Notes historiques et ethnographiques

L’ordre est celui d’apparition dans le récit.

 

1. Les Bambaras ou Banmanas font partie du groupe mandé, qui comprend également les Malinkés, les Senoufous, les Sarakolés, les Dioulas, les Khasonkés… Ils vivent principalement dans l’actuel Mali, dont, numériquement, ils constituent le peuple le plus important. Ils ont formé du XIIe au XIXe siècle deux États puissants dont l’un avait son centre à Ségou et dont l’autre occupait la contrée dite du Kaarta, entre Bamako et Nioro. Ils sont cultivateurs et travaillent le mil, le fonio, le riz, le maïs. Ils vivent en symbiose avec un peuple de pêcheurs, les Bozos.

 

2. Les Peuls sont des pasteurs bovidiens que l’on rencontre de l’océan Atlantique au Cap-Vert, au bassin du Nil en passant par le lac Tchad et l’Adamaoua. Les auteurs leur ont attribué des origines très diverses, allant jusqu’à voir en eux des sémites persécutés par les successeurs d’Alexandre le Grand au IVe siècle avant Jésus-Christ et par les Romains et descendus en Afrique. Au Mali, ils forment d’importants groupements entourés de leurs rimaëbés, esclaves et descendants d’esclaves. Autrefois nomades ou semi-nomades, ils se sont graduellement sédentarisés. Ils parlent la même langue que les Toucouleurs, le poular. Ils se convertissent à l’islam au XVIIIe siècle et en deviennent les ardents propagateurs.

 

3. Les Toucouleurs sont venus très tard au Mali où leur implantation se fait à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Ils sont originaires des rives du Sénégal, des Fouta (Fouta Djallon, Fouta Toro), ils parlent la même langue que les Peuls, le poular. Leur attachement presque fanatique à l’islam en a fait des conquérants légendaires.

 

4. Les Bozos sont un peuple de pêcheurs, « Les maîtres de l’eau ». Leur langue, quoique distincte, se rapproche beaucoup de celle des Bambaras.

 

5. Les Haoussas occupent le nord de l’actuel Nigeria. La légende affirme que les États haoussas furent fondés par six descendants d’un immigrant fils du roi de Bagdad et d’une reine haoussa. Ce sont Gobir, Daura, Kano, Katsina, Zaria et Rano. L’islam est amené par des marchands dès la fin du XIVe siècle. Cependant, il faut attendre l’irruption des Peuls et le jihad d’Ousman Dan Fodio pour qu’ils s’implantent profondément. En 1900, les Anglais établissent le protectorat du Nigeria du Nord sur toute cette région.

 

6. Ousman dan Fodio, comme El-Hadj Omar, fut un réformateur de l’islam. Il naît en 1754 et appartient à un clan islamisé de langue peule dont les ancêtres ont quitté le Fouta Toro autour du XVe siècle. Il commence sa prédication à l’âge de vingt ans et entame le jihad vers 1794, jetant les bases d’un empire musulman dont la capitale sera Sokoto et dont son fils, Mohammed Bello, sera le véritable organisateur.

 

7. El-Hadj Omar Saïdou Tall, originaire du Fouta Toro. Né vers 1787, fils d’un marabout renommé. Il devient d’abord un enseignant avant d’entamer un pèlerinage à La Mecque en 1825. L’enseignement d’un savant marocain, Mohammed El Gali, en fait un tidjane (voir « confrérie »). Il devient peu à peu le maître de toute la région du Haut-Sénégal et déclenche un jihad plus meurtrier que celui des Peuls du Macina avant lui en 1854. Ayant défait les Peuls, il entre en conquérant dans Ségou le 9 mars 1861. Sa mort en 1864 est mystérieuse et entourée de nombreuses légendes.

 

8. Amadou de Ségou, fils d’El-Hadj Omar, prend la succession de son père à partir de 1863. Contrairement à son père, il semble avoir eu peu de goût pour la guerre et les batailles. Sur l’instigation d’un chérif marocain, il se para en 1870 du titre de commandeur des croyants. Sa tâche ne fut pas facile. Il dut faire face aux intrigues de ses frères, à d’incessantes rébellions des Bambaras qui n’acceptèrent jamais la domination toucouleur et, surtout, aux manœuvres des Français, décidés à se tailler un empire. Il commit l’erreur de quitter Ségou en 1884 et la laissa entre les mains de son fils, Madani, qui ne saura pas résister aux troupes d’Archinard. Il tiendra tête aux Français, cependant, les harcelant sur tous les fronts. Il termine ses jours dans la province occidentale de Sokoto vers 1898.

 

9. Faidherbe, initiateur de l’expansion française vers le Niger. Son rêve était de « fonder un établissement vers Bamakou, sur le haut Niger, en le reliant à Médine et à Sénoudébou par une ligne de postes distants de vingt-cinq à trente lieues, dont le premier doit être Bafoulabé ». En 1857, il créa le bataillon des tirailleurs sénégalais. Il conduisit une série de campagnes qui contribuèrent à faire du Sénégal une colonie cohérente.

 

10. Alioune Sall, sous-lieutenant de spahi, entreprit en 1861 sous les auspices du général Faidherbe, alors gouverneur du Sénégal, de se rendre de Saint-Louis à Tombouctou puis en Algérie. Cette mission ne réussit que partiellement.

 

11. Mage, lieutenant de vaisseau qui s’était déjà fait connaître par une reconnaissance au Tagant, et Quintin, chirurgien de marine, furent envoyés en mission diplomatique en 1863 afin d’étudier la possibilité d’une liaison directe du Sénégal avec le Niger et, par celui-ci, avec les grandes cités haoussas du Soudan central. Comme cette route était contrôlée par les Toucouleurs, il convenait de s’assurer la bienveillance d’Amadou de Ségou. Ils demeurèrent deux ans à Ségou et obtinrent la signature d’un traité de commerce sans portée pratique.

 

12. Samuel Ajayi Crowther, Yoruba pris en esclavage vers 1821, sauvé par un navire anglais et emmené en Sierra Leone. Il fut le premier étudiant de Fourah Bay College, membre de l’expédition sur le Niger en 1841, ordonné prêtre à Islington, Angleterre en 1842. En 1864, il devient évêque du Nigeria, le premier Africain à occuper pareille fonction. La fin de sa vie est triste, car il est en butte au racisme et démis de ses fonctions. Il meurt en 1890.

 

13. Edward Blyden naquit en 1832 à Saint-Thomas, dans les îles Vierges, et tenta vainement de se faire admettre dans une université américaine afin d’étudier la théologie, à cause de sa couleur. Il fut cependant ordonné prêtre au Liberia où il émigra en 1850. C’est certainement le plus grand penseur noir de son temps, convaincu de la splendeur de sa race et de sa future libération, et un ancêtre du pan-africanisme. Il écrivit de nombreux ouvrages dont le plus célèbre est peut-être Christianity, Islam and the Negro Race, paru en 1887.

 

14. James Africanus Beale Horton naquit vers 1835 en Sierra Leone d’un père ibo que les escadres anglaises avaient sauvé de l’esclavage. Il fut pratiquement élevé par les missionnaires de la C.M.S. qui le firent admettre à Fourah Bay College en 1853. Étant donné sa vive intelligence, il fut choisi pour étudier la médecine à l’université de Londres, puis d’Édimbourg et excerça dans les possessions anglaises de l’Afrique de l’Ouest. Il écrivit de nombreux ouvrages scientifiques avant d’entreprendre de prouver au monde la valeur des institutions traditionnelles africaines. West African countries and peoples, publié en 1865, demeure un classique.

 

15. George William Gordon and Deacon Paul Bogle, qui comptent aujourd’hui parmi les héros nationaux de la Jamaïque, furent les principaux acteurs de la rébellion de Morant Bay en 1865. C’étaient deux hommes fort différents, le premier, un mulâtre, fils naturel d’un attorney, grand propriétaire terrien, riche et instruit, le second, un nègre, ordonné diacre d’une église baptiste. Ils n’avaient en commun que leur profond souci de la cause du peuple et payèrent de leur vie leur haine de l’oppression britannique.

 

16. Oïtala Ali, dernier Mansa bambara avant l’arrivée d’El-Hadj Omar dans Ségou, régna de 1856 à 1861. Ensuite, il se réfugia au Macina où il fut pris et mis à mort par El-Hadj Omar en 1862.

 

17. Mari Diarra, fils de Da Monzon, fut réinstallé par les Français sur le trône de Ségou. Pourtant, cette restauration fut de courte durée. Il se hâta de comploter contre eux et fut fusillé en 1890.

 

18. Bodian Coulibaly, de la dynastie rivale massari du Kaarta, fut nommé roi. Malgré sa docilité, son règne ne dura pas. Il fut rendu à la vie civile par Archinard, avec une pension de retraite, et alla s’installer près de Nioro.

 

19. Mamadou Lamine Dramé, marabout sarakholé né vers 1840 dans les environs de Bakel. Autour de 1885, il se proclama le madhi tidjani et déclara la guerre sainte. Il ne tarda pas à se heurter aux Français dont, à l’exemple d’El-Hadj Omar, il dénonça les visées. Les troupes de Gallieni le chassèrent vers la Gambie où il trouva la mort.

 

20. Joseph Gallieni, né en 1849, est le chef de la mission du haut Niger en 1880. Ce futur maréchal de France parvint à faire signer à Amadou de Ségou un traité de protectorat accordant à la France la libre circulation dans ses États, le droit d’y construire une voie ferrée et le monopole exclusif de la navigation sur le Niger. Il est une des plus grandes figures coloniales, décidé à tout pour offrir un empire à sa patrie.

 

21. Archinard arriva au Soudan en 1880 et succéda à Gallieni dans la conquête militaire de la région. Il lutta victorieusement contre Amadou de Ségou et contre Samori. Il entra dans Ségou en 1890.

 

22. Samori-Touré, dernier des grands bâtisseurs d’empires africains. Né vers 1830. Il prend le titre d’almamy et, avec ses sofas, s’installe dans le Ouassoulou. Il tient tête à Borgnis-Desbordes, signe un traité avec Gallieni, résiste à Archinard puis Combes, avant d’être définitivement éliminé par Gouraud. Ce dernier reconnaît en lui « un irréconciliable ennemi qui pendant quinze ans avait semé la terreur des rives du Haut-Sénégal à celles de la Volta » avant d’être enfin défait. Exilé au Gabon, il meurt en 1900.

 

23. La religion bambara est imparfaitement appelée fétichisme. Les Bambaras conçoivent le monde comme un ensemble de forces sur lesquelles l’homme parvient à avoir prise, principalement grâce aux sacrifices. Deux principes complémentaires, Pemba et Faro, sont à l’origine de la vie sur terre, Pemba étant le créateur transmettant son verbe et son pouvoir à Faro. L’homme lui-même est un microcosme, résumé de la totalité des êtres et des choses. C’est le grain du monde.

 

24. Le VIe siècle de l’Hégire (XIIe de l’ère chrétienne) voit apparaître dans le monde musulman le soufisme dont les grands véhicules sont les confréries (tourouk). Les principales sont en Afrique au sud du Sahara :

— la quadriya, du nom de son fondateur Abdel Kadir el-Jilani ;

— la kunti, du nom d’une ancienne famille d’origine arabe de Tombouctou, les Kunta ;

— la tidjaniya prend sa source en Cheikh Ahmed Tidjani, né en Algérie en 1150 (1737) et mort au Maroc en 1230 (1815).

 

25. Al-Buhari, célèbre traditionaliste, originaire de Buhara né en 194 (810) et mort en 256 (870). Son ouvrage le plus célèbre est le Sahih, recueil de hadiths qu’il mit seize ans à compiler.