17 : Les morts.

 

Nils craqua une cigarette. La fumée bleuâtre remonta vers le plafond. Il marchait d'un pas allègre. Tout était net, précis. En de lointaines couches de mémoire persistait le jeu futile des images, comme si les yeux, pour ne jamais arrêter de fonctionner, s'acharnaient sur des mots illisibles. Le tapis roulant emportait l'enfant, qui disparaissait dans la tache rouge sombre. À partir de quel instant le mot "naissance" prenait-il sa signification ? Dès l'ingestion de la tablette verdâtre ? À la sortie du ventre ? De la trappe vitrée ? Plus loin que le petit point sombre, dans le jaune ? Qui ne trouverait pas stupide cette dernière supposition ? Lui, Nils. Andrée, comme les autres, s'était précipitée pour lire le nom sur le rectangle de plastique. Ce nom qu'il aimait prononcer à voix basse. La sonorité immuable, surgissant des narines puis d'un bref claquement de la langue sur le palais, était bien plus lui-même que ce corps qu'il ne voulait voir que de haut, en raccourci, ou sous forme de reflets confus sur les plaques irradiantes. Il était Nils. Autour du nom, les visages se déplaçaient, tous différents, d'une grande diversité d'aspect mais composés de quelques traits invariables dont la forme variait, elle, à l'infini. Les parois métalliques se déplaçaient à la même vitesse que le corps, sans cesser d'être rectilignes et vert cru. En fouillant dans la mémoire, il pouvait sans difficulté se souvenir du visage d'Andrée, du bruit rauque de sa respiration, les derniers temps. Andrée avait sans doute à présent franchi la trappe, déplacée.

Sorti de la station principale, Nils s'appliqua à suivre la méthode que lui avait enseignée Lou, sans toutefois aller jusqu'à courir, ce qui n'aurait pas manqué de lui échauffer les pieds, donc de le retarder.

Nils était pressé. Le présent : une ligne mouvante, le sol sous ses pieds. Le petit point sombre, dans le lointain, restait fixe, ne variait pas plus que la nourriture. Bien sûr, la saucisse était parfois plus petite, le pain plus pâteux ou plus sec, mais c'était bien un hot dog que l'on portait à sa bouche. Il était toujours impossible d'obtenir ce sucre qui se dissolvait lentement dans le café, accompagné par un frémissement de petites bulles. Le palais s'était habitué à l'amertume.

Nils dépassait de temps à autre des marcheurs à qui il adressait de la main un petit signe d'amitié. Ils le dévisageaient d'un air étonné.

Au fond c'était facile de ne plus penser au corps de Lou, ou aux réprimandes d'Andrée. Il songea au verbe "marcher", composé de sept lettres : le rythme rapide de ses jambes lui sembla plus évocateur que le mot.

Ses bras battaient contre ses hanches, ses yeux ne quittaient pas le petit point sombre.

Ayant atteint une courbe, il urina puis observa une courte halte devant un écran. Le jaune était aussi une nourriture, moins fade qu'un hot dog.

Un peu étourdi, il craqua une cigarette, reprit sa marche. Son corps commencerait-il à décliner lorsque le jaune apparaîtrait devant ses yeux ? Il regretta de n'être pas une femme. Un enfant l'aurait accompagné, à qui il aurait fait réciter tous les mots et répéter tous les gestes, et qui, en retour, lui aurait posé quelques questions simples. Mais un enfant grandissait très vite, finissait par lâcher la main. Regarder vers l'avant revenait au même que de se remémorer sans cesse, à travers une fille ou un fils, les notions précises qu'abrite le cerveau.

Les marcheurs étaient de plus en plus rares. Comme point de repère, Nils ne possédait plus que sa propre voix, et les gestes qu'il s'exerçait à faire avec les mains, exprimant tour à tour la joie, la détresse, l'incompréhension, le doute, la peur, la volubilité.

La fatigue cognait contre ses tempes. Il dut se résoudre à s'asseoir pour prendre un peu de repos, dos collé contre la paroi, genoux relevés, tête posée sur ses bras croisés.

Sommeil lourd. Au réveil il ne se souvint d'aucune image.

Il venait de se remettre en marche lorsqu'il aperçut un homme, qui se tenait debout au milieu du couloir, tournant le dos au jaune.

Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques mètres, les yeux hagards de l'individu le rendirent mal à l'aise. Il dirigea son regard vers le plafond. Les spots blancs l'éblouirent. Il ferma les yeux, décidé à ne pas tenir compte de cette silhouette sombre qui barrait l'horizon.

Une main se posa sur son épaule, et appuya. Il rouvrit les yeux.

- Eh ! Pourquoi marchez-vous si vite ? Quelque chose ne va pas ? Vous n'auriez pas une cigarette ?

Nils s'arrêta, sortit un paquet de sa musette. Du bout des doigts l'homme s'empara d'une cigarette, qu'il contempla quelques instants d'un air idiot avant d'aller la craquer contre la paroi de gauche.

- Ça fait un bout de temps que j'attends le passage de quelqu'un, vous savez ! Il n'y a pas foule, dans le coin.

Nils regardait le petit point sombre formé par les parois métalliques semblant se rejoindre.

L'homme revint près de lui. Soulignés de cernes, ses yeux étaient injectés d'un sang dont ce n'était pas la place. Par intermittence, l'extrémité embrasée de la cigarette prenait une teinte rouge, très vive.

- Qu'est-ce que vous diriez, si on faisait un petit bout de chemin ensemble, hein ?

"Il est malade. Encore quelqu'un de malade", songea Nils avec humeur. De quoi désirait-il l'entretenir, celui-là Des fautes d'orthographes ? Du couloir jaune ? En en parlant trop, Kjeld avait dégoûté Lou de s'y rendre.

À présent elle dormait, lisait, mais où ? La voix ne servait qu'à donner l'impression d'avoir prise sur les autres. On ne risquait pas de faire de fautes, en marchant.

Nils laissa s'écouler quelques instants. Le couloir vert cru était silencieux. L'homme tirait sur la cigarette, gonflant ses joues.

- Bon, j'y vais.

- Vous acceptez ma compagnie ?

- Je marche vite. Vous me l'avez d'ailleurs fait remarquer.

- Eh bien, allons-y !

Nils ouvrit la marche. La voix de l'homme résonnait contre les parois. Nuls avait horreur de ce genre de personnage, "laissez-moi tranquille !", mais il ne parvenait pas à placer un mot, devait subir, d'une oreille distraite, les propos décousus où il n'était question que d'appréciations qualitatives sur la nourriture, histoires de femmes qui acceptaient, sans beaucoup de préambules, que l'on fasse l'amour avec elles, sans se dévêtir, à même le sol, sous le regard indifférent des autres marcheurs.

Sans transition, l'homme aborda le problème de la trappe aux morts. Nils ralentit le pas. Ils se retrouvèrent côte à côte.

L'homme avait une théorie, dont il ne semblait pas peu fier : selon lui, les êtres que l'on jetait dans la trappe étaient les mêmes que ceux que l'on apercevait sur l'écran. Aussi simple que cela.

Se perdant dans d'interminables digressions, il expliqua que la trappe était le seul passage permettant d'accéder au jaune, concluant qu'espérer atteindre cette couleur en suivant le couloir vert cru n'était que pure stupidité. D'ailleurs, qu'est-ce qui prouvait qu'il s'agissait d'un couloir, puisque sur l'écran on ne voyait jamais autre chose qu'un fragment de paroi ? Peut-être n'était-ce qu'une salle circulaire où les gens tournaient en rond !

Nils ne sut que répondre. Il n'avait jamais ordonné ses pensées de cette façon-là. Néanmoins, il s'arrêta. Son compagnon fit de même.

- Comment pouvez-vous affirmer que ce sont les morts que l'on voit sur l'écran ? À mon avis vous êtes fou. L'impossibilité de marcher n'est-elle pas la preuve la plus tangible de la mort ? Or, sur l'écran, ils marchent ! Votre raisonnement est stupide.

L'homme éclata de rire. Le bras haut levé, il se tourna vers Nils.

- Je vais vous dire quelque chose... Peut-être ne me croirez-vous pas ? Qu'importe, ça me ferait plaisir que vous m'écoutiez. Vous ne m'avez toujours pas expliqué pourquoi vous semblez si pressé...

Nils ne répondit pas.

- Bref, voici ce que je désire vous raconter : j'ai marché quelque temps en compagnie d'une très jolie femme. Un corps replet et harmonieux. Tout ce que j'aime. Qu'est-ce qu'il nous reste, sinon, hein ? La trappe ? Je ne suis pas pressé d'atteindre le jaune, ça je vous le dis !

Il se tapa sur la cuisse, sans conviction, juste pour le geste.

- Ce n'est pas drôle. Cette femme me plaisait beaucoup. Elle s'est soudain arrêtée, elle a vomi contre la paroi. Pas beau à voir ! Et l'odeur. Je vous fais grâce des détails. Elle s'est couchée. Elle se tordait de douleur. Elle criait. Un peu plus tard ses yeux ont basculé. Sa bouche restait ouverte, mais aucun son n'en sortait. Son corps est devenu froid. J'étais triste. C'est triste de voir quelqu'un mourir, vous ne trouvez pas ? Les yeux perdent de leur éclat, on n'a plus envie de caresser la peau. Une belle femme.

Toutes les histoires se ressemblaient. Entre les propos tenus par Lou et ceux de cet homme, quelle différence, hormis les inflexions de la voix ?

Nils s'ennuyait. Il demanda d'une voix douce :

- Que s'est-il passé ensuite ? Vous l'avez portée jusqu'à la trappe ?

- Oui, c'est ça. Pas difficile à deviner, hein ? J'ai fait la queue, comme tout le monde. Ensuite, je l'ai jetée. Les larmes, vous savez ce que c'est ? Ce liquide salé qui coule des yeux. Je n'avais plus envie de parler. J'étais dans un état lamentable, je vous assure. J'ai marché, j'ai marché. Enfin, je ne me souviens plus très bien. Je cherchais partout son visage, chez les autres femmes que je rencontrais, vous comprenez ? Quand, de dos, j'apercevais une silhouette lui ressemblant, mon coeur faisait des bonds, mon visage rougissait. Dur à supporter. Je marchais plus vite, alors, et bien sûr ce n'était jamais elle, puisque j'avais moi-même jeté son corps dans la trappe. J'aimais beaucoup la toucher, qu'elle me touche, la douceur de la peau, vous comprenez ? Il est dommage que nous n'ayons jamais trouvé de cellule. Il doit faire chaud, là-dedans. Il paraît que l'on y trouve tout ce qu'il faut pour vivre sans soucis. Je me demande si c'est vrai. Je n'ai jamais vu de lampe bleue éteinte. C'est peut-être des sornettes, ça aussi. J'ai même rencontré un type assez bizarre, il me proposait un stratagème, c'est-à-dire, je vous ennuie peut-être ? d'aller attendre dans le dortoir que quelqu'un sorte, pour s'approvisionner en tabac Löh, par exemple, vous savez qu'on ne trouve pas de tabac dans les cellules ? De lui tomber dessus à ce moment-là, de le frapper et prendre ensuite la place sans lui demander son avis. Ce type était cruel. Il devait aimer voir le sang couler des blessures. Il aurait bien plus mérité d'être jeté dans la trappe que Billie. Billie, c'était le nom de cette femme, j'avais oublié de vous le dire.

- C'est un beau nom.

- Vous trouvez aussi, n'est-ce pas ? J'en arrive à ce que je voulais vous raconter. Je m'étais assoupi face à un écran, les mains sur les genoux, la tête sur les mains. Je me suis éveillé avec les yeux crottés. Je regardais l'écran. Tout à coup j'ai fait un bond, croyez-moi, un sacré bond ! Je venais de voir Billie sur l'écran. De profil. Je vous assure, c'était bien elle. J'avais à peine réalisé ce qui se passait qu'elle avait disparu. Je me suis demandé si je ne dormais pas, mais non, mes yeux étaient grands-ouverts, ils ne m'avaient pas trompé.

Il y eut un silence. Les aérateurs ronronnaient.

- On rencontre parfois des gens qui se ressemblent, vous savez. C'était sans doute le cas.

- Non, non, non, je ne le pense pas. C'était soin visage. C'était son corps. C'était sa démarche.

Nis eut un sourire fatigué.

- Tenez, je vais vous raconter une anecdote, moi aussi. J'ai eu l'occasion de rencontrer un homme, un détraqué, qui m'a assuré détenir la vérité au sujet du jaune. Selon ses dires, les gens que l'on voit sur l'écran seraient des répliques exactes de nous-mêmes, des... doubles, si vous voulez. Pourquoi certaines personnes se croient-elles obligées de tenir des raisonnements absurdes ? Pourquoi tentent-elles d'expliquer de manière compliquée ce qui est simple, évident, et que nos mères nous ont fait réciter ? Votre mère ne vous a-t-elle jamais dit qu'avec de la ténacité on finissait toujours par être récompensé, et changer de couleur ?

- Bien sûr... Bien sûr qu'elle me l'a dit. Mais c'était bien Billie que j'ai vue sur l'écran, je vous assure. Vous n'auriez pas une autre cigarette ? J'espère atteindre bientôt une station principale. Excusez-moi.

Ils se remirent en marche. Nils fouilla dans sa musette, en sortit le tout dernier paquet où restaient encore une dizaine de cigarettes. Chacun craqua la sienne contre l'une des parois. Crissements. Flammes bleuâtres. Fumée remontant vers les aérateurs. Puis ils se rapprochèrent à nouveau l'un de l'autre.

- Je pense savoir pourquoi vous marchez si vite, déclara l'homme d'une voix un peu vulgaire, où perçait de l'ironie. Vous espérez atteindre le jaune, c'est ça ?

- Oui, c'est ça. Je crois que vous êtes dans l'erreur. Quant à l'écran... Il serait très compréhensible que vous vous soyez trompé, puisque vous m'avez dit avoir été obsédé par le visage de, je ne me souviens plus de son nom, enfin, cette femme que vous veniez de perdre. Vous avez confondu les images de votre mémoire avec celle que l'on voit sur l'écran.

- Billie. Son nom était Billie.

Ils atteignirent une courbe. L'homme s'arrêta pile, se tourna vers Nils, qui s'immobilisa lui aussi. Ses pieds étaient chauds. Il ne réagit pas lorsque l'homme posa une main sur son avant-bras.

- Vous semblez très sûr de vous. Vous vous usez la santé à marcher. Vous êtes persuadé qu'au bout du couloir il y a le jaune. Ne trouvez-vous pas cela quelque peu déraisonnable ?

Les lettres luminescentes formant le mot LAVABOS clignotaient.

- Je ne vois pas ce qu'il y a de déraisonnable à marcher.

L'homme eut un petit rire.

- Je vous ennuie, pas vrai ? Il est d'ailleurs possible que vous ayez raison. Mais... Me permettez-vous de raconter encore quelque chose ?

- Allez-y.

- On peut s'asseoir un moment ? Je commence à avoir mal aux pieds.

Nils souffla par le nez, cligna des yeux.

- Moi aussi.

- Je suis un sacré bavard, n'est-ce pas ? Que voulez-vous, c'est dans ma nature. On prend un petit peu de repos, ensuite je suis d'accord pour continuer. Il est grand temps d'atteindre une station principale. J'en ai assez de taper les gens pour pouvoir fumer. Surtout qu'il ne passe plus grand monde.

Ils s'assirent, calèrent leur dos contre la paroi vert cru. Un peu plus loin, le couloir s'incurvait sur la droite. Passé cette courbe percevraient-ils enfin le murmure confus annonciateur d'une station principale ?

Nils frissonna. À l'arrêt, la température de l'air semblait plus fraîche. L'homme avait étiré ses jambes.

- C'est gentil à vous de m'écouter. Les autres ne m'ont pas cru. Pourtant il y a eu de nombreux témoins. Enfin, quelques-uns. J'étais encore jeune, ça m'a marqué. Quelle taille avais-je ? Ça ne fait rien. Ce n'est pas important.

L'homme paraissait de plus en plus mal à l'aise.

- Je ne sais pas si je vais réussir à vous le raconter. Vous allez vous moquer de moi, j'en ai peur. Les images que l'on a dans la tête, on n'est jamais vraiment sûr de les avoir soi-même vécues. Vous me comprenez, dites ?

Sourcils baissés, lèvres serrées, Nils fit un vague geste de la main. Il se gratta la cuisse gauche, fixant la paroi d'en face où il aurait aimé trouver un écran. Le métal était d'un vert cru exempt de soufflure, lisse, sans intérêt.

Il tourna la tête. Deux silhouettes marchaient dans leur direction. En clignant des yeux, il reconnut une vieille femme tenant par la main un petit garçon qui, sur son côté, portait une large musette lui descendant jusqu'au genou.

Ni la vieille ni l'enfant ne leur accordèrent un regard. Les gros yeux ternes de la femme, d'une couleur indéterminable, semblaient bloqués au centre des orbites. Menton tendu vers l'avant.

Ils disparurent tous deux derrière la courbe.

- Ça vous démange de les suivre, n'est-ce pas ? attendez un peu. Je vais m'efforcer d'être bref. Ça vous semblera peut-être important. Voilà : je marchais le long d'une ligne droite. À même le sol j'ai aperçu un corps couché, comme on en voit souvent. Même Billie ne me croyait pas. En m'approchant j'ai ressenti un choc terrible, car l'homme, en fait, ne dormait pas. Quelque chose d'affreux lui était arrivé. Son corps était carbonisé, vous savez, comme l'extrémité d'une cigarette allumée. Mon premier réflexe a été de m'éloigner à toute vitesse. Mais je n'en ai rien fait. Le bras de... Comment dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme ? Le bras de cette chose semblait avoir glissé le long de la paroi, la main tenait encore une barre métallique, qui devait être le pied d'un banc, vous savez, dans les salles d'attente. En glissant, la barre métallique avait éraflé la couleur, comme si elle, ou il, avait essayé de gratter. Une vision difficile, je vous assure, à vous donner des frissons dans le dos. Imaginez comme c'est chaud l'extrémité d'une cigarette ! Vous n'auriez jamais pensé à faire ça, n'est-ce pas ? Il était mort, mort, mort. D'autres marcheurs s'étaient arrêtés, et regardaient. Personne n'osait toucher ce cadavre. Quelqu'un a même déclaré qu'il devait être aussi brûlant que le bout embrasé d'une cigarette, puisqu'il en avait l'aspect. C'est moi qui l'ai transporté jusqu'à la trappe. Tout à fait froid. Avant Billie.

Irrité, Nils songea que l'homme était bel et bien fou. Tout aussi fou que celui qui lui avait fait remarquer la faute d'orthographe. Tout aussi fou que cette femme qui, à coups de poing, s'était acharnée contre l'écran.

Nils se leva. Mal assuré sur ses jambes, il dut faire quelques efforts pour retrouver l'équilibre.

- J'y vais. Et vous ?

L'homme le fixait de ses yeux brillants.

- Oh !... Je crois que je vais me reposer encore un moment. J'ai mal aux pieds. Voyez mes espadrilles... Ça ne vous a pas beaucoup intéressé, n'est-ce pas ? Allez... Vous n'auriez pas une cigarette ? La dernière.

Excédé, Nils fouilla dans sa musette, fit un rapide calcul mental et, d'une main qui tremblait un peu, lui en tendit deux. Puis il salua et s'engagea dans la courbe.