15

Incapable de dormir, Aymeric avait lancé une recherche sur l'ordinateur de la chambre d'amis du château, désirant en savoir plus sur les Templiers dont Galahad lui avait parlé. Il trouva une foule de sites Internet à leur sujet. « J'aurais dû être plus attentif pendant mes cours d'histoire », se découragea-t-il. Il avait plutôt excellé en sciences. Il commença par fureter sur ceux qui parlaient de la fondation de l'ordre, puis s'intéressa à ceux sur les règles et la hiérarchie. Ses poils se hérissèrent sur ses bras lorsqu'il arriva à la section sur les costumes que portaient ces moines soldats.

— Leurs vêtements devaient être d'une seule couleur, blanc de préférence, noir ou marron, lut-il à voix haute. Seuls les membres de l’ordre pouvaient porter des capes blanches, symboles de leur renoncement à l'obscurité de la vie moderne. Ces habits devaient être sobres et sans richesses.

Les Templiers avaient installé en Europe le premier système bancaire. Ils avaient aussi inventé le chèque, qui évitait aux commerçants de transporter sur eux de l'argent liquide sur des routes moins que sûres. Leur pouvoir suscita évidemment de la jalousie, de la haine et leur amena des ennemis. Le roi de France ayant saigné à blanc le pays, il voulut mettre la main sur les trésors des templiers et n'eut aucun mal à trouver des délateurs.

— Comme moi ? s'étrangla Aymeric.

Il fit alors des recherches parmi les noms connus des Templiers. Il trouva un grand nombre de Thibaud, mais l'un d'entre eux attira davantage son attention. Il était dans la vingtaine au moment de l'arrestation du grand maître de l’ordre.

— Thibaud de Bourbon…

— Il était à peu près temps, fit une voix d'homme derrière lui qui n'était pas celle de Galahad.

Aymeric fit volte-face sur le banc en bois. La peur paralysa alors tous ses muscles. Devant lui se tenait un templier en chair et en os ! Il portait une cape et un surcot blancs arborant la croix rouge, ainsi qu'un haubert et un casque en métal.

— Qui êtes-vous ? balbutia l'adolescent, effrayé.

— Je suis celui qui attendait que tu prononces le mot de passe.

— Pourtant, je ne suis pas en train de rêver…

— J'ai reçu l’ordre de vous accompagner, Thibaud. Veuillez me suivre.

— Où ça ?

— Dans la maison du maître, évidemment.

— Non, je n'irai nulle part. Je vais me réveiller et m'apercevoir que je me suis endormi devant l'ordinateur.

Le templier s'avança vers lui.

— Ne me touchez pas ! hurla l'adolescent.

Galahad, qui grimpait l'escalier, entendit son cri. Il courut aussi vite qu'il le put, poussa la porte de la chambre… et la trouva déserte !

— Aymeric !

Les fenêtres étaient fermées. Il n'était donc pas sorti par là. Le chevalier fouilla l'étage au grand complet, sans trouver la moindre trace du fils de Terra. Il n'y avait qu'une seule façon de descendre au rez-de-chaussée, soit par le grand escalier, et c'était là que Galahad se trouvait au moment où Aymeric avait crié. Si ce dernier était descendu, ils se seraient forcément croisés.

Galahad retourna dans la chambre et ouvrit ses paumes au-dessus du plancher. Il capta une faible trace magique, mais rien qui puisse émaner du sorcier.

— C'est impossible…

Paniqué, il redescendit dans le hall, où les premiers rayons du soleil commençaient à s'infiltrer.

— Alissandre, j'ai besoin de vous, supplia-t-il.

Il n'eut pas à attendre longtemps, mais au lieu d'apparaître seul, le magicien était flanqué de Terra et de Donald. Le Hollandais n'eut qu'à voir l'expression sur le visage de son frère d'armes pour comprendre que le pire s'était produit.

— Est-il mort ? demanda Terra d'une voix presque inaudible.

— Je n'en sais rien, avoua Galahad. Pour l'instant, je puis seulement affirmer qu'il a disparu. Il était dans la chambre d'amis. Tandis que je remontais au premier étage, je l'ai entendu crier et j'ai foncé. Mais quand j'ai ouvert la porte, il n'y avait plus personne.

— Y a-t-il des passages secrets dans ton château ? s'enquit Donald en analysant la situation.

— Non.

Terra, qui connaissait bien la demeure de son ami, prit les devants et grimpa l’escalier. Il entra dans la chambre suspecte et examina attentivement les lieux. Le reste du groupe se dispersa derrière lui pour trouver des indices.

— Je sens une bien curieuse magie, leur apprit Alissandre en pivotant très lentement sur lui-même. Elle provient de ce côté.

Il pointa le lit. En un instant, Donald et Galahad le défirent en morceaux pour voir si l'adolescent n'aurait pas été emprisonné dans le matelas ou sous le sommier. Ils ne trouvèrent rien. Terra tâta le mur pour voir s'il ne dissimulait pas quelque entrée dont Galahad lui-même aurait ignoré l'existence. C'est alors que ce dernier fit une remarquable découverte.

— Le tableau a changé, observa-t-il.

Ils se tournèrent tous vers lui, étonnés.

— Mais de quoi parles-tu ? s'informa Donald.

Galahad décrocha du mur le tableau de la Croisade et l'appuya sur les montants du lit.

— Il y avait quatre chevaliers, mais il n'en reste que trois…

— En es-tu certain ? fit Donald, sceptique.

Terra huma la toile de près pour voir si l'huile était fraîche. Alissandre préféra utiliser une autre méthode. Il passa plutôt la main au-dessus du canevas.

— Galahad a raison, trancha-t-il.

— Regardez tout au fond, près de la muraille, sur le cheval qui semble fuir le combat, indiqua Donald.

— Il nous faudrait une loupe pour en voir les détails, déplora Terra.

Alissandre eut une bien meilleure idée. Il déposa le tableau par terre, au pied du lit, et le fit grossir dix fois. Terra constata alors avec horreur que le chevalier qui s'éloignait maintenait de force devant lui sur la selle un adolescent qui se débattait.

— Aymeric…

— Mais comment diable allons-nous pouvoir le sauver dans un tableau ? explosa Donald, découragé.

— Tes pouvoirs sont-ils assez grands, Alissandre ? s'enquit Galahad.

— Dans des conditions normales, je pourrais certainement nous permettre d'entrer dans cette toile, mais malheureusement, elle est protégée par de la sorcellerie.

— Ils ont pris mon fils ! ragea Terra.

— Et je crois savoir pourquoi, fit calmement le magicien. Le sorcier a déjà exploré tous les confins de ton esprit. Il y a sans doute découvert que tu refuserais de participer au jeu, à moins qu'il ne t'y force.

— Il a donc l'intention de garder Aymeric en otage, comprit Galahad.

— Ce qui signifie qu'il ne lui fera aucun mal, ajouta Donald, soulagé.

— Quelles sont les premières étapes à suivre lorsque la partie commence ? s'impatienta Terra, qui redoutait le moment où il devrait apprendre à Amy que leur fils était entre les griffes d'une créature malfaisante.

— Je dois d'abord rencontrer mon adversaire en terrain neutre, afin que nous déterminions le lieu et la durée de la prochaine partie.

— Elle pourrait avoir lieu ailleurs qu'en Colombie-Britannique ? s'étonna Donald.

— Les annales font mention de matchs ayant été disputés aussi bien sur des îles désertes qu'au beau milieu de New York.

— Lequel de vous deux fera ce choix ? s'enquit Terra.

— Je n'en sais rien. C'est la première fois que je suis impliqué dans le jeu à partir du début. Puisque je ne peux plus rien faire ici, je vais aller me préparer pour cette importante rencontre. Dès que j'aurai plus d'informations, je reviendrai vers vous.

Sans attendre leurs protestations, Alissandre se dématérialisa dans un éclair aveuglant. Terra échangea un regard abattu avec ses deux amis, puis quitta la pièce. Galahad et Donald le suivirent dans le corridor menant aux chambres. Chance venait à leur rencontre.

— Mais que se passe-t-il ? s'étonna-t-elle.

— Suis-nous, se contenta de répondre Galahad.

Ils descendirent dans le hall et prirent place sur les bergères. Le chevalier expliqua la situation à Chance en quelques mots.

— En tout cas, j'espère qu'ils ne décideront pas d'aller régler ça dans un pays où la guerre sévit en ce moment, laissa tomber Donald.

— Alissandre ne le permettrait pas, le rassura Galahad.

— L'endroit m'importe peu, maugréa Terra. J'irai n'importe où pour reprendre mon enfant.

— J'imagine que vous n'avez encore rien mangé, fit Chance en se levant. Je vais préparer quelque chose.

Terra n'avait pas faim, mais il avait du mal à organiser ses pensées au milieu des protestations de son estomac. Il se demanda si Aymeric serait bien traité, nourri et proprement logé. « Par un sorcier ? » songea-t-il tristement. Sentant sa peine, Galahad s'accroupit devant lui et lui prit les mains.

— Non seulement nous retrouverons ton fils, mais nous détruirons aussi cet assassin une fois pour toutes, déclara-t-il.

Le Hollandais hocha doucement la tête, de plus en plus désireux de mettre un terme à ce jeu qui faisait d'innocentes victimes depuis des siècles.

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