« Un chapitre d’explications » « Carthage »
(manuscrit de la Fondation Martin Bodmer)
Au retour de son voyage d’enquête et de repérage à Carthage, effectué du 12 avril au 5 juin 1858, Flaubert révise entièrement son idée du roman à faire. Il l’indique dans une lettre à Ernest Feydeau, le 20 juin 1858 : « Je t’apprendrai que Carthage [c’est le nom que Flaubert donne encore alors à son roman] est complètement à refaire, ou plutôt à faire. Je démolis tout. C’était absurde ! impossible ! faux ! » (Corr., t. II, p. 817). Et le 1er juillet 1858, Flaubert écrit à Jules Duplan : « Me revoilà à Carthage. Et j’y travaille depuis trois jours comme un enragé. Je fais un chapitre d’explications que j’intercalerai pour la plus grande commodité du lecteur, entre le second et le troisième chapitre. Je taille donc un morceau qui sera la description topographique et pittoresque de la susdite ville avec exposition du peuple qui l’habitait, y compris le costume, le gouvernement, la religion, les finances et le commerce, etc. Je suis dans un dédale. Voilà ! » (Corr., t. II, p. 82)
Flaubert a rédigé ce chapitre, et en octobre 1858 il peut préciser à Ernest Feydeau : « J’ai à peu près écrit trois chapitres de Carthage. » Ce qui comprend, vraisemblablement, le « chapitre d’explications ». Cependant, le 19 décembre, dans une nouvelle lettre au même, Flaubert exprime ses doutes sur la nécessité d’un tel chapitre, qu’il considère alors comme une « préface » : « Et dans deux jours j’entame le chapitre iii. Ce qui ferait le chapitre iv si je garde la préface ; mais non, pas de préface, pas d’explication. Le chapitre ier m’a occupé deux mois cet été. Je ne balance pas néanmoins à le f… au feu, quoique en soi il me plaise fort » (Corr., t. II, p. 845). Et le 26 décembre, il indique, dans une lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, fidèle lectrice et correspondante depuis la parution de Madame Bovary : « Je commence le troisième chapitre, le livre en aura douze ! Vous voyez ce qui me reste à faire ! J’ai jeté au feu la préface, à laquelle j’avais travaillé pendant deux mois cet été » (Corr., t. II, p. 846).
Le manuscrit de ce chapitre n’a pas été détruit par Flaubert : Léon Abrami avait pu le consulter, il en avait publié les deux premiers paragraphes dans l’édition Conard de Salammbô en 1911, et ce manuscrit apparaît en vente en 1949 à la Librairie ancienne Blaizot. La Fondation Martin Bodmer à Cologny-Genève en fit alors l’acquisition.
Un « chapitre d’explications » : la rédaction de ce chapitre a sans doute été nécessaire pour qu’une image relativement précise et complexe de Carthage se dessine et permette à Flaubert de mettre en récit l’univers lointain, incertain, qu’il avait choisi de composer en fiction. Mais, de ce fait même, la décision inverse : « pas de préface, pas d’explication », a pu être prise pour qu’aucun point de vue stable, de surplomb ou de « savoir », ne se superpose à l’investissement imaginaire du monde qu’il s’agissait de mettre en mouvement. Hugo affectionnait ce type de chapitre synthétique, comme ceux qu’il a donnés sur le Paris médiéval dans Notre-Dame de Paris ou sur Londres dans L’Homme qui rit, ou encore sur l’archipel de la Manche dans Les Travailleurs de la mer. En renonçant à cette « préface », Flaubert choisit, au contraire, d’impliquer le lecteur dans l’épaisseur même des êtres et des choses, dans le détail des événements, du sensible, de l’inconnu.
La fin de ce « chapitre explicatif » présentait un étonnant mouvement d’ensemble : l’emportement collectif d’une ville dans sa passion pour ce qui lui « revient ». Et elle ouvre comme en points de suspension les horizons de l’histoire à venir : Carthage avec, au loin, Rome qui veille.
Flaubert redistribuera certains paragraphes de cette « préface » dans le cours de l’action, dans le tourbillon de l’histoire, mais ils contribueront alors à l’effet d’étrangeté propre à cette fiction.
Nous remercions vivement la Fondation Martin Bodmer de nous autoriser à publier ici cette « préface », comme document particulièrement éclairant sur le travail de Flaubert et sur la manière dont celui-ci a tenté de penser l’univers de Carthage1. Et je remercie Madame Sylviane Messerli pour son accueil très chaleureux dans les locaux de la Fondation.
Note sur la transcription :
De nombreux passages ont été mis entre crochets droits (ou simples barres verticales) par Flaubert, nous les indiquons comme tels : […] pour les crochets à l’encre, et […] pour les crochets au crayon. Cela correspond à des suppressions envisagées, mais non encore décidées.
Nous indiquons entre soufflets les passages en addition interlinéaire : < … >. Dans de nombreux cas, ces additions interlinéaires s’ajoutent simplement à une première rédaction, sans que celle-ci soit pour autant biffée. Nous avons conservé la concurrence non résolue de ces options.
Nous indiquons en note les mentions portées en marge.
Nous donnons les passages raturés comme tels : raturé, et indiquons par la mention Ill. les passages que nous n’avons pas pu déchiffrer sous leur rature.




Fo1
I2
Carthage, bâtie sur une haute péninsule, était bordée à l’est, du côté de la Cyrénaïque, par un golfe entouré de montagnes. Au nord du côté de la Sicile la pleine mer battait sa falaise blanche, et au sud et à l’ouest le lac de Tunis et le golfe d’Utique échancraient l’isthme droit qui la reliait à la terre ferme. Ainsi posée au milieu des ondes, elle tournait le dos à la mer avec l’insolente sécurité d’un maître, tandis qu’elle regardait l’Afrique tout en face et allongeant vers elle son bras de terre semblait la tenir attachée.
Elle ne se laissait pas, comme Athènes et Alexandrie, apercevoir du large par le voyageur qui arrivait. Il fallait après les écueils de son rivage doubler le promontoire de Moloch où fumait < flambait > pendant la nuit un phare géant ; puis on suivait le bord d’un môle qui s’avançait dans les flots, et enfin elle se découvrait échelonnant ses maisons de pierre à six étages toutes barbouillées de bitume. [Il y en avait en planches, en galets, en roseaux et comme toutes finissaient par des terrasses, on aurait dit un amoncellement d’énormes dés.] Mais Les Bois des temples faisaient des lacs de verdure dans cette grande masse sombre, les places publiques la nivelaient par paliers inégaux et d’innombrables ruelles s’entre-croisant la coupaient du haut en bas. [Les palais des patriciens en forme de bûcher funéraire obscurcissaient de leur ombre les habitations à leurs pieds – et sur les toits des temples et aux angles de leurs frontons se dressaient des statues couvertes d’or, colossales ou petites avec des ventres énormes ou démesurément allongés, renversant < ouvrant > la tête, ouvrant les bras, et tenant dans leurs mains, des grils, des chaînes et des épées.]
Fo2 La colline de l’Acropole surgissait au milieu, portant sur sa plate-forme supérieure une double enceinte quadrangulaire bordée de cyprès pyramidaux. Ils se balançaient continuellement et la coupole < le faîte > du temple d’Eschmoun, de temps à autres apparaissait dans leur branchage.
[Mais quand la galère avait tourné l’angle du Port, Carthage tout à coup < toute entière >, s’élargissait entre les deux escarpements qui terminent < à chaque bout > la péninsule.] < Derrière lui et > au fond de l’horizon3, une grande ligne droite s’allongeait dans des terrains rouges. C’était le chemin des Mappales, bordé de tombeaux et qui aboutissait aux catacombes. En bas près du Lac Salé < à côté du auprès du Port >, un aqueduc sorti des montagnes de Tunis arrivait obliquement, découpant le ciel de ses arches grises, et en face dans la ville, on distinguait à leurs formidables ondulations les trois enceintes de ses trois quartiers : Malquâ, Byrsa et Mégara.
Le premier qu’habitaient les gens de la marine s’étendait depuis le Lac < au bas du lac > et les Ports jusqu’au bas de l’Acropole. Il était populeux, d’un aspect [sombre] et misérable, des nattes de sparterie fermaient les portes basses, des filets noirs sortaient des combles étroits et des voiles de pourpre encore humides de leur teinture séchaient au vent suspendues à des mâts.
Le second qui comprenait l’Acropole était la vieille ville des Phéniciens où se trouvaient ensemble les Riches, les prêtres et les Dieux. L’œil s’y perdait sur un désordre d’édifices. < C’étaient des palaces en forme de bûchers funéraires >, des temples à colonnes torses avec des chapiteaux de bronze et des chaînes de métal, de grands cônes en pierres sèches circulairement rayés par des bandes de couleur, des coupoles de cuivre, des architraves de marbre, des contreforts babyloniens, des obélisques posant sur leur pointe comme des flambeaux renversés. [Les péristyles atteignaient aux frontons, les volutes se déroulaient entre les colonnades, des pans de granit supportaient des cloisons de tuiles rouges] et tout cela montait sur l’autre en se cachant à demi d’une façon < manière > merveilleuse et incompréhensible. On y sentait la succession des âges et comme des souvenirs de patries différentes. Fo3 [De hautes colonnes contenant des machines pour apporter de l’eau et qui montaient le long des étages, s’évasaient au sommet en forme de lotus épanouis.]4 Les terrasses étaient bordées par des grilles en filigrane d’or – et sur les toitures de cèdre des boules en verre < bleu > scintillaient çà et là comme d’énormes diamants.] Cependant un escalier de soixante marches descendait de l’Acropole pour conduire au Forum et une large rue qui commençait devant le temple d’Eschmoun s’abaissait tout droit vers le rivage.
Le troisième quartier, Mégara la ville neuve qu’occupaient les gens de condition moyenne se développait entre le promontoire de Moloch et la colline des catacombes. Des haies de nopals divisaient les jardins arrosés par des canaux que fournissaient les citernes. [De place en place une < tour > ronde s’élevait] et les habitations au milieu des verdures allaient s’éparpillant jusqu’à ces sables couleur d’or qui s’éboulent dans la mer. C’est là que le golfe d’Utique abandonnant la plage y dépose un lac salé que l’on prendrait en automne pour une plaine immense toute couverte de neige.
Mais ces trois enceintes n’avaient plus rien de précis dans leurs contours ni dans leurs démarcations. Les rues d’un quartier qui se continuaient dans un autre, faisaient à travers elles de larges entailles, ou bien passaient au milieu par les ouvertures béantes, comme un fleuve sous l’arche d’un pont. Des sycomores avaient poussé entre leurs pierres avec des fleurs de la campagne, des coquelicots ou des brins d’orge apportés par le vent. En d’autres endroits, on avait établi5 dessus des moulins, des corderies, des hangars et des pauvres avec de la boue du lac s’y étaient même construit des cabanes toutes rondes comme des ruches d’abeilles. Ainsi ces grosses murailles dépaisseur et dantiquité différentes < noircies >, disparaissant sous les herbes, noires ou largement rayées par le jet des immondices, faisaient au milieu des maisons de vastes demi-cercles, se prolongeaient par pans tout droits ou se levaient çà et là comme des écueils isolés.
On n’apercevait du Port-militaire que son qu’une enceinte ronde du côté de Byrsa. Le toit du Palais Amiral bâti au milieu dans une île dépassait la charpente qui le recouvrait comme un bouclier. Le Port Marchand auprès, s’ouvrait en plein sur le golfe. Fo4 Et cette ville entière de sept cent mille habitants avec ses trois enceintes se trouvait enfermée dans une ceinture de murailles.
Elle commençait au nord sous une falaise de terre grise labourée comme un champ par des ravins parallèles, puis elle montait sur le cap de Moloch, tournait le Phare, et redescendait en s’appuyant dans la mer contre un blocage de rochers pour finir < et arrivait > au Port Marchand barré tout du long par une chaîne tendue. C’était comme un immense dragon qui se déroulait sur les collines, laissant pendre dans les flots l’extrémité de sa queue, dont les écailles étaient des pierres et qui ouvrait une gueule où entraient les navires.
Mais du côté de la terre ferme, Carthage était défendue dans toute la largeur de l’isthme d’abord par un fossé, ensuite par un rempart de gazon, et enfin par un mur, haut de trente coudées, tout en pierres de taille et à double étage. Il contenait à ras du sol des écuries pour trois cents éléphants avec des magasins pour leurs caparaçons, leurs entraves et leur nourriture ; puis dans son premier étage d’autres écuries pour quatre mille chevaux avec les provisions d’orge et les harnachements, et des casernes pour vingt mille soldats avec les armures et tout le matériel de guerre. Des tours carrées s’élevaient sur le second étage. Elles étaient garnies de créneaux et portaient en dehors des boucliers de fer, suspendus à des crampons6.
Le peuple qui s’agitait dans ces murs était composé de races diverses ; et l’on en retrouvait tous les caractères soit dans l’ensemble des figures ou encore distincts sur quelques-unes. Ainsi l’on voyait des Phéniciens comme à Tyr, des Numides comme à Cirtha, des Libyens comme au désert et des gens qui ne ressemblaient à personne, fils des autochtones disparus. Mais le type des Cananéens, des maîtres, avait fini par prévaloir – et c’était un peuple fort, à profil de bélier, avec des épaules trapues et des pieds larges et plats.
Le commun des citoyens portait une tunique brune s’arrêtant aux genoux. Mais quelques-uns posaient sur ce premier vêtement < posaient > un manteau noir qu’on attachait aux épaules et dont les manches ouvertes ressemblaient aux deux ailes d’un oiseau. Fo5 De larges < Des > colliers d’or, de cuivre ou d’étain battaient sur les poitrines, des pendeloques en corail se balançaient aux oreilles, comme des fruits rouges agités par le vent. Les cothurnes à semelle de bronze, les sandales en cuir de bœuf et les pantoufles de papyrus sonnaient, claquaient et s’étalaient à la fois sur les dalles. Les chevelures noires naturellement crépues étaient divisées par boudins circulaires ou retombaient en petites mèches comme des paquets de fil goudronné, et l’on voyait cependant des chapeaux coniques pareils à des pommes de pin, [des bonnets de feutre tout plats] et des voiles plissés en large le long des épaules comme la coiffure des sphinx. Souvent le haut des figures disparaissait sous des tatouages, et le corps entier dans des haillons. Des pauvres complètement nus erraient devant les boutiques de boissons chaudes tandis que leurs femmes traînaient quelque enfant maigre au ventre bouffi et qui sanglotait sous l’amas des mouches noires dont ses yeux étaient pleins < lui emplissant les yeux >. Des pasteurs passaient tout enveloppés dans leurs couvertures de toiles blanches, des nègres couraient avec des urnes ou des corbeilles sur la tête, [de jeunes garçons criaient à la porte des bains,] des jongleurs sacrés faisaient au son d’un roseau danser des vipères et les matelots vêtus de longues robes rouges effrayaient pour se divertir les gens de la campagne qui poussaient des ânes devant eux. Les coqs blancs consacrés au soleil chantaient sur les terrasses, les taureaux que l’on égorgeait mugissaient dans les temples, l’air retentissait du tapage des voix, des chariots, des enclumes, et par les trous des nattes qui abritaient les rues tout du long le soleil, çà et là, jetait comme des plaques d’or sur la foule en mouvement. Les pieds écrasaient des coquilles, on sentait les épices, l’encens et la saumure. Puis tout à coup l’on se trouvait devant quelque cour7 intérieure entourée de colonnes, sablée de vermillon et dont les murs en marbre peint reluisaient sous le lavage de l’eau claire8. Mais des cris s’élevaient, le peuple s’enfuyait et les bâtons de palmier qui tombaient en multitude hachaient l’air comme des rayons de pluie9. Fo6 C’était un patricien, à demi couché sur sa litière en bois de cèdre au milieu de ses esclaves, et sous des éventails en plumes de paon. Il descendait vers le Port, pour inspecter ses navires, avant l’ouverture de la Gerousia < du Grand Conseil > où se rendaient les autres Riches.
Ils ne vivaient pas oisifs dans leurs grandes maisons mystérieuses comme des sanctuaires. Depuis le matin jusqu’au soir parmi les intendants, les nomenclateurs et les scribes, ils lisaient des chiffres, ils dictaient des ordres, ils allaient dans les cours recevoir les tributs des nomades, ils faisaient dans des celliers entasser leurs trésors, ils parcouraient leurs galeries, en examinant les esclaves qui se tenaient immobiles contre le mur, – ou bien retirés au plus profond de leurs palais, accroupis sur des coussins et parlant à voix basse, ils s’entretenaient avec un vieux pilote de quelque voyage à faire dans un pays soupçonné.
Tous, du reste, étaient à la fois négociants et navigateurs comme on était à Rome juriste et soldat. Mais cette habitude des voyages et du trafic les rendait plus âpres que l’éperon de leurs galères, inflexibles comme la barre des ergastules ; et les bénéfices de la piraterie se centuplant par l’usure, on aspirait continuellement à l’opulence moins pour ses délices que pour elle-même, et que pour l’autorité, car la Richesse conduisait dans Carthage à toutes les magistratures. C’en était la condition légale, et l’unique différence qu’il y eût entre les citoyens. Mais comme ces emplois, tous gratuits, procuraient clandestinement d’énormes avantages, l’argent et la puissance demeuraient dans les mêmes familles – et elles composaient une oligarchie monstrueuse, qui était tolérée < cependant > parce qu’on avait l’espoir d’y atteindre. A10
D’ailleurs ce n’était pas le peuple que craignaient < redoutaient > les grands, ils redoutaient < craignaient > plutôt le hasard d’un maître qui pouvait sortir d’entre eux – et B ils avaient arrangé la chose publique de telle façon que le pouvoir dépendait de tous sans qu’aucun fût assez fort pour l’accaparer. Fo7 Ainsi les deux Suffètes, relevaient d’un Conseil Suprême de cent quatre membres, nommés par vingt et une commissions formées de fonctionnaires au sortir de leur charge, et qu’élisaient les Scissites, clubs commerciaux où l’on élaborait les lois. < Mais > Le Conseil Suprême qui les décrétait surveillait les magistrats et percevait les impôts n’était [lui-même] qu’une dépendance de la Grande Assemblée, réunion générale de tous les Riches. Quelquefois, il est vrai, on convoquait le peuple sur la Place, devant le temple de Baal-Khamon entre les ports et l’Acropole. A11 Il exprimait sa volonté en poussant de grands cris. Mais elle était toujours prévue et on savait la conduire.
Le Conseil suprême < Les Anciens > et la Grande Assemblée formant de leur réunion le Sénat ou Synédrin, occupait un < long > bâtiment de briques rouges au fond de la Place. Il n’y avait à l’intérieur ni peinture ni statue ni siège pour que l’attention ne fût pas distraite ou assoupie et personne, sous peine de la croix, n’y pouvait entrer avec des armes. Quelquefois, ils se réunissaient la nuit dans un temple.
[Les deux suffètes n’habitaient pas de maison désignée, n’étant déjà que trop considérables par eux-mêmes. [Mais < bien > qu’ils portassent le diadème orné de pierres précieuses, le sceptre d’ivoire et la robe sacerdotale, qu’ils eussent la préséance sur tous les magistrats, le droit de mort sans appel sur tous les citoyens, avec la faculté < liberté > de choisir dans les marchés, les jardins et les vaisseaux tout ce qu’ils voulaient pour leur table, leur pouvoir était faible, plein d’embarras et de périls. En effet, comme la monarchie est essentiellement contraire à l’esprit de commerce et d’association, ces marchands tâchaient d’amoindrir ce qui en subsistait. Donc l’un et l’autre suffète] étaient élus < choisis > le même jour dans deux  familles  rivales distinctes. Puis on les divisait par toutes sortes de haines pour qu’ils s’affaiblissent réciproquement. Dans les délibérations sur la guerre, un magistrat les tenait à l’écart pour qu’ils ne pussent parler. Si une élection spéciale leur permettait de commander des armées on députait quelqu’un auprès d’eux qui les surveillait. Enfin le despotisme de la Gerousia < des Cent > était si intolérable qu’il les forçait souvent à se faire démagogues.]
Fo8 Les Scissites se trouvaient au centre de Malquâ, à l’endroit disait-on où avait abordé la première barque des matelots phéniciens, la mer depuis lors ayant reculé beaucoup et la ville s’étant bâtie. C’était un assemblage de petites chambres d’une architecture archaïque faites en troncs de palmier avec des encoignures de pierre et isolées les unes des autres pour recevoir isolément les différentes compagnies. Les Riches qui venaient là conférer de leur négoce marchaient au milieu difficilement tant ils étaient tassés. Quelquefois ils se réfugiaient au fond, sous un grand portique à colonnes de cèdre et où trois fois par lune ils dînaient en commun respectant la tradition d’une fraternité disparue. Mais quand ils avaient trop chaud, ils faisaient monter leurs lits sur la haute terrasse bordant tout du long le mur de la cour et d’en bas on les apercevait ainsi attablés dans les airs, sans cothurnes et sans manteau, avec les diamants de leurs doigts qui se promenaient sur les viandes et leurs grandes boucles d’oreilles qui se penchaient entre les buires – tous forts et gras, à moitié nus, [heureux], riant et mangeant en plein azur comme de gros requins qui s’ébattent dans la mer. Souvent ils exagéraient leurs joies afin d’y cacher leurs inquiétudes car la richesse de chaque Scissite dépendait de la fortune de l’État qui s’appuyait sur toutes. Elles se chargeaient de l’embarras de ses finances, il en tirait [incessamment] des conseils, de l’or, des vaisseaux, des hommes. C’était le sang de ses veines et le génie même de sa politique.
Elle ne cherchait point à conquérir des peuples, mais à faire partout des établissements.
Sur le territoire punique elle forçait à l’agriculture les anciennes tribus des nomades, car pour les rendre moins dangereuses Carthage les avait comme des bœufs indociles attachées à la terre, et l’on croyait maintenant n’avoir plus à les craindre.
Ses alliés, des villes indépendantes éparses autour d’elle, lui fournissaient des vivres pour un prix convenu. Fo9 Quant aux peuples qui s’étendaient à l’orient, du côté des Syrtes < de Cyrène >, tous occupant des régions stériles, Carthage ne les inquiétait pas ; et au besoin ils lui assuraient le passage chez les Noirs et la possession du désert.
Ses colonies en Espagne et sur la côte africaine ne < devaient > travailler que pour ses besoins, en même temps qu’on leur défendait de produire tout ce que la métropole jugeait convenable de leur vendre. Ainsi comme le vin et l’huile devaient être pris à Carthage, il ne fallait pas avoir de vignobles et d’oliviers. On leur interdisait de se bâtir des murs. De fortes troupes les gardaient et Carthage y plaçait des gouverneurs, seulement estimés comme des pressoirs d’après la quantité qu’ils faisaient rendre.
Elle tenait beaucoup à posséder des îles. Aussi la Corse, la Sardaigne, Malte, Gozzo, Lipari étaient comme des cavernes de voleurs d’où elle s’élançait sur les grandes routes de la mer.
Il lui fallait des soldats, elle en achetait aux Barbares, cela formait des relations chez les peuples les plus lointains et y préparait des empiétements.
Avec ses vaisseaux et ses caravanes elle se transportait partout.
Elle allait chercher de l’argent dans l’Espagne, de l’or dans l’Arabie, du plomb dans la Sardaigne, du fer dans l’île d’Elbe, de l’ambre chez les Sarmates et du vin et des mulets chez les Baléares auxquels elle apportait des femmes. Elle ramassait de la poudre d’or dans l’Éthiopie et des grenats sur ses rivages. Elle cherchait chassait les éléphants, elle pêchait le corail, les perles et la pourpre. Elle vendait à la Grèce des nègres et de l’ivoire et à tous les peuples ce qu’il leur fallait d’aromates pour leurs étuves et pour leurs dieux. Elle s’aventurait dans l’Inde. Elle avait des comptoirs sur le golfe Persique, elle possédait à l’ouest l’île d’Hyresca où un volcan fume dans la mer. Fo10 Et la connaissance des routes était un secret presque sacerdotal, les pilotes aperçus par les vaisseaux étrangers se perdaient sur les côtes pour qu’il fût impossible de les suivre.
[Au commencement de l’hiver des hommes armés de longues lances partaient sur des chameaux – et par Rypnis et Ammonium, le Harouch noir et Phezana, le mont Dyrim et la Gétulie Daritite, ils s’en allaient à travers les sables dans le pays des girafes et des hippopotames – plus loin encore au-delà des vastes fleuves dont on ne sait pas les embouchures, vers ces montagnes de cristal qui supportant le soleil font des murailles de lumière. Ils marchaient pendant bien des jours, baissant leur tête sous le vent qui soufflait, étourdis par les fantômes errant le soir autour des citernes perdues, et ils rencontraient d’abord des hommes couverts de poils qui s’enfuyaient comme des singes puis d’autres qui avaient deux têtes et d’autres végétant parmi les herbes au bord des précipices et qui les regardaient passer avec leurs yeux tout ronds, immobiles comme des fleurs. Cependant la caravane peu à peu diminuait, la soif les faisait mourir, ils se roulaient sur le sable dévorés par le soleil, d’autres s’étranglaient de désespoir ou bien l’excès de la terreur les rendait fous. Mais ceux qui revenaient à Carthage chassaient à coups de fouet des troupeaux d’esclaves et les portes de la ville étaient trop basses pour la charge de leurs dromadaires.
Au commencement du printemps des navires partaient par la route de Gadès et l’on s’enfuyait du haut des montagnes en apercevant ces hommes rouges qui étaient venus autrefois ravir des vierges et des taureaux. Mais ils se laissaient aller au continuel tangage de la mer infinie, des étoiles plus grandes apparaissaient la nuit, des îles couvertes de fleurs se balançaient sur les vagues comme des plumes d’alcyon, puis ils se perdaient dans les profondeurs du brouillard, de grands jets d’eau tels que des colonnes d’albâtre montaient jusqu’au ciel, les écueils tout à coup se refermaient, la carène tournoyait, la foudre éclatait et ils voyaient sous eux les monstres courir dans les grandes forêts de la mer. Fo11 Puis de temps à autres, ils entraient dans un golfe, débarquaient leurs marchandises et allumaient de grands des feux sur la plage. Les Barbares pendant la nuit venaient tout doucement poser leurs produits auprès des tas, choisissaient ce qui leur faisait plaisir et remontaient vers leurs cabanes. Quand on n’avait plus de vivres on semait du blé dont on attendait la moisson. < Et > après plusieurs années, ils revenaient quelquefois, rapportant des fourrures, des pierreries, des plumes, des singes grands comme des hommes, des métaux inconnus et des curiosités de la mer.]
Aussi l’on ne savait pas tout ce qu’il y avait < qui se trouvait > < était enfermé > dans les maisons, dans les souterrains, dans les temples, dans les entrepôts des Scissites, dans les cales du Port et sur le môle extérieur qui servait à décharger les navires et à les recharger. La ville était pleine de toutes sortes de richesses, artifices de la nature découverts sous les montagnes, ouvrages humains apportés par les conquêtes12. Le taureau de Phalaris, les trépieds de Géla, la Diane de Ségeste et la statue d’Himère se trouvaient à Carthage. Et puis il y avait encore mystérieusement enroulés dans des feuilles, dans des linges, dans des plumes et dans des cuirs, au milieu de boîtes en cèdre que recouvraient des caisses de bronze, quantité de choses sans nom, d’une valeur exorbitante et d’un usage inconnu.
Mais si Carthage était riche, elle était prudente aussi. Pour ménager la monnaie, elle avait imaginé < se servait des > des rouleaux de cuir, à la marque des suffètes, et elle émettait ces moyens de crédit selon l’accroissement du numéraire afin que l’équilibre fût gardé.
Non seulement elle vendait et elle achetait mais elle produisait. Elle avait des voiliers et des charpentiers qui travaillaient dans le grand arsenal au bord du lac, des orfèvres autour du Forum, des fabriques de tissus brochés d’or au bas de Mégara, des établissements pour le feutrage de la laine dans la rue d’Utique et des pêcheries, des tanneries, des fours pour les salaisons que l’on expédiait dans tous les ports, avec des filatures de coton, de chanvre et de lin où haletaient des nègres qui tournaient de grandes roues en courant. Fo12 Ses mines d’argent lui rapportaient d’énormes revenus et elle n’avait pas besoin d’imposer ses citoyens.
Quand ils devenaient trop nombreux, elle envoyait les plus pauvres dans les ses colonies. < Ou bien > ils allaient d’eux-mêmes habiter Tunis où affluaient de toute l’Afrique les opprimés de Carthage et qui se tenait en face d’elle, au bord du Lac, accroupie dans la fange comme une bête venimeuse prête à bondir. Mais d’autres sans doute appartenant à quelque race disparue logeaient en dehors des fortifications du côté de la mer dans des cabanes de roseaux accrochées à la falaise et ils vivaient là sans gouvernement et sans dieux, exécrés du peuple à cause de leur nourriture immonde, car ils étaient presque tous < chasseurs de porcs-épics >, mangeurs de mollusques et de serpents, ou bien ils allaient dans les cavernes prendre des hyènes vivantes qu’ils s’amusaient à faire courir le soir dans les sables de Mégara, entre les stèles des tombeaux où sont sculptées des mains ouvertes tendues vers le ciel.
Mais dans l’intérieur de la ville, c’était bien un seul peuple et des lois atroces protégeaient son égoïsme et sa cupidité.
On coulait avec leurs équipages tous les vaisseaux des Barbares trouvés naviguant au-delà des colonnes d’Hercule. L’argent dû au vendeur était considéré comme une dette publique. L’ouvrier indigène ne pouvait sans peine exporter son industrie. Les ambassadeurs entraient dans la ville par un double mur pratiqué entre les deux ports afin qu’ils n’en pussent rien voir. Il était même défendu d’apprendre le grec parce qu’un traître avait autrefois écrit à un tyran de Syracuse, et l’on crucifiait tous les généraux vaincus.
La religion était encore plus impitoyable que les lois < était plus forte, plus respectée >13.
Fo1814 L’idée de Dieu s’exprimait par le mot Baal15. Puis  < mais >  cette vague unité se divisait [allait] < se fractionnant > en foule de Baalim ou de dieux ayant tous des formes [différentes,] souvent contradictoires ψ 16, si bien que le dogme gardé dans les sanctuaires restait comme eux, < tout > plein [dimpénétrables17] < de > ténèbres. Le peuple adorait de loin, les incarnations aperçues, et il répétait les paroles des rites, qui contenaient pour lui la Divinité presque entière.
Eschmoun, le plus grand des Baal était la personnification de la sphère étoilée, [l’image du] cercle < de l’orbe > embrassant les sept planètes, l’air immaculé, l’élément vital et supérieur.
Baal-Khamon était le soleil comme Apollon, le principe < mâle > qui éclaire les espaces et les fertilise continuellement mais à cause de sa double énergie < influence >, il s’émanait en deux autres dieux. C’était d’abord Melkarth, le patron des colonies carthaginoises < phéniciennes >, le soleil travailleur qui parcourt la terre,  extermine < combat > les monstres, réunit l’orient à l’occident, et en même temps il était Moloch, le feu qui dévore < le soleil dévorateur >, la colère destructrice, le mal.
Mais en face de lui resplendissait la Baalet Tanit, à la fois Junon, Diane et Vénus, c’est-à-dire la Lune qui se levait < lève > dans les espaces de l’autre côté du soleil, le principe humide < l’élément humide le principe fécond >, la nuit tiède et profonde, l’immense ovaire18 où germaient les choses.
Les Kabirim, [comparés par les philosophes aux Treize-douze Égyptiens,] occupaient les sept grandes planètes. Mais comme la terre reflétait le ciel ils étaient aussi < et ils étaient >19 des puissances telluriques, [cachées ausein du monde] qui présidaient aux < gouvernaient les > mines, aux < les > pierres précieuses et aux < les > volcans.
Sicharbar était une sorte de Plutus, Gurzil un dieu de la guerre, Mastiman un dieu des morts.
Puis venaient les différents < tous les > Baal, dédoublements du Baal suprême, Baal-Peor le soleil d’automne, Baal-Hah qui dirige la marche de l’année, Baal-Tsephon, dieu des limites, Baal-Zéboud destructeur des insectes, et < puis > les Baalim des villes, Baal-Berit, Baal-Tarès, Baal-Pharos Fo19 et les dieux des prairies, de l’air, des vents, des bois, des fleuves et des montagnes.
Baal ou Dieucomplet > < suprême > dans sa conception la plus haute était symbolisé par deux colonnes, l’une en or signifiant la matière inébranlable, et la seconde en palme d’émeraude, image mystique de la chaleur et du feu ; [à la fois mâle et femelle il portaitavait > de la barbe et des seins.] Puis l’organe de l’homme et l’organe de la femme reproduisaient parallèlement, un des côtés de cet hermaphrodite, < dieu > qui se traduisait en < par > une quantité de formes, particularisant chacune, quelque énergie secondaire. A20
Les Kabires comme travailleurs souterrains étaient figurés par de petits hommes ventrus, portant un marteau et un bonnet, mais ils gardaient sur leur tête trois hautes plumes, en souvenir de l’air qu’ils avaient traversé.
On adorait Eschmoun sous le fétiche d’un serpent, emblème du cercle céleste sidéral, ou sous l’apparence d’un Cabire, étant le huitième des Kabirim.
L’épouvantable Moloch tenait un gril dans la main droite, < avec > une large épée dans sa main gauche, des flammes jaillissaient à < de > ses genoux, et des ailes palpitaient à ses flancs.
Guzil son fils, tout couvert d’une cuirasse < armure >, piaffait sur quatre jambes comme un cheval furieux.
Tanit fut d’abord représentée par < un arbre – >, un palmier dans une barque, ensuite par une colonne de bois, par un cône d’où s’échappaient des bras, et enfin par une femme à trois mamelles captive dans une gaine étroite et qui cependant tirait la langue en témoignage de sa pensée. Puis les croissants de lune se multiplièrent tout le long de son corps. Elle devint une Reine avec une tiare d’où retombaient des bandelettes [et de grandes ailes à ses épaules pour voler dans l’infini.] Mais comme elle était à la fois terrestre et aquatique, on la voyait portant des cornes comme Isis, ou bien couverte d’écailles comme la Derceto de Babylone.
Fo20 Le principe mâle fut d’abord figuré représenté par une colonne de pierre et par du feu sur un autel. Puis s’incarnant il devint un taureau, avec une étoile au front, et enfin un colosse < géant > à face humaine portant le sceptre fourchu et la grenade, tandis que21 le serpent Eschmoun, c’est-à-dire lui-même sous une forme plus haute, s’échappait de sa coiffure comme une idée sort de la tête.
D’autres fois, Baal se divisait en trois personnes correspondant aux trois soleils de la théologie supérieure – et alors trois têtes pareilles sortaient d’un seul corps, couvert vêtu de trois tuniques et encerclé par une ceinture de serpents.
Enfin l’unique l’insaisissable, le dieu multiple apparaissait < s’élargissait > dans un disque d’étoiles, ouvrant les bras, ouvrant les jambes, avec des flammes sur le front, des mamelles à la poitrine, un cercle sur le ventre, et flanqué d’un dieu à tête de taureau et d’un dieu à tête de vache, l’un et l’autre dans la même attitude que lui.
Telles étaient en bois, en pierre, en bronze, en or et en argent les diverses représentations de la divinité ; [et dans toutes ses images la forme < individuelle > ne semblait faite que pour réunir [et porter] les attributs, tant elle se trouvait monstrueuse de maigreur, presque réduite à rien.
Le peuple n’y comprenait que l’éternelle opposition de la vie et de la mort, de l’ombre et de la lumière, du bien et du mal, et pliant sous cette fatalité qu’il retrouvait en son âme, il] < le peuple > l’adorait, < par un culte orgiaque et sanguinaire > < homicide >, dans des temples nombreux.
Celui de Moloch sur le bord du rivage, après les grandes citernes, était construit en pierres et tuiles colossales et du haut en bas complètement noir. Il se composait de quatre pans égaux garnis de piliers quadrangulaires où s’encastraient < s’appuyaient > des colonnes et ce premier ordre quadrangulaire supportait une sorte de rotonde terminée par un cône pointu avec une boule au sommet. C’était un monument sinistre, [dans une gorge étroite < profonde >, entre des collines rouges < couleur de sang >]. Fo21 Personne même en plein soleil ne se hasardait auprès des murs car ils enfermaient le colosse dieu d’airain, [le véritable Moloch,] celui que les Carthaginois appelaient le vieillard n’osant prononcer son nom de peur de le faire surgir. [Un canal souterrain conduisait à la mer les débris des sacrifices et les flots sur le rivage balançaient continuellement comme des lambeaux de pourpre dans l’écume.]
L’enceinte de Tanit, large comme une ville entière, occupait un monticule au nord de Byrsa. On allait < d’abord > [par une série davant-cours avenue de grenadiers] jusqu’à un bois de cyprès entouré d’une balustrade en filigrane d’argent. Puis un escalier < perron > dont les marches étaient alternativement en plaques d’or et en plaques de cuivre, vous conduisait dans une cour carrée. Il y avait au milieu, un bassin d’eau murmurante et tout autour, sous les berceaux des myrtes et des térébinthes, des lions, des tigres, des léopards et des panthères se promenaient en liberté parmi les gazelles et les autruches. Un second escalier < perron d’ivoire > montait à un troisième jardin rempli de palmiers doums, – et après quatorze marches, l’on apercevait dans une quatrième enceinte le temple de la déesse portant à son fronton, un globe enflammé avec des ailes. Des lunes d’argent et des cornes de cerf étaient plantés sur la crête de son toit. Les verdures le cachaient à demi [et une haute coupole le dominait par derrière]. Mais au fond de ses trois portiques22on apercevait apparaissait sur une colonne au loin se dressait une stèle d’émeraude avec une urne d’albâtre où de l’encens fumait. Les gens qui venaient pour dormir < afin d’avoir des songes > se couchaient autour – et assoupis par la vapeur des aromates appuyaient leur tête contre la porte du sanctuaire.
Une cohue de peuple et de marchands emplissait les avant-cours en faisant un grand bruit de sandales et de paroles. Des fripiers vendaient aux hommes des costumes < habillements > de femmes, pour les cérémonies23, on mangeait des pains gâteaux en forme de lune, Fo22 [on mangeaitbuvait > sous des tentes des sirops épicés,] et l’on se poussait devant les échoppes des parfumeurs pour acheter des huiles et des pâtes épilatoires. [Puis la foule se dispersait par les chemins et à mesure que les cours intérieures se succédaient, le silence de plus en plus augmentait.] Tout le long du troisième jardin les prêtresses vêtues de robes jaunes se tenaient dans des cellules, assises par terre, les jambes croisées. Elles exhalaient la senteur des idoles. Leur poitrine < nue >, grasse d’onguents, luisait au soleil. < Et chantant des hymnes > et roulant leurs yeux comme des globes d’argent clair [où brillait un diamant noir,] elles chantaient < murmuraient > à voix basse < un hymne d’amour > pour appeler les hommes24. D’autres, la tête couverte d’un voile, erraient en tremblant sous les feuillages25.
Il y avait autour du temple une quantité d’autres édifices, des bâtiments pour les choses du culte, des maisons pour les prêtres26, < puis > la chapelle d’Élissa fondatrice de Carthage, le simulacre obscène de Baal-Peor à qui les femmes se prostituaient, et un grand trou noir où l’on versait à de certains jours à de certains jours des vases < pleins > d’eau douce et des vases pleins d’eau de mer. Des colombes blanches frottées de musc s’abattaient du haut des arbres pour venir sur les mosaïques picorer le grain < froment > que les fidèles leur jetaient ; – et puis toutes ensemble elles remontaient dans les branches arbres pins arbres, qu’elles faisaient plier comme des flocons de neige, trop lourds27.
Le temple de Melkharth dressait à l’occident de Byrsa < l’Acropole > sa haute toiture couverte [de madrépores et] de corail et supportée par des colonnes de cèdre à chapiteaux de bronze. Au milieu du vestibule, devant la porte d’entrée, une flamme brûlait sur un autel. Mais le colosse du Dieu28, attaché avec des chaînes, restait au fond du sanctuaire, attaché avec des chaînes sous un le feuillage, < à l’ombre > d’un olivier d’or, qui portait des fruits d’émeraude. Contre le mur de la première cour des chiens et des oiseaux destinés aux sacrifices hurlaient dans des loges et gloussaient dans des cages. Par-derrière se dressait un bûcher pyramidal, fait en poutrelles d’aloès et que l’on allumait à la fête du Printemps < de la Résurrection > où un aigle s’envolait des flammes, pour symboliser le soleil nouveau29.
Fo23 < Mais > le temple de Baal-Khamon, devant la Gerousia, < sur la Place du peuple >, gardait constamment ses portes déployées, en imitation du ciel qui est toujours ouvert. Mais une grande tapisserie [d’étoffe babylonienne assyrienne] tout éclatante des couleurs de l’hyacinthe, de la pourpre et du byssus, retombait < pendait > du plafondIll. > sur les mosaïques. Des barbes et de l’architrave. Des chevelures étaient enfermées dans des vases d’argent le long de la muraille, et il était couvert dor et il y avait au fond une statue d’or, dans une niche d’or.
Et puis < de côté et d’autres > c’étaient les temples sabéens en forme d’étoiles30, les temples heptagones des Baalim, le temple noir de la planète Azer, le temple rouge de Gurzil, les temples ronds des Kabires entourés de sept colonnes, les chapelles ovales des Bétyles, pierres tombées de la lune, le temple dorien de Cérès et de Proserpine bâti par peur de la peste pour racheter les impiétés d’Himilcon au siège de Syracuse et < çà et là > de grands cônes en pierres vernies < peintes > couverts de zigzags avec des arabesques de couleurs et complètement fermés comme des tombeaux. Un homme parfois se tenait < debout > devant eux, debout ill. < tout en > marmottant quelquefoisIll. > pour lui-même  quelques prières dans un vieux langage < dans un langage que l’on ne comprenait pas >, dernier fidèle d’une religion disparue.
À de certains jours Les jours de fête, on promenait [par la ville] de larges chariots, portant une sortesous un > une sorte de pavillon tendu < de pourpre sur > sur des colonnes et qui laissait apercevoir colonnes et qui abritait laissait apercevoir entre des rideaux de pourpre, parmi des soleils de pierreries, et des franges de perles et des bouquets de plumes indiennes le simulacre d’un dieu ou l’arche sainte qui le renfermait31. Le peuple pour l’adorer se jetait par terre, en se couvrant la tête de sa tunique, les tambourins sonnaient, l’essieu d’or tournait < claquait > et la haute machine, < en > oscillant, à chaque pas, frôlait le bord < la balustrade > < la rampe > des terrasses. C’était comme si les temples eussent marché dans les rues.
Les dieux d’ailleurs se retrouvaient partout. On en voyait d’immobiles contre la porte des maisons, d’autres se balançaient à la proue des navires [et traversant les mers ils allaient sur d’autres rivages attacher par les liens de leur < du > culte toutes les colonies à la métropole.] Fo 24 Un sacerdoce innombrable desservait cette religion multiple. Il y avait d’abord les prêtres de Moloch en manteaux d’écarlate et portant une plaque d’or sur la poitrine, les prêtres de Tanit, vêtus de lin et que l’on avait dans leur jeunesse, castrés par l’eau bouillante, les prêtres des Bétyles qui faisaient leurs adorations en tournant continuellement jusqu’à tomber par terre, les yidonime qui se mettaient un os dans la bouche pour interroger l’avenir, les évocateurs des morts qui se lacéraient avec des couteaux, les pontifes d’Eschmoûn coiffés de hauts bonnets, et les Prostitués-mâles s’occupant avec les courtisanes de Tanit à broder des voiles pour la déesse dans la quatrième enceinte.
La religion se confondait avec la Patrie [et il en résultait une ardeur de nationalité surhumaine et toute mystique] car les Dieux dominateurs de la ville en étaient presque des concitoyens, ils exécraient les autres peuples Barbares, ils appartenaient à Carthage. Pour les retenir on les gorgeait de sacrifices. Mais le peuple dans leurs fêtes se régalait comme eux de meurtres et de luxures, et une sorte de reconnaissance les faisait aimer, quoiqu’ils fussent terribles. Puis on avait la tête étourdie par le chaos des voyages, souvenirs ou rêves de climats, de races et de végétations différentes. La démence des dieux enfiévrait le cœur des hommes, les sexes échangeaient leurs costumes et leurs fonctions, la mort se mêlait avec la vie, la douleur avec la joie, les prostitutions hurlaient à côté des holocaustes et tout s’égalisait < se confondait >, s’annihilait < disparaissait > dans le feu d’une Force suprême < éternelle >, inaccessible à la pitié et supérieuredifférente > < supérieure > à la vertu.
Ainsi vivait ce peuple farouche, [sans hippodrome, sans stade et sans théâtre]. Melkarth le poussant aux aventures, sa cupidité se tournait en héroïsme, et il travaillait perpétuellement d’une manière convulsive et acharnée. La vague croyance à une immortalité future était entretenue par l’espoir des Îles-Heureuses Fo25 où les siècles s’écouleraient sur des prairies d’escarboucles, dans la délectation des saveurs et l’enivrement des parfums, contrées [de joie et] d’éternelle paresse que l’on découvrirait à quelque jour et qui était comme l’idéal de Carthage.
Le monde planétaire32 où habitaient ses dieux était se trouvait figuré par le dôme d’Eschmoun, couleur d’azur et tout semé d’étoiles. et l’on avait bâti le temple à l’endroit < Et le temple [qu’il dominait] avait été bâti sur le point > le plus haut possible afin qu’il fût plus près < comme pour le rapprocher > des demeures mystiques. On n’y pouvait monter montait que vêtu < revêtu > d’hyacinthe, les prêtres y marchaient nu pieds un doigt sur la bouche le doigt sur la bouche, en retenant leur haleine [et le silence des immensités < le > semblait emplir] au petit jour. Des chevaux blancs, portant avec des colliers d’escarboucles < Ill. > foulaient de leurs sabots peints < tout > < bleuis > en bleu, le sable d’or < au pied des murs > < qui garnissait les cours >. Çà et là De place en place, un grand serpent noir s’allongeait entre dans les cyprès immobiles. Des carreaux en cristal de roche pavaient < bordaient > < la porte > jusqu’à hauteur d’homme < le mur > du temple < fermé >. Tout était splendeur, exprimait l’immaculation de la pensée et le mystère de l’infini.
Les gens d’un esprit grave seuls adoraient Eschmoun. Pour le < Quant au > peuple, il s’écartait tout naturellement33d’un culte austère où il ne trouvait rien pour le plaisir des sens d’un dieu presque impersonnel qui n’avait point de passions. Cependant les Grecs le comparaient à Esculape, car il était permis aux malades de venir [se] coucher34 < dans > la première enceinte et à ceux qui s’étaient sauvés d’un naufrage, d’appendre sous le vestibule, un lambeau de leur voilure.
Une balustrade < en bâtons d’ivoire > entourait la base du dôme – et de cette hauteur l’on apercevait à la fois la mer immobile et toute bleue qui s’étendait indéfiniment, avec la campagne couverte de cultures d’oliviers, et où le golfe d’Utique et le golfe de Carthage, en s’avançant dans les terres, faisaient comme deux gigantesques dalles de lapis-lazzuli. L’arc de l’horizon commençait à l’occident par des montagnes grises plaquées de taches pâles ; – et puis des collines indistinctes se courbaient dans la brume pour rejoindre à l’autre extrémité un entassement de montagnes. Fo26 La plus lointaine ressemblait à un cube énorme, [s’inclinant quelque peu,] la seconde à une muraille rectangulaire, la troisième apparaissait comme un bloc d’indigo, la dernière couleur de bronze, était échancrée au sommet en forme de croissant ; et sur la plaine qui ondulait à ses pieds, les mamelons peu à peu se haussant de plus en pluspeu à peu >, formaient une cinquième montagne dont la base s’allongeait vers l’orient jusqu’au promontoire Hermæum. Au milieu de cet immense espace, le Lac de Tunis [comme une mer intérieure] s’étalait devant Carthage, [Il était] séparé du golfe par un long ruban de sable qui arrivait jusqu’aux deux Ports ; et la vue en suivant cette ligne droite, était ramenée sur l’Acropole et sur Eschmoun au centre de l’horizon. Les maisons < au-dessous > semblaient des marches d’escalier, [les jardins < çà et là > entre les murs faisaient des touffes vertes35,] des chameaux les yeux bandés, tournaient de grandes roues sur les terrasses, des paons < et des pintades > marchaient dans les rues cours, < des hymnes s’échappaient des temples >, des fumées s’échappaient de l’architrave des temples montaient et continuellement les colombes de Tanit tournoyaient < telles que de blanches nuées > sur Carthage tandis que les phénicoptères s’envolant du Lac passaient dans le ciel, comme de grandes flèches roses.
Quelquefois36 le prêtre qui restait < vivait > < se tenait > continuellement sur le balcon d’Eschmoun pour annoncer au son de la trompette les phases de la Lune, tout à coup levait les bras dans un geste de surprise – on l’avait vu et toutes les têtes < dans Carthage > se dressaient se tournaient vers lui.
Il venait de reconnaître, à l’horizon, un vaisseau punique. La voile peu à peu grandissait, les couleurs de la proue apparaissaient, et la carène ronde, [s’avançant toujours] en s’avançant toujours37, fendait majestueusementà plein poitrail > la surface de la mer.
Mais celui que tous regardaient demeurait immobile, la main ouverte étendue au bord des yeux, tandis que son autre bras se déployant s’apprêtait à saisir < touchait > le < grand > clairon qui était posé près de lui. Fo27 C’était un des vaisseaux partis autrefois pour découvrir à la découverte des terres nouvelles lointaines, et il revenait tout < aujourd’hui tout > plein de trésors d’un monde, rapportant peut-être quelque grand secret ou ayant rencontré les dieux. < Mais > on distinguait les cordages < et > la figure des idoles écaillée par le soleil, [à chaque flot,] se levait dans l’écume blanche. Alors l’Annonciateur-des-Lunes prenait à deux mains son immense clairon, [il l’approchait de sa bouche] – et à pleine poitrine il poussait sur Carthage un long cri d’airain.
Les prêtres quittaient les temples, les marchands leurs échoppes, les patriciens leurs palais, la Gerousia tout entière sortait. Les rues d’un seul coup étaient pleines. Et des hauteurs de Byrsa, des jardins de Mégara, du fond des Mappales, < et > des bords du Lac, le peuple s’échappait tumultueusement. Les sentinelles sur les tours jetaient leur bouclier, et les mangeurs de porc-épic, comme des fantômes < cadavres >, se levaient sur leur falaise. Chaque maison, chaque porte, chaque mur, dégorgeait les hommes, les manteaux volaient au vent, les robes, les chevelures. Les riches, s’embarrassant dans leurs vêtements < Ill. > aux franges de leurs habits, trébuchaient sur les dalles, les pauvres couraient pieds nus, on renversait les vieillards, les faibles périssaient étouffés. Des tas de peuple monde suspendus aux rampes de l’Acropole, comme des grappes de raisins que l’on vide d’un panier, s’écroulaient sur le Forum < la Place > – < et > la foule < avançait > avec des contractions élastiques avançait et reculait entre ses murs. < Mais > < Puis > elle se brisait < divisait > contre le rempart la muraille du Port militaire – et puis tournant les Scissites, par toutes les rues, par toutes les ruelles, haletante et dévorée du même désir, elle se poussait < précipitait > vers le Port, en criant à la fois de faim < d’espoir > et d’ivresse.
La clameur de ce peuple courait [au loin] sur la mer – et Rome < au loin > s’agitait dans ses collines.
1 - Gisèle Séginger a publié ce chapitre, alors inédit, dans son édition de Salammbô, Garnier-Flammarion, en 2001, p. 379-403, sous le titre « Un inédit de Flaubert. Le chapitre explicatif de Salammbô ». Max Aprile avait donné une reconstitution conjecturale de cette « préface » à partir des brouillons conservés à la Bibliothèque nationale de France (dossier N.a.f. 23658), dans le volume XII de l’édition des Œuvres complètes de Flaubert au Club de l’Honnête Homme (1974), p. 263-303, sous le titre « Un chapitre inédit de Salammbô ». Ce chapitre est publié, avec les transcriptions des autres manuscrits de Flaubert conservés à la Fondation Martin Bodmer, dans Fiction et documentation. Les manuscrits de Flaubert à la Fondation Martin Bodmer, op. cit., p. 107-139.
2 - Le texte est ainsi annoncé comme premier chapitre : cela correspond donc au moment où Flaubert pensait faire de ce « chapitre explicatif » la « préface » du roman, et non plus l’intercaler entre les chapitres ii et iii. La chemise du Ms porte le titre : « Sallambô. Roman cartaginois La fille d’Hamilcar ».
3 - En marge : par derrière et tout au fond de l’horizon.
4 - Crochet isolé.
5 - Flaubert avait d’abord écrit On avait en d’autres endroits mais marque l’interversion des termes par des chiffres 1 et 2.
6 - En marge, au crayon : La Porte d’Utique / la porte de Cirtha / Teveste / Fornitana / de la nécropole / Fuscianus / Aclas.
7 - Flaubert souligne coup et cour pour relever l’homophonie.
8 - En marge : Des lions monstrueux roulés en boule dormaient à l’ombre des colonnes, des robes blanches passaient entre les arbres.
9 - Flaubert a d’abord écrit : les bâtons des palmiers hachant l’air comme des rayons de pluie tombaient en multitude sur toutes les têtes.
10 - Les lettres A et plus loin B, au crayon, indiquent l’hypothèse de la suppression du texte intermédiaire.
11 - A renvoie à un ajout marginal au crayon : B Ça lui faisait croire qu’il participait.
12 - En marge, au crayon : < fourrures >, métaux, pierreries, onguents, fourrures, bois précieux.
13 - Ajout au crayon.
14 - Folio numéroté au crayon 13-14-15-16-17 et à l’encre 18.
15 - En marge : et dans sa conception la plus haute il était symbolisé par deux colonnes l’une en or signifiant la matière inébranlable et la seconde en palme d’émeraude image mystique de la chaleur et du feu.
16 - En marge : ψ  et le peuple ne comprenant à tout cela.
17 - Biffé au crayon.
18 - Flaubert avait d’abord écrit l’ovaire immense mais marque l’interversion des termes par des chiffres 1 et 2.
19 - Ajout au crayon.
20 - En marge : B CarAinsi > cette vague unité, et sans marque précise de liaison : Le peuple à tout cela ne comprenait que.
21 - Un trait relie à face humaine à tandis que.
22 - Flaubert a d’abord écrit : Mais en face et dans l’enfoncement de trois portiques.
23 - Un trait relie avant-cours à pour les cérémonies.
24 - Biffure au crayon.
25 - En marge : qui semblaient et, au crayon : rouler dans le chant / hymne astre.
26 - Flaubert indique par les chiffres 1 et 2, puis biffe, l’interversion des termes bâtiments pour les choses du culte et maisons pour les prêtres.
27 - En marge : Les colombes allaient sur Melkarth.
28 - En interligne, sans doute par erreur, et biffé : Eschmoun.
29 - En marge : fermé / impénétrable.
30 - Un trait relie c’était à les temples heptagones.
31 - En marge : portant sous un pavillon de pourpre, à frange de perles, parmientre > des soleils de pierreries et des bouquets de plumes, le simulacre d’un dieu ou l’arche sainte.
32 - En marge, au crayon : Mais ce qui dominait tout.
33 - Flaubert indique par les chiffres 1 et 2, l’interversion des termes d’abord ainsi disposés : tout naturellement et il s’écartait.
34 - En marge : d’étendre leur matelas.
35 - Flaubert indique par les chiffres 1 et 2, l’interversion des termes d’abord ainsi disposés : les jardins faisaient et entre les murs.
36 - Un large crochet dans la marge marque l’hypothèse d’une suppression de toute cette fin.
37 - En marge : comme un cheval qui galope dans les herbes.