Epilogue

NoÎl

BANKS se réveilla de bonne heure le matin de NoÎl. Après avoir passé un moment assis dans sa cuisine, à boire

son thé et à jouir de la sérénité qu'il ressentait toujours dans cette pièce, il alla dans le séjour, alluma les guirlandes du sapin et glissa le CD du Buena Vista Social Club dans la chaîne. Puis il retourna dans la cuisine en sifflotant pour

se poster devant le gros poulet fermier qui gisait sur la planche à

découper, à côté des Recettes de NoÎl de Délia Smith grand ouvert.

Il s'apprêtait à confectionner la traditionnelle farce aux porc, sauge et oignon, pour laquelle il avait acheté tous les ingrédients la veille. Il avait été choqué de lire que Délia Smith affirmait qu'on pouvait préparer sa farce la veille, mais c'était peut-être parce que son énorme dinde à

elle l'occupait toute la journée. Pas d'affolement. Il consulta sa montre.

Il avait tout le temps.

Son dos lui faisait des misères parce qu'il avait d˚ dormir sur le petit divan du rez-de-chaussée. Enfin, c'était le modique prix à

payer pour avoir ses deux rejetons chez lui pour NoÎl.

Deux jours plus tôt, Brian avait téléphoné pour dire qu'il avait bien acheté la voiture convoitée et pouvait profiter de quelques jours de liberté. Il se proposait de prendre Tracy

à Leeds sur la route de Gratly, si leur père avait de la place pour deux.

Banks s'en était réjoui. Bien s˚r qu'il avait de la place. Aussitôt il était sorti acheter d'autres cadeaux : un CD-Rom sur l'histoire du label Blue Horizon pour Brian,

les plus beaux et plus chers pinceaux à maquillage pour Tracy, et quelques bricoles afin de faire bonne mesure. Ils resteraient tous deux jusqu'au lendemain de NoÎl, après quoi Brian conduirait sa súur à Londres chez leur mère, qui passait NoÎl avec Sean à Dublin. Annie était chez son père et le reste de sa colonie d'excentriques en Cornouailles, mais ce n'était pas bien grave. Elle serait bientôt de retour, et ils avaient rendez-vous pour la Saint-Sylvestre. C'était donc son imparfait NoÎl avec son imparfaite famille, mais au moins avait-il une famille, en dépit des dommages de l'année précédente. Rosalind, elle, n'avait plus qu'un petit garçon qui lui demanderait éternellement pourquoi son papa et sa grande súur avaient disparu, et une fille abandonnée jugée pour le meurtre de sa demisúur ; même si Banks avait le sentiment que Ruth Walker serait enfermée dans un hôpital psychiatrique plutôt qu'envoyée en prison.

Souvent, au cours de la semaine, il avait revu le visage désespéré de Rosalind assise parmi ses caisses et ses meubles protégés par des draps, écoutant le récit de l'obsession de Ruth. Il se rappelait également le bruit du verre en cristal pulvérisé contre la porte après son départ. Il s'était fait tellement de souci qu'en rentrant chez lui il avait appelé la plus proche voisine de Rosalind, Charlotte King, pour lui demander de veiller sur elle.

Il avait aussi assisté aux funérailles de Riddle, organisées avec toute la pompe voulue, une semaine avant NoÎl. Rosalind était là, avec Benjamin et ses parents, mais elle avait feint de ne pas le voir. Encore une qui s'était trop confiée à lui, comme Jenny Fuller, exposant plus qu'il n'aurait fallu ses blessures intimes, et qui le regrettait.

Il avait entendu dire qu'ils étaient partis pour Barnstaple, et que le Vieux Moulin avait été mis en vente. Il souhaitait le bonheur de Rosalind ; Dieu savait combien elle avait souffert.

Il se concentra sur la recette. Il venait de mélanger les miettes de pain, la sauge et l'oignon avec l'eau bouillante quand le téléphone sonna. qui pouvait appeler à neuf

heures du matin, un jour de NoÎl ? se demanda-t-il, mettant le saladier de côté pour se rendre dans le séjour.

- Joyeux NoÎl, mon tout beau !

Bordel! C'était Dirty Dick Burgess.

- Joyeux NoÎl, dit Banks. que me vaut cet honneur ?

- J'ai un cadeau pour toi.

- Il ne fallait pas.

- «a m'a rien co˚té, tu sais.

- OK, j'abandonne. C'est quoi?

- J'ai pensé que ça serait mieux que tu l'apprennes de ma bouche, plutôt qu'en lisant les journaux ou en regardant la télé.

- Apprendre quoi?

- Barry Clough.

- quoi, Barry Clough ?

- Il est mort.

- Mort?

- Cesse de faire le putain de perroquet, Banks. Oui. Mort. MORT. Mort.

Banks serra le combiné et s'assit.

- Je t'écoute...

¿ sa connaissance, après leur visite à Stafford Oakes, Bureau du Ministère Public, une semaine plus tôt, toutes les poursuites contre Clough avaient été abandonnées. Il

s'avérait que les empreintes de pneus ne supporteraient pas un examen contradictoire, et quelqu'un avait salopé le mandat pour fouiller la voiture de Jamie Gilbert, rendant toutes les preuves qu'on y avait trouvées irrecevables. Pour couronner le tout, le témoin qui avait vu Jamie Gilbert avec Charlie Courage commençait à p‚tir de mystérieux trous de mémoire.

- Clough sortait au petit matin d'un club à Arenys de Mar, sur la côte espagnole, quand on l'a abattu.

- qui?

- Une certaine Amanda Khan. Une pop star - voilà pourquoi ça va faire du bruit -, encore que j'aie jamais entendu parler d'elle. «a fait arabe comme nom...

- Elle est à moitié pakistanaise.

Amanda Khan. La nouvelle petite amie de Clough. La remplaçante d'Emily.

- Bon, bref... La classique histoire d'adultère. Clough avait d˚ la plaquer pour une pétasse espingouine et cette Amanda avait la tête plus près du bonnet qu'il ne l'imaginait. Drôle de monde, hein ?

- ¿ qui le dis-tu...

En général, Banks ne fumait pas dans la matinée mais il chercha ses cigarettes.

- Le plus marrant, c'est qu'elle s'est servie d'une de ses armes à lui. Ironie du sort. Elle habitait sa villa, et manifestement il s'envoyait sa Dolorès sous les yeux d'Amanda tout en t‚chant de refiler cette dernière à l'un de ses larbins. Elle a pris une arme et les a attendus à la sortie du club. Réminiscence de Ruth Ellis...

Ruth Ellis était la dernière femme à avoir été pendue en Angleterre pour avoir abattu son amant à la sortie d'un pub londonien.

- La fille a été blessée ?

- Une balle dans le gras du bras. Pas grave. Selon mes sources espagnoles, on a tiré six coups. Deux ont atteint

Clough : l'un, sa sale tronche et l'autre, son cúur de salaud. …tonnant que la balle n'ait pas rebondi, mais il est mort avant d'avoir touché terre.

Deux ont atteint Jamie Gilbert :

à la poitrine et à l'aine. Il n'a pas succombé, mais paraît qu'il sera plus tout à fait le même et sa voix est montée de quelques octaves. Un coup a touché la fille, et le dernier un innocent passant à la main, un ado du coin. Il a perdu

deux doigts.

- Bon, justice est faite... si l'on veut.

- Faudra se contenter de ça.

- Merci d'avoir appelé. Et la fille, comment va-t-elle ? - Amanda Khan ?

Pourquoi ? Ne me dis pas que tu la connais aussi ?

- Non. Simple question.

- Aussi bien qu'il se peut dans les geôles espagnoles, j'imagine. Salut, Banks. Joyeux NoÎl.

- Toi de même.

Il raccrocha lentement. Clough mort. Il ne pouvait s'empêcher d'éprouver du soulagement à l'idée que la chance avait enfin tourné pour ce salopard.

Pendant un moment,

il avait paru capable de se sortir de toutes les situations en faisant un pied de nez à la face du monde. Terminé. Ce n'était certainement pas très chrétien de se réjouir de la mort d'un homme, surtout le jour de NoÎl, mais il aurait

été hypocrite de nier qu'il était content que Clough ne soit plus là pour semer sa graine de discorde dans le chaos du monde.

Il imaginait aussi quelle douleur et quelle confusion avaient pu avoir amené Amanda Khan à une telle extrémité. Cet acte avait sans doute détruit sa vie : son avenir, sa carrière.

Mais s'il y avait une fin digne d'être fêtée, c'était bien celle de Barry Clough.

Banks écrasa sa cigarette à moitié fumée et retourna dans la cuisine pour se laver les mains avant d'incorporer la chair à saucisse au mélange sauge-oignon. Il considéra le poulet, ne sachant trop par quel bout le prendre.

Les notes allègres de Rubén Gonzalez jouant Pueblos Nuevo lui parvenaient du séjour. Des rayons de soleil dardaient par-dessus le sommet de la colline et miroitaient sur les fonds en cuivre des casseroles pendues au mur. Banks perçut un remue-ménage à l'étage, des grincements de

vieux plancher. Sans doute Tracy. Brian aimait faire la grasse matinée.

Banks se rappela comment, quand ils étaient petit, ils se levaient avant l'aube pour ouvrir leurs cadeaux. Une année, alors qu'il s'était faufilé

dans leur chambre à une heure du matin pour remplir leurs taies d'oreiller, il avait senti le regard de Brian sur lui, resté éveillé pour voir si le Père NoÎl existait bien. L'incident n'avait jamais été évoqué entre eux, et Brian s'était comporté comme à l'ordinaire

en découvrant ses cadeaux, mais Banks soupçonnait qu'à

cet instant il avait perdu un peu de son innocence.

C'était sans doute ainsi que cela se passait, songea-t-il l'innocence se perd petit à petit, au fil des années ; ça ne se fait pas en une seule nuit. Mais il y avait des expériences intenses, qui marquaient des étapes.

Il se revoyait debout au bord de la rivière, la pluie piquetant la surface de l'eau, souriant comme un idiot, voulant être poli, étreignant la grosse pierre contre sa poitrine afin de ne pas éclabousser le monsieur qui passait. Puis la lutte, l'haleine empuantie, ses talons glissant sur la berge boueuse, la terreur, le coup de poing. Le monde avait changé pour lui à dater de ce jour, et encore maintenant, en s'appuyant à la paillasse, il avait dans la bouche le go˚t infect de cette manche sale et imprégnée de sueur.

Il songea à Emily Riddle, à Rosalind, à Ruth Walker et à

Amanda Khan. quand il entendit le pas de Tracy dans l'escalier, il eut la vision soudaine du scalpel du Dr Glendenning cisaillant l'araignée tatouée sur le ventre d'Emily et comprit avec stupeur que la perte de l'innocence était un processus ininterrompu, qu'il continuait à perdre la sienne, comme une plaie qui ne cicatriserait jamais, et qu'il continuerait sans doute à

la perdre, goutte après goutte, jus-

qu'au jour de sa mort.

FIN

REMERCIEMENTS

D'abord, tous mes remerciements à ceux qui ont lu et commenté ce manuscrit tout au long de son élaboration : en particulier Sheila Haladay, Dominick Abel, Patricia Lande Grader, Beverley Cousins, Erika Schmid et Mary Adachi. Un grand merci aussi à Robert Barnard pour ses remarques inimitablement précieuses et amusantes.

Si j'ai pris des libertés avec les procédures de la police à des fins dramatiques, les détails justes viennent entièrement de mes conversations avec le commissaire divisionnaire Phil Gormley, les inspecteurs de police principaux Alan Young et Claire Stevens,

de la gendarmerie de Thames Valley, et l'inspecteur-chef Keith Wright, de la P.J de Nottingham. Toute erreur serait entièrement de mon fait.

DU

MEME

AUTEUR

Aux …ditions Albin Michel

qUI S»ME LA VIOLENCE... SAISON S»CHE

< SPECIAL SUSPENSE > MATT ALEXANDER

Requiem pour les artistes STEPHEN* AMIDON

Sortie de route

RICHARD BACHMAN La Peau sur les os Chantier Rage

Marche ou crève CLIVE BARKER

Le Jeu de la Damnation GILES BLUNT

Le Témoin privilégié GERALD A. BROWNE 19 Purchase Street Stone 588

Adieu Sibérie

ROBERT BUCHARD Parole d'homme Meurtres à Missoula JOHN CAMP

Trajectoire de fou JOHN CASE

Genesis

JEAN-FRAN«OIS COATMEUR La Nuit rouge

Yesterday

Narcose

La Danse des masques

Des feux sous la cendre La Porte de l'enfer CAROLINE B. COONEY Une femme traquée HUBERT CORBIN Week-end sauvage Nécropsie Droit de traque PHILIPPE COUSIN

Le Pacte Pretorius DEBORAH CROMBIE

Le passé ne meurt jamais

Une affaire très personnelle JAMES CRUMLEY

La Danse de l'ours

JACK CURTIS

Le Parlement des corbeaux ROBERT DALEY

La nuit tombe sur Manhattan GARY DEVON

Désirs inavouables

Nuit de noces

WILLIAM DICKINSON

Des diamants pour Mrs Clark

Mrs Clark et les enfants du diable De l'autre côté de la nuit MARJORIE

DORNER

Plan fixe

FR…D…RIC H. FAJARDIE

Le Loup d'écume

FROMENTAL/LANDON

Le Système de l'homme-mort STEPHEN GALLAGHER

Mon sur catalogue CHRISTIAN GERNIGON

La queue du Scorpion

(Grand Prix de

littérature policière 1985) Le Sommeil de l'ours Berlinstrasse JOHN GILSTRAP

Nathan

JEAN-CHRISTOPHE GRANGE

Le Vol des cigognes

Les Rivières pourpres (Prix RTL-LIRE 1998) Le Concile de pierre JAMES W.

HALL

En plein jour

Bleu Floride

Marée rouge

Court-circuit

JEAN-CLAUDE

H…BERL…

La Deuxième Vie de Ray Sullivan

CARI. HIAASEN

Cousu main

JACK HIGGINS Confessionnal

MARY HIGGINS CLARK

La Nuit du Renard

(Grand Prix de

littérature policière 1980) La Clinique du Docteur H. Un cri dans la nuit La Maison du guet Le Démon du passé

Ne pleure pas, ma belle Dors ma jolie

Le Fantôme de Lady Margaret Recherche jeune femme aimant danser Nous n'irons plus au bois Un jour tu verras... Souviens-toi Ce que vivent les rosés

La Maison du clair de lune Ni vue ni connue

Tu m'appartiens

Et nous nous reverrons...

Avant de te dire adieu

Dans la rue o˘ vit celle que j'aime CHUCK HOGAN

Face à face

KAY HOOPER

Ombres volées

PHILIPPE HUET

La Nuit des docks

GWEN HUNTER

La Malédiction des bayous PETER JAMES

Vérité

TOM KAKONIS

Chicane au Michigan Double Alise

MICHAEL KIMBALL

Un cercueil pour les CaÔmans LAURIE R. KING

Un talent mortel STEPHEN KING

Cujo

Charlie

JOSEPH KI.EMPNER Le Grand Chelem

Un hiver à Fiat Lake DEAN R. KOONTZ Chasse à mort Les …trangers

PATRICIA MACDONALD

Un étranger dans la maison Petite Súur

Sans retour

La Double Mort de Linda

Une femme sous surveillance Expiation

Personnes disparues

Dernier Refuge

PHILLIP M. MARGOLIN

La Rosé noire

Les Heures noires

Le Dernier Homme innocent

Justice barbare

DAVID MARTIN

Un si beau mensonge

LAURENCE

ORIOL (NOÀLLE LORIOT)

Le tueur est parmi nous

Le Domaine du Prince

L'Inculpé

Prière d'insérer

ALAIN PARIS

Impact

Opération Gomorrhe

RICHARD NORTH PATTERSON

Projection privée

THOMAS PERRY

Une fille de rêve

Chien qui dort

STEPHEN PETERS

Central Park

JOHN PHILPIN/PATRICIA SIERRA Plumes de sang

Tunnel de nuit

NICHOLAS

PROFFITT

L'Exécuteur du Mékong PETER ROBINSON

qui sème la violence... Saison sèche

FRANCIS RYCK

Le Nuage et la Foudre

Le Piège

RYCK EDO

Mauvais sort

LEONARD SANDERS

Dans la vallée des ombres " TOM

SAVAGE

Le Meurtre de la Saint-Valentin

JOYCE ANNE SCHNEIDER

Baignade interdite

JENNY SILER

Argent facile

BROOKS STANWOOD

WHITLEY STRIEBER

Billy

Feu d'enfer

MAUD TABACHNIK

Le Cinquième Jour

THE ADAMS ROUND TABLE PR…SENTE Meurtres en cavale La composition de cet ouvrage

a été réalisée par l'Imprimerie Bussière, l'impression et k brochage ont été effectués sur presse Cameron

dans les ateliers de Bussière Camedan Imprimeries à Saint-Amand-Montrond (Cher),

pour le compte des …ditions Albin Michel.

Achevé d'imprimer en décembre 2001.

N∞ d'édition : 20245. N∞ d'impression : 16102-014851/4. Dépôt légal : janvier 2002.