Avant-propos
La présente édition a été conçue pour retracer « l’atelier » de fabrique du Précis de décomposition, premier livre d’E. M. Cioran écrit en français, source de nombreux inédits. Elle fut établie à partir des 447 feuillets conservés à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet dans le fonds Cioran. Le lecteur trouvera après chaque entrée par titre, en note, la cote correspondante à la Bibliothèque, ainsi que les propositions de titre biffées par Cioran. On n’a retenu que des textes inédits – dont l’un, antérieur : « Mihail Eminesco », paru dans Comœdia en 1943, car nourrissant « Apothéose du vague » du Précis de décomposition – mais aussi des textes contemporains de la rédaction du Précis de décomposition, qui ont servi de ferment tout en préservant une autonomie. Tout lien avec l’édition de 1949 du Précis de décomposition est indiqué en note. Les textes présentant une même entrée, mais dont les états différaient et offraient un intérêt par leur écart, ont été restitués. Lorsque figure un passage essentiel à la compréhension, mais biffé dans les manuscrits, il est mis entre crochets et suivi de la précision [b]. Dans les « Variantes définitives », on trouvera les fragments du Précis de 1949 qui sont en rapport immédiat avec les états des manuscrits, avec la référence en note. Partant du postulat qu’il existait des textes de transition entre le Précis de décomposition et les Syllogismes de l’amertume, reprenant une facture formelle identique, moins atomisée que dans l’édition définitive des Syllogismes de 1952, on les a adjoints à cet ensemble. La qualité de ces inédits ou des variantes repose sur une tonalité d’écriture singulière, souvent gommée ou estompée dans l’œuvre publiée d’E. M. Cioran. On découvre ainsi un Cioran plus ouvertement provocateur, aux formulations truculentes. Cette édition permet de saisir comment Cioran aboutissait à ses « raccourcis », à ses « formules », dans un souci de condensation. Le lecteur retrouvera donc des textes où transparaît un « lyrisme échevelé », « enthousiaste », primitif, proche du premier versant roumain. Les Exercices négatifs montrent l’« explosion » vécue, et le lent travail d’épure du style1.
I. A.