***

Sung Rhee s’avança vers le suspect, que l’on avait amené sous le rebord du toit devant le terminal de départ. Dans les lumières éclatantes qui s’échappaient de l’intérieur de l’aérogare, le visage de l’homme lui sembla vaguement familier.

— Un de vos partenaires vous a dénoncé par téléphone, dit Rhee, et il nous a donné votre localisation.

L’homme porta sur Rhee un regard où se mêlaient à parts égales pitié et mépris.

— Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez.

— Il est inutile de ruser avec nous, dit Rhee. Nous vous avons pris en flagrant délit.

— Vous n’avez rien pris du tout, s’énerva l’homme. J’étais en train d’acheter une œuvre d’art, et une bande d’escrocs m’a dépouillé. Ce sont eux que vous devriez harceler, pas moi !

— Quand êtes-vous arrivé à Macao ?

— Il y a deux heures.

— Le dernier ferry est arrivé il y a trois heures, dit Rhee, et le prochain ne sera que dans deux heures. D’autre part, il n’y a aucun vol commercial entre une heure et cinq heures du matin. Votre histoire ne tient pas debout.

— J’ai mon avion privé, expliqua l’homme.

— Mais bien sûr. Et où se trouve-t-il en ce moment ? demanda Rhee.

— Je n’en sais rien. Les escrocs me l’ont volé.

— Comme ça tombe bien, dit Rhee. Comprenez-moi bien : si vous refusez de répondre à nos questions, la situation pourrait devenir assez inconfortable pour vous.

L’ire du milliardaire explosa. Les seuls rapports qu’il avait entretenus avec des bureaucrates à ce jour consistaient à leur dicter ses quatre volontés. Il était fatigué, il avait la gueule de bois et ses cent millions de dollars commençaient à lui manquer.

Il regarda Rhee droit dans les yeux.

— Écoutez-moi bien, connard, fit-il. Mon 737 a été volé dans votre aéroport, et à l’intérieur se trouvait une mallette avec cent millions de dollars en bons au porteur. Je ne sais pas ce qui s’est passé ce soir dans votre petit pays merdique, mais si vous pouviez juste me détacher et me donner un téléphone, je vous expliquerais tout ça en dix minutes.

Si Rliee avait écouté l’Américain, on aurait pu retrouver la piste du 737. Mais l’attitude belliqueuse de l’homme le perdit ; Rhee fit un signe de tête aux policiers qui l’encadraient.

— Emmenez-le au quartier général.

Barrett arrima le Scarab, puis les quatre hommes montèrent à l’échelle de corde tandis que deux matelots s’occupaient du bateau.

— Vous avez pas mal été sur le terrain ce soir, dit Cabrillo à Barrett. Vous aimez ça ?

— C’est pas aussi facile que de faire un glaçage de gâteau, répondit l’apprenti cuistot ; mais c’est beaucoup plus excitant.

Ils pénétrèrent dans L’Oregon par une écoutille. Cabrillo fit signe aux trois autres d’emprunter la coursive.

— Vous pouvez aller vous rafraîchir, dit-il. Moi, j’ai encore du boulot.

Les hommes se dirigèrent vers leurs cabines respectives.

— Hé, les interpella Cabrillo, au fait, beau travail !

Puis il se rendit vers la salle de contrôle. Il ouvrit la porte et commença à déboutonner sa chemise trempée, puis demanda à Hanley :

— Bon alors, Max, on en est où ?

Il restait un mètre vingt entre la surface de l’eau et le haut de l’égout pluvial. Les piles des lampes fron-taies commençaient à faiblir, l’eau montait à toute allure et les hommes ne pouvaient plus descendre aisément de leur radeau pour pousser la statue dans la bonne direction.

Meadows avait attaché les deux embarcations ensemble et Jones et lui étaient installés à la jonction des deux, chacun d’un côté, le dos courbé. Ils essayaient d’aiguiller les radeaux en appuyant leurs pieds contre les murs.

— Bifurcation en vue, cria Hornsby. Il faut prendre à gauche !

À la fourche devant eux, l’eau se séparait aussi violemment qu’à la proue d’un sous-marin nucléaire. Des tas de débris encombraient l’eau, le plafond de l’égout dégoulinait tellement qu’ils auraient aussi bien pu être dehors sous la pluie et les deux radeaux prenaient une telle vitesse qu’ils devenaient presque impossibles à contrôler.

Jones regarda vers l’avant et prépara soigneusement son geste. Lorsque le radeau arriva à six mètres de la fourche, il sortit sa jambe et donna un grand coup de pied dans le mur. Les rafts ballottèrent vers la gauche, puis furent emportés par le courant dans le bon tunnel.

— On a réussi à passer celui-là, cria Jones, mais si l’eau monte, on aura du mal à passer le prochain.

— Si personne ne vient rapidement à notre secours, répondit Jones, il va falloir couper la corde du Bouddha et essayer de sauver notre peau.

Bouddha d'or
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