partir à n’importe quel moment. Le percuteur retomba avec un déclic métallique. Et il reconnut le son. Tout en comprenant que celui qui presse la détente suffisamment loin pour que le percuteur décolle a l’intention de tirer.
Harry leva les yeux vers ses fenêtres, au second. Elles étaient obscures, et une idée lui vint : il n’avait pas la moindre idée de ce qui se déroulait derrière quand il n’était pas là.
Erik Lossius, désœuvré, regardait par la fenêtre de son bureau, et s’étonnait. Du peu qu’il avait su de ce qui se passait derrière le regard brun de Birte. Du fait que l’idée qu’elle ait pu coucher avec d’autres hommes était plus pénible que celle de sa disparition, peut-être de sa mort. Et qu’il aurait préféré voir assassiner Camilla plutôt que de la perdre de la sorte. Mais Erik Lossius pensait surtout qu’il avait dû aimer Camilla.
Et que c’était toujours le cas. Il avait appelé ses beaux-parents, mais eux non plus n’avaient pas de nouvelles. Elle était peut-être chez l’une de ses amies du Vestkant qu’il ne connaissait que par ouï-dire.
Il regarda les ténèbres de l’après-midi tomber lentement sur le Groruddal, l’emplissant et effaçant les détails. Il n’y avait plus rien à faire ici aujourd’hui, mais il ne voulait pas rentrer dans cette maison beaucoup trop grande, beaucoup trop vide. Pas encore. Une caisse de liqueurs variées était rangée dans le placard derrière lui, des prétendus coulages de diverses caves à liqueurs en transit. Mais pas d’eau. Il versa du gin dans sa tasse à café et eut le temps d’en boire une petite gorgée avant que le téléphone sonne devant lui. Il reconnut l’indicatif national de la France sur l’affichage. Le numéro ne se trouvait pas sur la liste des plaignants, alors il décrocha.
« Où es-tu ? demanda-t-il.
– À ton avis ? » Sa voix était lointaine.
« D’où appelles-tu ?
– Du Casper. »
C’était le café à trois kilomètres de leur maison de campagne.
« Camilla, tu es recherchée.
– Ah oui ? »
Elle donnait l’impression de somnoler, allongée au soleil. De s’ennuyer et de faire semblant de s’intéresser, avec la froideur polie et distanciée dont il était tombé amoureux ce jour-là, sur la terrasse de Blommenholm.
« Je… », commença-t-il, avant de s’arrêter. Qu’allait-il dire, en fin de compte ?
« J’ai pensé qu’il était plus juste de t’appeler avant que notre avocat le fasse, expliqua-t-elle.
– Notre avocat ?
– Celui de ma famille. L’un des plus compétents dans ce genre d’affaire, je le crains. Il veut demander un partage des biens. Nous allons exiger la maison et nous allons l’avoir, même si je ne peux pas te cacher que j’ai l’intention de la vendre. »
Bien sûr, songea-t-il.
« Je rentre dans cinq jours. Je considère que tu auras déménagé, à ce moment-là.
– L’échéance est bien courte…
– Tu y arriveras. J’ai entendu dire que personne ne fait le boulot plus vite et pour aussi peu que Rydd & Flytt. »
Elle prononça ces derniers mots avec un mépris qui le fit se ratatiner. Comme il s’était ratatiné depuis l’entrevue avec l’inspecteur principal Hole. Il était comme un vêtement lavé à trop haute température, il était devenu trop petit pour elle, inutilisable. Et avec la même certitude qu’il savait qu’à cet instant précis, il l’aimait plus fort que jamais, il sut qu’il l’avait irrémédiablement perdue, qu’il n’y aurait jamais de réconciliation. Et quand elle eut raccroché, il l’imagina les yeux plissés dans le soleil sur la Côte d’Azur, derrière une paire de lunettes de soleil achetées vingt euros mais qui devenaient sur elle des lunettes à trois mille couronnes, Gucci ou Dolce & Gabbana ou… Il avait oublié le nom des autres.
Harry avait gravi en voiture la colline à l’ouest de la ville. Il s’était garé sur le grand parking désert du complexe sportif avant de monter à Holmenkollbakken. Il s’était arrêté sur la plate-forme à côté de la rampe du tremplin, d’où lui et quelques touristes acharnés regardaient vers des tribunes, exhibant un sourire vide de part et d’autre de l’aire de réception, le petit étang que l’on vidait en hiver et la ville qui s’étendait vers le fjord. La vue donne une vision d’ensemble. Ils n’avaient aucune piste concrète. Le Bonhomme de neige avait été si proche, il avait semblé qu’on n’aurait qu’à tendre la main pour le toucher. Mais il avait alors de nouveau glissé hors de portée, comme un boxeur roublard, bien entraîné. L’inspecteur principal se sentait vieux, lourd et maladroit. Un touriste le regarda furtivement. Le poids du revolver tirait très légèrement le manteau du côté droit. Et les cadavres ? Où étaient ces foutus cadavres ? Même les corps enterrés réapparaissaient. Y allait-il à l’acide ?
Harry sentit venir la résignation. Plutôt crever ! À ce cours du FBI, ils avaient étudié à fond des cas dans lesquels plus de dix ans s’étaient écoulés avant que le coupable ne soit pris. C’était en général un petit détail, en apparence anodin, qui permettait de trouver la solution. Mais ce qui résolvait réellement l’affaire, c’était qu’ils n’avaient jamais renoncé, qu’ils avaient tenu les quinze rounds et, si l’adversaire était toujours debout, réclamé la belle avec force cris.
Les ténèbres de l’après-midi montaient en rampant de la ville en contrebas, et l’éclairage s’alluma autour de lui.
Ils devaient commencer à chercher là où il y avait de la lumière. C’était une règle de base. Commence là où tu as des traces. Dans le cas présent, cela signifiait un début avec la personne la moins vraisemblable que l’on pût imaginer et l’idée la plus mauvaise et dingue qu’il ait jamais eue.
Harry poussa un soupir, sortit son mobile et remonta la liste des derniers appels. Il n’y en avait pas tant, elle n’avait donc pas disparu, la communication la plus courte à l’hôtel Leon. Il pressa la touche OK pour appeler.
La researcheuse de Bosse répondit à la seconde, de la voix heureuse et frénétique d’une personne qui considère tous les appels entrants comme une chose potentiellement nouvelle et passionnante. Et cette fois, elle n’avait pas trop tort.