10

Chance crut qu'elle allait s'évanouir lorsqu'elle reçut l'appel de Katy lui annonçant que son mari venait d'être conduit d'urgence à l'hôpital. Elle avait travaillé si fort depuis la fin de la partie pour rebâtir l'opinion que Galahad avait de lui-même, après qu'un dragon l'y eut éliminé. On lui avait pourtant dit que ce jeu stupide était fini pour toujours. Elle sauta dans leur camion et contourna la cité pour se rendre plus rapidement à l'hôpital. Le personnel de l'urgence, qui connaissait son lien d'amitié avec Julie, s'occupa aussitôt d'elle. La femme médecin vint à sa rencontre avant qu'elle n'atteigne la pièce vitrée dans laquelle reposait son époux.

— Est-il en danger de mort ? demanda Chance en pleurant.

— Je vous en prie, madame Dawson, calmez-vous. L'état de Galahad est stable pour l'instant. Il n'a ni fracture ni blessure externe. Nous attendons le résultat de ses prises de sang.

— Est-ce son cœur ?

— Il ne présente aucun signe d'infarctus.

— Est-il conscient ?

— Pas encore.

— Je veux le voir.

Une infirmière prit la relève, pour que la traumatologue puisse continuer à s'occuper des autres patients qui avaient besoin d'elle. Elle conduisit Chance auprès de la civière sur laquelle reposait le chevalier, puis referma la porte derrière elle.

Chance s'approcha de son mari en étouffant ses sanglots. Jamais elle ne l'avait vu aussi pâle. La pigmentation de sa peau avait complètement disparu. Elle glissa doucement sa main dans la sienne, incapable de retenir ses larmes plus longtemps.

— Ne me quitte pas, Galahad…

Il était dans la cinquantaine, un âge critique pour les hommes. Sa mère lui avait souvent répété que s'il se rendait à la soixantaine, il vivrait très vieux.

— Je ne suis rien sans toi…

Elle appuya le dos de sa main contre sa joue. Sa peau était glaciale. Pourtant, le moniteur à côté de son lit indiquait que son cœur battait encore.

— Je ne te laisserai pas avant que tu ouvres les yeux, jura-t-elle.

Au même moment, Marco arrivait à la lisière de la forêt, là où personne ne pourrait le voir ou l'entendre. Cet endroit était trop éloigné pour que les enfants aillent y jouer, et les adultes étaient bien trop occupés pour y faire de la randonnée. Il arrêta le cheval, mais resta en selle. Si l'animal prenait peur à l'arrivée de son illustre visiteur, il serait forcé de rentrer à pied, ce dont il n'avait aucune envie.

— Alissandre ! cria-t-il de tous ses poumons.

Pendant quelques minutes, rien ne se produisit, mais le jeune chevalier ne se découragea pas pour autant. Il fit tourner lentement sa monture sur elle-même en surveillant les alentours. Il avait appris bien peu de choses sur l’ordre de Galveston, ayant été le dernier à y être admis, mais il savait que le magicien répondait toujours aux appels de ceux qui y avaient été adoubés. Pendant longtemps, Galahad avait été le messager préféré du prédécesseur d'Alissandre, mais cela n'avait pas empêché ce dernier de parler aussi à Gawain.

Des nuages s'étendirent alors à toute vitesse au-dessus de la forêt. Marco espéra qu'il n'avait pas attiré le sorcier plutôt que le magicien. Un éclair aveuglant effraya le cheval, qui se cabra. Heureusement, son cavalier avait anticipé une réaction de peur de la part de l'animal et s'était accroché à la selle. Lorsque la bête se calma enfin, Marco vit Alissandre debout, à quelques pas de lui. Il portait une longue tunique blanche aux reflets changeants. Ses cheveux châtains touchaient maintenant ses épaules, et il portait une barbe de quelques jours. Son regard était d'un calme désarmant.

— Il y a fort longtemps qu'on ne m'a pas obligé à quitter la quiétude de ma grotte, déclara le magicien sans exprimer d'émotions.

— Je ne vous ai pas appelé sans raison, maître Alissandre. L'ordre de Galveston me surnomme Tristan.

— Oh, mais je vous connais bien, jeune homme, même si nous n'avons pas eu l'occasion de travailler souvent ensemble.

— Je vous en conjure, nous avons plus que jamais besoin de votre aide.

— Le jeu est pourtant terminé.

— Du jeu, nous ne savons rien. C'est Galahad qui est frappé d'un étrange mal qui ressemble un peu trop à de la sorcellerie.

Le magicien plissa le front en analysant cette menace potentielle.

— Je m'occupe de lui, affirma-t-il.

Il disparut de la même manière qu'il était arrivé en laissant le chevalier derrière lui. Mais Marco ne s'en offensa pas. Il savait que si quelqu'un pouvait aider Galahad, c'était bien cet homme aux pouvoirs de plus en plus grands. Il mit donc le cap sur le château de son frère d'armes, afin de lui rendre son cheval.

Alissandre, autrefois connu comme le sergent Ben Keaton de l'armée américaine, n'eut aucun mal à retrouver son ancien allié dans sa lutte contre le sorcier. Flottant juste au-dessus du lit d'hôpital sous une forme invisible, il attendit que la jeune femme qui veillait Galahad quitte momentanément la pièce de verre pour se matérialiser. Il n'avait pas encore fini de reprendre sa forme matérielle au chevet du chevalier qu'il ressentit l'énergie de son ennemi.

— Tristan à raison, murmura tristement le magicien.

Il posa d'abord la main sur le front de Galahad, pour s'assurer que son esprit ne lui avait pas été enlevé. Alissandre était arrivé très tard dans le jeu et n'avait pas eu le temps d'apprendre grand-chose du vieux magicien qui s'y adonnait depuis la nuit des temps. Ce qu'il savait maintenant provenait des nombreux livres que son maître lui avait laissés en héritage. Il avait ainsi appris que le sorcier recrutait souvent ses pions parmi des hommes auxquels il insufflait sa diabolique énergie.

— Je suis bien content de constater que tu es toujours là, Galahad.

Il passa lentement sa paume étoilée au-dessus du corps du chevalier, afin de découvrir une blessure que les médecins n'étaient pas en mesure de déceler. Sa main s'arrêta brusquement à la hauteur de la cage thoracique du patient.

— Un point d'entrée infiniment petit…

S'il n'intervenait pas maintenant, Galahad passerait le reste de son existence dans cet état végétatif. Même si personne ne pouvait le voir, ni physiquement ni sur les caméras de surveillance, il n'attendit tout de même pas le retour de Chance avant d'agir. Pour n'alarmer personne, il souleva le corps éthéré de Galahad, qui se trouvait à l'intérieur de son enveloppe corporelle, et disparut avec lui. Ce qui restait de son ami, sur la civière, n'était qu'une coquille vide. Son cœur continuait à battre et ses poumons à respirer, mais son âme était maintenant en possession du magicien.

Alissandre réapparut dans la caverne où il avait passé les dernières années et marcha jusqu'à l'autel en pierre qui s'élevait en son centre. Celui-ci était encombré d'ouvrages anciens, de parchemins, d'une boule de cristal et d'un encrier.

— Dégagez, ordonna le mage.

Les objets s'envolèrent et se posèrent sur les tablettes de la bibliothèque, qui couvrait tout un mur. Alissandre déposa Galahad sur la table et se tourna vers ses livres en se grattant le menton.

— Où ai-je lu quelque chose sur les poisons utilisés par les nervis du sorcier ?

— Ici ! s'écria un vieux grimoire en se dégageant de ses voisins recouverts de cuir.

— Il semble avoir été injecté dans le corps de la victime à l'aide d'une aiguille quelconque, observa Alissandre. Il ne l'a pas tuée, mais paralysée entièrement.

— Une seule goutte du venin du Nahash peut produire cette réaction.

— Il aurait été mordu par un serpent ?

— Cette substance toxique peut aussi être administrée par piqûre.

— Donc, pas nécessairement à l'aide d'une seringue.

— Une toute petite aiguille reliée à une minuscule ampoule est suffisante.

— Existe-t-il un antidote ?

— En broyant des lys de mer avec des pierres de foudre, on obtient une fine poudre que l'on doit dissoudre dans de l'eau d'une grande pureté. Il faut l'appliquer sur l'endroit de la ponction tout de suite après la morsure.

— Qu'arrive-t-il à la victime si la piqûre remonte à quelques heures ?

— Il faut utiliser une plus grande quantité de ce contrepoison, mais la guérison n'est pas assurée.

— Quelles seraient les conséquences d'un rétablissement partiel ?

Le livre demeura muet.

— Ce poison pourrait-il transformer ce chevalier en marionnette du sorcier ?

— Ce n'est pas son but, affirma le grimoire. Il ne sert qu'à immobiliser la proie jusqu'à ce que le prédateur soit prêt à la dévorer.

— Ou à l'utiliser à mauvais escient… Nous n'avons pas de temps à perdre. Où sont les ingrédients dont j'ai besoin pour préparer l'antidote ?

Une minuscule boule de lumière bleue émergea du vieux livre et fila le long des étagères en laissant une myriade de petites étoiles sur son passage. Elle zigzagua entre les fioles et les pots accumulés au fil des ans par l'ancien propriétaire de la grotte, puis s'arrêta net en émettant des sifflements devant un flacon recouvert de poussière. Alissandre s'en empara. Il contenait de petites roches rougeâtres. Puis la minuscule sphère poursuivit fiévreusement sa route, jusqu'à ce qu'elle repère une pierre arrondie d'un noir profond.

— Où trouverons-nous l'eau d'une grande pureté de nos jours ?

La petite étoile effectua une spirale en piquant vers le sol, dans lequel elle s'enfonça en sifflant furieusement. Quelques secondes plus tard, une gerbe d'eau jaillit de la terre. Une petite bouteille vide se mit à sautiller autour de la fontaine pour en recueillir une bonne quantité.

— Nettoyez-moi tout cela, ordonna le magicien tandis que les ingrédients du contrepoison s'alignaient devant lui.

Il se concentra plutôt sur la délicate opération à laquelle il devait se livrer et retira deux petites roches écarlates de la bouteille transparente qu'il déposa à quelques centimètres de la tête du corps éthéré de Galahad.

— Quelle est la quantité recommandée ?

— Juste un petit peu plus, indiqua le livre.

Alissandre fit glisser un troisième morceau de lys de mer, ce précieux fossile autrefois utilisé pour combattre différents poisons. Autour de lui s'affairaient en même temps balais, chiffons et autres substances afin de colmater le trou dans le sol et d'éponger l'eau qui le recouvrait.

— Il faut ensuite les broyer, ajouta le grimoire.

— Avec les pierres de foudre, j'imagine.

— Celles-là même, en effectuant une légère pression d'un mouvement continu du nord au sud.

Le magicien avait heureusement situé les quatre points cardinaux de son antre. Il n'eut donc aucun mal à moudre l'organisme végétal qui avait été recueilli au fond de la mer au début des temps par son mentor. La fine poudre ainsi obtenue suivit bientôt le bout de son index jusque dans le flacon qui avait recueilli l'eau pure quelques minutes plus tôt.

— Que dois-je faire, maintenant ? s'enquit le magicien.

— Il faut en verser très doucement le contenu sur le point d'entrée du poison.

— Je n'ai pas ramené le corps physique de la victime, mais son corps subtil.

— Un instant, je vous prie.

Les pages du grimoire se mirent à tourner furieusement, puis s'arrêtèrent.

— Les deux corps sont si étroitement liés que ce qui arrive à l'un a un effet sur l'autre. Cependant, l'application de l'antidote sur la version immatérielle du patient ne vous permettra de le débarrasser que d'une partie du venin. Je vous suggère de n'en utiliser que la moitié et de verser le reste sur sa copie terrestre.

— Alors, c'est parti.

Le magicien détacha les cordons qui retenaient la jaquette de Galahad dans son cou et descendit le vêtement jusqu'à sa taille. Il découvrit un tout petit point rouge à l'endroit où ses mains l'avaient préalablement localisé. Lentement, il versa le contrepoison à petites gouttes directement au-dessus de la marque de piqûre, puis déposa la fiole sur le guéridon derrière lui. Galahad n'eut d'abord aucune réaction, mais Alissandre avait appris à être patient depuis qu'il avait pris la place du vieux magicien. Certains envoûtements étaient instantanés, d'autres pouvaient prendre des mois.

Soudain, le chevalier battit des paupières comme s'il se réveillait d'une longue nuit de sommeil. La faible luminosité, de la grotte lui permit de revenir tout doucement à lui.

— Où suis-je ? demanda-t-il enfin.

— Tu es chez moi, Galahad.

Ne reconnaissant pas cette voix, le chevalier se redressa vivement sur ses coudes. L'homme qui se tenait près de lui portait une longue tunique de magicien. Ses cheveux touchaient ses épaules, mais ils n'étaient ni blancs ni argentés. Les poils de sa barbe non plus. Pourtant, ses yeux bleus étaient familiers.

— Je ne te blâme pas de ne pas me reconnaître, fit Alissandre pour tenter de le rassurer.

Sa voix ne lui était pas non plus étrangère…

— Il y a plusieurs années, j'ai été ressuscité par un très vieux magicien qui avait besoin d'un apprenti, fit l'étranger pour lui rafraîchir la mémoire.

— Ben…

— Dans mon ancienne vie, je portais effectivement le nom de Ben Keaton.

Des scènes du passé défilèrent à une vitesse folle dans la tête de Galahad. Il se revit près de la cabane en bois, en Californie, alors qu'ils tentaient de sauver Terra. Le magicien avait brûlé dans ses paumes des étoiles de feu…

— Alissandre ! se rappela-t-il.

— Je suis soulagé de ne pas avoir à te raconter toute ma vie.

Il aida son ancien compagnon d'aventure à s'asseoir.

— Doucement, recommanda Alissandre. Tu n'as que la moitié de ton corps.

— Quoi ? s'étonna Galahad.

— L'autre est encore inconsciente sur un lit de l'urgence, à l'hôpital.

Le chevalier tâta ses bras et son abdomen, qui lui parurent pourtant bien réels.

— Dans cette caverne, les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être, l'avertit le magicien. Fais-moi confiance, d'accord ?

— De quelle façon dois-je m'adresser à toi, maintenant ? demanda Galahad, indécis.

— Même si je suis devenu immortel, j'aimerais bien que nous restions amis.

— Les chevaliers doivent le respect au magicien.

— Ceux qui ne me connaissent pas, sans doute, mais c'est différent pour toi, Galahad. J'aimerais ranimer notre amitié.

— Soit.

— Tes cheveux ont grisonné quelque peu, mais tu es toujours le chevalier parfait, ne put s'empêcher de remarquer Alissandre.

— Mais toi, tu ne te ressembles plus du tout.

— Tu aimes mon nouveau look ?

— Il ressemble davantage à l'image que les gens se font d'un mage.

— Merci. C'est cet effet que je recherchais. Mais ne perdons pas trop de temps. Je ne peux pas garder ton corps subtil trop longtemps à l'extérieur de ton corps physique, sinon tu ne pourras plus jamais y retourner.

— Ce n'est pas très rassurant…

— Dis-moi qui t'a empoisonné, Galahad.

Le chevalier plissa le front en tentant de se rappeler ce qui s'était passé. Le sourire moqueur de l'alchimiste se dessina dans son esprit.

— C'est Mordred.

— En es-tu certain ? s'alarma Alissandre.

— Il dit s'appeler Timothée Medrawt, mais je suis sûr que c'est lui.

Le magicien se mit à faire les cent pas autour de l'autel en pierre. Galahad le suivit du regard.

— Je ne sais pas comment il a pu entrer à Nouvelle-Camelot, car j'ai placé les cristaux que tu m'avais donnés aux quatre coins de la ville, ajouta Galahad.

— Ces pierres bloquent l'accès aux chiens de chasse du sorcier, mais pas aux chevaliers.

— Mordred n'est certainement pas dans notre camp !

— Théoriquement, il appartient à la Table ronde même si c'est un traître. Que voulait-il ?

— Il cherche Terra. J'ai refusé de lui révéler quoi que ce soit à son sujet.

— La partie est pourtant terminée.

— C'est ce que je pensais aussi. Lancelot m'a cependant informé que la couronne du roi avait disparu de son coffre. Il m'a aussi dit que les règles changeaient lorsque c'était le magicien qui remportait le match.

— J'ai employé les dernières années à me familiariser avec la magie. Je n'ai pas vraiment cherché à en apprendre davantage sur le jeu.

Il tendit le bras en direction de son immense bibliothèque, jusqu'à ce qu'un grand livre relié s'en échappe et vole jusqu'à lui. L'ouvrage demeura suspendu dans les airs, à la hauteur des yeux d'Alissandre, attendant ses ordres. Galahad contempla cette scène avec ravissement.

— Que se passe-t-il lorsque le sorcier perd une partie ? demanda Alissandre.

— Normalement, les joueurs ne disputent un match que tous les cent ans, surtout lorsque le sorcier l'emporte, car il a l'habitude d'éliminer définitivement tous les pions du magicien, répondit le livre. Celui-ci doit donc recruter une équipe complète de treize pions avant que son opposant ne puisse le provoquer en duel. Lorsque le sorcier est vaincu et que le roi du magicien survit, ce qui ne s'est produit qu'une seule autre fois à Athènes, il y a deux mille cinq cents ans, le sorcier peut exiger une chance de revanche durant la vie du roi survivant.

— Que s'est-il passé à Athènes ?

— Le magicien, qui n'était pas encore prêt à jouer, a subi une écrasante défaite.

— Comment le sorcier signale-t-il au magicien qu'il reprend le jeu ?

— Il s'empare de l'emblème du vainqueur.

— La couronne…, se troubla Galahad.

— De combien de temps dispose alors le magicien pour riposter ? poursuivit Alissandre.

— L'histoire nous a appris que le sorcier frappait très rapidement, une fois qu'il avait signalé son désir de poursuivre le jeu.

— J'imagine que tu n'as pas encore recruté tes pions, devina Galahad.

— Je ne sais même pas où les prendre.

— Si Terra est toujours le roi, ne devraient-ils pas déjà graviter autour de lui ?

Même si ce n'était pas le magicien qui le questionnait, le livre de règlements considéra qu'il était de son devoir de répondre.

— J'aimerais vous signaler que c'est probablement le sorcier qui choisira le terrain sur lequel se disputera la prochaine joute, indiqua l'ouvrage. Vous aurez très peu de temps pour organiser votre armée.

— J'en serai, annonça Galahad.

— Je l'avais déjà deviné, avoua Alissandre. À part Terra, un seul autre chevalier n'a apparemment pas été éliminé.

— Mordred. Jure-moi que vous ne serez pas obligés de le garder.

— Il pourrait invoquer les règles du jeu pour vous forcer à l'intégrer dans vos rangs, expliqua le livre.

— Mais il a tenté de tuer l'un de mes pions avant même que ne débute le jeu, protesta le magicien.

— C'est le propre de ce pion de jouer sur les deux plans. Ce geste de sa part pourrait aussi indiquer que la partie est commencée.

— Dans ce cas, ne perdons plus de temps, s'alarma Galahad.

— Je vais te ramener dans ton corps physique et tenter d'expliquer la situation à Terra, décida Alissandre.

— Ce sera une dure épreuve pour lui.

Voyant qu'on n'avait plus besoin de lui, le livre réintégra sa place dans la bibliothèque.

— Couche-toi, mon ami, ordonna Alissandre.

Galahad lui obéit aussitôt. Il se sentit sombrer dans le sommeil, puis ouvrit subitement les yeux. Il était à l'hôpital de Nouvelle-Camelot. Avait-il rêvé ce qui venait de se passer dans la caverne du magicien ? Il était parfois si difficile de faire la différence entre le songe et la réalité…

— Chance…, murmura-t-il en l'apercevant à ses côtés.

— Je savais que tu aurais la force de traverser cette épreuve, se réjouit-elle.

— Malheureusement, elle ne fait que commencer.

Il voulut s'asseoir, mais son épouse l'en empêcha.

— Tu n'es pas en état de te lever, Galahad.

— Il le faut, pourtant.

— Pas avant que le médecin m'assure que tu puisses le faire. Et il y a aussi la police qui veut te parler au sujet de l'agression dont tu as été victime.

Galahad n'avait rencontré Philippe Cyr qu'une seule fois, au moment de son embauche par la mairesse. Il était bien jeune pour occuper le poste de chef de la police, mais personne d'autre n'avait répondu à leur annonce. Philippe était intègre et dévoué, mais comprendrait-il que le danger provenait d'un autre plan ? Tous les humains n'étaient pas nécessairement ouverts à l'existence de la magie et de la sorcellerie.

— Ai-je au moins le droit de faire des appels téléphoniques ? demanda le chevalier.

— Es-tu complètement irresponsable, Galahad Dawson ? Tu viens juste de reprendre conscience !

Le magicien apparut alors de l'autre côté de la civière, arrachant un cri de surprise à la jeune femme.

— Chance, te souviens-tu du magicien ? fit son mari.

— Oh non ! explosa-t-elle en se rappelant toutes les souffrances qu'avaient entraînées le jeu. Il n'en est pas question !

— Avant que vous ne me condamniez, fit Alissandre, laissez-moi d'abord terminer le traitement que j'ai commencé dans une autre dimension.

Il détacha une fois de plus la jaquette d'hôpital de Galahad et versa le reste de l'antidote au milieu de sa poitrine.

— Que lui faites-vous ? se fâcha Chance.

— Je le débarrasse du poison qu'on lui a injecté, madame.

— Les médecins avaient la situation bien en main.

— Permettez-moi d'en douter.

Alissandre passa la main au-dessus du corps du chevalier et n'y décela plus aucune trace du venin.

— À bientôt, Galahad.

Il se dématérialisa au moment où l'inspecteur Cyr arrivait dans la pièce vitrée.

— Est-ce que je viens de voir un homme disparaître ? s'étonna celui-ci.

Galahad et Chance gardèrent un silence coupable.

— Il n'y a pourtant qu'une seule façon d'entrer ici, et c'est moi qui viens de l'utiliser. Où cet homme est-il allé ?

— C'est difficile à expliquer, bafouilla Chance.

Galahad, quant à lui, opta pour la franchise.

— Alissandre est un magicien.

— Ah… se contenta de répondre Philippe, persuadé que le chevalier se payait sa tête.

— Vous finirez bien par y croire.

— En attendant, j'aimerais que vous me racontiez ce qui vous est arrivé.

— Je suis entré dans la boutique de monsieur Timothée Medrawt et il m'a agressé.

— Il a essayé de vous tuer, vous voulez dire.

— Je ne sais pas exactement ce qu'il a fait. Il s'est approché de moi, puis m'a frappé sur la poitrine et je suis tombé.

— Je me suis rendu à cette boutique tout à l'heure. Elle est non seulement déserte, mais aussi vide.

— Plusieurs personnes qui y sont allées avant moi témoigneront du contraire.

— Pourquoi cet homme voulait-il vous tuer, monsieur Dawson ?

— Il m'a avoué n'être venu à Nouvelle-Camelot que pour s'en prendre à Terra Wilder, alors je l'ai averti que je ne le laisserais pas se rendre jusqu'à lui.

— Et c'est à ce moment-là qu'il vous a attaqué ?

Galahad hocha doucement la tête à l'affirmative.

— Que se passe-t-il, ici ? tonna le docteur Walker en franchissant la porte de verre.

La femme médecin contourna le policier et écarquilla les yeux en constatant que son patient, mourant quelques minutes plus tôt, semblait maintenant en pleine forme. Elle prit aussitôt son pouls et étudia les données qui apparaissaient sur les différents moniteurs.

— Mais comment…

— Le poison a cessé de faire effet, je crois, expliqua Galahad pour la rassurer.

— Vous venez de me dire que Medrawt vous avait frappé, riposta l'inspecteur.

— Je pense que c'est ainsi qu'il m'a administré cette dangereuse substance.

Le docteur Walker examinait justement sa poitrine. L'intervention d'Alissandre avait fait rougir la marque de la piqûre, désormais bien apparente.

— Sortez tous pour que je puisse m'assurer de l'état de mon patient, exigea-t-elle.

— J'ai une dernière question à poser à monsieur Dawson.

— Une seule, l'avertit la femme médecin.

— Désirez-vous porter plainte contre monsieur Medrawt ?

— Évidemment.

— Quand vous en aurez la force, venez me voir au poste de police pour signer cette plainte.

— Je n'y manquerai pas.

Chance et Philippe sortirent de la pièce, tandis qu'on tirait les rideaux devant les murs de verre.

Capitaine Wilder
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