Chapitre 26

 

 

Une suprême ironie du sort voulut que j’atterrisse dans la cellule désormais vacante de Dimitri. J’avais calmement suivi les gardiens après avoir entendu les charges qui pesaient contre moi. À vrai dire, je les avais suivis dans un état comateux parce que mon esprit n’arrivait pas à intégrer ces données. Je ne me sentais pas vraiment concernée. Cette accusation ne m’inspirait ni indignation ni colère, parce que j’étais encore sidérée par la nouvelle de la mort de Tatiana. Et pas seulement morte. Assassinée. Assassinée ?

Comment cela avait-il pu se produire ? Comment cela avait-il pu se produire ici ? La Cour était l’un des endroits les plus sécurisés du monde, et Tatiana elle-même était protégée en permanence par les gardiens qui s’étaient jetés sur Dimitri et moi. À moins d’avoir quitté la Cour – et j’étais presque sûre que ce n’était pas le cas – elle n’avait pas pu être victime d’un Strigoï. Vu les constantes menaces qui pesaient sur nous tous, les meurtres commis par des Moroï ou des dhampirs étaient extrêmement rares. Il s’en produisait, évidemment, comme dans toute société, mais nous étions trop pourchassés pour consacrer beaucoup de temps à nous dresser les uns contre les autres, sauf lorsqu’il s’agissait de protester à une séance du Conseil. C’était l’une des raisons pour lesquelles Victor avait été condamné si lourdement : personne n’avait commis de crimes si graves depuis longtemps.

Enfin, jusqu’à présent. Lorsque j’eus enfin accepté l’idée que Tatiana était morte, j’en arrivai à la question la plus importante : Pourquoi moi ? Pourquoi m’accusaient-ils ? Sans être avocate, j’étais à peu près certaine que le fait d’avoir traité une personne de garce sentencieuse ne constituait pas une preuve suffisante de sa culpabilité.

Je tentai de soutirer plus d’informations aux gardiens qui me surveillaient, mais ceux-ci restèrent silencieux et hostiles. Après m’être cassé la voix à crier, je me laissai tomber sur le lit et me glissai dans l’esprit de Lissa, où j’étais certaine de découvrir de nouveaux éléments.

Au bord de l’hystérie, elle essayait d’obtenir des informations auprès de n’importe qui. Christian ne l’avait pas quittée. Ils se trouvaient actuellement dans l’entrée de l’un des bâtiments administratifs où régnait une agitation fébrile. Dhampirs et Moroï couraient dans tous les sens, certains effrayés par l’instabilité politique nouvelle, d’autres cherchant déjà le moyen d’en tirer parti. Lissa et Christian étaient perdus au milieu de ce chaos comme deux feuilles agitées par la tempête.

Même si Lissa était officiellement devenue une adulte, elle n’avait jamais fréquenté la Cour sans que quelqu’un de plus âgé la prenne sous son aile : Priscilla Voda la plupart du temps et Tatiana à l’occasion. Toutes deux étaient indisponibles à présent pour des raisons évidentes. Beaucoup de nobles respectaient Lissa, mais elle n’avait personne vers qui se tourner.

Son état d’agitation incita Christian à lui prendre la main.

— Tante Tasha saura ce qui se passe, lui dit-il. Elle va bien finir par réapparaître… Et tu sais qu’elle ne laissera rien de mal arriver à Rose.

Lissa savait bien qu’il ne pouvait pas affirmer cela avec tant d’assurance mais renonça à le lui faire remarquer. Tasha ne voudrait peut-être pas qu’il m’arrive quelque chose de mal, mais elle était loin d’être toute-puissante.

— Lissa !

Christian et elle se retournèrent au même instant en entendant la voix d’Adrian, qui venait d’arriver avec sa mère. Adrian semblait sortir tout droit de ma chambre. Il portait les mêmes vêtements que la veille, légèrement fripés, et sa coiffure n’avait pas sa perfection ordinaire. Par contraste, Daniella, dont l’allure était toujours soignée, ressemblait au portrait idéal de la femme d’affaires qui n’a rien perdu de sa féminité.

Enfin ! Des gens qui devaient avoir des réponses… Lissa se précipita vers eux en débordant de reconnaissance.

— Dieu merci ! s’écria-t-elle. Personne ne veut nous expliquer ce qui se passe. Nous savons seulement que la reine est morte et que Rose est en prison. (Elle jeta un regard suppliant à Daniella.) Je vous en prie… dites-moi que c’est une erreur.

Daniella tapota l’épaule de Lissa en lui offrant le regard le plus réconfortant dont elle était capable dans ces circonstances.

— J’ai bien peur que non. Tatiana a été tuée la nuit dernière et Rose est leur principal suspect.

— Mais elle ne peut pas avoir fait une chose pareille ! s’écria Lissa.

Christian manifesta avec elle sa fureur légitime.

— Le fait qu’elle ait crié devant le Conseil ne peut pas suffire à la faire accuser de meurtre. (Ah ! la même idée nous était venue à tous deux, ce qui avait quelque chose d’effrayant.) Et sa perturbation de la veillée funèbre non plus.

— Tu as raison, ça ne suffit pas, reconnut Daniella. Mais cela n’arrange pas ses affaires. Et les gardiens prétendent disposer de preuves tangibles de sa culpabilité.

— Quel genre de preuves ? voulut savoir Lissa. Daniella prit une expression navrée.

— Je l’ignore. Les enquêteurs ne l’ont pas révélé. Ils vont organiser une audition, au cours de laquelle ils présenteront les éléments dont ils disposent et l’interrogeront sur son emploi du temps, son mobile éventuel, ce genre de choses… (Elle observa quelques instants les gens qui couraient autour d’eux.) S’ils y arrivent… Aucun événement de ce genre ne s’est produit depuis des siècles… Le Conseil a hérité de la charge du gouvernement jusqu’à l’élection d’un nouveau monarque, mais je ne suis pas sûre qu’il parvienne à remettre de l’ordre dans ce chaos. Les gens sont terrifiés. Je ne serais pas surprise qu’on instaure la loi martiale.

Christian se tourna vers Lissa avec espoir.

— As-tu vu Rose, la nuit dernière ? Se trouvait-elle avec toi ?

Lissa fronça les sourcils.

— Non. Je crois qu’elle est restée dans sa chambre. Je ne l’ai pas vue depuis avant-hier.

Sa réponse parut décevoir Daniella.

— Ça ne va pas l’aider. Si elle était seule, alors elle n’a aucun alibi.

— Elle n’était pas seule.

Tous trois se tournèrent vers Adrian, qui n’avait pas dit un mot depuis qu’il avait interpellé Lissa. Celle-ci n’avait pas fait très attention à lui, ce qui impliquait que moi non plus. Elle ne l’avait regardé que superficiellement lorsqu’il était arrivé. Mais à présent, elle remarquait certains détails. L’inquiétude et la détresse lui donnaient l’air plus âgé qu’il ne l’était vraiment. Lorsqu’elle se concentra pour percevoir son aura, elle vit que d’autres couleurs se mêlaient à la teinte dorée propre aux spécialistes de l’esprit, et que des ténèbres l’obscurcissaient. Elle remarqua aussi un léger tremblement qui indiquait une instabilité émotionnelle. Tout se passait beaucoup trop vite pour lui, et j’étais presque certaine qu’il se jetterait sur ses cigarettes et une bouteille dès qu’il aurait un moment de libre. C’était sa méthode habituelle pour venir à bout de ce genre de problèmes.

— Qu’est-ce que tu viens de dire ? s’écria Daniella.

Adrian haussa les épaules.

— Elle n’était pas seule. J’ai passé la nuit avec elle.

Lissa et Christian firent un bel effort d’impassibilité, mais le visage de Daniella exprima la stupeur de tout parent confronté à la vie sexuelle de son enfant. Adrian s’en rendit compte.

— J’aimerais que tu m’épargnes ça, l’avertit Adrian. Tes leçons de morale, tes opinions… Ce n’est vraiment pas le bon moment.

Il lui montra les gens qui couraient autour d’eux, en proie à la panique. Certains criaient que Victor Dashkov était revenu à la Cour pour tuer tout le monde. Adrian secoua la tête et reporta son attention sur sa mère.

— J’étais avec Rose, ce qui prouve son innocence. Nous discuterons plus tard de la réprobation maternelle que t’inspire ma vie amoureuse.

— Ce n’est pas ce qui m’inquiète ! s’écria Daniella en commençant à perdre son sang-froid. S’ils disposent de preuves, comme ils le prétendent, et que tu te sois trouvé avec elle, ils pourraient bien se mettre à te soupçonner, toi aussi !

— C’était ma tante, lui fit remarquer Adrian, incrédule. Pourquoi Rose et moi l’aurions-nous tuée ?

— Parce qu’elle désapprouvait votre relation. Et parce que Rose était furieuse à cause du décret.

C’était Christian qui venait de parler, et il se contenta de hausser les épaules lorsque Lissa lui jeta un regard furieux.

— Quoi ? Je ne fais qu’énoncer des évidences. Quelqu’un d’autre s’en chargera si ce n’est pas moi qui le fais. Et nous avons tous entendu les rumeurs qui ont circulé. Les gens n’ont pas hésité à lui prêter des intentions délirantes, même pour Rose.

C’était tout à fait juste.

— Quand ? demanda Daniella en secouant la manche d’Adrian. Quand étais-tu avec elle ? À quelle heure es-tu allé la retrouver ?

— Je n’en sais rien ! Je ne m’en souviens pas.

— Adrian ! s’écria-t-elle en l’agrippant plus fort. Prends ça au sérieux, s’il te plaît. Ça peut faire une énorme différence dans la suite des événements. Si tu es allé la rejoindre après le meurtre de Tatiana, rien ne te reliera à cette affaire. Dans le cas contraire…

— Rose a un alibi, l’interrompit-il. Le problème est résolu.

— J’espère que tu as raison, murmura Daniella.

Son regard se perdit dans le vague tandis qu’elle réfléchissait à la meilleure manière de protéger son fils. Si elle considérait la menace qui pesait sur moi comme une malheureuse erreur, celle qui pesait sur son fils la mettait totalement en alerte. C’était compréhensible.

— Nous allons quand même devoir te trouver un avocat. Je vais essayer de convaincre Damon. Il faut que je lui mette la main dessus avant le début de l’audition. Il faut aussi que j’en discute avec Rufus. Merde !

Adrian haussa un sourcil. J’avais l’impression que Mme Ivashkov jurait rarement.

— Et nous devons découvrir à quelle heure tu es allé la rejoindre. Adrian était toujours en proie à la détresse qui semblait l’envelopper comme un manteau et donnait l’impression qu’il allait s’évanouir s’il ne recevait pas bientôt sa dose d’alcool et de nicotine. Il y avait assurément de la force en lui, mais sa nature et les effets pervers de l’esprit ne l’aidaient pas à faire face aux situations d’urgence. Malgré son agitation, il parvint à se souvenir d’un détail qui pouvait aider sa mère hystérique.

— Il y avait quelqu’un dans le hall de l’immeuble quand je suis arrivé. Un agent d’entretien, je crois. En revanche, personne à la réception.

Dans la plupart des bâtiments, il y avait au moins un employé présent à toute heure du jour et de la nuit pour traiter les urgences et servir de concierge.

Le visage de Daniella s’illumina.

— C’est parfait. Damon va trouver à quelle heure tu es arrivé dans sa chambre et nous pourrons te mettre à l’abri de tout soupçon.

— Et il acceptera de me défendre si les choses tournent mal ?

— Bien sûr ! s’empressa-t-elle de répondre.

— Et Rose ?

— Quoi, Rose ?

Adrian paraissait toujours sur le point de s’effondrer, mais son regard était grave et assuré.

— Si tu découvres que tante Tatiana s’est fait tuer avant que j’arrive là-bas, et si Rose se retrouve seule face à la meute de loups, Damon acceptera-t-il d’être son avocat ?

— Eh bien, chéri…, balbutia sa mère. Damon ne s’occupe pas vraiment de ce genre d’affaires…

— Il le fera si tu le lui demandes, insista Adrian, toujours aussi sérieux.

— Adrian, se défendit-elle d’une voix lasse. Tu ignores de quoi tu parles. Il paraît que les gardiens disposent d’une preuve accablante contre elle. Si notre famille soutient ouvertement…

— Ce n’est pas comme si on soutenait un assassin ! Tu as rencontré Rose. Tu l’aimes bien. Peux-tu me regarder dans les yeux et me garantir que tout se passera bien pour elle si on l’abandonne au défenseur frileux qu’on va lui fournir ? Le peux-tu ?

Daniella blêmit et grimaça. Elle ne devait pas avoir l’habitude de voir son fils habituellement si insouciant afficher tant de détermination. Et même si ses paroles étaient parfaitement sensées, il y avait un désespoir inquiétant dans sa voix et dans son attitude. Je ne parvins pas à déterminer s’il était dû à l’esprit ou à ses seules émotions.

— Je… Je parlerai à Damon, finit par lui promettre Daniella, qui dut déglutir plusieurs fois pour parvenir à prononcer ces mots.

Adrian poussa un profond soupir qui lui permit d’évacuer une partie de sa fureur.

— Merci.

Daniella se fondit aussitôt dans la foule en laissant Adrian avec Christian et Lissa, qui étaient à peine moins abasourdis que sa mère.

— Damon Tarus ? s’enquit Lissa. Adrian acquiesça.

— Qui est-ce ? demanda Christian.

 

— Un cousin de ma mère, expliqua Adrian. L’avocat de la famille. Un vrai requin… Il n’est pas d’une honnêteté irréprochable, mais il est capable de tirer n’importe qui d’à peu près n’importe quoi.

— C’est déjà quelque chose, j’imagine, commenta Christian. Mais sera-t-il assez doué pour réfuter cette prétendue preuve accablante ?

— Je ne sais pas. Vraiment pas.

Adrian plongea sa main par réflexe dans la poche où il rangeait ordinairement son paquet de cigarettes, la trouva vide, et soupira.

— Je ne sais pas en quoi consiste cette preuve, ni même comment on a tué tante Tatiana. On m’a seulement dit qu’on avait retrouvé son corps ce matin.

Lissa et Christian se regardèrent en grimaçant. Lorsque Christian haussa les épaules, Lissa se retourna vers Adrian pour se charger de lui apprendre la nouvelle.

— Avec un pieu, déclara-t-elle. On l’a retrouvée dans son lit avec un pieu planté dans le cœur.

Adrian ne répondit rien et son expression changea à peine. Lissa prit brusquement conscience que toute cette discussion sur les preuves et les avocats leur avait fait oublier que Tatiana était la grand-tante d’Adrian. Il n’avait pas approuvé toutes ses décisions et s’était souvent moqué d’elle derrière son dos, mais cela ne changeait rien au fait que Tatiana était l’une de ses parentes, quelqu’un qu’il avait connu toute sa vie. Avant tout, il devait être peiné par sa mort. Même moi, j’en étais un peu affectée. Même si je l’avais haïe pour le mal qu’elle m’avait fait, je n’avais jamais souhaité qu’elle meure. Et je ne pouvais pas m’empêcher de me souvenir qu’il lui était arrivé de s’adresser à moi comme à une personne normale. Peut-être avait-elle souvent joué la comédie, mais j’étais presque sûre qu’elle avait fait preuve tic sincérité le soir où elle s’était arrêtée chez les Ivashkov. Elle était inquiète, préoccupée, et n’aspirait qu’à ramener la paix au sein de son peuple.

Lissa regarda Adrian s’éloigner en éprouvant une immense compassion pour lui.

— Allez viens, dit Christian en lui pressant doucement le bras. Nous avons découvert ce que nous voulions savoir. Nous allons gêner si nous restons là.

Lissa, qui se sentait complètement impuissante, le laissa l’entraîner à l’extérieur, ce qui les força à se faufiler entre de nouvelles vagues de Moroï paniques. Le soleil couchant donnait une teinte dorée et chaleureuse à la moindre feuille. Il y avait beaucoup de monde dehors lorsque nous étions revenus de l’entrepôt avec Dimitri, mais ce n’était rien en comparaison de l’agitation qui venait de s’emparer de la Cour.

Les gens couraient dans tous les sens, affolés, et s’empressaient de se transmettre la moindre nouvelle. Certains portaient déjà le deuil. Ceux-ci étaient vêtus de noir et avaient le visage inondé de larmes. Je ne pus m’empêcher de me demander quelle part d’hypocrisie il y avait dans tout cela. Même lorsqu’ils étaient confrontés au crime et à la tragédie, la plupart des nobles ne songeaient qu’au pouvoir personnel qu’ils pouvaient en tirer.

Chaque fois qu’elle entendait prononcer mon nom, Lissa sentait sa fureur croître. Elle aussi était en proie à sa mauvaise colère, celle que je ressentais comme une fumerolle noire qui se serait enroulée autour de notre lien et qui rendait Lissa instable. C’était la malédiction de l’esprit.

— Je n’arrive pas à y croire ! s’écria-t-elle sans remarquer, contrairement à moi, que Christian s’empressait de l’entraîner à l’écart de la foule. Comment peuvent-ils penser cela de Rose ? C’est un coup monté ! C’est forcément un coup monté !

— Je sais, je sais.

Lui aussi savait reconnaître cette forme d’instabilité que générait l’esprit, et il faisait de son mieux pour la calmer. Ils venaient d’atteindre une petite pelouse et ils s’assirent à l’ombre d’un noisetier.

— Nous savons qu’elle est innocente. C’est tout ce qui compte. Nous allons le prouver. On ne peut pas la punir pour un crime qu’elle n’a pas commis.

— Tu ne les connais pas, grommela Lissa. Si quelqu’un veut la piéger, il peut se passer absolument n’importe quoi.

Sans en avoir vraiment conscience, j’absorbai un peu de sa noirceur pour tâcher de l’apaiser. Malheureusement, cela ne fit qu’attiser ma propre rage.

Christian éclata de rire.

— Tu oublies que j’ai grandi parmi eux. Je suis allé à l’école avec leurs enfants. Je les connais très bien… Mais il ne sert à rien de paniquer tant que nous n’en savons pas plus, d’accord ?

Lissa soupira et se sentit beaucoup mieux. Je devais prendre garde à ne pas aspirer trop de noirceur. Elle offrit un sourire timide à Christian.

— Je ne me souviens pas de t’avoir jamais entendu tenir des discours si raisonnables.

— C’est parce que nous avons tous des définitions différentes du terme « raisonnable », répondit-il avec hauteur. La mienne prête souvent à des malentendus, c’est tout.

Lissa éclata de rire.

— J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de choses chez toi qui prêtent à des malentendus.

Dès que leurs regards se croisèrent, le sourire de Christian se fit plus doux et plus chaleureux.

— Eh bien… Je compte faire une chose qui je l’espère ne sera pas mal interprétée, sinon je risque de recevoir un coup de poing dans la figure.

Il se pencha pour presser ses lèvres contre les siennes. Lissa s’abandonna à la douceur de leur baiser sans la moindre hésitation. Malheureusement, j’en profitai aussi. Lorsqu’ils s’écartèrent l’un de l’autre, le cœur de Lissa tambourinait dans sa poitrine et ses joues la brûlaient.

— Qu’est-ce que ce baiser signifiait, au juste ? lui demanda-t-elle en s’imprégnant encore de la sensation des lèvres de Christian sur les siennes.

— Ça signifiait : « Je suis désolé », répondit-il.

Elle détourna les yeux et arracha quelques brins d’herbe avec nervosité. Finalement, elle poussa un soupir et trouva le courage de soutenir son regard.

— Christian… S’est-il passé quoi que ce soit entre toi et Jill ? ou toi et Mia ?

Il écarquilla les yeux.

— Quoi ? Mais comment peux-tu penser une chose pareille ?

— Tu as passé tellement de temps avec elles…

— Il n’y a qu’une personne qui compte vraiment pour moi, lui assura-t-il. (La fixité de son regard ne laissait planer aucun doute sur l’identité de cette personne.) Aucune autre fille ne m’intéresse. Malgré tout ce qui s’est passé, même à l’époque d’Avery.

— Si tu savais comme je suis désolée pour ça…

— Tu as tort.

— Je t’assure…

— Merde ! Vas-tu me laisser finir ma… ?

— Non, l’interrompit encore Lissa.

Elle se pencha pour lui offrir à son tour un baiser dont l’intensité prouvait qu’elle non plus ne s’intéressait à personne d’autre au monde que lui.

Eh bien… Cette conclusion semblait donner raison à Tasha : j’étais bien la seule personne capable de les réconcilier. Je ne m’étais simplement pas attendue à le faire par le biais de mon arrestation.

Je quittai l’esprit de Lissa pour leur laisser un peu d’intimité et m’épargner le spectacle de leurs retrouvailles. Je ne leur en voulais pas de s’offrir ce moment d’insouciance. Ni l’un ni l’autre ne pouvaient rien faire pour moi dans l’immédiat et ils méritaient de se retrouver. Ils devaient attendre d’obtenir plus d’informations et la méthode qu’ils avaient choisie pour passer le temps était sans doute bien plus saine que celle à laquelle Adrian devait avoir recours au même instant.

Je m’allongeai sur la couchette et m’abîmai dans la contemplation du plafond. Il n’y avait que du métal nu et des couleurs neutres autour de moi. Cela me rendait folle. Je n’avais rien à regarder, rien à lire. J’avais l’impression d’être un animal en cage et que ma cellule rapetissait de minute en minute. Je ne pouvais que repenser à ce que j’avais appris grâce à Lissa et analyser chaque mot que j’avais entendu. Tout m’inspirait d’innombrables questions, évidemment, mais c’était l’audition dont avait parlé Daniella qui m’obsédait le plus. J’avais besoin d’en savoir plus là-dessus.

Je fus exaucée… plusieurs heures plus tard.

J’étais tombée dans une sorte d’engourdissement et faillis ne pas reconnaître Mikhail lorsqu’il apparut devant ma cellule. Je courus jusqu’aux barreaux et repris espoir en le voyant ouvrir la porte.

— Que se passe-t-il ? lui demandai-je. Est-ce qu’on me relâche ? – J’ai bien peur que non.

Il illustra sa réponse en me passant les menottes. Je n’essayai pas de résister.

— On m’a chargé de te conduire à l’audition.

En sortant dans le couloir, je découvris que d’autres gardiens attendaient. Mon escorte personnelle… qui rappelait beaucoup celle de Dimitri. Génial. Mikhail resta près de moi et eut la bonté de me parler en chemin au lieu de m’infliger l’affreux mutisme que l’on réservait d’habitude aux prisonniers.

— De quoi s’agit-il, au juste ? De mon procès ?

— Non… Il est encore trop tôt pour un procès. Cette audition sert à déterminer s’il y en aura un ou non.

— Ça m’a l’air d’être une perte de temps, lui fis-je remarquer. Nous émergeâmes du quartier général des gardiens et l’air frais et humide du dehors me parut la chose la plus merveilleuse du monde.

— Ce serait une plus grande perte de temps encore si on organisait ton procès et qu’on se rende compte seulement à ce moment-là que l’affaire ne tient pas debout. Lors de l’audition, l’accusation va présenter toutes les preuves sur lesquelles elle s’appuie. Un juge, ou quelqu’un qui fera office de juge, va déterminer si ton procès doit ou non avoir lieu. C’est au procès que tout deviendra officiel. C’est à ce moment-là qu’ils rendront un verdict et détermineront la peine qui te sera infligée.

— Pourquoi leur a-t-il fallu tant de temps pour organiser cette audition ? Pourquoi m’ont-ils fait attendre toute la journée dans ma cellule ?

Il éclata de rire sans pour autant avoir l’air de trouver drôle ce que je venais de dire.

— C’est rapide, Rose ! Très rapide. En général, les prévenus attendent leur audition pendant des jours, voire des semaines. Et si on décide de te juger, tu resteras enfermée jusqu’au procès.

Je déglutis.

— Vont-ils se dépêcher pour ça aussi ?

— Je ne sais pas. Aucun monarque n’a été assassiné depuis plus d’un siècle. Les gens perdent la tête et le Conseil veut rétablir l’ordre au plus vite. Ils sont déjà en train d’organiser une cérémonie grandiose pour les funérailles de la reine. Ils vont mettre sur pied un spectacle à couper le souffle pour distraire tout le monde. Ton audition est une autre manière d’essayer de rétablir l’ordre.

— Quoi ? Comment ?

— Si le Conseil obtient rapidement une condamnation de la meurtrière de la reine, les gens se sentiront plus en sécurité. Ils croient leurs preuves tellement solides qu’ils veulent précipiter les choses. Ils veulent que tu sois coupable. Ils veulent enterrer la reine en étant assurés que sa meurtrière est entre les mains de la justice, de manière que tout le monde puisse dormir sur ses deux oreilles quand on élira un nouveau monarque.

— Sauf que je n’ai pas…

Je ne pris pas la peine d’achever ma phrase. Cela ne servait à rien.

Le tribunal de la Cour s’élevait devant nous. Il m’avait paru menaçant la première fois que je m’y étais rendue pour le procès de Victor. Mais c’était parce que je craignais les souvenirs que la vue de ce dernier allait réveiller en moi. À présent, c’était mon propre avenir qui était en jeu – et celui du monde des Moroï, qui espéraient m’attribuer le rôle de la méchante de l’histoire et se débarrasser de moi pour toujours. Je déglutis et jetai un regard anxieux à Mikhail.

— Crois-tu… Crois-tu qu’ils vont décider de me juger ?

Il ne répondit pas. L’un des autres gardiens ouvrit la porte du tribunal.

— Mikhail ? insistai-je. Vont-ils vraiment me juger pour meurtre ?

— Oui, me répondit-il avec compassion. J’en suis presque certain.

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