57.

Me voici à nouveau devant Georges, lumineux et très en verve. Je lui soumets la question du jour : Est-il bon de tout accepter ? Et nous devisons.

 

La question me tarabuste depuis longtemps. Très jeune, trop jeune, on m’a si souvent dit, comme une rengaine : « Il faut accepter le handicap. » C’est la joie qui, aujourd’hui, m’invite à revisiter cet état d’esprit, cette non-résistance intérieure. Souvent galvaudée, l’acceptation vire au fatalisme niais, à une résignation malsaine, car triste. Pour ma part, je la souhaite joyeuse, délicate, légère, adaptée justement aux ressources du jour. Abusivement, on l’apparente à une arme, une protection, un bouclier. En somme, tout se passe comme s’il s’agissait de se blinder alors que la vie, la joie appellent une ouverture.

Tant d’obstacles me retiennent dans le saut, cet abandon qu’est l’acceptation. Qui dit acceptation pense trop souvent aux grincements de dents et aux poings serrés dans les poches, à la lutte. Rire de soi me paraît plus utile, davantage bienfaisant. Assis devant Georges, je ris alors de ma volonté de tout expliquer, de mettre la réalité en boîte pour, bien rassuré, tenter de la maîtriser.

L’acceptation requiert un juste équilibre qui se découvre au fil des jours. Pour l’instant, j’accepte qu’il n’y ait pas de solution et peut-être bien qu’il n’y ait pas de problème. Bancal, brinquebalant, je me hâte dans ma quête sans profiter de ce que m’offre le périple. Devant le facétieux vieillard, je laisse là toutes les tensions, je ne résiste plus, je savoure l’instant.

 

Ce soir, chez R, nous bavardons allégrement sur le bon vieux Georges. Notre conversation sur l’acceptation résonne à mes oreilles. Une folle lubie me prend, je me rends à la salle de bains, quitte tous mes vêtements et réapparais nu comme un ver. Rires et petite gêne m’accueillent. C’est extraordinaire comme j’attends du dehors l’acceptation de mon corps, comme si je pouvais importer un regard bienveillant et aimant que je n’ai pas encore.

 

Au fond, ce coup de folie, le fait de se foutre à poil, cela n’était qu’une sorte de cri : « Aimez-moi comme je suis ! »

Le Philosophe nu
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