XIII
Plus de frange d’or, pour Melein : uniquement le blanc. Elle s’était coupé d’autres robes et fait une maison – son Edun – dans le compartiment voisin du poste de commande. Le nouveau cadre des mri, simple et plaisant : un fauteuil (le sien), trois matelas où s’asseoir, et une première suite d’arabesques le long de chaque cloison, différence merveilleuse avec les locaux dénudés. De son refuge, Melein commençait une conquête du Fennec, qu’elle transformait en un donjon mri.
Grâce aux souvenirs, elle restituait l’Edun Kesrithun, la Maison du Peuple. Elle n’avait pas oublié les frises, les lettres, les mots : d’elle-même, de son propre génie, la she’pan Melein en donnait l’exacte réplique, Tâche ardue pour une œuvre sacrée.
Et pour la plus grande vénération de Niun quand il voyait une nouvelle bande d’enluminures, quand il voyait vivre à nouveau une autre cloison, une autre porte. Cette maîtrise suprême – incroyable ! Melein qui, avant d’être she’pan, était la plus jeune fille de l’Edun. Melein Zain-Abrin, Élue d’Intel Mère de Kesrith.
Une petite Melein, une chère petite sœur, une camarade, puis une Kel à la même époque que lui. Ces Melein, Niun les avait oubliées. L’une après l’autre – tout comme, l’une après l’autre, naissaient les fresques sous sa main. Oublié le temps où les femmes kath faisaient jouer Niun et Melein, oubliées les galopades, plus tard, les crêtes au-dessus de l’Edun, les batailles pour s’amuser (Toi-tu-es-le-kel’en-moi-je-suis-le-tsi’mri !). Les temps changeaient. Respect à Melein la She’pan, Melein l’Omnisciente, Melein étrangère face à Niun. Niun le kel’en, qui ne pouvait qu’obéir. Pas pour lui, les textes, pas pour lui, le pinceau, pas pour lui, la clé des phrases mystérieuses que Melein employait soudain. Cinq années, depuis le temps où ils étaient tous deux élèves des vieux maîtres kel. Et depuis, à son profond désarroi, il avait vu se creuser un abîme entre eux. Ses pommettes, comme les siennes, montraient les balafres bleues du seta’al, la marque distinctive, l’orgueil des guerriers mri. Oui, mais ses doigts n’avaient plus le droit d’empoigner une arme, et, par son maintien, elle opposait à tous le calme marmoréen des Sen. Elle ne mettait plus de voile. Une she’pan cachait rarement son visage : eût-elle pu le cacher à ses enfants ? Elle ne le cachait qu’en certaines occurrences – face à un sacrilège, ou face à l’inconcevable. Et Melein était une she’pan sans famille : des Sen en robes d’or eussent dû être là, à son service ; et des Kel chevronnés – ses Époux ; et, comble de la joie, des femmes kath qui eussent mis au monde leurs bébés rieurs. Et lui ? Il y avait des moments douloureux où il jugeait bien infime ce qu’un jeune kel’en faisait pour elle.
« Niun… » Elle souriait, effleurait la main dont il présentait la paume. Et il s’agenouilla à droite du fauteuil – il s’agenouilla, car les Kel ignoraient le luxe que sont les meubles, tout comme l’ignoraient ces ascètes qu’étaient les Sen. À droite du fauteuil, donc, avec le grand dus irradiant l’euphorie. L’autre, le petit, simple visiteur, resta aux pieds de la she’pan. Il l’adorait, en bon dus. Un cerveau sen, disait-on, était trop complexe, trop intellectuel pour le goût des dusei. Était-ce vrai ? Point d’interrogation. Chose bizarre : quand Melein était dans la caste des guerriers, pas un seul dus ne l’avait cherchée – cause d’un vif chagrin, et d’une non moins vive jalousie à l’égard d’autres kel’ein. En fin de compte, elle s’en passait. Le petit dus adorait, oui, mais c’était tout. L’animal préférait un tsi’mri – même un tsi’mri – à Melein s’Intel, à la pensée calculatrice d’une she’pan.
Niun courba la tête sous le léger contact des doigts minces.
« J’ai Duncan avec moi, » dit-il. « Je lui ai enseigné nos règles, il les connaît. »
— « Puisque tu juges l’heure venue, amène-le. »
Niun hésita. Il eût voulu prier encore Melein, prier cette she’pan d’être patiente, indulgente, prier cette She’pan qu’il avait eue pour sœur. Mais non : il ne décelait plus en elle la petite Melein, il n’était plus son frère. Et le trouble de Niun se transmit aux dusei. Le sien gronda. Il le poussa doucement. Duncan…
Duncan attendait. Là où on l’avait laissé, dans le couloir.
« Viens, » lui dit Niun « Et ne te voile pas, Nous ne sommes pas chez un tsi’mri. »
Duncan se borna à nouer son mez sous son menton et il entra derrière Niun. Il s’immobilisa au milieu de la pièce, jusqu’au moment où Melein lui fit signe. Elle montrait un matelas, à sa gauche – et à côté du petit dus.
Duncan y alla, saisi d’une peur affreuse. Il avait peur des dusei. Niun ouvrit la bouche pour protester – mais ne serait-ce pas une honte pour l’homme, mettre en doute l’opportunité de sa présence ? D’ailleurs, Duncan s’asseyait déjà. Niun se plantâ à droite de Melein – et à une simple longueur de bras du tsi’mri. Il toucha le petit dus. L’animal était calme. Un bon point ! Au moins un.
« Duncan… » Melein parlait, d’une voix très douce. Kel Duncan, Niun juge que, désormais, tu possèdes bien le hal’ari. »
— « Sauf encore un certain vocabulaire, c’est exact, she’pan. »
— « Mais n’est-il pas vrai que tu possédais quelques notions du mu’ara avant de nous rencontrer ? »
— « Quelques notions, oui. Quelques mots. »
— « Je pense que tu as beaucoup travaillé. Sais-tu depuis combien de temps tu es à bord ? »
— « Non. Je ne calcule plus le temps. »
— « Es-tu satisfait, Duncan ? »
— « Oui. »
Niun eut un hoquet. Incroyable ! Duncan mentait. Duncan mentait comme seul pouvait mentir un humain.
Mentir. Chose défendue.
« Tu sais que nous retournons chez nous ? »
— « Niun me l’a dit. »
— « Tes frères humains le savent-ils ? En ont-ils idée ? »
Quoi répondre ? Cette question troublait Duncan. Inquiétude que ressentit Niun par l’intermédiaire des dusei. Une onde d’angoisse.
« Notre voyage aller date d’il y a bien longtemps, kel Duncan, d’une époque où nous n’aurions pu disposer de vaisseaux rapides tels que le Fennec. Nous nous traînions, alors, nous nous sommes traînés sur la route qui nous menait vers vous, sur des siècles, voire des millénaires. Je dois dire qu’habituellement il y a une période d’oubli pour le Peuple, que dans les Ténèbres qui règnent entre deux Soleils, il y a des générations mises au monde. Ces générations ne peuvent connaître les Pana, les Objets Saints, les Mystères. Des générations du voyage. Le jour où elles débarquent sur une autre planète, ces générations ignorent tout de ce qu’on ne leur a point enseigné. Mais cette fois – cette fois, kel Duncan, en ta personne, nous transportons notre passé vivant. Et quoique ce soit contre nos lois, contre les grands principes des she’panei, notre voyage diffère de tous les autres, et ces Ténèbres-ci de toutes les autres Ténèbres. J’ai permis que tu restes avec nous, Dis-le-moi donc, Duncan : les humains se doutent-ils que nous retournons chez nous ? »
Les garçons et filles des kath jouaient à un mauvais jeu : le Vrai-Pas Vrai. Tu touches le dus et tu essaies de mentir. Si la Mère l’apprenait, elle y mettrait bon ordre, bien que les bêtes fussent tolérantes avec les petits : leurs mensonges puérils n’incommodaient pas un dus.
Cherche, cherche où est ma pierre :
Ici, où là ? Devant ? Derrière ?
Touche le dus et essaie de mentir.
Mais pas entre frères, pas entre Kel, ni entre Sen. « Melein ! Duncan a peur du dus. »
— « Ah oui ? Il a peur ? Dis-moi, Duncan : qu’est-ce que les humains croient de la bande dont ils ont équipé le Fennec ? »
— « Les humains croient que… que les coordonnées peuvent mener à une ou plusieurs bases mri. »
Atmosphère lourde, oppressante tout à coup. Atmosphère d’avant un cyclone. Le grand dus frémit, pointa le museau. « Calme ! » lui murmura Niun, lèvres plaquées à son oreille – et il la tortilla ensuite, pour le distraire.
— « Une base ? Donc, les humains ont certainement un double des coordonnées, un double de la bande. Ils auront pris ce qui était dans le Pan’en. Et comme ils ne veulent pas nous rendre méfiants, ils t’ont embarqué avec nous. »
Un cri aigu, un choc… Le petit dus avait foncé sur Duncan qui tomba à plat ventre. Une même peur tenait les deux bêtes.
— « Yai ! » Niun octroya une bourrade au sien.
Le grand dus réagit, s’en prit à son congénère – un coup de bélier qui tint le fautif en respect – et le kel’en put se ruer vers Duncan.
C’était le point culminant de l’épouvante des dusei, une épouvante qui décrût bientôt – les deux bêtes face à face, Duncan qui se redressait, blême ? Niun saisit son bras gauche, mit à nu le biceps, la chair enflée – trouée par l’ergot du petit dus.
Le venin dus.
« On n’en meurt pas, » dit-il à Duncan. Il voulait le tranquilliser, vaincre cet ébranlement de tout son être. Mais Duncan l’entendait-il ? Melein s’approcha, palpa le membre blessé. Non par pitié. Simple marque de curiosité.
Les dusei revinrent. Houspillé d’abondance, le petit marchait derrière l’autre, irradiait des idées de carnage. Le grand flaira Duncan, et l’humain poussa un cri d’effroi.
« Tu leur fais du mal à tous deux, » hasarda Niun, pensant que Melein aurait peut-être de la peine, pour le dus ou pour l’homme.
— « Du mal ? Duncan reste un tsi’mri. Et il nous ment, depuis le premier jour. Je l’ai vite su. Toi-même, tu le vois. »
— « Tu ne te rends pas compte. Il a eu peur des dusei, principalement du petit. Pouvais-tu croire qu’il se fierait à toi ? Le dus souffre, Melein… et j’ignore à quel point c’est grave. »
— « Tu t’oublies. »
— « Excuse-moi, she’pan. » Mais Niun eut beau s’incliner, Melein ne s’amadouait guère. Il saisit le bras indemne du tsi’mri pour l’aider à se mettre sur pied, le maintint pour qu’il ne retombe pas.
Dès que le dus vit Niun marcher, il colla à ses talons, et ils quittèrent la chambre de la she’pan.
Par à-coups, Duncan émergeait du délire, par à coups il semblait à nouveau conscient, promenait un œil autour de lui. Mais seulement par brefs à-coups. Il ne luttait pas, sombrant une fois de plus dans le noir, dans le cauchemar. Niun le laissait délirer, et laissait l’éclairage en veilleuse. Il préférait que l’homme et la bête aient le moins de sensations possibles.
Et puis, comme la phase nocturne venue il n’affichait aucun mieux, Niun s’occupa de Duncan. Telle une femme kath déshabillant un enfant, il ôta mez et zaidhe, et les robes, pour que le corps prenne la bonne chaleur des dusei. Il allongea Duncan entre les deux bêtes, sous une double couverture.
Virulent, le poison dus. Lien établi de force, unissant deux êtres qui jusqu’alors ne se supportaient pas. Plaie profonde faite par l’ergot du dus, et Duncan avait reçu plus de poison qu’il ne fallait, une dose dangereuse, même pour un mri. Mais, d’après les vieilles croyances (fondées ou non ? Niun, en bon kel’en, l’ignorait), une fois le poison inoculé, le dus connaissait son homme, et une fois que l’homme y avait résisté, il ne courait plus le moindre danger au contact de cette bête, il n’avait plus à craindre ni son ergot ni sa fureur — et cette bête ne le quitterait jamais plus. Règle générale, car il était fréquent qu’un homme reçoive un coup d’ergot, voire un coup profond, d’où, à l’occasion, une nuit de fièvre. Mais, somme toute, un homme mal habitué à « son » dus réagissait peut-être plus violemment qu’un autre.
Ayant assez de jugeote, formée par les Kel, puis par les Sen, Melein devait bien comprendre un dus, comprendre que si elle harcelait Duncan jusqu’à l’affoler, elle troublerait la bête, et que le dus se montrerait agressif. Mais, de même que la vieille she’pan Intel, Melein avait un caillou en guise de cœur.
Duncan ? Nu, exposé à la chaleur animale et aux sécrétions du dus, son sang charriant le venin de l’ergot, Duncan s’adapterait à cette tâche comme la bête s’adapterait à Duncan – s’il n’en mourait pas, ou si le dus n’était pas frappé de folie : la miuk qui, parfois, faisait un tueur d’une pauvre créature poussée à bout. Melein risquait donc de faire un monstre du petit dus.
Le dus miuk’ko ? En ce cas, Niun ne pouvait certifier que l’humain ne le suivrait pas dans la démence. Il n’aurait pas été le premier. On connaissait le drame d’un mri victime de son dus fou. Grâce aux Dieux, Niun n’avait pas été là pour le voir.
La sirène mugit.
Niun se tourna vers l’écran, jura. Pas vrai ! Le plus mauvais moment pour un saut !
Le gong. Les dusei grondèrent. Duncan, lui, ne fit qu’étreindre le cou du sien, joue contre poil, étreindre la bête, plonger dans les affres de la bête, dans les angoisses de la bête.
Peut-être y trouva-t-il un refuge. Douze heures de « nuit », trois bonds successifs. Homme et dus cramponnés l’un à l’autre, homme et bête irradiant une même peur, une telle peur que le grand dus ne put rester près d’eux.
Les dusei, croyait-on, ne se souvenaient jamais des événements. Ils ne se souvenaient que des personnes. Était-ce l’explication, pour Duncan, pour le havre auquel il se confiait ?
Douze heures de nuit – puis un nouveau matin.
« Bois, Duncan. » Sans le prier davantage, Niun lui fit ingurgiter une mesure d’eau (car, n’étant pas un dus, l’homme en avait besoin). De même, il avait besoin qu’on lui mouille le front, les joues.
— « Donne-moi mes robes… » dit-il soudain, à la profonde surprise – et profonde joie – du kel’en. Tout heureux, Niun, cette fois, put dégager l’humain d’un dus accablé, le saisir, le mettre debout. Bien peu solide, d’ailleurs, l’humain ! Son bras était toujours brûlant, la chair toujours enflée. Niun dut l’aider à mettre ses robes, et il se voila, comme s’il tenait à ne rien montrer de sa misère.
— « Écoute, j’irai voir la she’pan, » proposa Niun. « Je lui parlerai. »
L’humain prit une inspiration et, tremblant de tout son être, chercha à éloigner l’autre dus qui flairait sa jambe. L’animal faillit le faire tomber, et il ne garda l’équilibre que grâce au mri. Mais il refusait le soutien de Niun. Il refusait le contact.
— « Tu te trompes, » dit-il. « Melein a vu juste. Je… » Nouvelle inspiration. « Des vaisseaux suivent le Fennec. Des vaisseaux humains. Des croiseurs. J’ai menti, Niun. On ne vous a jamais fait cadeau du Fennec. Ces croiseurs ont les mêmes coordonnées, la même bande-pilote que nous, et ils sont sur notre route. Tôt ou tard ils vont nous rejoindre. Ce qu’ils feront alors, je n’en sais rien : je ne… je n’étais pas dans le secret. Oui, la she’pan a bien deviné pourquoi on m’a embarqué avec vous ; pour que vous n’ayez aucune crainte, pour que j’apprenne certaines choses dont la bande ne peut rien révéler, et, si possible, pour me recueillir en fin d’opération. Mais moi, je leur ai arraché le Fennec et j’ai pris le large. Dis-le-lui, à la she’pan. C’est tout ce que je sais. Jugez comme bon vous semblera. »
Et il gagna le fond de la pièce, le coin où il pouvait s’isoler. Le petit dus se laissa choir lourdement près de l’homme, qui accepta. Serrant à deux bras le cou du dus, il était là, immobile, l’œil vague et traduisant un désespoir que Niun n’avait encore jamais vu sur aucun visage.
« Amène-le, » dit Melein, quand Niun lui eut rapporté cette confession.
— « She’pan… Duncan a aidé le Peuple. »
— « Tais-toi. N’oublie pas que tu es kel’en, et kel’anth : tu me dois entière loyauté. »
Entière. Oui : le droit était pour Melein, le droit d’une race à survivre. Réponse-choc, argument devant lequel on ne peut que s’incliner.
Il s’inclina donc, et, le soir, ne broncha point pendant que la she’pan sondait Duncan, pendant que la she’pan obtenait de l’humain tout ce qu’il pouvait révéler.
Interrogatoire ayant lieu au cours d’un repas pris en commun. Une parodie de repas. Sans joie, sans chaleur, mais avec un goût amer dans la bouche – Duncan ne disait rien – sauf quand Melein le questionnait. Les dusei brillant par leur absence — pauvres bannis ! – il se trouvait seul, loin d’eux, et tout aussi loin (crève-cœur pour Niun) de son camarade mri qui était à droite de la she’pan. Du côté de la she’pan,
Oh ! ils auraient pu succomber à une tentation : boire outre mesure. Cette bière régul, l’echig, bière forte dont les fûts remplissaient une soute. Le genre soï, l’echig. Mais, heureusement, on ne trouvait pas de komal, Niun exécrait les sombres effets d’une drogue qui avait valu des rêves ignobles à Intel, She’pan de Kesrith, rêves suggérant à Intel une idée funeste, Rêves non moins funestes qu’un Duncan causant la ruine du Peuple, créant un danger qui, ils le savaient désormais, menaçait le Fennec.
La She’pan de Kesrith, orgueilleuse au point d’être impitoyable pour les siens.
Mais Niun n’aurait pu le crier à Melein. Jamais il n’aurait pu défier la femme qui lui était plus chère que la vie, plus chère que son honneur. Jamais devant un tsi’mri qui les précipitait dans… Et pourtant, lorsqu’il regardait Duncan, alors, alors seulement, il souffrait pour l’humain. La peine de l’humain le harcelait, Quatre jours s’écoulèrent.
Chaque soir eut lieu le même repas en commun, et chaque soir ils observèrent le même quasi-mutisme. Parler ? À quoi bon ? Melein avait eu une réponse à toutes ses questions, ou presque. Toute la personne de la she’pan provoquait un froid, d’ailleurs – et le froid envahit bientôt la salle kel. Plus de chaleur d’homme à homme dans le shon’ai. Plus qu’une suite de mouvements mécaniques, stéréotypés, au lieu d’un Jeu brillant. Simple souci de la tradition au lieu d’un véritable échange. Duncan montrait même si piètre forme, parfois, que Niun ne voulait plus utiliser les lames. Puis il refusa de le pousser plus longtemps.
Duncan le traître.
Duncan qui n’aurait plus jamais la paix.
« Ce n’est qu’un tsi’mri, » trancha Melein (Duncan était absent). « Un tsi’mri doublé d’un traître, envers nous et envers les humains. Et tu voudrais que le Peuple lui fasse confiance ? Une créature faible, Niun, tu as bien su le prouver. »
Oui… il avait su le prouver. Beau résultat à son actif ! Lui-même souffrait.
La fièvre due au venin tomba, mais l’angoisse demeura. Tantôt malmené, tantôt supporté de mauvais cœur, le petit dus geignait, grondait. L’homme était toujours isolé dans sa peine, où nul n’aurait pu le rejoindre.
L’astronef effectua un nouveau saut, et un autre, et un autre.