CHAPITRE XXVIII

Quatre minutes avant retour dans l’espace réel, songea Nawara avant de procéder à une rapide vérification des systèmes de son aile X. Les lasers étaient en position, parés à tirer par deux. Il disposait également de six torpilles à protons. Le carburant était encore à un niveau correct et le compensateur d’accélération, réglé sur 0.5, lui permettait de sentir sa position dans l’espace. Ses systèmes de survie semblaient opérationnels.

Le Twi’lek frissonna. Éjecté d’une aile X durant la première bataille de Borleias, il en avait été durement traumatisé. Désemparé, il avait flotté un moment dans l’espace, au milieu d’un combat aérien. Il avait été réduit à regarder le chronomètre incrusté dans la visière de son casque égrener les secondes qui lui restaient avant d’être étouffé par manque d’air.

Je savais que j’allais mourir, se rappela-t-il. Alors, le capitaine Celchu m’a secouru, au péril de sa vie. Pour cette raison, je n’ai jamais pu croire qu’il était un agent impérial.

Un bip de son unité R5 l’informa qu’il restait trente secondes avant le retour dans l’espace réel.

— Merci. Prépare mes boucliers. Je ne crains rien de particulier, mais je veux être prêt.

Le droïd obéit ; le pilote Twi’lek se prépara pour le rendez-vous avec le convoi de bacta.

Le deuxième groupe de l’Escadron Rogue, mené par le lieutenant Pash Cracken et comprenant Gavin, Shiel et Nawara, était censé couvrir la queue du convoi. Le premier, dirigé par Wedge, s’occuperait de la tête. Le troisième, auquel il manquait toujours un pilote, avait pour mission de réagir au moindre problème.

Mais il ne devrait y en avoir aucun. Les débris d’Alderaan formaient un champ d’astéroïdes connu sous le nom de Cimetière. La majorité des vaisseaux qui circulaient dans la zone étaient pilotés par des Aldéraaniens. Ces expatriés revenaient voir ce qui restait de leur terre natale et laissaient des cadeaux d’adieu au milieu des débris.

En dépit d’un retard de trois quarts d’heure, dû à un problème de pompe à carburant, tout se déroulait comme prévu.

Le tunnel blanc où filait l’appareil explosa en un million d’aiguilles de feu. Certaines se muèrent en étoiles distantes ; d’autres persistèrent. Des flèches vertes se plantèrent dans les points les plus brillants du système, puis explosèrent.

— Bon sang ! s’écria le Twi’lek.

— Tout le monde en position d’attaque, ordonna Wedge par le canal de communication. Douze, donnez-moi une vue d’ensemble du secteur. Un et Deux, avec moi.

Nawara vira à tribord de Pash.

— J’y suis, Cinq, annonça-t-il.

— Merci, Six, répliqua Pash.

— J’ai repéré un superdestroyer, intervint Aril Nunb. Il est parti, mais il reste dans le système deux douzaines de Mirettes, deux navettes lambda et un croiseur nommé le Virago.

— Qu’en est-il des transports de frets ? s’enquit Nawara.

— Nous venons de voir exploser le dernier, répondit la jeune femme.

— Tous ? Ils ont tous été détruits ? s’étrangla Nawara.

— Un superdestroyer impérial ne laisse pas grand-chose derrière lui, bredouilla Rysathi, la voix vibrante de peur et de dégoût. Y allons-nous, Leader Rogue ?

— Douze, des nouvelles du Pulsar ? interrogea Wedge.

— Non, commandant, se désola Aril.

— Rien du tout ? Pas même un signal lumineux ? insista-t-il.

— Aucun, confirma-t-elle. Un superdestroyer a suffisamment de puissance pour pulvériser n’importe lequel des vaisseaux du convoi.

— Bon, bon. (La voix de Wedge mourut et personne n’intervint pour combler le vide.) Détruisez-le ! finit-il par lâcher. Écoutez bien. Le croiseur est notre cible principale. Torpilles à protons, tirs jumelés. Je veux qu’il soit désintégré. Tout de suite.

— Ça signifie que les Tie ne pourront pas sortir d’ici, intervint Erisi.

— Cela pose-t-il un problème ?

— Pas pour moi, chef.

— Et pour les lambda ? s’enquit le Twi’lek.

Les deux appareils transportaient des armes. Ils pouvaient s’avérer plus difficiles à maîtriser que les Tie, car ils étaient pourvus de boucliers.

— Nous leur laissons une chance de fuir.

— Je suis en train de télécharger des données pour tout le monde, signala Aril. Le Virago n’est pas à proprement parler un vaisseau impérial : il est allié à Zsinj.

— Était allié à Zsinj, corrigea Wedge. (Son chasseur prit la tête de la formation.) Allons, les Rogues. Il semble que le seigneur de guerre voulait attirer l’attention de l’Alliance. Nous allons lui faire payer son erreur.

À la suite de son chef, l’escadron se précipita vers les forces de Zsinj et les épaves du convoi. Celui-ci avait été piégé au-delà du Cimetière, un peu au-dessous du plan orbital du système.

L’Escadron Rogue était arrivé par l’autre côté.

Nawara consulta son écran tactique. Les Tie mitraillaient en rase-mottes ce qui restait des transporteurs. Avec les débris qui flottaient autour d’eux, Nawara eût été très étonné qu’ils s’aperçoivent de l’approche de l’escadron.

C’est l’arroseur arrosé, songea-t-il. À leur tour de se retrouver piégés.

Du pouce, il arma ses torpilles à protons. Le Virago se trouvait à quatre kilomètres et demi. Menées par Wedge, les ailes X filaient au milieu des débris, fonçant sur le croiseur.

L’unité R5 de Nawara lui annonça que sa cible était verrouillée.

— Rogue, tirez maintenant ! ordonna-t-il.

À ce moment, les pilotes libérèrent leurs torpilles avec une simultanéité quasi parfaite. Vingt-deux projectiles fusèrent vers le croiseur. La première paire explosa contre les boucliers, mais les autres continuèrent à les pilonner. Plusieurs explosèrent contre la coque et la déchiquetèrent, faisant jaillir un feu d’argent de la brèche, puis poursuivirent leur œuvre en ressortant dans la partie supérieure de la coque.

Le vaisseau se cassa en deux.

— Les yeux du seigneur de guerre sont sur nous ! railla Gavin.

Nawara se remit en position et vira à bâbord avec Pash. Ensemble, ils s’élevèrent vers les Mirettes. Le Twi’lek renforça la puissance de son bouclier droit et se prépara à une attaque de front.

Il tira. Deux rayons laser jaillirent à leur tour de la Mirette et secouèrent son appareil. Nawara voulut suivre son ennemi. À cause de sa vitesse, il le dépassa.

— Je vous couvre, Six, l’informa son jeune coéquipier.

— Merci, Gavin.

Nawara stabilisa ses boucliers et remonta. Décrivant une grande boucle, il suivit le reste de l’escadron qui regagnait la mêlée. Des rayons laser revinrent siffler à ses oreilles, confirmant son intuition.

J’en ai un derrière moi, réalisa-t-il. Je dois réagir. Si je me précipitais dans le Cimetière, peut-être…

Il se redressa et fonça en direction des astéroïdes quand quelque chose explosa derrière lui. Il regarda son moniteur arrière, mais ne vit aucun Tie.

— Merci, lança-t-il.

— Tout le plaisir est pour moi, Six, fit Erisi, semblant très contente d’elle-même. Mon appareil souffrirait si tu étais blessé.

— Je te suis redevable pour nous deux, fit le Twi’lek.

— Reçu, Six, confirma la jeune femme.

— Les lambda approchent, intervint Aril Nunb.

— Merci, Douze. Laissez-les passer, ordonna Wedge. Nous avons beaucoup à faire par ici.

Nawara redressa et régla ses boucliers. Entraînant Erisi vers le champ de bataille, il vit exploser deux ou trois Tie. Un autre surgit de la mêlée et effectua quelques tonneaux pour se mettre en position de tirer sur Erisi.

— Quatre, retirez-vous ! cria Nawara.

Il se porta au secours de sa camarade, fondit sur la Mirette et fit feu. Le premier tir de lasers atteignit le panneau solaire droit de l’appareil ennemi, mais le second fit mouche dans le cockpit.

Le Tie explosa.

— Chef, ici Cinq, appela Gavin. Les Tie abandonnent.

— Bien reçu, Cinq, confirma Wedge. Escadron Rogue, laissez-les partir.

— Vous plaisantez, chef ? s’étrangla le jeune pilote.

— Je suis très sérieux, Gavin, affirma le Leader Rogue.

— Mais, ils ont…, protesta encore l’adolescent.

— Aucune importance pour le moment, trancha Wedge. Ils sont fichus, et ils le savent. Je ne veux pas perdre l’un d’entre nous. Reformez vos groupes et attendez.

Un bref couinement indiqua à Nawara que Wedge était en train de changer de fréquence.

Le Twi’lek rejoignit Pash et les membres du deuxième groupe. À travers la vitre de son cockpit, il eut pour la première fois une vue dégagée des restes du convoi.

Si les humains peuvent faire des trucs pareils, alors je suis heureux de ne pas en être un, se désola-t-il.

Quelques transporteurs étaient encore identifiables.

Leur coque avait été éventrée par les explosions, laissant jaillir le bacta. Plusieurs appareils étaient en feu, et des débris flottaient dans l’espace, s’entrechoquant parfois. La pire image que vit Nawara fut celle d’un petit appareil, à peine plus gros que le Pulsar, qui semblait intact vu de l’avant. De l’arrière, il n’avait plus rien d’un vaisseau.

— Question subsidiaire, lança-t-il dans son unité de communication : vous participez à un convoi en étant faiblement armé. Au sortir de l’hyperespace, vous vous retrouvez dans l’ombre d’un superdestroyer et d’un croiseur qui a déployé ses Tie. Provoquez-vous une attaque ?

— Ooryl ne peut imaginer qu’on soit suicidaire à ce point, fit le Gand.

— Bien. Donc vous vous rendez et dites au superdestroyer que vous transportez du bacta, ce qui représente actuellement une valeur considérable. Personne n’aurait eu intérêt à détruire ce convoi.

— Voilà pourquoi on peut s’interroger sur l’état mental de Zsinj, lâcha Pash d’un ton écœuré. Il faut le supprimer.

— Comptez sur moi.

— Sur moi aussi.

L’unité comm grésilla quand Wedge prit la parole.

— Je viens de parler avec les Tie. Ils se rendent. Ils vont inspecter les restes du Virago et voir s’ils peuvent aborder.

— Pourquoi ? Cette carcasse n’ira nulle part. Les moteurs se sont séparés du reste et dérivent dans le Cimetière.

— J’ai noté, Quatre. Ils vont voir s’il y a des survivants et essayer de récupérer de l’oxygène pour tenir le plus longtemps possible. Pash, je veux que vous conduisiez le deuxième groupe hors d’ici et que vous vous dirigiez vers Tatooine ; c’est à peu près à huit heures de vol.

« Vous vous y réapprovisionnerez en carburant et vous louerez un vaisseau capable de transporter une douzaine de Tie. Vous le ramènerez ici et mettrez les pilotes à l’abri. Je suis certain que votre père voudra les interroger ; vous les emmènerez donc avec vous sur Coruscant.

— À vos ordres. Devons-nous couvrir le transporteur au cas où nos amis tenteraient de le réquisitionner ?

— Oui. Même si je ne pense pas que vous rencontrerez beaucoup de résistance.

— Pourquoi ça ?

— J’ai scanné les débris, intervint Nawara. Il y a pas mal de pièces de Tie aux alentours…

Il regarda le texte que son unité R5 fit défiler pour lui sur l’écran.

— … et d’ailes X, ajouta-t-il. Mais nous n’avons perdu personne.

— Non, nous n’avons perdu personne, répéta Wedge. Mais les hommes de Zsinj prétendent le contraire… Maintenant, partez pour Tatooine. Nous rechercherons les survivants, puis nous regagnerons Coruscant, où nous nous retrouverons d’ici un jour ou deux. (Il soupira.) Si d’ici là, vous trouvez une explication à ce qui est arrivé ici, je vous écouterai avec la plus grande attention.