24

Il faisait plus frais la nuit dans les grandes étendues désertiques qui séparaient l'Égypte de la Judée. Les villes du XXIe siècle n'avaient pas encore été bâties, et l'irrigation demeurait rudimentaire. Ayant hérité de grandes fortunes et d'importants secrets, les Templiers avaient doté leurs commanderies et leurs petites cités de tout ce dont elles avaient besoin pour être indépendantes. Il y avait donc un puits au milieu de celle où Terra et ses amis s'étaient arrêtés pour la nuit. Il permettrait aux réfugiés de ne pas mourir de soif, mais il risquait également d'attirer tous les cavaliers qui sillonnaient la région à la recherche d'autres croisés. Il était donc important de monter constamment la garde. Puisqu'ils n'étaient pas suffisamment nombreux pour repousser une attaque, les nouveaux soldats de Terra en profiteraient pour se retirer en douce dans un autre village jusqu'à ce que les sarrasins soient partis.

Alissandre avait pris le premier tour de garde. En réalité, il n'avait pas besoin de dormir. Lorsqu'il devait s'allonger auprès des autres, il en profitait pour réfléchir à sa stratégie. Assis en tailleur sur une grosse pierre carrée, il observait les alentours, non pas avec ses yeux, mais avec des sens que ne possédaient pas les humains. C'est ainsi qu'il ressentit l'approche de Galahad un peu avant minuit. Pourtant, le chevalier ne devait pas le relayer avant deux heures.

— Tu arrives trop tôt, mon ami.

— Je n'avais plus sommeil, soupira Galahad. En fait, je suis surpris d'avoir pu dormir quatre heures dans un endroit où non seulement les sarrasins, mais aussi les chiens de chasse du sorcier pourraient fondre sur nous.

Il grimpa sur un autre bloc en pierre et laissa le vent réconfortant jouer dans ses cheveux. Alissandre l’observa avec envie, car il ne pouvait plus éprouver ce type de sensations.

— J'ai tenté de communiquer avec Chance par télépathie, mais je n'y arrive pas, se découragea-t-il.

— À moins d'être un puissant magicien ou un prophète, il est impossible de franchir avec nos pensées les sept cents ans qui vous séparent tous les deux, expliqua Alissandre.

— Je me sentirais beaucoup mieux si nous avions régulièrement des nouvelles de la maison.

— Nous ne sommes pas partis depuis très longtemps.

— Aymeric nous a peut-être été rendu.

— J'en doute, Galahad. Le sorcier aura besoin de lui jusqu'à la fin de la partie pour attirer le roi blanc. Mais si cela peut te rassurer, je retournerai de temps en temps dans le futur pour voir comment se débrouillent tes amis à Nouvelle-Camelot.

Alissandre observa son ami de la tête aux pieds. Avec ses cheveux noirs à l'épaule, qui commençaient à grisonner, un début de barbe et ces vêtements anciens, il semblait tout à fait à sa place dans ce siècle.

— Connais-tu la mairesse de la ville ? demanda soudain le chevalier.

— Non, je suis désolé. Je suis resté enfermé dans ma caverne plus longtemps que je ne l'aurais voulu. Enfin, j'y serais encore si le sorcier avait respecté le protocole.

— Nous ne t'aurions donc jamais revu.

— Il n'est pas aussi aisé qu'il semble d'apprendre la vraie magie. Pourquoi veux-tu me parler de la mairesse ?

— Il y a une curieuse énergie en elle et autour de sa maison. Je n'arrive pas à l'identifier.

— Et tu veux savoir si elle est une alliée ou une ennemie, c'est cela ?

— Je suis très attaché à ma ville et je serais déçu d'apprendre que pendant tout ce temps, elle a été dirigée par une traîtresse.

— Tu l’as côtoyée à plusieurs reprises, non ? Si elle s'était liguée avec le sorcier, tu l'aurais rapidement démasquée.

— Il a déjà utilisé des gens intègres à ses fins, comme l'ancien chef de la police de Little Rock, par exemple. Je ne me sentais pas bien en sa présence, mais je n'ai jamais deviné qu'il était le roi noir.

— Je passerai donc chez elle lorsque j'irai voir comment se débrouille Chance, et je te laisserai savoir ce que j'en pense. En passant, félicitations pour le bébé.

— Quoi ?

— Chance ne te l’a pas dit ?

— Non, mais j'avais remarqué que son comportement était différent… Juste avant de partir, j'ai tenté de la faire parler, mais elle m'a dit qu'elle ne voulait pas me distraire de ma quête.

Le chevalier sauta sur le sol et se mit à marcher de long en large devant le magicien.

— Je n'ai plus l'âge de devenir père.

— Il n'y a pas de bon moment pour aimer et protéger un petit être qui nous succédera. Tu as beaucoup de veine, Galahad. C'est quelque chose que j'aurais aimé connaître.

— J'aurai les cheveux tout blancs lorsqu'il sera en âge de conduire une voiture.

— Alors il bénéficiera de ton expérience et de ta sagesse. Les seules limites que connaissent les hommes sont celles qu'ils s'imposent eux-mêmes. Tant que l’on a la foi, tout est possible.

Galahad revint s'asseoir sur le bloc en pierre en prenant de profondes inspirations.

— J'étais tellement certain que je n'aurais pas d'enfant que je n'ai jamais pensé à des prénoms.

— Ce soir, c'est le bon moment de t'y mettre, non ?

Le chevalier fronça les sourcils en se rappelant certains livres qu'il aimait beaucoup. La plupart remontaient à des époques très anciennes.

— Si c'est un garçon, j'aimerais bien Justin, Thierry ou Virgile, déclara-t-il finalement.

— Et si c'est une fille ?

— Clotilde, Ode ou Désirée.

— Très bons choix.

— Mais Chance en aura probablement d'autres à proposer. Peut-être serait-il mieux qu'elle choisisse le prénom, puisque c'est elle qui porte le bébé.

— À mon avis, il est important que les deux parents soient d'accord. Mais vous avez encore plusieurs mois pour y penser.

Cette dernière phrase de l'immortel redonna courage à Galahad, car elle signifiait qu'il croyait à leur victoire. Le chevalier songea alors aux croisés qui venaient de faire acte d'allégeance à Terra.

— Comment expliquerons-nous à Alexis et ses hommes qu'ils sont sur le point de se mesurer à des créatures surnaturelles qui ne respectent pas les règles du combat loyal ? demanda-t-il.

— Que voulez-vous dire par « surnaturelles » ? s'inquiéta Geoffroy de Courson, qui arrivait derrière eux.

— Le Malin utilisera tous ses serviteurs contre nous, expliqua Galahad. Il est possible que nous affrontions aussi bien des soldats que des monstres sans nom.

— Nous ne reculerons devant aucun des ennemis de Dieu, affirma le croisé en s'arrêtant près du chevalier.

Alissandre crut que le moment était venu de révéler sa véritable nature, afin de ne pas frapper ces pauvres hommes de stupeur au milieu du champ de bataille.

— De plus, je suis magicien.

— Que dites-vous ? s'étonna Geoffroy.

— C'est un ange, précisa Galahad en se rappelant que certaines notions modernes n'étaient pas courantes au XIIIe siècle.

— Vraiment ?

Alissandre tendit les mains, lui montrant les étoiles nacrées qui étaient incrustées dans ses paumes. Ces dernières se mirent à briller avec la même intensité que la lune. Geoffroy se signa aussitôt.

— Je suis capable de grands prodiges, souligna le magicien, mais en présence de créatures possédant des pouvoirs aussi grands que les miens, je redeviens un soldat comme tous les autres.

Il pointa une petite pierre sur le sol entre le croisé et lui. Sans intervention humaine, elle se souleva et vola jusqu'à eux.

— Je n'ai jamais rien vu de tel, avoua Geoffroy, sidéré. Ne pourriez-vous pas vaincre toutes les armées du sultan grâce aux dons que vous a confiés le Seigneur ?

Alissandre n'avait certes pas le droit de changer le cours de l'histoire. En fait, l'une des règles les plus importantes du retour dans le temps était justement de passer inaperçu le plus possible. Il ne pouvait pas non plus dire au templier qu'il n'était là que parce que son adversaire avait choisi ce siècle pour disputer cette partie entre le Bien et le Mal.

— Dieu n'intervient que lorsqu'il le juge nécessaire, répondit-il avec un air contrit.

— Il veut que nous gagnions nous-mêmes notre droit d'entrée dans son Royaume, n'est-ce pas ?

— C'est exact.

— Nous lui sommes reconnaissants de nous mettre ainsi à l'épreuve.

« S'il savait… », soupira intérieurement Galahad.

— Il est presque temps pour moi de faire le guet, annonça-t-il. Allez-vous reposer un peu, ange de Dieu.

Alissandre réprima un sourire et acquiesça d'un signe de tête. En silence, il retourna au campement, établi plus loin parmi les ruines.

— Puis-je rester un peu avec vous, Galahad ? réclama Geoffroy.

— J'allais justement vous le demander.

Le croisé prit place sur la pierre que le magicien venait de libérer.

— Nous nous posons beaucoup de questions à votre sujet, avoua-t-il.

— C'est le moment ou jamais de satisfaire votre curiosité.

— Vous dites être des Anglais, mais vous ne vous comportez pas comme ceux que j'ai côtoyés depuis que je participe à ces guerres…

— Sans doute provenaient-ils d'un coin de pays éloigné du nôtre. C'est sûrement la même chose en France. Les gens ne se conduisent pas tous de la même façon, car les coutumes varient en fonction des régions. Y a-t-il quelque chose dans notre attitude qui vous offense ?

— Nous ne sommes pas offensés, mais stupéfiés, car vous agissez comme des hommes sûrs de vous malgré que vous vous trouviez en un lieu où les soldats du Christ se font massacrer comme du bétail.

— La peur est mauvaise conseillère, mon ami.

— C'est donc que vous n'avez jamais vu mourir ceux qui vous étaient chers.

— Nous avons eu notre lot de pertes et de chagrin, croyez-moi, mais nous avons choisi la voie de l'amour et de l'acceptation. Peu importe la langue que nous parlons, le lieu où nous habitons ou le dieu que nous vénérons, nous avons tous droit à la paix et à la liberté.

— Est-ce à dire que vous désapprouvez les ordres du roi et du pape ?

— Pas du tout. Nous sommes respectueux des traditions et de la hiérarchie. Toutefois, cela ne nous empêche pas d'être des libres penseurs.

— Alors, je crois que c'est cela qui nous trouble. Vous exprimez ouvertement des vérités que nous gardons cachées.

— Cela vous passera avec les années, affirma Galahad avec un sourire amical. Maintenant, parlez-moi un peu de vous.

— Il y a peu à dire, en vérité. Je suis le troisième fils du seigneur Bernard de Courson. C'est à la demande de notre père que mon frère Héric et moi sommes devenus des Chevaliers du Temple. Lorsque le roi a demandé à l’ordre de se porter au secours des villes assiégées en Terre sainte, nous nous sommes joints aux hommes de Philippe de Montfort. La majorité de notre ost provenait de la même région de France que nous. Nous étions des centaines, et il ne reste à présent plus que nous.

— Toutes les guerres sont cruelles.

— Avez-vous perdu beaucoup d'amis ?

Galahad se rappela alors la trahison des membres de la Table ronde.

— Oui, affirma-t-il, attristé.

— Avez-vous laissé une épouse dans votre domaine d'Angleterre ?

Le chevalier répondit par l'affirmative en hochant doucement la tête.

— Des enfants ?

— Il n'est pas encore né.

— Je prie Dieu qu'il vous permette de rentrer chez vous pour admirer son sourire.

— Et vous, Geoffroy, quelqu'un vous attend ?

— Mon épouse Gisèle et nos deux garçons, qui m'auraient bien accompagné s'ils avaient été en âge de se battre.

Les deux soldats, d'époques pourtant éloignées l’une de l'autre, bavardèrent comme de vieux amis jusqu'au lever du soleil. C'est à ce moment que Galahad perçut la première menace. Il se redressa brusquement, comme si un serpent l'avait piqué, en regardant au loin. Geoffroy l'imita aussitôt. Sur la ligne d'horizon apparaissait un point noir en mouvement.

— Sont-ils nombreux ? demanda le croisé.

— Non, répondit Alissandre, qui s'était glissé derrière eux sans qu'ils ne s'en aperçoivent. Il n'y en a que douze, et ce ne sont pas des Mamelouks.

— Une tribu renégate, alors ?

— Ce sont des serviteurs du Mal. Ils montent des chevaux comme il n'en existe pas dans ce monde. Il faudra s'en méfier autant que de leurs cavaliers.

Galahad se réjouit d'apprendre qu'ils n'avaient pas choisi de les attaquer sous la forme de loups, car leurs soldats nouvellement recrutés n'auraient pas su comment s'en protéger.

— Sont-ils armés ?

— Ils ont des cimeterres barbelés, affirma Alissandre.

— Quand seront-ils ici ?

— Dans une heure ou deux, tout au plus.

— Allons réveiller les autres.

Terra ne fut pas fâché d'apprendre que l'ennemi était en vue. Tout ce qu'il voulait, c'était éliminer tous les pions que le sorcier lancerait sur le jeu.

— J'imagine que le roi noir n'est pas parmi eux, supposa le Hollandais en attachant son baudrier.

— Je ne sens pas sa présence, confirma Alissandre.

— En tout cas, le sorcier nous a trouvés plutôt rapidement, nota Marco.

— C'est mon énergie qu'il arrive à repérer, expliqua le magicien. Après cette bataille, il faudra que je m'éloigne pour examiner le jeu à distance et vous donner une meilleure chance de mettre la main sur la pièce maîtresse.

— Personnellement, je me sentirais plus rassuré si tu restais auprès de nous, murmura Terra pour ne pas alarmer les croisés.

— Je ne peux combattre que mon adversaire, pas ses pions.

— La dernière fois, le sorcier ne s'est pas gêné pour assister au massacre aux premières loges et pour intervenir aussi, lui rappela Galahad.

— Ils arrivent ! s'écria alors Étienne en revenant de son poste de garde.

Les treize hommes enfourchèrent leur monture sous le regard tranquille d'Alissandre. Heureusement, Galahad avait formé Terra et Marco sur des selles à arçonnière, sinon ils auraient eu beaucoup de mal à galoper et à manier l’épée en même temps.

— Vous ne nous accompagnez pas ? s'étonna Alexis en voyant que le magicien ne les imitait pas.

— Il est préférable que je reste derrière vous pour m'assurer que Satan ne tente pas de vous tendre un piège.

— Fais-lui confiance, Alexis, le pria Geoffroy. C'est un ange.

Avec la bande de cavaliers qui fonçait à vive allure sur la plaine et qui allait bientôt arriver devant les ruines, ce n'était pas le moment de poser des questions. Habitué à mener le groupe depuis la mort de son commandant, Alexis leva le bras pour rallier ses frères.

— Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tua da gloriam ! clama-t-il.

— Qu'est-ce qu'il dit ? demanda Marco à Galahad, près de lui.

— Non pour nous, Seigneur, non pour nous, mais à ton seul nom donne la gloire. C'est du latin.

Même s'il avait annoncé qu'il était roi dans son pays, sur le champ de bataille, Terra Wilder n'était qu'un templier comme tous les autres, et puisqu'il n'était pas le chef d'une commanderie en Angleterre, il ne pouvait pas usurper le droit acquis d'Alexis de Dinan de mener cette charge.

Les chevaux galopèrent à la file indienne entre les murs à moitié démolis de la cité. Galahad s'était évidemment précipité devant Terra, de façon à le couvrir. Marco s'était pour sa part glissé derrière lui. Lorsqu'ils débouchèrent finalement sur la plaine, les templiers formèrent une ligne droite face à l'ennemi qui se ruait sur eux. Les adversaires n'étaient plus qu'à cinq cents mètres. Juché sur la plus haute structure qui se tenait encore debout, Alissandre observait la scène en essayant de deviner la stratégie de son opposant. Tous les cavaliers du sorcier montaient des chevaux aussi sombres que la nuit. Ils étaient également vêtus en noir comme des bédouins. Dans leurs mains, ils tenaient tous de longs sabres dont les deux côtés de la lame étaient parsemés de pointes disposées en barbes d'épi. Percevant leur férocité, le magicien se félicita d'avoir recruté des soldats d'expérience dans son camp.

— Ils ne sont pas nombreux, fit remarquer Alexis. Concentrez-vous sur un seul opposant, et que Dieu vous garde.

Ses hommes dégainèrent leur épée et talonnèrent leur destrier. Habituées au combat, les bêtes n'hésitèrent pas un seul instant. Elles foncèrent sur les montures noires qui, après avoir parcouru une si grande distance, ne suaient même pas.

Le choc des deux lignes de combat fut brutal. Le métal heurta le métal et les chevaux se bousculèrent en hennissant. Les croisés avaient souvent combattu de cette façon et, sans leur armure en métal, ils étaient beaucoup plus mobiles. Galahad, sans avoir jamais participé à une vraie bataille, avait appris à se débrouiller dans une mêlée grâce à l’ordre de Galveston, sous la tutelle de son mentor. Pour Terra et Marco, par contre, il s'agissait d'une toute nouvelle expérience. Les coups portés par les cavaliers noirs étaient beaucoup plus difficiles à parer que ceux des élèves contre lesquels ils s'étaient entraînés dans la cour du château de Galahad.

Toutefois, Terra avait cessé de raisonner pour s'en remettre à son instinct. Son désir de revoir son fils décuplait sa force. Il frappait son adversaire maléfique avec une rage qui lui était inhabituelle, mais qui s'avéra très efficace. Le Hollandais savait que Galahad n'était pas loin et qu'il interviendrait s'il devait faiblir. Quant à ce dernier, il n'ignorait pas que Terra était plus âgé et moins en forme que lui. Il s'efforça donc de neutraliser son opposant le plus rapidement possible, afin de pouvoir venir en aide à ses frères d'armes.

La fureur et la force physique de Galahad lui permirent de briser le bras du noir serviteur, puis de marteler implacablement sa poitrine jusqu'à ce qu'il parvienne à le désarçonner. Le chevalier poussa son destrier vers son ennemi, couché sur le dos, avec l'intention de le piétiner à mort, mais la sombre monture de ce dernier s'interposa. Galahad aimait profondément les chevaux, et la seule pensée de devoir tuer ceux des démons l'horrifiait.

Lorsque les noirs serviteurs tombent, leurs montures disparaissent, fit la voix d'Alissandre dans son esprit. Le magicien avait donc senti son malaise.

Guidant son cheval de main de maître, Galahad le fit tourner sur lui-même et pointa son épée devant la tête de la sombre bête. Hennissant de colère et balayant l'air de ses sabots, le monstre s'en prit aussitôt au métal brillant. Cela donna au chevalier suffisamment d'ouverture pour terminer sa funeste besogne. Ordonnant à son destrier de piaffer violemment, il lui fit défoncer la cage thoracique du cavalier couché sur le sol. Le cheval noir s'évapora comme un mirage en même temps que son maître rendait l'âme.

Libéré de son propre combat, Galahad se tourna d'abord vers Terra pour constater avec soulagement qu'il se débrouillait fort bien. Marco, cependant, se faisait malmener par un nervi du sorcier. Sans hésitation, Galahad fonça sur l'autre flanc de ce démon. Harcelé de toutes parts, ce dernier commença à se changer en loup. Déployant toute la puissance de ses muscles, Marco enfonça la pointe de sa lame dans sa gorge.

Convaincu que c'était la fin de ce pion du sorcier, Galahad fit pivoter son cheval pour voir si un autre de ses compagnons nécessitait son assistance. Il vit alors un cavalier noir balancer sa terrible épée et frapper Jules de Bruc au milieu du corps. Le choc jeta le croisé à bas de la selle. Son ennemi sauta immédiatement à terre pour l'anéantir.

Galahad enfonça ses talons dans les flancs de son destrier qui s'élança. Le poitrail de son cheval arabe percuta le démon et l'envoya rouler dans la poussière. Le chevalier revint immédiatement à la charge pour ne pas lui donner le temps de se relever. Poussant son destrier au galop, Galahad tendit le bras et, d'un violent coup d'épée, brisa le cou du cavalier noir.

Les soldats d'Alissandre gagnaient de plus en plus de terrain lorsque leurs ennemis encore vivants et leurs montures disparurent d'un seul coup ! Les lames sifflèrent dans le vide, sans trouver de cible.

— Mais où sont-ils allés ? s'étonna Alexis.

— Leur maître les a rappelés avant que nous ne les éliminions tous, gronda Galahad, mécontent.

Le chef des croisés mit pied à terre et se pencha sur Jules, qui gisait sur le sol.

— Il est mort, annonça-t-il tristement.

Il marcha jusqu'au barbare qui avait tué Jules et que Galahad avait prestement abattu. Le cavalier portait une tunique et un long manteau noirs, et sa tête était couverte d'un curieux turban tout aussi sombre. Du bout de son épée, Alexis déplaça le tissu qui cachait son visage. Il recula aussitôt de deux pas.

— Mais quelle est cette abomination ? s'effraya-t-il.

— C'est un démon, répondit Alissandre en s'approchant.

Au lieu d'un visage humain, le cadavre avait le faciès d'un loup. Renaud s'empressa d'aller vérifier si les deux autres adversaires qu'ils avaient occis étaient aussi des monstres et constata qu'ils étaient en tous points semblables au premier !

— Ce sont véritablement des serviteurs du diable, ne put que conclure Alexis. Je fais le serment devant Dieu de vous aider à les détruire tous.

Ses frères d'armes en firent autant. Ils empilèrent les corps des étranges créatures, y mirent le feu, puis enterrèrent Jules de Bruc dans la cité. Ils soignèrent leurs chevaux et s'assirent ensuite en cercle pour discuter de leur avenir, pendant que Simon d'Orléans montait la garde.

— Reviendront-ils bientôt ? s'enquit Alexis.

— Leur maître vient de se rendre compte qu'il n'a pas affaire à des novices, alors il les a rappelés pour revoir sa stratégie, expliqua Alissandre. Il est certain qu'ils nous attaqueront à nouveau, mais il m'est impossible de prédire ce moment. Au lieu de les attendre, je suggère de nous mettre en route.

— Pour aller où ?

— La meilleure façon de neutraliser un serpent, c'est de lui couper la tête quand il est dans son nid.

— Parlez-vous du diable ?

— De nul autre, affirma Galahad.

— Cette expédition sera certainement plus dangereuse que toutes celles que nous avons menées, fit Etienne pour encourager ses compagnons. Mais si ces Anglais n'ont pas peur d'attaquer le diable en enfer, alors nous non plus. Quand partons-nous ?

— De grâce, dès que le soleil sera moins haut dans le ciel, supplia Robert, qui suait par tous les pores de sa peau.

— Je pourrais vous protéger de ses rayons ardents, proposa Alissandre.

— Voilà une offre bien difficile à refuser, concéda Alexis.

— Et où l'enfer se trouve-t-il ? voulut savoir Léopold.

— Pendant que vous combattiez ses serviteurs, j'ai pris le temps d'observer les fluctuations d'énergie entre eux et leur maître.

Les croisés échangèrent un regard confus, ne comprenant pas un mot de l'explication du magicien.

— Il a vu d'où venaient leurs ordres, traduisit Galahad dans un langage plus accessible.

— Nous devons nous diriger vers le nord jusqu'à l'océan, ajouta Alissandre.

— Pas avant d'avoir mangé et rempli nos gourdes, les avertit Alexis.

Ils préparèrent un potage avec tout ce qui leur restait de vivres et avalèrent des dattes cueillies quelques jours auparavant par les templiers.

— Ne trouves-tu pas que ces cavaliers noirs ressemblent à nos Malhikas ? demanda alors Galahad à Terra.

— Maintenant que j'y pense, tu as raison, acquiesça le Hollandais.

— Qui sont-ils ? s'enquit Frédéric.

Galahad ne pouvait pas vraiment lui dire qu'ils étaient des personnages maléfiques que Terra et lui avaient inventés lorsqu'ils jouaient à Donjons et Dragons.

— Ce sont des barbares qui vivent dans les montagnes de Mongolie, répondit-il plutôt. Ils sont sanguinaires et sans merci.

— Mettons-nous en route, ordonna Alexis. Vous nous en parlerez davantage ce soir.

Ils remontèrent tous à cheval et, cette fois-ci, Alissandre fut invité à chevaucher près d'Alexis, qui avait prit la tête de la colonne.

Capitaine Wilder
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