Une fois de plus, le silence.

Kalya a achevé son parcours. Le cœur ne sait plus à quoi se retenir, l’un après l’autre les muscles lâchent. La femme s’effondre lentement. Sur le sol, elle n’est plus qu’une masse inerte.

Il y a quelques secondes, les bras ouverts pour recevoir Sybil, elle a vu l’enfant, frappée, arrêtée en pleine course. L’image fatale, irréversible, a gommé d’un coup sa propre vie. Élan et forces l’abandonnent. Elle ne lutte pas et ne veut plus de ce souffle qui s’attarde au bord des lèvres.

Tout se passe très vite. Mario, il ne sait comment, se trouve soudain là, agenouillé auprès de Kalya, cherchant à se faire entendre :

— J’ai retrouvé Georges. Tout s’arrange.

Il insiste, il ment. Il espère que ses mots l’atteindront :

— Sybil prendra l’avion demain. Tout s’arrange. Tout s’arrange.

« Tout s’arrange » se ramifie, multiplie ses échos. Kalya voudrait hocher la tête, mais la phrase s’obstine. Elle se mélange à « je te retrouverai un jour », à d’autres et d’autres paroles entendues, à celles de Slimane et de Sybil qui chantaient ensemble : « L’eau s’en va, l’eau s’en vient. »

Le sourire de Nouza cherche à transpercer les brumes.

Des hommes, des femmes envahissent le terre-plein. Des volets s’écartent. Des portes s’ouvrent. Des cris, des hurlements montent de partout ; cette violence aveugle ne peut pas, ne doit pas durer.

Demain, l’apocalypse, l’océan des démences ? Demain, la paix ?

Un garçonnet, qui a tout vu, contemple la Place et les gens. Dans sa tête, les choses se sont mises à remuer.

 

Harcelée par la brise, l’écharpe jaune, maculée de sang, garde dans ses plis la clarté tenace du matin.

Le morceau d’étoffe s’élève, s’enfle, se rabat, rejaillit, s’élance, flotte ; retombe à nouveau et s’envole de plus belle…