V

Et Bernis, avant de partir, me résumait toute l’aventure :

« J’ai essayé, vois-tu, d’entraîner Geneviève dans un monde à moi. Tout ce que je lui montrais devenait terne, gris. La première nuit était d’une épaisseur sans nom : nous n’avons pas pu la franchir. J’ai dû lui rendre sa maison, sa vie, son âme. Un à un tous les peupliers de la route. À mesure que nous remontions Paris, diminuait entre le monde et nous une épaisseur. Comme si j’avais voulu l’entraîner sous la mer. Quand, plus tard, j’ai cherché encore à la joindre, j’ai pu l’approcher, la toucher : il n’y avait pas d’espace entre nous. Il y avait plus. Je ne sais te dire quoi : mille années. On est si loin d’une autre vie. Elle était cramponnée à ses draps blancs, à son été, à ses évidences, et je n’ai pas pu l’emporter. Laisse-moi partir. »

Où vas-tu maintenant chercher le trésor, plongeur des Indes qui touche les perles, mais ne sait pas les ramener au jour ? Ce désert sur lequel je marche, moi qui suis retenu, comme un plomb, au sol, je n’y saurais rien découvrir. Mais il n’est pour toi, magicien, qu’une voile de sable, qu’une apparence…

– Jacques, c’est l’heure.