CHAPITRE XVII

Wedge vit les intercepteurs du Cent quatre-vingt-unième entrer dans l’atmosphère de la lune de Selaggis, là où se trouvait l’ancienne colonie.

Quatre chasseurs alliés suivaient le Cent quatre-vingt-unième : Kell, Elassar, Shalla et Janson, à bord de quatre intercepteurs de l’Escadron Spectre. Les ailes X des Escadrons Rogue et Spectre étaient distancées par les intercepteurs.

— Spectre Cinq à Leader. Ils se dirigent vers la côte ouest du continent principal. Je crois que c’est là qu’était la colonie. Les conditions atmosphériques sont mauvaises. Beaucoup de pluie et de vent.

— Bien reçu, Cinq. N’attaquez pas. Continuez à suivre leur progression et transmettez-nous vos données de détection.

Wedge jura tout bas. Malgré sa passion pour les ailes X, il regrettait parfois leur manque de rapidité…

— Ils ont tourné vers une série de bâtiments en ruine. Les restes de la colonie, j’imagine… Pas de signe de vie. Attendez, ils tirent ! Il doit y avoir une cible vivante là-dessous… Permission d’attaquer ?

Wedge savait qu’ils n’avaient détecté aucun signe de vie sur la lune Selcaron. Pourquoi Zsinj envoyait-il ses meilleurs pilotes bombarder des ruines ?

C’était peut-être un piège.

Ou il restait des survivants…

— Permission accordée.

 

Kell vira et plongea sur les deux intercepteurs qui assuraient l’arrière-garde. Il avait du mal à les voir à cause de la pluie battante et du ciel plombé. Son cœur battait à tout rompre. Il sentait revenir la peur qui ne l’avait jamais vraiment quitté depuis la bataille de l’Implacable.

Il décida de se « venger » sur l’ennemi.

Un intercepteur scintilla brièvement dans son réticule de visée, puis vira à tribord. Son ailier décéléra soudain, se préparant à attaquer Kell…

Mais il explosa et disparut de l’écran.

— Joli tir, Neuf !

Kell vira de nouveau, essayant de rester verrouillé sur sa cible, mais l’intercepteur manœuvra habilement et revint sur sa proue. Les détecteurs lui annoncèrent que l’ordinateur de visée de l’ennemi s’était verrouillé sur lui.

Il plongea. À bâbord s’étendaient des eaux grisâtres. À tribord, là où la terre rencontrait la mer, gisaient les ruines des dômes préfabriqués de la colonie. Des rayons laser fusèrent au-dessus de lui. Il s’orienta vers la mer, se laissant tomber vers le littoral.

Quelque chose fit vibrer son appareil, probablement un rayon laser. À deux cents mètres à peine de l’océan, il tira sur son manche à balai et fit feu, rasant la surface de l’eau. Une colonne de vapeur s’éleva. Il la traversa et vira à bâbord.

Son poursuivant émergea de la colonne de vapeur sans tourner immédiatement. Le pilote avait besoin d’un moment pour repérer sa proie.

C’était ce qu’escomptait Kell. Luttant contre la force centrifuge qui le plaquait à son cockpit, il se plaça derrière l’ennemi.

Le Tie n’avait aucune chance… Kell tira.

L’intercepteur explosa.

— Deux de moins ! Reste vingt-deux.

— Vingt, rectifia la voix de Janson. Mais ils changent de tactique…

Kell fit un tonneau pour revenir vers la cité en ruines. Elassar s’aligna sur lui.

Les intercepteurs du Cent quatre-vingt-unième continuaient de mitrailler l’ancienne colonie. Ils ne semblaient pas avoir de cibles précises. On eût dit qu’ils voulaient réduire les bâtiments en miettes.

Kell vit Janson et Elassar arriver de l’est, visant une paire d’intercepteurs. Leurs cibles filèrent vers le centre de la colonie. Deux autres intercepteurs se tournèrent vers Janson et Elassar pour les affronter. Janson et Elassar dévissèrent, mais les cibles s’éloignèrent aussi pendant qu’une troisième paire manœuvrait pour attaquer les Spectres.

Le Cent quatre-vingt-unième jouait un jeu dangereux. Il attirait les Spectres puis fuyait.

Quand Kell et Elassar approchèrent de la plage, deux intercepteurs volèrent vers eux.

— S’ils attaquent, dit Kell, tactique de combat en duel. S’ils virent de bord, ne les poursuivez pas.

— Bien compris, répondit Elassar.

Les ennemis s’écartèrent bien avant d’être à portée de tir.

— Remontons, dit Kell. Je n’y comprends rien. Ils se contentent d’une attitude défensive…

— Ils attendent, comprit Janson. L’arrivée des escadrons Rogues et Spectres !

 

N’en croyant pas ses yeux, Zsinj voyait les dégâts s’accumuler sur les écrans.

— Melvar !

Le capitaine Vellar jeta un coup d’œil vers le poste du général.

— Il n’est pas revenu de sa « course ». S’agissait-il du lancement d’une navette ? Un transporteur de débarquement a décollé du hangar. Il semble s’être lancé aux trousses d’une aile X…

— Ne vous souciez pas de ça, Vellar. Nous venons de perdre un nouveau vaisseau ! Sont-ils si doués que ça ?

— On dirait, monsieur…, soupira le capitaine. Le Mon Remonda est presque en position d’attaque.

— Votre opinion ?

— Notre escadron ne parviendra pas à vaincre leur groupe secondaire. Le bataillon principal de Solo est pratiquement intact et sera bientôt sur nous. Nous avons subi des dégâts, sans compter les sabotages possibles… Monsieur, nous ne remporterons pas cette bataille !

— En avant toutes ! ordonna Zsinj. Faites-nous sortir du champ de débris. Direction le Seconde Mort, Ordre à tous les chasseurs, excepté le Cent quatre-vingt-unième et son groupe de soutien, de revenir harasser la flotte de Solo !

— Monsieur, ça mettra en danger le reste de notre flotte.

— Pensez-vous que je l’ignore ? Dès que nous aurons quitté la ceinture de débris, les vaisseaux survivants devront fuir au plus vite !

Pour la première fois, Zsinj savait ce que c’était de ne pas être infaillible sur un champ de bataille…

 

Les Escadrons Rogue et Spectre franchirent la barrière de nuages pour découvrir un monde obscur fouetté par la pluie. Ils se séparèrent par groupes de deux et plongèrent vers les ruines de la colonie. Les intercepteurs se séparèrent aussi, cherchant le meilleur angle pour repousser les ailes X.

Wedge essaya de repérer l’appareil de Fel. Il n’eut pas besoin de chercher longtemps… Une paire d’intercepteurs fila aussitôt vers Tycho et lui.

— Fel, c’est vous ?

— Antilles… Quel plaisir de vous retrouver sur mon chemin !

— Le Poing d’Acier ne se débrouille pas très bien. Vous devriez vous rendre, ça vous épargnerait des tracas…

Les intercepteurs tirèrent.

Wedge esquiva et riposta.

Les deux vaisseaux ennemis dépassèrent Wedge et Tycho. Bizarrement, ils ne revinrent pas tout de suite vers eux, mais s’orientèrent vers la surface de la planète.

— Fel, ne faites pas ça ! Vous avez été un Rogue, je n’ai pas envie de vous abattre !

— Pourquoi pas ? Je ne partage pas ce sentiment à votre égard.

Parce que vous ne m’avez pas encore dit où est ma sœur, pensa Wedge. Ensuite, je ne répugnerai plus à vous descendre !

 

Kell et Elassar volaient en sens opposé. Le Devaronien rejoignit son équipier habituel, Face, pendant que Kell se plaçait derrière l’aile X d’Avorton.

— Bienvenue ! lança celui-ci.

— Ravi d’être revenu, répondit Kell. Allons-y !

Ils se tournèrent vers une nouvelle paire d’intercepteurs. Le Cent quatre-vingt-unième semblait avoir abandonné sa tactique défensive pour passer à l’attaque.

Kell vola derrière son équipier. Puis il jaillit au-dessus de l’appareil d’Avorton, tira sur l’intercepteur de queue, se laissa retomber sous son équipier et mitrailla l’intercepteur de tête. L’appareil tomba en vrille vers la surface.

Son ailier vira sec et repartit en direction de la colonie.

 

— Il s’enfuit ! cria Onoma.

Des vagues d’intercepteurs lancèrent des attaques-suicide contre le Mon Remonda. Seule l’habileté des artilleurs avait évité une série de collisions. Les Tie de Solo faisaient ce qu’ils pouvaient, mais les forces ennemies les submergeaient…

Le seigneur de la guerre avait bien choisi son champ de bataille. Les ailes X de Solo n’étaient pas assez rapides pour manœuvrer correctement dans la ceinture de débris.

— Nous sommes à portée de tir, annonça le responsable des détecteurs.

— Batteries de proue, ouvrez le feu sur le Poing d’Acier ! ordonna Solo.

La poupe du superdestroyer s’illumina sous le tir du Mon Remonda. En riposte, ses batteries martelèrent les boucliers du Mon Remonda.

 

Fel et son ailier perdaient de la vitesse. Wedge et Tycho les rattrapèrent vite. Un des appareils céda du terrain, mais sans cesser les zigzags si efficaces pour perturber le tir d’un adversaire.

Quand l’intercepteur ralentit encore, Wedge vira à bâbord pour éviter une collision.

Tycho l’imita, mais son mouvement le projeta sur la trajectoire de l’intercepteur.

Ce n’aurait pas dû être un problème, puisque leurs caps et leurs vitesses relatives rendaient une collision impossible. Mais l’intercepteur explosa… et l’aile X de Tycho fonçait au cœur de la tourmente !

Tycho en émergea entier, de la fumée s’échappant de son appareil.

Il perdit du terrain sur Wedge.

— Un à Deux, répondez !

Silence…

Tycho vira à tribord, se dirigeant vers la terre.

— Tycho, répondez ! Tout va bien ?

L’unité com crachota.

— Panne… répulseurs fichus… tient le coup…

Les stabilisateurs tribord de Tycho se détachèrent sous les yeux de Wedge.

— Tycho, votre appareil est fichu ! N’essayez pas de le poser. Une fois au-dessus de la terre ferme, éjectez-vous. Vous me recevez ?

— … terre… Compris…

L’autre intercepteur fonçait vers eux.

Ou plutôt, vers Tycho.

Wedge dépassa son ailier et tira.

— Est-ce Fel, ou son équipier ?

— Manque de chance, Wedge, c’est moi ! Et c’est votre dernière bataille !

L’intercepteur tira. Wedge appuya sur sa détente… et vit son rayon laser passer sous l’intercepteur.

Les lasers de Fel touchèrent le nez de l’aile X de Tycho. Son adversaire le dépassa et entreprit de virer pour revenir à la charge.

Wedge vit le chasseur frémir et commencer à se désintégrer. Le capot du cockpit s’ouvrit… Tycho s’éjecta à quelques centaines de mètres du rivage.

— Groupe, ici Leader. Envoyez une équipe de secours récupérer un pilote à ces coordonnées.

Wedge vira de bord pour affronter de nouveau Fel.

L’intercepteur, plus maniable, était déjà derrière lui. Wedge serra les dents et partit vers le sud, se concentrant sur son pilotage. S’il ne parvint pas à distancer l’intercepteur, il évita ses tirs.

Puis un courant d’air violent le frappa, poussant son aile X vers le rivage. Wedge n’essaya pas de résister. Le même vent s’empara de l’intercepteur de Fel, le poussant plus loin.

Les intercepteurs étaient plus légers mais plus larges que les ailes X. Celui de Fel partit vers l’est, échappant momentanément au contrôle de son pilote.

Wedge tira et toucha les moteurs. L’intercepteur piqua vers le rivage, s’y écrasant à demi… Le pire atterrissage dont Wedge eût été témoin depuis longtemps !

Il se dirigea vers la terre.

 

Corran Horn plongea vers sa proie.

Soudain, son sang se glaça. Cette cible avait quelque chose de bizarre… Son contrôle croissant de la Force lui permit de le percevoir.

— Groupe, ici Rogue Neuf. Ma cible actuelle n’est pas un être vivant. Je pense qu’il s’agit d’un vaisseau-droïd !

Ayant le navire dans son réticule, il tira. Le bourdon explosa, produisant une boule de feu démesurée pour un vaisseau à moteurs ioniques… L’explosion endommagea son ailier, à cinquante mètres derrière. Le Tie émergea de la boule de feu pour s’écraser contre un dôme de l’ancienne colonie. Il disparut à son tour, mais dans une explosion moins violente.

— Groupe, ici Spectre Huit, dit Piggy. Je suis un idiot ! Voilà pourquoi les ailiers de chaque paire d’intercepteurs de la bataille du Fil du Rasoir se comportaient de façon tellement identique. Ils ont des pilotes droïds ! Et ils sont bourrés d’explosifs. Laissez-moi le temps de calculer…

Corran fit un tonneau pour revenir dans la zone de combat. Ooryl, son ailier, l’accompagnait.

Piggy reprit la parole.

— D’après ce que j’observe, chaque paire comprend un pilote humain et un droïd. Considérant leurs performances, ils semblent coordonnés par ordinateur. Ils doivent transmettre des données au vaisseau chargé du contrôle. Qui est le spécialiste des communications des Rogues ?

— Moi, Rogue Sept.

— Avec la permission des Leaders des Rogues et des Spectres, je propose un plan.

— Allez-y, Spectre Huit, dit Corran Horn.

— Expliquez-nous, ajouta Face un instant plus tard.

— Rogue Sept et Spectre Six se serviront de leur matériel de communication pour brouiller les transmissions pendant trente secondes. Cela devrait améliorer grandement nos « relations » avec les ennemis. Et si je me trompe, nous en serons au même point qu’avant.

— Autorisation donnée par Spectre Un, dit Face.

— Rogue Neuf vous dit d’y aller, renchérit Horn.

 

Le Mon Remonda suivit le Poing d’Acier le long du couloir qu’il s’était frayé dans le champ d’astéroïdes, et gagna du terrain sur le superdestroyer.

— Des explosions devant nous ! signala la responsable des détecteurs.

— Le Poing d’Acier ?

— Non. Ça vient de l’autre côté du planétoïde qu’il vient de dépasser.

Un rocher de deux kilomètres de long était illuminé par des explosions. Elles avaient également un pouvoir propulseur, puisque le rocher bougea, se dirigeant lentement vers le couloir ouvert par le Poing d’Acier.

— Navigateur ? demanda Solo.

— Le planétoïde bloquera en partie le couloir. Nous devons le détruire ou passer à côté.

— Artillerie ?

— Il est trop gros pour que nos canons puissent le désintégrer avant notre arrivée.

— Navigateur, faites-nous contourner ce truc. Que le reste du bataillon se méfie : Zsinj a sûrement placé des explosifs ou des moteurs de poussée dans plusieurs astéroïdes histoire de nous bloquer le chemin.

Le Mon Remonda manœuvra pour contourner l’astéroïde. Sur l’écran qui indiquait la distance entre le vaisseau calamarien et le Poing d’Acier, les chiffres cessèrent de diminuer, se stabilisèrent puis augmentèrent.

Le Mon Remonda perdait du terrain.

 

Les détecteurs de Lara lui montrèrent les Rogues et les Spectres qui entraient dans l’atmosphère de Selcaron. Les dix Tie bizarres qu’elle poursuivait firent de même. Elle les suivit, bloquant ses stabilisateurs en position de combat.

Sa console de détection indiqua que Rogue Un, Rogue Deux et un ennemi se trouvaient vers le sud, là où se dirigeaient quatre Tie « étranges ». Puis il resta seulement Rogue Un et l’ennemi.

Lara tourna vers le sud et descendit au ras de l’eau.

 

Janson appuya sur la détente. L’intercepteur qu’il visait explosa, produisant une boule de feu d’un diamètre impressionnant. La technique de brouillage avait marché à la perfection. Cette unité de droïds et d’humains, formée pour fonctionner avec une coordination informatique, ne valait plus rien sans cet avantage. En trente secondes, le groupe d’intercepteurs avait été réduit de moitié. Après une minute supplémentaire de brouillage, le dernier venait d’exploser sous le tir de Janson.

— Groupe, ici Spectre Huit. Des vaisseaux arrivent de l’est-nord-est.

Janson fit monter son appareil.

Oui, des chasseurs se profilaient…

Il les regarda, sidéré.

— Qu’est-ce que c’est, ces trucs ?

 

Wedge sauta de son cockpit et courut vers l’endroit où Fel était tombé. Blessé, il rampait pour s’éloigner de son intercepteur en feu. Il ne portait pas la tenue classique des pilotes de Tie. La combinaison noire était standard, mais le masque, les gants et les bottes rouges caractérisaient les Rapaces.

Wedge arriva près de Fel et vit qu’il avait la jambe droite cassée au niveau du genou. Il sortit son blaster.

— Vous voulez répondre à quelques questions ?

— Volontiers, fit l’homme.

Il enleva son casque.

Wedge découvrit que son prisonnier n’était pas Fel.

— Qui êtes-vous ?

— Tetran Cowall.

— Ce nom me dit quelque chose… Un acteur, c’est ça ? Face Loran ne pense pas grand bien de vous.

— Il est jaloux de mon talent, c’est tout !

Si l’homme avait la carrure de Fel, sa voix naturelle était plus haut perchée.

— Vous avez eu recours à des modifications électroniques pour imiter le timbre de voix de Fel, comprit Wedge.

— Exact.

— Où est-il ?

— Vous devriez le savoir. Vous êtes le dernier à l’avoir vu…

— Tout ça était une ruse, dit Wedge, soudain accablé.

Des mois durant, il avait espéré que Fel lui donnerait des nouvelles de sa sœur…

— Pourquoi ? demanda Wedge.

Cowall croisa les mains sur la nuque, affichant un air détendu… sans masquer la sueur qui coulait sur son front.

— Pour vous attraper ! Selon la rumeur, vous aviez plutôt mal pris la trahison de Fel… Le seigneur de la guerre s’est dit que ce mystère vous intriguerait et vous pousserait à le traquer. Il a mis sur pied un nouveau Cent quatre-vingt-unième, composé pour moitié de pilotes humains et pour moitié de bombes volantes capables de vous faire exploser malgré vos prétendus talents.

— Votre seul boulot était de m’attirer ici et de me tuer.

— Ça a marché ! ricana Cowall.

— Pas exactement.

Pour toute réponse, Cowall désigna l’est. À deux ou trois kilomètres de là, des chasseurs se dirigeaient vers le rivage. Leur allure était étrange.

— Ce sont des Rapaces Tie, précisa Cowall. Un nouveau modèle, agréable à piloter… Ils seront sur nous dans quelques secondes. Vous n’aurez pas le temps de décoller. Vous êtes mort, Antilles !

Wedge caressa l’idée de descendre le type… Mais il préféra rengainer son blaster et courut vers son aile X. Derrière lui, il entendit l’acteur éclater de rire.

Cowall avait raison. Il aurait à peine le temps d’atteindre son cockpit avant que les Rapaces soient sur lui.

Il l’atteignit pourtant et sauta sur son siège. Les trois Tie étaient d’un type inconnu. Ils avaient le cockpit habituel, en forme de boule, mais leurs pylônes étaient remplacés par quatre ailes trapézoïdales plus petites que celles d’un chasseur ordinaire.

Ils foncèrent sur Wedge.

Un rayon bleu le survola et le Tie central explosa. Les deux autres virèrent à droite et à gauche, rompant l’attaque.

Wedge ferma son cockpit et activa ses répulseurs.

Une autre aile X passa au-dessus de lui. Le gris foncé des Spectres… et pas d’astromec.

— Lara, c’est vous ?

— Désolée d’être en retard ! J’ai dû mitrailler un Tie plutôt bizarre qui s’en prenait à un Rogue tombé à terre.

— Tycho ! Est-il… ?

— Il s’est mis à couvert, et il doit être fou de rage à l’heure qu’il est !

Lara vira pour essayer d’abattre un des deux intercepteurs restant.

— Je vous dois une fière chandelle ! dit Wedge.

— C’est moi qui suis votre obligée, répondit Lara. Attention !

Elle tira sur le chasseur, qui s’abîma dans les flots. Mais l’autre largua un missile sous l’aile X de Lara, qui partit en vrille.

— Éjectez-vous ! cria Wedge.

Il se lança aux trousses du Rapace Tie et le désintégra.

Puis il repéra l’aile X de Lara à cinquante mètres du rivage. Complètement démolie… Il approcha et regarda dans le cockpit. Secouant la tête, il revint vers Tycho et la colonie.

 

— À mon commandement, dit Piggy. Spectre Neuf et Dix, volez en ligne droite. Rogue Trois et Quatre, grimpez selon un angle de trente degrés, visez leurs poursuivants et tirez. Prêts… Allez-y !

Deux kilomètres au-dessous, Shalla et Janson cessèrent de tenter de se glisser derrière les étranges Tie qui les poursuivaient. Ils filèrent droit devant eux.

Pedna Scotian et Hobbie Klivian les prirent en chasse.

Ayant verrouillé leurs cibles, ils tirèrent. Klivian fit exploser un des chasseurs, mais l’autre échappa à Pedna Scotian et vira abruptement. Shalla et Janson se lancèrent à sa poursuite.

Piggy consulta sa console. Les points colorés représentant les chasseurs tourbillonnaient tandis qu’un flot de données se combinaient dans son cerveau. Le point appelé Rogue Un revint vers la zone de combat. Il l’intégrerait dans ses calculs dans deux minutes. Un autre point – du jaune des navires non identifiés – quitta l’orbite lunaire en direction de la zone où Wedge était un peu plus tôt. Piggy n’en tint pas compte pour l’instant.

Son unité com s’alluma ; elle recevait un message enregistré à basse priorité, adressé à tous sur les fréquences de la Nouvelle République.

Il s’en occuperait plus tard.

Les chiffres et les formules se mirent en place dans son esprit.

— Spectre Sept, deux cibles passeront au-dessus de vous dans six secondes… Spectre Cinq, deux ennemis arrivent sur vous… Virez vers eux.

Piggy se cala sur son siège et regarda.

Décidément, il adorait les maths !

 

— Nous sommes dans l’espace libre, seigneur Zsinj, dit le capitaine.

— Dirigez-vous vers le Seconde Mort. Ordonnez-lui de déployer son bouclier d’invisibilité sur une distance assez grande pour permettre notre saut hyperspatial. Histoire d’en finir avec cette mascarade, j’attendrai à bord d’une navette. Je laisse le vaisseau entre vos mains compétentes.

— Oui, monsieur.

Zsinj et son pilote trouvèrent Melvar et Gatterweld dans le hangar des navettes. Zsinj appela une équipe médicale pour s’occuper des deux hommes, puis se hâta de préparer la navette au décollage.

 

— Le Poing d’Acier est prêt à partir, annonça Onoma. Et le champ de débris nous ralentit trop pour que nous puissions le rattraper.

Solo consulta l’écran de diagnostic, qui signalait les dégâts de plus en plus critiques du Poing d’Acier.

— Les chasseurs doivent continuer leur attaque. Avec un peu de chance, ils l’élimineront avant qu’il ait le temps de sauter dans l’hyperespace, car son hyperdrive aussi est endommagé.

Les chasseurs ennemis qui harcelaient le Mon Remonda battirent en retraite pour rejoindre le Poing d’Acier.

Solo sentit son estomac se nouer. Peu importait que sa flotte ait détruit ou capturé la plus grande partie de la flotte de Zsinj ! Seul comptait le Poing d’Acier…

Il vit sur son écran les escadrons Rogue et Spectre revenir de Selcaron. Ils demandaient des navettes pour récupérer leurs camarades éjectés et capturer les pilotes ennemis.

Tetengo Noor – Matraque Neuf – refit une passe au-dessus du Poing d’Acier. Son ailier était mort, mais son aile A avait échappé aux turbolasers et aux canons à ions.

À mi-passage, il eut le sentiment que quelque chose clochait. Il regarda la proue du superdestroyer et ne vit rien…

Pas d’étoiles, pas de chasseurs. Seulement une mer d’obscurité… Il en fut troublé au point d’oublier un instant de tirer.

La proue du Poing d’Acier entra dans l’obscurité et disparut. Puis les vagues obscures absorbèrent l’aile A de Tetengo Noor.

Les étoiles disparurent. Pourtant, il voyait toujours les lumières du Poing d’Acier et les rayons des chasseurs alliés et ennemis.

— Matraque Neuf au Mon Remonda. Il se passe quelque chose de bizarre ici !

Il n’entendit rien dans son unité com, excepté les dialogues inquiets des autres pilotes, à proximité de son vaisseau.

Les données étaient étranges. Elles montraient de nouveaux points là où il n’y en avait pas un instant auparavant. Il y avait deux vaisseaux de grande taille à proximité ! Le Poing d’Acier, et, dessous, un élément qui faisait le tiers du navire amiral de Zsinj… Plus grand donc qu’un superdestroyer impérial.

Quatre objets immobiles étaient disposés en carré derrière lui, et quatre autres à plusieurs kilomètres sur la trajectoire du Poing d’Acier.

Tetengo vira à tribord pour observer le nouveau vaisseau.

— Matraque Neuf au Mon Remonda, vous me recevez ? Je crois que le Poing d’Acier a reçu des renforts…

Seuls des parasites lui répondirent.

 

Zsinj s’occupa des communications pendant que son pilote manœuvrait. La navette avançait vers l’étrange obscurité qui enveloppait le Poing d’Acier. Puis elle suivit une trajectoire perpendiculaire au superdestroyer.

— Capitaine Vellar, au rapport.

— Trente secondes avant l’entrée dans l’hyperespace. J’ai transmis le compte à rebours au Seconde Mort.

— Seconde Mort, au rapport.

— Nous avons réglé l’explosion sur le compte à rebours plus deux secondes. Et nous avons abandonné le vaisseau.

— Éloignez-vous au plus vite si vous ne voulez pas être pulvérisés ! Et ça vaut aussi pour nous ! précisa Zsinj à son pilote.

Celui-ci accéléra. Quelques instants plus tard, les étoiles réapparurent sur son écran.

Zsinj consulta les détecteurs. Il n’y avait rien derrière lui, ni Poing d’Acier, ni Seconde Mort, ni chasseurs.

 

— Non, cria Solo, il est impossible qu’il ait fichu le camp ! Nous aurions détecté son entrée dans l’hyperespace !

— Je sais, monsieur. Mais il n’est plus là. C’est bizarre. Il y a quelques minutes, nous avons détecté sur cette position un vaisseau supplémentaire qui a disparu presque aussitôt… Maintenant, le Poing d’Acier disparaît aussi, avec ses chasseurs et les nôtres. Nous ne recevons plus aucune communication. Mais nous avons une image bizarre.

— Passez-la.

Du vide… Un carré noir masquant les étoiles devant le Mon Remonda, sur le cap du Poing d’Acier. Trois navettes sortaient de l’anomalie. Plusieurs ailes Y du Mon Remonda s’en approchèrent avec précaution.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Je l’ignore, monsieur. Ça ne ressemble à rien de connu, et ça n’apparaît sur aucun détecteur, sauf en visuel.

 

Le capitaine Vellar regarda par la baie avant, essayant de conserver une expression impassible. Il avait du mal.

Pourtant c’était un soldat. Il connaissait son devoir. Mais cette fois, obéir au seigneur de la guerre le rendrait responsable de la mort de dizaines de ses pilotes…

— Capitaine, annonça le responsable des communications, le groupe de chasseurs demande s’il est temps de revenir.

— Dans une minute, répondit Vellar. Nous ouvrirons le hangar à ce moment.

— Bien, monsieur.

Quelques instants plus tard, un autre officier annonça :

— Dix secondes avant le saut hyperspatial.

Vellar ferma les yeux, incapable de soutenir le regard des officiers de la passerelle. Ils savaient pourquoi les pilotes étaient sacrifiés : pour que le Poing d’Acier ne soit pas retardé, et que Yan Solo soit convaincu que le superdestroyer et sa formation de chasseurs avaient été détruits.

 

Tetengo Noor approcha du vaisseau à la forme bizarre. Il n’était pas éclairé et ne tirait pas. Des débris volaient tout autour…

Sur un morceau de coque très reconnaissable – la pointe triangulaire de la proue d’un superdestroyer –, il lut le nom Poing d’Acier.

Tetengo devait absolument communiquer cette information au général Solo.

Il vira vers le Mon Remonda et accéléra.

Derrière lui, l’obscurité s’illumina. Quand la marée lumineuse le rattrapa, il eut l’impression de sentir de la chaleur…

 

Devant Solo et son équipage, un vortex de flammes jaillit de l’obscurité puis explosa.

Quand l’onde de choc se dissipa, les étoiles étaient revenues.

— Nous avons enregistré un saut hyperspatial juste avant l’explosion, monsieur, dit la responsable des détecteurs.

— Déterminez si c’était le Poing d’Acier, ou le vaisseau que nous avions repéré plus tôt.

— Monsieur, une de nos ailes Y nous transmet une image. Le pilote dit que vous devez la regarder immédiatement.

— Passez-la !

Une nouvelle image apparut sur l’écran : un débris dérivant dans l’espace, les mots Poing d’Acier écrits dessus.

— C’est sa proue, dit Onoma.

— Oui, souffla Solo.

Il retourna sur son fauteuil de commandement.

— Communications, je veux parler à l’équipage, dit-il.

— Prêt, monsieur.

— Le Poing d’Acier a été détruit. Nous vous en dirons plus quand nous en saurons davantage. (Il fit signe au responsable des communications de couper la transmission interne.) Qu’en est-il des chasseurs qui volaient à proximité du Poing d’Acier ?

— Ils étaient terriblement près de l’explosion…

— Un message d’un pilote d’aile Y, monsieur. Il est blessé et il lui reste un moteur. Il a repéré un deuxième vaisseau de grande taille dans le champ d’obscurité, sans doute celui qui a réussi à sauter dans l’hyperespace. Il pense que la plupart de nos chasseurs ont été détruits.

Solo ferma les yeux.

— Un message du seigneur Zsinj, monsieur, à bord d’une des navettes ayant quitté la zone d’obscurité.

— Bien entendu, murmura Solo. Il n’est pas resté à bord du Poing d’Acier. Chewie, viens avec moi.

Le Wookie se plaça derrière son ami.

— Passez le message, dit Solo.

Zsinj apparut. Il volait dans une navette de classe Lambda.

Couvert de sueur, la moustache pendouillant lamentablement, il n’était pas d’humeur à ironiser.

— Je vous présente mes félicitations, dit-il. Vous avez conscience que vous m’avez coûté cher !

— Je n’ai pas grand-chose à vous offrir en compensation. À moins de vous laisser embrasser mon Wookie…

Chewbacca grogna d’un air dégoûté.

Zsinj s’empourpra. Il cria pendant une minute dans un mélange de langues réjouissant mais hermétique. Les communications de la passerelle étant enregistrées, les droïds 3PO traduiraient ce flot d’obscénités…

Mais quand son ennemi lâcha un chapelet de jurons rodiens, Solo comprit parfaitement.

Puis Zsinj sembla se ratatiner sur lui-même.

— Général, nous nous retrouverons !

— Je n’en doute pas. Zsinj, je ne suis ni riche ni ambitieux. Vous ne pourrez jamais me coûter aussi cher que je vous ai coûté. Jamais !

Zsinj le dévisagea, puis son image s’effaça.

— La navette est passée dans l’hyperespace, annonça la responsable des détecteurs.

— Nous l’avons eu ! conclut Solo. Il n’est pas mort, mais sa flotte est en pièces et son empire financier se désagrège. Il ne s’en remettra peut-être jamais.

Chewie grogna quelque chose.

— Non, je ne t’aurais pas vraiment demandé de l’embrasser !

 

Zsinj se tourna vers son pilote.

— Qu’avez-vous pensé de ma performance ?

— Elle était bonne, monsieur, répondit l’homme d’une voix neutre.

— Vous ne connaissez rien au théâtre, mon pauvre garçon. Peu importe. Nous serons bientôt de retour sur la base Rancor, où personne ne vous demandera plus de critiques d’art !

Le seigneur de la guerre soupira.