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— C’est fort ennuyeux qu’il soit mort comme ça, dit le directeur de l’agence bancaire de Staniland. Il avait un emprunt de onze cents livres, voyez-vous, sans compter les intérêts qu’il devait.
— Un emprunt sans garantie ?
— Eh bien, pas exactement… Il y a quelques actions. Mais les actions ne sont guère florissantes en ce moment, comme vous le savez sans doute.
— Non, je n’ai pas d’actions, dis-je. Je n’en sais rien.
— La banque risque d’en être de sa poche de plusieurs centaines de livres dans cette affaire, dit le directeur, plusieurs centaines.
— Nous sommes en train de parler d’un meurtre.
— Je sais. Mais c’est quand même très contrariant.
Il était petit et rose, et, à première vue, il faisait trop jeune pour être directeur d’agence. Il avait une expression accablée et un sourire qui se voulait aimable. Il le fit apparaître avec l’aisance d’un prestidigitateur chevronné :
— La Direction Générale a donné le feu vert pour l’emprunt. Mais j’y étais opposé.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Pas un individu très stable, ce monsieur Staniland.
— Vous a-t-il dit pour quelle raison il voulait l’argent ?
— Non. Ou plutôt, il m’a raconté je ne sais quelle histoire, mais je n’y ai pas cru. Je ne pense pas qu’il y croyait lui-même.
— A-t-il emprunté l’argent en une seule fois ?
— Non, il a emprunté cinq cents ; puis trois mois plus tard, encore cinq cents. Je lui ai fait remarquer à quel point les remboursements seraient lourds avec les taux d’intérêts actuels, mais il a répondu qu’il allait gagner de l’argent et que ça ne l’inquiétait donc pas. (Il toussa.) Moi, ça m’inquiétait.
Il ouvrit le dossier de Staniland et je l’examinai par-dessus son épaule.
— La plupart des chèques tirés sont à son ordre, vous voyez. Il a retiré tout le montant du prêt jusqu’à ce dernier débit de trois cents il y a une semaine. On a laissé passer, bien que, du coup, il ait été à découvert, mais c’est à ce moment-là que je lui ai écrit…
— Oui, j’ai vu la lettre, dis-je. Elle était dans ses affaires. (Je sortis mon calepin.) J’aimerais seulement prendre les références de ces chèques. Je suppose que vous pouvez me dire quelles banques les ont compensés. Vous connaissez les codes.
— Nous ne sommes pas vraiment autorisés à faire cela, vous savez.
— Non, je sais bien. Mais cet homme a été réellement assassiné, monsieur Bateson, et je suis bien décidé à retrouver les coupables. Je comprends que vous ne teniez pas à avoir d’ennuis avec votre Direction Générale, mais agir vite, c’est crucial.
— Oui, oui, dit le directeur. Oh, très bien alors.