CHAPITRE II

 

 

Après avoir garé son Opel Corsa de location sur le trottoir de la rue Miloso Pocerco, Malko descendit jusqu'à la rue Sarayewska et remonta Vojvodina Milenka, escarpée comme un sentier de chèvres, où se trouvait l'entrée du personnel de l'ambassade américaine de Belgrade, plus discrète que l'entrée principale sur l'avenue Kneza Miloza. La chancellerie, le consulat et les services annexes occupaient un ensemble de vieux bâtiments entre les rues Sarayewska et Kneza Miloza. D'énormes blocs de ciment alignés sur le trottoir les protégeaient d'éventuels attentats, qui ne s'étaient jamais produits.

Pourtant, en Serbie, les Américains étaient à peu près aussi populaires qu'en Irak, même si le nouveau gouvernement les embrassait officiellement sur la bouche. Mais il n'y avait jamais eu aucun attentat antiaméricain depuis la réouverture de l'ambassade fin 1999. D'ailleurs, les Serbes, avec un passé sulfureux, un présent glauque et un avenir douteux, avaient d'autres chats à fouetter. Écarte-lés entre leurs vieux démons nationalistes et leur soif d'une vie enfin normale, ils voyaient le pays s'enfoncer inexorablement dans une crise sans fin et sans issue... Malko remonta Vojvodina Milenka sur cent mètres, écrasé par la chaleur infernale. Le goudron fondait sous ses pieds.

En quatre ans, Belgrade n'avait guère changé. Les immeubles détruits par les bombes de l'OTAN, vestiges d'une époque révolue, n'avaient été ni réparés ni rasés, énormes tas de gravats semés un peu partout. Rien que sur Kneza Miloza, il y en avait trois. Au sud de la ville, les deux ponts enjambant la Sava avaient toujours une partie de leur tablier dans la rivière. Les Serbes, en dépit de leur appétit de vie, ressemblaient à des zombies, le regard lointain, noyés dans leurs problèmes. Les prix augmentaient sans cesse, le pays ne produisait plus rien. Le gouvernement n'avait aucun pouvoir et, sans la diaspora, la Serbie aurait ressemblé à un pays d'Afrique. Pourtant, les terrasses des innombrables cafés étaient pleines. C'est là que tout se passait, dans une ambiance irréelle de bonne humeur. Les clients restaient des heures devant une bière ou un café, à regarder les femmes, toutes plus sexy les unes que les autres, légèrement vêtues sous le soleil, ou à discuter politique. Un des seuls plaisirs de cette ville laide, chaude, usée et noirâtre.

Un petit gitan jaillit de derrière une voiture et harcela Malko jusqu'à ce qu'il lui donne une pièce de dix dinars. Il avait déjà l'expression dure et rusée d'un adulte. Les vieux trams de l'époque communiste continuaient à se traîner à leur allure d'escargot, mêlés aux bus verts essoufflés, remplacés parfois par de somptueux bus jaune et bleu offerts par le Japon et portant sur leurs flancs les drapeaux entrecroisés de la Serbie et du Japon. Pourquoi le Japon ? Mystère des Nations unies.

Sa chemise de voile collée à son torse par la transpiration, Malko arriva enfin au numéro huit. Un garde en uniforme entrouvrit la porte et le héla.

- L'entrée principale est sur Kneza Miloza, sir, annonça-t-il.

- Je sais,dit Malko, mais on m'attend. M. Mark Simpson.

Le garde consulta une feuille et le laissa entrer. À l’intérieur, il faisait délicieusement frais, comme à l'hôtel Hyatt que Malko avait retrouvé inchangé depuis son dernier séjour ', quand les missiles Tomahawk s'abattaient sur Belgrade. En face de l'hôtel, le building qui avait abrité la télévision de Mme Milosevic n'était plus qu'une carcasse vide ouverte à tous les vents.

- Suivez-moi, sir, annonça un jeune homme aux cheveux courts qui venait de surgir d'un long couloir. M. Simpson vous attend.

L'ambassade US s'étageait sur plusieurs niveaux à cause de la pente de Vojvodina Milenka, plusieurs immeubles réunis tant bien que mal la composaient. Beaucoup de pièces étaient condamnées car elle tournait au ralenti. Malko déboucha dans un couloir poussiéreux, éclairé au néon comme dans le Tiers Monde. Un homme mince, les cheveux noirs rejetés en arrière, costume clair et cravate discrète, vint à sa rencontre et lui serra chaleureusement la main.

- Welcome back in Belgrad! lança-t-il. Je suis Mark Simpson.

Il le fit entrer dans un bureau qui donnait sur une cour intérieure plutôt sinistre. Peu de dossiers, une grande carte de la Serbie et du Monténégro au mur, à côté du portrait de George W. Bush. Par la porte entrouverte, Malko aperçut dans le bureau voisin une secrétaire boudinée dans une robe à fleurs. Mark Simpson la héla.

- Mary ! Pouvez-vous nous apporter du thé glacé ?

Au même moment, on frappa à la porte du bureau de Mark Simpson qui cria d'entrer. Le battant s'ouvrit sur un Noir aux traits réguliers, tiré à quatre épingles comme une gravure de mode, qui s'excusa d'un sourire.

- Désolé de vous déranger, je voulais seulement vous avertir que je déjeune avec le ministre des Affaires étrangères.

- Malko, dit Mark Simpson, je vous présente Richard Stanton, l'envoyé spécial du State Department, qui cherche à convaincre le gouvernement de Belgrade de lui livrer le général Ratko Mladic. Le prince Malko Linge est l'un de nos meilleurs chefs de mission.

Richard Stanton et Malko échangèrent une poignée de main et Malko demanda :

- Vos démarches sont couronnées de succès ?

Le Noir leva les yeux aux ciel.

- Non. Ils prétendent qu'ils ne savent pas où se trouve Mladic. Alors que nous savons exactement où il se cache. C'est la Serbie. O.K., je vous laisse.

- Bonne chance, lança le chef de station.

Mary déboula avec un Thermos. Malko eut une pensée pour la sculpturale Priscilla Clearwater, secrétaire d'un autre chef de station à Belgrade, en 1996. Avec celle-là, il ne risquait pas d'être tenté par le péché de chair. L'Américain alluma une cigarette avec un Zippo au sigle de la CIA et sourit à Malko.

- Je suis sûr que vous pouvez m'apprendre des tas de choses sur Belgrade. Je ne suis là que depuis trois mois.

- Vous êtes arrivé au bon moment, si j'ose dire, remarqua Malko.

Effectivement, le Premier ministre, Zoran Djinjic, avait été assassiné un peu plus haut sur Kneza Miloza, le 12 mars, moins de trois mois plus tôt. Déclenchant la crise la plus grave en Serbie depuis la fin de l'ère Milosevic.

- Je crois que vous êtes un vieux routier de la Yougoslavie, continua le chef de station, donc je n'ai pas grand-chose à vous apprendre.

- J'y ai un peu traîné, admit Malko. Ce n'est pas un pays facile. Mais j'ai peu d'éléments sur l'assassinat de Zoran Djinjic. On m'avait dit que vos relations n'étaient pas au beau fixe depuis quelque temps.

Mark Simpson sourit jaune.

- Je vois que vous êtes bien informé. C'est exact. Il avait un peu dérapé depuis le début de l'année.

- Ah bon ? s'étonna Malko. Comment ?

L'Américain secoua la tête.

- Je ne sais pas ce qui lui a pris ! Il a commencé à nous harceler pour que les choses bougent sur le Kosovo.

- C'est-à-dire?

- Il insistait pour que la diplomatie américaine prenne les choses en main et décide du statut définitif du Kosovo. Ce qui est une vraie bombe à retardement puisque nous nous sommes engagés auprès des Kosovars d'origine albanaise à leur donner l'indépendance et, aux Nations unies, à ce que le Kosovo reste une province serbe...

Un ange passa, volant en zigzag... Malko n'ignorait pas que le Kosovo, où les Kosovars albanais avaient pratiqué l'épuration ethnique envers les Serbes, n'en laissant que 80000 sur 300000, était une vraie «patate brûlante».

- Nous avons fait passer des tas de messages à Djinjic, continua le chef de station, mais il n'en tenait pas compte.

Et puis...

H laissa sa phrase en suspens et Malko se fit un malin plaisir d'enchaîner :

- Ce n'est quand même pas vous qui...

Mark Simpson eut un sourire un peu crispé.

- On m'avait prévenu que vous aimiez l'humour noir.

Non, ce n'est pas nous, mais l'aboutissement d'une longue histoire qui remonte à l'an 2000. À cette époque, Zoran Djinjic a fait un pacte avec le diable.

Malko eut un sourire entendu.

- Il y a un proverbe allemand qui dit que pour dîner avec le diable, il faut une cuiller avec un très long manche...

- Le manche de la sienne n'était pas assez long, soupira Mark Simpson. En septembre 2000, le régime Milosevic était mal en point. Une grande manifestation contre lui était prévue pour le 9 octobre. Seulement, Djinjic savait que cette manifestation pouvait être brisée par la JSO, les Bérets Rouges, une force qui disposait de blindés, d'artillerie et d'hélicoptères. Et surtout, de combattants aguerris, sans scrupules, qui avaient mené l'épuration ethnique en Croatie, en Bosnie et au Kosovo pour le compte de Milosevic. Même l'armée ne voulait pas les affronter. Alors, Zoran Djinjic a fait une proposition au colonel commandant les Bérets Rouges, un certain Milorad Lukovic, dit «Legija» à cause de son passé dans la Légion étrangère française. Les Bérets Rouges ne brisaient pas la manifestation anti-Milosevic, moyennant quoi, on les laissait tranquilles. À l'époque, ils étaient déjà associés avec les voyous du clan de Zemun.

- Pourquoi ont-ils accepté ?

- Bs sentaient bien que l'ère Milosevic touchait à sa fin et qu'ils seraient emportés avec lui s'ils ne choisissaient pas le bon camp. Le reste, c'est de l'Histoire. Le 9 octobre, la foule belgradoise s'est emparée des bâtiments publics et Slobodan Milosevic a été assigné à résidence dans sa villa de Dedinje. Les Bérets Rouges étaient restés dans leur caserne. En apparence, Zoran Djinjic avait gagné : l'Europe et les Etats-Unis ont applaudi sa détermination et, en 2001, le président George W. Bush l'a invité officiellement à Washington en tant que champion de la nouvelle démocratie serbe. Seulement, le ver était dans le fruit. Cela a commencé insidieusement. D'abord, en juillet 2001, lorsque Slobodan Milosevic a été transféré à La Haye pour y être jugé, une partie de ceux qui s'étaient ralliés au nouveau régime se sont senti bernés. Ils avaient espéré que le problème Milosevic se réglerait en famille, à Belgrade. Milosevic, cela aurait passé, à la rigueur, mais quand Djinjic a voulu envoyer au Tribunal pénal international de La Haye des responsables militaires, les Bérets Rouges sont sortis de leur caserne avec leurs blindés et ont bloqué pendant plusieurs heures les ponts de Belgrade. Et là, Djinjic a réalisé qu'il n'avait aucune force à leur opposer. Qu'il avait laissé se développer un État dans l'État. Alors, au lieu de prendre des sanctions, il a prétendu que le blocage des ponts était dû à des embouteillages... Personne n'a été dupe et les nostalgiques de l'ancien régime se sont senti pousser des ailes. D'autant qu'à la suite de l'éviction de Milosevic, beaucoup de membres de la RDB ou des forces spéciales de la police avaient été chassés de leur poste. Immédiatement, ils ont rejoint le clan de Zemun et l'ont renforcé grâce à leurs connexions innombrables dans les services de sécurité... Tout à continué à pourrir durant l'année 2002. Le clan de Zemun était devenu plus puissant que le gouvernement. Zoran Djinjic, un vrai démocrate qui avait des couilles, a décidé de frapper un grand coup et d'arrêter tous les dirigeants du clan de Zemun, y compris les membres des Bérets Rouges. Seulement, il n'a pas réalisé qu'il était bien seul. En réalité, il s'était développé une idéologie «néo-Milosevic» parmi tous ces gens. Comparaître devant le tribunal de La Haye les révulsait. Alors, ils ont préparé un véritable coup d'État, persuadés que le peuple se soulèverait si on supprimait Djinjic et ses amis.

- Ils étaient coupés de la réalité, observa Malko.

L'Américain approuva vigoureusement.

- Tout à fait ! Comme l'OAS, en France, en 1962. Un groupe d'officiers attachés à l'Algérie française a tenté de prendre le pouvoir, mais le peuple français n'a pas suivi.

Ici, en Serbie, Milorad Lukovic et ses amis avaient prévu, en plus de Djinjic, d'assassiner trois ministres : Slivanovic, Jevanovic et Popovic. L'opération s'appelait «Stop à La Haye». Des affiches devaient tapisser les murs de Belgrade, des milliers de tracts auraient été distribués et l'armée s'était engagée à ne pas bouger. L'idée des conjurés était de remettre, à la place de Djinjic, Kostunica, l'ancien Premier ministre, considéré comme beaucoup plus nationaliste. Il faut dire que le patron de l'Army Intelligence, le général Momir Stojanovic, est un criminel de guerre et le protecteur numéro un du général Ratko Mladic, le bourreau de la Bosnie... Et puis, un grain de sable a fait dérailler le coup d'État. Zoran Djinjic a demandé au procureur d'établir quarante-deux mandats d'arrêt aux noms des principaux membres du gang de Zemun. Seulement, le procureur était, lui aussi, comme des centaines de magistrats et de policiers, payé par le gang de Zemun.

- Et il les a prévenus ! conclut Malko.

- Exact. Deux jours plus tard, Djinjic était assassiné. Il avait toujours refusé de porter le gilet pare-balles que je lui avais offert et son service de sécurité était complètement pourri... Après sa mort, le nouveau Premier ministre, Zoran Zivkovic, a mis les bouchées doubles. D'abord, on a arrêté l'assassin, celui qui avait appuyé sur la détente du fusil d'assaut H&K, le numéro deux des Bérets Rouges, puis on a dissous ceux-ci, arrêté deux mille personnes, magistrats et policiers, et institué l'état de siège. La gendarmerie a liquidé quelques-uns des membres du clan de Zemun, mais personne, presque trois mois après le meurtre, n'a pu mettre la main sur l'organisateur du complot, Milorad Lukovic, dit « Legija ».

- Djinjic a commis une grave erreur de jugement, conclut Malko.

- Oui. Il n'avait pas bien mesuré le rapport de forces. Le clan de Zemun surveillait tous ses faits et gestes et écoutait même son bureau. Quand ils ont compris qu'il se préparait à rompre le pacte conclu avec eux, ils ont réagi. Sur l'autoroute de Zagreb, un camion a percuté sa voiture et l'a immobilisée. Normalement, ce qui suit, c'est un arrosage à l'arme automatique. Là, il n'y a rien eu. Les voyous de Zemun voulaient lui donner un dernier avertissement. D'ailleurs, lorsqu'il a été tué, il utilisait encore les béquilles dont il avait besoin depuis cet « accident ».

- Est-ce que maintenant la situation est assainie? demanda Malko.

Mark Simpson marqua une petite hésitation avant de laisser tomber une réponse lapidaire.

- Non. Il y a quelques jours, on a failli coincer Milorad Lukovic. Un de ses complices, Momcilo Pantelic, impliqué dans le faux accident de l'autoroute de Zagreb, mais relâché, avait décidé de changer de camp. Par l'intermédiaire de son avocat, il a contacté la BIA avec qui il a fait un deal. Seulement, quelqu'un a parlé, et lorsque le patron de la BIA de Belgrade est arrivé au rendez-vous, les complices de Milorad Lukovic étaient déjà passés...

Il raconta à Malko l'incident de la mine bondissante, concluant :

- Si ça se trouve, c'est Goran Bacovic qui a prévenu les autres. Tout est pourri au royaume de Serbie.

- Qu'est-ce qui est arrivé à ce Momcilo Pantelic? interrogea Malko.

- Il s'est tiré une balle dans la tête, quatre heures plus tard, après avoir fumé un paquet de cigarettes et vidé une bouteille de Defender 5 ans d'âge. Ensuite, on a été obligé de faire sauter son cadavre. Il en restait juste assez pour remplir une boîte à chaussures. Depuis, aucune nouvelle de Milorad Lukovic

- Vous pensez qu'il est à Belgrade ?

- C'est ici qu'il est le plus en sécurité, remarqua l'Américain. Il connaît tout le monde, a un réseau de planques, de l'argent et des gens prêts à se faire tuer pour lui. Pourquoi voulez-vous qu'il aille se perdre en Croatie ou au Monténégro ?

Malko commençait à prendre la mesure exacte de la situation.

- Qu'attendez-vous de moi exactement? demanda-t-il.

Mark Simpson lui adressa un sourire plein d'innocence.

- Que vous retrouviez Milorad Lukovic. C'est devenu une des priorités de la Maison-Blanche. Le Président a vécu le meurtre de Djinjic comme une offense personnelle.

- Pourquoi ? demanda Malko après avoir trempé ses lèvres dans un thé trop sucré et pas assez glacé.

- Il a été le premier chef d'État yougoslave a être reçu à la Maison-Blanche, expliqua Mark Simpson. Par George W. Bush qui lui avait prédit un grand avenir. C'était notre homme dans les Balkans.

La gorge séchée par la clim', Malko but la moitié de son thé et sourit.

- Vaste programme. Si les services serbes n'y arrivent pas, comment voulez-vous que j'y parvienne ? Même si je connais un peu le pays.

- Parce que vous avez des atouts que les Serbes n'ont pas, dit simplement le chef de station. D'abord, eux ne veulent pas vraiment l'attraper. Certains, bien sûr, aimeraient bien le voir mort, pour dormir tranquilles, car il sait beaucoup de choses. Mais surtout, nous avons une arme secrète.

Il lui tendit une feuille de papier : un article de la lettre confidentielle VIP News annonçant que Caria Del Ponti, la procureure du Tribunal international de La Haye, avait été contactée par Milorad Lukovic qui avait offert de révéler où se cachaient les deux criminels de guerre les plus recherchés de Serbie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, en échange de l'impunité pour lui.

- C'est vrai ? demanda Malko en lui rendant la feuille.

- Non. C'est un piège que nous tendons à Milorad Lukovic. Avec deux objectifs. D'abord dresser contre lui les amis de Karadzic et de Mladic. S'ils savent où il se planque, ils pourraient le balancer. Ensuite, ça va le rendre fou furieux et si vous venez le titiller, il peut réagir et faire une connerie. Ce qui permettra peut-être de l'approcher et ensuite de le liquider.

Un ange voleta lourdement à travers la pièce. Ce que lui proposait la CIA, c'était pire qu'un pacte avec le diable. Une manip' peut-être encore plus dangereuse que le pacte conclu par Zoran Djinjic. Car Milorad Lukovic n'était pas tombé de la dernière pluie.

- Vous oubliez un menu détail, remarqua Malko. Pour le moment, Milorad Lukovic est en cavale et personne ne sait où il se trouve.

L'Américain but un peu de thé et sourit.

- Je ne vous ai pas donné la suite de l'histoire de Momcilo Pantelic. Avant de mourir, il a balancé le nom de la personne qui hébergeait Milorad Lukovic. Une certaine Tanja Petrovic, chanteuse extrêmement connue, liée à feu Arkan et folle amoureuse de son «légionnaire». Elle le cachait dans une pièce secrète, dans le sous-sol de sa maison, qui avait déjà été perquisitionnée. Évidemment, après les révélations de Momcilo Pantelic, elle a été arrêtée et envoyée à la prison centrale de Belgrade. Pour complicité. Elle aurait dû y rester encore plusieurs mois, seulement je me suis débrouillé avec le juge qui traite son cas.

- C'est-à-dire?

- Ici, avec de l'argent, on achète tout. Pour 5000 dollars, il la remet en liberté provisoire. Tanja Petrovic est la seule personne qui puisse nous mener à Milorad Lukovic. Elle sort de prison après-demain. J'espère que vous ne la raterez pas.

Si la CIA se mettait à acheter les magistrats, il y avait de l'espoir. Sous son air convenable, Mark Simpson était un «bon».