J’avais un job dans un supermarché, j’y travaillais chaque soir pendant les vacances de Noël. En février, mes économies ont suffi pour m’acheter une assez bonne guitare, et je me jetais dessus presque tous les soirs, quand je rentrais de l’école. À force de jouer, j’ai bientôt eu des ampoules au bout des doigts. J’ai voulu les montrer à tout le monde, mais – surprise – personne ne voulait les voir…
Jenny et moi on a décidé de faire du sport une fois par semaine, pour avoir des cuisses plus galbées. On en a fait trois fois, sans progrès notable. Pendant tout le mois de février, il a fait un froid de canard, en mars le toit de l’école s’est presque écroulé sous le poids de la neige fondante, ce qui fait qu’on n’a pas eu cours pendant deux jours.
Les week-ends, je buvais deux ou trois fois trop de bière. Le lendemain, je me réveillais avec une gueule de bois bien méritée. Sinon, je commençais à utiliser du mascara et du fard à paupière. Maman est partie pendant trois jours pour participer à un cours de formation continue. Pendant ce temps, Ingo faisait la tournée des bars, rentrait et se réveillait avec une gueule de bois bien méritée.
Le meurtrier à la hache a pris un mois de congé et a été remplacé par un jeune type. On lui a fait subir tout ce qu’on peut imaginer, sauf d’être accroché au mur par les pouces.
La nuit, j’écrivais des poèmes. Le jour, je les jetais à la poubelle.
Quand, en avril, on a voulu sortir le vélo de Knotte de la cave, on a découvert qu’il avait été volé. Je lui en ai acheté un autre d’occasion et je l’ai repeint avec des rayures jaunes et noires, comme un tigre. Knotte a séché ses larmes et il m’a fabriqué une étagère en cours de travaux manuels, d’un vert si criard que ça faisait mal aux dents de la regarder.
J’écoutais du Stravinsky, du hard-rock, des opéras et MTV, je zappais.
Et pendant que je me coltinais ma petite vie, quelque chose s’est passé dans celle de Pia. Peut-être quand j’ai fait un exercice de gym débile ou du head-banging devant la télé ? En tout cas, je n’étais pas près d’elle quand elle a eu besoin de moi, et en y repensant je me tape la tête contre le mur, si souvent qu’on ne voit presque plus les fleurs jaune caca d’oie sur le papier peint.
Je ne saurai jamais si être à ses côtés aurait changé quelque chose.