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Eau
qui part, pour... revenir,
après quelques traitements51
LES DÉCHETS LIQUIDES
SONT NATURELS,
LA PROPRETÉ NE L’EST PAS
Toute publicité pour les eaux minérales rappelle la connotation positive de l’eau pure, transparente. En revanche, l’eau « sale », stagnante, putride, malodorante, inspire le dégoût, et cela plus que jamais dans notre monde aseptisé. Il aura fallu des siècles pour éloigner non seulement les risques sanitaires de cette eau, mais sa présence même. L’homme moderne utilise beaucoup d’eau pure et produit autant d’eau sale dont, le plus souvent, il ignore le devenir, voire même l’existence.
Il a fallu un bon siècle pour assainir les marais des Dombes, de Sologne ou des Landes, et deux siècles à Paris pour traiter et épurer ses eaux pluviales et « usées ». Bien entendu, sans eau courante, la notion d’égouts pour eaux usées n’a pas de sens. Les eaux sales ou « vannes » étaient rejetées n’importe où et rejoignaient tant bien que mal le réseau d’eaux pluviales à l’air libre.
Là encore, les Romains donnèrent l’exemple. Déjà sous Néron, un égout de grande section conduisait les eaux pluviales et usées du Forum jusqu’au Tibre. La première fonction de ce Cloaca maxima était d’écouler les eaux pluviales. En effet, le Colisée avait été construit sur une zone marécageuse, il fallait la drainer et ensuite conduire jusqu’au Tibre l’eau qui arrivait dans cette cuvette les jours de pluie. S’y branchèrent alors des latrines publiques, des thermes, et les villas qui se trouvaient à proximité de son tracé étaient très recherchées. Ce modèle s’étendit ensuite aux autres quartiers de la ville et à toutes les agglomérations de l’empire. On en retrouve des traces, par exemple, à Vienne dans l’Isère ou à Saint-Romain-en-Gal, en rive droite du Rhône. Ces équipements étaient indispensables aux établissements dont on oublie le luxe : piscines d’eau chaude, piscine d’eau tiède, piscine d’eau froide, saunas, hammam, massages, musculation, confortables latrines collectives, le tout somptueusement décoré par des niches encadrées de colonnes, de statues, de fresques, de mosaïques... rien n’était trop beau pour les thermes.
Les invasions barbares détruisirent la structure sociale et politique qui permettait à ces villes d’exister. Il faudra près de dix-neuf siècles pour retrouver des établissements de « bien-être » et autres « spas » auxquels ils puissent être comparés. Dix-neuf siècles pendant lesquels la plupart des rues ne seront ni pavées, ni drainées. Au mieux, les rues des villes et villages avaient un caniveau central qui recueillait les eaux pluviales et accessoirement les eaux sales qu’on y déversait. S’y ajoutaient les ordures ménagères, le crottin de cheval et les déjections des autres animaux présents en ville : vaches, moutons, chèvres, porcs, volailles... Les jours d’orage étaient aussi jour de ménage, on respirait enfin, l’eau de pluie emportait ces déchets.
L’hygiène en pâtissait. Eau stagnante et matières fécales sont un terreau fertile à l’épanouissement du choléra. Il faisait des ravages. En 1832, sous Louis-Philippe, plus de 10 000 personnes en meurent à Paris. Aujourd’hui, dans les pays les plus pauvres, la priorité absolue est toujours d’évacuer les eaux pluviales car elles véhiculent paludisme, choléra, amibiases et autres maladies diarrhéiques. On comprend alors pourquoi le réseau d’égouts pour eaux sales apparaît d’abord comme un sous-produit du réseau d’assainissement pluvial.
LES VILLES PRODUISENT DE L’EAU
En effet, les égouts ne servent pas qu’à évacuer après usage l’eau industrielle et domestique, mais aussi les pluies qui, le plus souvent, rejoignent l’égout et se mêlent aux eaux usées. Il y a quelques exceptions à cette règle lorsqu’on peut construire des réseaux différents pour les eaux de pluie et les eaux sales. On parle alors d’assainissement « séparatif ». Cela se fait dans quelques nouveaux quartiers ou zones industrielles, ce qui permet de réduire le dimensionnement des réseaux d’eaux usées et les stations de traitement. Mais l’inconvénient est que ces eaux de pluie ne sont alors pas traitées. Or les eaux pluviales doivent aussi être dessablées et dégrillées pour ôter papiers, déchets divers, feuilles mortes, etc. La règle générale est donc le réseau unitaire que rejoignent à la fois eaux pluviales et eaux usées. En cas d’orage, les débits deviennent importants. Ni le réseau, ni l’usine d’épuration ne sont dimensionnés pour traiter de tels volumes. Les déversoirs d’orage entrent en service et rejettent le mélange d’eaux de pluie et d’eaux usées directement dans le milieu naturel, avec, il est vrai, une dilution importante. Il est trop onéreux et techniquement impossible de dimensionner nos réseaux pour ces pluies exceptionnelles. La précaution a, une fois encore, ses limites, mais revenons aux villes où il arrive de pleuvoir.
Elles produisent de l’eau, à l’exception du Caire ou de Riyad, où il ne pleut pratiquement jamais. Aussi, les volumes rejetés par les égouts des grandes villes sous climat humide sont en moyenne supérieurs de 50 % aux volumes pompés en tête du réseau d’eau potable. Paris intra-muros couvre 10 000 ha, soit 100 millions de m2. Les pluies sur Paris peuvent être estimées à 65 millions de m3 par an et, avec un coefficient de ruissellement de 50 %, la ville « produit » chaque année près de 32 millions de m3 d’eau, qui vont accroître le débit de la Seine. Les ruisseaux urbains apportent aussi leur contribution, comme la Bièvre. Peuvent en outre s’ajouter des sources naturelles, des pompages dans la nappe phréatique, fréquents lorsque les entreprises de construction et de travaux publics réalisent des fondations ; enfin, certains ouvrages souterrains sont contraints de pomper en permanence les infiltrations.
Comme les deux millions de Parisiens utilisent en moyenne 50 m3 par personne et par an pour leurs besoins domestiques, soit un total de 100 millions de m3, qui repartent à l’égout, auxquels il faut bien ajouter environ 35 millions de m3 venant des pluies, les usines d’épuration de Paris doivent gérer 135 millions de m3 pour la seule capitale. Pour l’ensemble de la région parisienne, un milliard de m3 sont à traiter, et le sont effectivement depuis une date récente.
Rappelons, une fois encore, que si la ville de Paris et son agglomération n’existaient pas, le débit de la Seine serait le même à Charenton, à Asnières, ou après le confluent avec l’Oise. L’agglomération constitue un bassin versant ; sous l’effet de la pluie et de son ruissellement, le débit du fleuve ne cesse de croître quand on descend vers l’aval, l’urbanisation ne jouant qu’un rôle nul ou marginal dans ce phénomène naturel.
HAUSSMANN ET BELGRAND,
URBANISTES
DE GÉNIE ET CONSTRUCTEURS D’ÉGOUTS
Dès le début du Second Empire, le baron Haussmann lance la construction des égouts de Paris, avec l’aide de son ingénieur Belgrand. Le percement des grands boulevards permet l’installation de collecteurs de grands diamètres, et, dès la fin du XIXe siècle, Paris est propre, tous les boulevards sont pavés, plantés d’arbres, bordés d’immeubles en pierre de taille, qui se raccorderont naturellement à l’égout central. L’eau potable arrive. Le choléra disparaît, bien avant que les pasteuriens l’observent au microscope et, bien entendu, longtemps avant l’arrivée des antibiotiques. Mais les égouts de Haussmann et de Belgrand se déversent dans la Seine. On ne sait pas purifier ou épurer à cette époque, et on n’en voit d’ailleurs pas la nécessité. Les fleuves sont pollués. Toutefois, à l’exception notable de la Seine, la qualité des cours d’eau du Second Empire jusqu’à la guerre de 1939-1945 restera assez bonne. En effet :
– la population urbaine de la France ne dépasse pas 20 millions d’habitants,
– les réseaux d’assainissement sont embryonnaires, et non connectés entre eux. Les effluents arrivent de manière dispersée, le long des cours d’eau, d’où une assez bonne autoépuration par le milieu naturel,
– la production d’effluents de l’industrie reste limitée à quelques bassins ou lacs, eux très pollués.
Dans ce contexte, le traitement des eaux usées ne sera déclaré officiellement d’« utilité publique » qu’en 1935.
DES ÉGOUTS, MAIS PAS DE TRAITEMENT
La technique de construction des égouts est bien connue depuis les années 1830 ; Victor Hugo la décrit dans Les Misérables. Mais les stations d’épuration avec leurs décanteurs n’apparaissent qu’un siècle plus tard (1930). On ignore encore les traitements biologiques, notamment par les boues activées52. On connaît mal les débits pluviaux, et les ingénieurs ne disposent pas de lois hydrologiques permettant de dimensionner les ouvrages d’assainissement pluvial. L’épuration est réalisée par épandage des eaux usées ou des boues dans les champs des maraîchers. Dans l’industrie, chaque usine fait ce qu’elle veut ou ce qu’elle peut concrètement53, presque toujours le pire. Toutes nos grandes villes, y compris Paris, en portent les traces dans les sols de leurs zones industrielles.
DES RIVIÈRES SOUTERRAINES
La conception et le fonctionnement des égouts n’ont rien de commun avec les canalisations d’eau potable. En effet, les canalisations d’eau sont sous pression, de faible diamètre, l’eau y coule souvent vite (autour d’un mètre par seconde) et la pente de la canalisation n’a pas d’importance du fait de la pression. L’égout, lui, fonctionne à surface libre, et l’eau usée coule comme une rivière ou un canal enterré. La mise sous pression d’un égout pourrait conduire à des surprises désagréables que l’on peut imaginer en se bouchant le nez l’espace d’un instant ! Car l’égout se mettrait à fonctionner à l’envers et refoulerait ses eaux usées dans les logements par la cuvette des WC ou la bonde des lavabos et des baignoires... Il est donc impératif qu’une pente légère et régulière vers l’aval soit maintenue tout au long du tracé de l’égout, et cela dans l’ensemble du réseau, afin que les eaux usées s’écoulent sans être sous pression.
Il y a des égouts visitables, de grande section, souvent ovoïde, dans lesquels les égoutiers peuvent pénétrer debout, aux fins de maintenance, et des égouts non visitables, circulaires et de faible diamètre (compris entre 200 et 500 mm) qui récupèrent les eaux usées. Ils fonctionnent aussi en canal couvert car l’eau n’occupe qu’une partie de la section courante et ne coule que sous l’influence de la pente. Le plus grand soin doit donc être accordé à la pente régulière pendant la pose de l’égout. Si le terrain est plat ou s’il remonte, on donne à l’égout une pente supérieure, ce qui nécessite de creuser un fossé de plus en plus profond, en « surprofondeur » pour employer le terme des spécialistes. Ainsi, des égouts descendants à 7 mètres de profondeur ne sont pas rares. L’eau est alors reçue dans une fosse enterrée et doit être remontée par une pompe à la cote de départ de la prochaine section. La succession des tronçons donne au collecteur un profil en dents de scie fait d’une succession de canalisations et de stations de relevage. On comprend alors pourquoi le réseau n’a pu parfois s’étendre qu’au début du XXe siècle, avec l’électrification des villes, et, en 2010, l’équipement de la France en réseaux complets et opérationnels reste inachevé et celle de l’agglomération parisienne ne date que de cinq ans ! La situation demeure dramatique dans les pays pauvres, faute d’argent, d’eau et d’électricité.
ON Y TROUVE DE TOUT !
Passent à l’égout de nombreux résidus solides : sables des rues, feuilles mortes, papiers sales, emballages, restes alimentaires, etc., mais aussi : bouteilles, animaux morts ou vivants – des tortues de Floride aux crocodiles –, nouveaux animaux de compagnie qui, abandonnés, vont faire sous nos pieds un drôle de voyage ! Si des grilles souvent visitées limitent ce phénomène, les risques d’obstruction restent élevés. L’opération de « dégrillage » automatique nécessite aussi de l’énergie : un moteur qui fait remonter et descendre le râteau dégrilleur, une vis sans fin pour écarter latéralement les déchets et les stocker dans une fosse, puis une vidange régulière de cette fosse par les égoutiers, notamment pour enlever le sable qui s’y accumule. Le « tout-à-l’égout » a permis le mélange des eaux grises (lessive, vaisselle, bains) et des eaux vannes, provenant des WC. Ce mélange était autrefois interdit. En effet, chaque immeuble avait sa fosse pour les eaux vannes et devait faire appel régulièrement à une compagnie de pompage, le « vidangeur ». Mais le « tout-à-l’égout » ne signifie pas qu’on peut y mettre n’importe quoi, et notamment des déchets solides.
ENFIN UNE SOLUTION
ÉCOLOGIQUE :
LA STATION D’ÉPURATION
En anglais, une station d’épuration s’appelle purification plant. Purifier, épurer, les racines sont les mêmes, les connotations sont toutefois différentes. Quoi qu’il en soit, les objectifs de ces stations, véritables usines au processus long et complexe, sont identiques.
La première étape va consister, pour la dernière fois, à séparer les nombreux solides flottants (dégrillage) ou de fond (dessablage). Puis viendra un déshuilage ; en effet, les matières grasses sont l’ennemi du processus d’épuration ultérieur. On va donc les émulsionner, c’est-à-dire produire une sorte de « mayonnaise » flottante que l’on pourra récolter avec des racleurs de surface. L’eau alors n’a plus de résidus solides ou graisseux, mais elle demeure chargée de matières organiques qui peuvent en partie décanter (30 %), c’est-à-dire descendre au fond d’un bassin sous l’influence de la pesanteur.
Ainsi se réalise une décantation primaire en bassin circulaire qui, muni d’un racleur, va envoyer les boues récupérées vers un circuit de traitement spécifique. La deuxième phase du traitement est biologique et non pas physique comme la décantation. S’inspirant du processus qui décompose la matière organique en humus dans la terre, des bactéries aérobies, grosses consommatrices d’oxygène, vont « manger » la pollution. Différents procédés permettent alors d’envoyer de l’air dans ces bassins : brosses ou turbines de surface, injection d’air par le fond pour faire travailler ces « boues activées ».
La pollution est formée de milliers, voire de dizaines de milliers de molécules organiques, toutes différentes. On mesure donc la pollution par la quantité d’oxygène nécessaire à sa destruction par les bactéries. L’unité de mesure de la pollution organique est donc la demande biologique en oxygène, en abrégé DBO, exprimée en grammes d’oxygène ou en kilogrammes, ou encore en tonnes. Un Français moyen produit un peu moins de 100 g de DBO54 par jour.
L’agitation de l’eau dans les bassins biologiques est arrêtée de temps en temps pour permettre une décantation secondaire, on laisse alors descendre vers le fond par gravité ce que les bactéries n’ont pas éliminé. Les pompes de fond renvoient les boues vers leur circuit spécial. Une ultime décantation tertiaire va permettre de récupérer les quelques éléments organiques en suspension qui subsistent. Là encore, les boues seront récupérées en partie basse, mais l’eau purifiée qui déverse lentement en partie haute du bassin va pouvoir rejoindre le milieu naturel.
Les boues sont en général centrifugées pour en extraire l’excès d’eau. Une humidité inférieure à 40 % rend possible leur incinération dans des fours spéciaux, sans apport d’énergie extérieure. Les fumées sont filtrées et traitées. Les cendres partent vers des décharges réglementaires. Ainsi, l’épuration complète associe souvent les deux modes d’oxydation : combustion lente par les bactéries, combustion rapide des boues dans les fours par le feu. Les deux opérations sont exothermiques, c’est-à-dire dégagent de l’énergie. Les boues déshydratées et compostées peuvent aussi être vendues aux agriculteurs, ou vendues en cimenterie. Le cas du syndicat parisien, le SIAPP55, donne un bon exemple de diversification de l’usage final des boues.
Les usines ne font jamais disparaître 100 % de la pollution. Le rendement des meilleures peut atteindre 90 %. La moyenne nationale, mal connue, se situe entre 50 % et 70 %. Le processus de dépollution continue dans le milieu naturel si la charge organique résiduelle est compatible avec sa capacité d’épuration. Cette dernière est d’autant plus élevée que le débit du cours d’eau et donc la dilution sont élevés.
PLUS ÉCOLOGIQUES,
MAIS TOUT AUSSI ARTIFICIELLES :
LES STATIONS BIOLOGIQUES SUR ROSEAUX
Depuis une vingtaine d’années se sont développées en France des petites stations d’épuration sur roseaux. Ces équipements ne peuvent pas dépasser le traitement des eaux usées d’une ville de plus de 1 000 habitants. Elles peuvent être très efficaces. Un roseau très commun, le Phragmite, fixe spontanément sur ses racines de nombreuses bactéries « mangeuses de pollution ». Les stations sur roseaux, si le site s’y prête, et notamment si la pente est suffisante, ne nécessitent donc aucune énergie, ni pour pomper l’eau, ni pour insuffler de l’oxygène. De plus, il n’y a aucune production de boues. En revanche, les bassins accueillant les roseaux doivent être bien dimensionnés et doivent pouvoir filtrer l’eau en profondeur, avec plusieurs couches de sables de calibres différents et un dispositif de canalisations de drainage.
L’eau à épurer doit être envoyée dans les bassins par bâchées, c’est-à-dire de manière discontinue, avec rotation des bâchées vers différentes sous-parcelles du bassin. Ce qui suppose une tuyauterie de surface importante et une gestion précise. Le rendement épuratoire est excellent et les coûts d’exploitation sont modestes, d’où l’essor de ces petites stations « naturelles », mais on ne peut plus techniques. Leur apparence est séduisante : on ne voit que des roseaux verts, fleurissant au printemps. Le jardin remplace « l’usine ».
PLUS SEPTIQUE
Certaines habitations isolées ne peuvent pas être raccordées à un réseau d’égouts. On peut estimer qu’ainsi 4 millions de logements, soit 10 millions d’habitants, ne seront jamais raccordés à un réseau collectif56 en France.
Il convient alors d’envisager un assainissement individuel autorisé, sous conditions. Les fosses septiques ont pour premier rôle de retenir les matières solides et les déchets flottants. Elles épurent peu : en effet, en l’absence d’oxygène, les fermentations anaérobies permettent d’éliminer seulement 30 % des matières organiques avec dégagement de gaz comme le méthane ou l’hydrogène sulfuré. D’où la nécessité de mettre en place des tubes d’évacuation de ces gaz. En outre, il est indispensable de mettre à l’aval de la fosse septique :
– soit un épurateur individuel dont les lits bactériens vont permettre, comme dans les usines classiques, l’oxydation de la DBO,
– soit un réseau de canalisations enterrées non jointives disposées à une profondeur d’un mètre environ, sur lit de sable, pour une épuration par les bactéries naturellement présentes dans le sol. Mais la surface de terrain nécessaire est d’au moins 1 000 m2. Lorsque c’est le cas, ce dispositif est efficace et ne nécessite aucun entretien pendant des décennies. Le « puits perdu » vertical, rempli de cailloux ou autre, est interdit, car la pollution va directement à la nappe phréatique.
En France, la loi oblige les collectivités locales à mettre en place un service de contrôle des systèmes d’assainissement non collectif.
PARIS : UN TRÈS
LONG CHEMIN
VERS LA PROPRETÉ
Au XVIe siècle déjà, la pollution des eaux de la Seine était l’objet de nombreux commentaires. Au début de la Troisième République, alors que l’agglomération comptait deux millions d’habitants, le déversement des eaux usées privait la Seine d’oxygène sur 40 kilomètres en aval. Aucun poisson n’y survivait. On disait même en boutade que l’eau de la Seine était tellement sale que les microbes ne pouvaient pas y vivre. Seule l’arrivée des eaux de l’Oise permettait de diluer les polluants. En 1940, la mise en service de la station d’Achères n’a pas suffi à améliorer la situation car la population, et avec elle les eaux polluées, avait plus que doublé. En 1969, l’agglomération atteignait 10 millions d’habitants, la Seine était toujours sous-oxygénée, donc sans poissons, plus de 100 kilomètres après Paris. L’égout, c’était d’abord le fleuve.
Grâce à de gros investissements, les choses commencent alors à s’améliorer. Plus de 3,5 milliards d’euros vont être investis sur les sites de Seine amont à Valenton (94), Seine Centre à Colombes (92) et Seine aval aux Grésillons (78). Dans le même temps sont modernisées les stations d’Achères. Le volume d’eaux usées à traiter était passé de 50 millions de m3 en 1900 à plus de un milliard de m3 par an en 2000. En 2007, pour la première fois de l’histoire de Paris, l’achèvement de Valenton II et des Grésillons donne à la métropole une capacité de traitement supérieure à la demande. Le progrès a été spectaculaire. Le retour des poissons ne s’est pas fait attendre. Entre 1994 et 2006, le nombre d’espèces présentes dans la Seine est passé de 15 à 30. On peut donc reconstituer un milieu « naturel » après une situation dégradée pendant plusieurs siècles.
L’INQUIÉTANTE PERFECTION
Si ces progrès sont heureux, si la loi sur l’eau et les milieux aquatiques dite « LEMA », du 30 décembre 2006, est utile, Bruxelles envisage une directive-cadre en 2015 pour durcir les normes. On voit alors poindre le risque de « surqualité » inutile pour les milieux naturels, et ruineuse pour les usagers. Comme la chimie analytique n’a cessé de progresser, on peut trouver des traces de certains médicaments57 et de caféine58 dans les effluents en sortie de station. Ces molécules n’ont jamais été trouvées dans l’eau potable distribuée en France. De plus, au-delà du mille milliardième de gramme59 par gramme d’une molécule qui serait dangereuse à plus haute dose, il n’y a, en règle générale, aucun danger. Nous n’ignorons rien des débats de la communauté scientifique et médicale sur les « petites » doses – il faudrait dire « infimes » –, mais, là encore, la pureté précautionneuse est, sauf démonstration directe du contraire, inutile et très onéreuse.
ET DANS LES VILLES DES
PAYS PAUVRES...
ON ATTEND
Si le traitement approprié des eaux usées de Paris est récent, la priorité des priorités dans toutes les villes de la planète demeure, dans l’ordre, l’eau potable, puis l’assainissement pluvial, notamment dans les pays tropicaux humides, puis un réseau d’assainissement complet. Cet ordre est important, car il est dicté par des impératifs politiques, sanitaires et techniques. Le développement de l’assainissement se fera progressivement, y compris dans les grandes villes des pays les plus pauvres, puis dans les villes moyennes et petites, avec les mêmes techniques éprouvées, que ce soit pour les réseaux d’égouts ou les usines d’épuration. Il nous a fallu pour cela cent cinquante ans en Europe.