CHAPITRE X
Kil, le visage fermé, était assise à l'écart. Depuis h fin du combat elle s'était isolée, n'adressant pas la parole à Lid.
Le jeune homme et Nekam avaient installé le campement provisoire pour attendre les autres barques, puis Lid était parti chasser. Il lui avait semble que la jeune fille avait besoin d'être seule.
La chance lui avait souri. Il avait trouvé un troupeau de sors dont il avait abattu un jeune mâle Après avoir découpé les meilleures parties, il étai revenu à la rive. Kil n'avait pas bougé. Nekam avait commencé à faire cuire un cuissot pendant que Lid nettoyait la peau en jetant de petits coups d'œil à la jeune fille.
Maintenant le soir tombait, la viande serait bientôt cuite. Désespérément, Lid cherchait ce qui se passai dans la tête de la jeune fille. Il tenta de se souvenir des filles des villages...
Et soudain tout fut clair, Kil s'estimait déshonorée ! Que Kachni l'ait violée ou non, son attitude elle seule Pavait déshonorée. Lid était sûr d'avoir trouvé.
Mais que faire ? Le visage crispé, douloureux, de la jeune fille lui faisait mal. Il fallait pourtant trouver immédiatement. Il se leva brusquement et marcha droit vers elle.
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Regarde-moi, Kil, dit-il d'une voix douce. Elle ne bougea pas, baissant seulement la tête un peu plus.
Lid s'assit près d'elle, resta silencieux un moment puis il se jeta à l'eau.
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Kil... tu l'as compris depuis longtemps, je pense... je voudrais que tu sois ma femme. Je ne sais pas ce qui s'est passé ici, avec Kachni, mais ça ne change rien à ce que je pense.
Il s'interrompit un instant puis ajouta, simplement :
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Je t'aime, Je ne te poserai jamais de question. Si tu veux me parler de ton enlèvement je t'écouterai, mais quoi que tu dises, tu dois savoir que ça ne changera rien à ce que je ressens. Si tu as de la peine, j'ai de la peine, si tu es heureuse, je suis heureux, mais je continue à t'aimer... Si tu laisses un souvenir te ronger, tu ne pourras jamais trouver la paix... Tu sais, hier, j'ai failli mourir dans la tempête. J'étais persuadé que tu étais morte et je ne voulais plus vivre moi non plus. Sans toi la vie ne m'attire plus. Si j'ai survécu, c'est parce que Vaï m'avait confié son fils. Je n'avais pas le droit de le tuer lui aussi, tu comprends ? Je suppose que Vaï avait compris cela et qu'il m'avait confié Nekam pour m'empêcher de...
La jeune fille ne bougeait pas. Lid la regarda en silence puis ajouta :
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Je crois me souvenir de vos traditions et de votre sens de l'honneur. Aujourd'hui le village est détruit, des hommes et des femmes sont morts. Certaines de vos traditions n'étaient peut-être pas bonnes. Celle à laquelle je pense ne l'était certainement pas, j'en suis sûr. C'est l'occasion de la tuer, elle aussi. Je suppose qu'on va créer un autre village, qui grandira. Je ne voudrais pas que cette tradition vive. C'est à toi de la tuer. Tu as souffert, tu as été humiliée, mais des hommes et des enfants ont souffert davantage que toi. Ton orgueil doit t'obéir, pas te commander. Tu es toujours la même, Kil... Je veux revoir ton sourire, t'entendre rire. Je n'admets pas que des hommes aussi mauvais que ceux qui t'ont enlevée te volent tout ça.
Elle avait crispé les mains et ses jointures blanchissaient.
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C'est à toi de décider, Kil. Moi, j'attendrai.
Il se leva lentement et se dirigea vers le feu.
Plus tard, il mangea avec Nekam. La jeune fille était toujours à la même place. Lid souffrait de ne pouvoir l'aider, mais il savait qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait.
De la barque, ils ramenèrent des peaux et s'installèrent pour la nuit. Longtemps, Lid crut qu'il ne pourrait dormir mais il perdit conscience d'un seul coup.
* *
Il fut réveillé brusquement par quelque chose qui le chatouillait au visage. Il ouvrit les yeux, tendu, et distingua la tête de Kil penchée sur lui. Ses cheveux touchaient sa joue.
Elle était allongée près de lui dans l'obscurité. Voyant qu'il était éveillé, elle approcha davantage et il sentit le corps de la jeune fille contre lui. Elle tremblait.
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Prends-moi ! murmura-t-elle d'une voix dure.
Il voulut répondre, mais elle avait saisi sa main et l'appuyait contre sa poitrine. Elle avait dégrafé le haut de sa tunique et il sentit un sein sous sa paume...
Il tenta de reculer, mais elle le tenait fermement, brutalement !
Il sentait sa respiration saccadée qui faisait bouger son sein et le désir l'envahit. Sa main ne chercha plus à fuir mais, doucement il commença à la caresser. Se tournant de son côté, il passa un bras sous sa nuque et la fit glisser sur le dos. Puis il se pencha et posa lentement ses lèvres sur sa bouche.
Elle paraissait à la fois passive et étrangement impatiente. Elle avança une main et tenta maladroitement de le caresser à son tour.
Longtemps il l'embrassa, la caressa, avant de la déshabiller lentement. Et quand, enfin, il la prit, elle se mordit la main pour ne pas crier...
Quand il se réveilla, au jour, elle l'avait quitté. Il l'aperçut, loin, près de la rive. Qu'avait-elle voulu cette nuit ? Cherchait-elle à se venger, à lui prouver qu'elle n'était plus la même ? Etait-ce une façon de lui dire adieu ?
Soucieux, il ralluma le feu, comprenant qu'elle s'était éloignée pour qu'il ne lui parle pas.
Nekam restait silencieux, lui aussi, et Lid eut soudain de l'estime pour le jeune garçon. Il n'avait pas dit un mot de la scène d'hier, montrant ainsi des égards étonnants pour un garçon de son âge.
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Les voilà ! dit-il soudain en montrant le lac du bras.
Lid se retourna et vit trois grandes barques assez loin encore. Il se leva et marcha lentement la rive où il attendit, debout.
Voilà donc sa nouvelle tribu ? Il était sûr de ce qui allait se passer maintenant. Ils allaient remonter le fleuve jusqu'au pied de la zone rocheuse où se trouvait la fresque et ils installeraient un nouveau village.
Il avait fait tout ce long chemin pour retrouver une nouvelle tribu ? Sa solitude était terminée ? Pourtant il ne ressentait aucune paix...
Quelque chose toucha sa main. Il mit quelques instants à comprendre qu'il tenait la main de Kil dans la sienne I Il tourna la tête et rencontra un regard apaisé, confiant, heureux.
Vaï aborda le premier, le visage fendu d'un immense sourire.
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Je savais que vous vous trouveriez, lança-t-il. Tu vois, mon ami, ajouta-t-il en montrant du doigt les autres barques, nous serons plus nombreux que tu pensais... Hé ! Masopo, rassure-toi maintenant, Kil est là !
*
Lid leva haut sa torche pour éclairer la paroi. Derrière, Masopo avança une main hésitante.
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Alors la voilà... voilà la fresque... Les Anciens ! Ils... ils ont réalisé tout ça ! Toutes ces... machines. Regarde, Kil, regarde, ici ils nous enseignent la manière de fabriquer des objets en métal... là, c'est des habits... regarde !
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Je regarde, grand-père, je regarde, dit la jeune fille amusée, et je vois que tu ne regrettes pas ce long voyage. Mais tu vas bientôt le regretter...
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Quoi ?
Le vieillard avait sursauté.
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Bien sûr, fit Kil, très sérieuse, il va falloir que tu nous apprennes à lire ! Sinon, à quoi servirait ce trésor ? Si tu pensais te reposer... il va falloir travailler, maintenant
Ahuri, Masopo comprit que la jeune fille avait renversé les rôles, pour la première fois. C'était elle qui le provoquait.
FIN