Ni plus ni moins
Toutes ces discussions sur la longueur de la queue. À partir d’où et jusqu’où doit-on mesurer ? À partir du devant ? du ventre ? du nombril à la pointe ? Ou de la base, devant les testicules ? Ou, en tout état de cause, à partir des deux côtés, plus neutres ? Et puis mesure-t-on le pénis dans son érection naturelle, ou peut-on en serrer la base afin d’exercer une pression vers le bas du corps et d’inclure ces deux centimètres supplémentaires dans sa mesure ? Et au moyen de quoi mesure-t-on ? D’une règle qui ne plie pas ? d’un mètre qui glisse sans arrêt ? avec la paume d’une main ? au coup d’œil, au jugé ?
Et qui doit relever cette mesure ? Un médecin ? une amante ? l’intéressé lui-même ? (Ces données ne sont pas fiables.) Avec tous les écarts possibles – et probables – je dirais que l’évaluation de la longueur du pénis est une science des plus inexactes, une étude si sujette à des variations extrêmes que, lorsque les Hommes discourent sur le sujet, je ne crois même pas qu’ils comparent un pénis à un autre. Dans son livre Woman : An Intimate Geography (18), Natalie Angier dit que le phallus humain moyen en érection mesure 14,478 cm. (Je me demande si elle a obtenu ce chiffre très précis grâce à une recherche de première – ou de seconde – main. Les termes « pogne » ou « paluche » prennent soudain une autre signification !) Moins d’un demi-pied. Plus court de plusieurs mètres qu’un sexe de baleine, mais près de deux fois la taille de celui d’un gorille de deux cents kilos. Ironie du bon Dieu.
La longueur compte. C’est-à -dire la perception qu’on en a. Que l’homme en a. En dernière analyse, la longueur est plus une question d’attitude que de centimètres. Mais l’attitude peut venir des centimètres. L’influence sur l’attitude d’un homme de la taille de son pénis est plus importante, et décisive, que deux ou trois centimètres de plus chez un individu doté d’un petit esprit. D’autre part – la part maudite… – une plus grosse verge peut emporter une femme plus loin, au plus profond d’elle-même, au tréfonds de son être. Mais il y a des femmes qui peuvent ne pas souhaiter aller jusque-là , être emportées jusque-là .
La manière dont un garçon pousse avec son bassin est un grand facteur érotique, souvent méconnu. Une petite verge associée à une puissante poussée peut aboutir à une plus grande domination qu’une grosse verge qui bouge mal, qui ne sait pas danser. Personnellement, je ne puis aimer une queue qui ne me domine pas. Sinon je garde trop de pouvoir. Et deviens complètement tyrannique.
Et puis il faut aussi tenir compte de la largeur, un élément bien moins fréquemment évoqué par les hommes, ce qui sert à prouver une fois de plus qu’ils se soucient beaucoup plus des autres hommes que de leurs femmes. Or une queue épaisse peut produire un sentiment de domination autrement plus fort qu’une longue… Dans une chatte, où les plus fortes sensations se situent à l’entrée. Dans un cul, la longueur compte davantage. C’est plus dur d’en enfourner une longue, mais, une fois dedans, elle va plus profond ; on a l’impression qu’elle toque à votre cervelle pendant qu’elle vous viole l’âme. En résumé, s’agissant de la taille d’une verge, la formule idéale, c’est largeur pour la vulve, longueur pour le cul… Ce qui, certes, souligne l’importance de la variété. Même si, à l’évidence, un imposant braquemart n’est pas toute la réponse – il peut bien sûr être l’attribut d’un sale con –, c’est peut être la réponse à votre trou à vous, ce qui est un bon départ.
Les femmes s’entendent répéter que la taille du bateau n’est pas seule à compter, qu’il y a aussi le mouvement de l’océan. Mais c’est là une théorie répandue par les petits malins bourrelés d’angoisses qui ont besoin justement de belles théories. Ceux qui aiment leur bite sont trop occupés à baiser pour s’en soucier. Ils la mettent là où les autres mettent leurs théories. En bonne petite fille, j’ai cru à la théorie… Jusqu’à ce que je découvre que je m’étais fait avoir, non pas tant par les petites bites que par des hommes qui croyaient avoir une petite bite.
J’ai appris à me tenir sur mes gardes face à un homme qui n’aime pas son pénis. Je me méfie des myriades de manières, physiques comme psychologiques, par lesquelles il va compenser ce déficit. L’argent, la littérature, les fleurs, la poésie, les promesses, les propositions, et même un broute-minou expert, sont quelques-uns des artifices auxquels j’ai eu droit. Mais, au bout du compte, c’est toujours la même histoire du Costume neuf de l’empereur et l’insécurité suinte de partout.
Enfin, il y aura toujours des femmes qui seront heureuses, plus heureuses même, avec des alibis. Aussi ces hommes n’ont-ils aucun besoin de s’inquiéter ; ils n’ont qu’à prendre une fille qui préfère un rang de perles fines aux bijoux indiscrets, ou une maison à crédit à une queue dans son derrière.
Oui, je confesse mon envie du pénis, mais seulement d’un gros. Si j’en avais un, je brosserais tous les jolis tutus que je pourrais trouver, je les clouerais chacun sur la croix de leur servitude avec ma queue impitoyable. Je considérerais cela comme ma mission, mon devoir, mon destin. Mais, à la fin – pour mes fins personnelles, en tout cas –, ce ne sont pas les centimètres qui comptent. Je n’ai pas de véritable sensation de longueur dans mon trou mignon, pas de règle gravée sur mes parois anales. C’est à la présence, à la pression, à la profondeur, que je sens la taille. A-Man est un drogué de la profondeur. Des profondeurs de son cœur et de son âme, je ne peux parler avec autorité, mais je sais bien qu’il fouille les profondeurs de mes entrailles à la façon d’un démoniaque explorateur victorien, d’un gentleman possédé. Tel Sir Richard Burton entrant dans La Mecque, il est le premier Occidental à s’être infiltré dans la jungle inextricable de mes entrailles, dans mon territoire vierge, mon cœur des ténèbres. Et cela, avec une arme d’une singulière force de pénétration.