L’après-midi fut consacré à la pêche au cerf-volant, telle qu’on la pratique encore dans les îles de l’archipel Salomon. La corde du cerf-volant fut attachée à l’arrière de la pirogue, tandis qu’une ligne de même longueur partait de la queue de l’engin et se terminait par un hameçon dissimulé dans une touffe de plumes. Robinson pagayait lentement contre le vent, et, loin derrière la pirogue, la touffe de plumes frôlait les vagues en scintillant. Parfois un gros poisson se jetait sur cet appât et refermait sa gueule sur l’hameçon. Alors Vendredi et Robinson voyaient dans le ciel le grand cerf-volant s’agiter comme le bouchon d’une canne à pêche quand un poisson a mordu. Robinson faisait demi-tour, et, ramant dans le sens du vent, il rejoignait assez vite le bout de la ligne que Vendredi saisissait. Au fond du bateau s’entassaient les corps brillants, tout ronds, aux dos verts et aux flancs argentés des poissons qui étaient presque tous des belones.

Le soir, Vendredi ne voulut pas ramener Andoar à terre pour la nuit. Il l’attacha à l’un des poivriers auxquels était suspendu son hamac. Tel un animal domestique à la longe, Andoar passa ainsi la nuit aux pieds de son maître. Il l’accompagna également tout le jour suivant. Mais au cours de la deuxième nuit, le vent tomba tout à fait, et il fallut aller chercher le grand oiseau au milieu d’un champ de fleurs où il s’était doucement posé. Après plusieurs essais infructueux, Vendredi renonça à le remettre dans le vent. Il parut l’oublier et ne fit plus que la sieste pendant huit jours. Alors il sembla se souvenir de la tête du bouc qu’il avait abandonnée dans une fourmilière.