Chapitre 6

Pour nettoyer les cadavres, j’utilise un appareil à usage domestique. Conçu à l’origine pour la restauration, il est constitué d’un réseau de tuyaux destinés à l’arrivée d’eau et à l’évacuation, couplé à un système filtrant les graisses. Il comporte également un réservoir pour l’eau bouillante, composé de plusieurs caissons pourvus de paniers semblables à ceux qu’on utilise pour faire des frites.

Dans les paniers carrés, je fais mijoter les parties de petite taille : mâchoires, mains, pieds, crâne éventuellement. Je réserve les plus grands, rectangulaires ceux-là, aux parties plus importantes, telles qu’os longs, cage thoracique, pelvis, une fois qu’elles ont été dépouillées de leurs chairs par les techniciens de la morgue. La recette est la suivante : chauffez l’eau jusqu’à ce qu’elle frémisse ; ajoutez un détergent contenant des enzymes, qui réduira les graisses, et remuez. Résultat garanti.

À moins que vous n’ayez affaire à des os trop fragiles, bien sûr. Dans ce cas, c’est un lavage à la main tout du long.

Ce matin-là, mon autocuiseur était rempli à ras bord. Y baignaient ensemble la noyée du lac des Deux Montagnes, le fumeur au lit et Geneviève Doucet.

Quand les chairs sont putrides et détrempées, le temps requis pour le trempage est moins long. La flotteuse de Ryan ayant été mise à bouillir en premier, c’était ses os que Denis retirait de l’appareil lorsque je suis entrée dans mon bureau après la réunion du matin.

J’ai sorti les photos des enveloppes la concernant et les ai examinées l’une après l’autre en respectant la chronologie : en premier, celles retraçant la récupération du corps près du lac des Deux Montagnes ; en dernier, celles prises au cours de l’autopsie.

Pas besoin d’être devin pour comprendre pourquoi LaManche avait besoin de mon aide. Prenez une marionnette, enveloppez-la dans du pâté vert mousse et vous avez un corps repêché dans une rivière. Pas de cheveux, un visage dépourvu de traits, de gros morceaux de chair dévorés par les poissons et les crabes. Cette femme ne portait sur elle qu’une seule chaussette rouge.

J’ai élaboré son profil biologique. Ça m’a pris toute la matinée. J’avais laissé le message qu’on me prévienne aussitôt si quelqu’un cherchait à me joindre de Rimouski. Personne ne m’a appelée ni n’est venu me trouver dans mon labo.

Ce personne incluait Ryan.

À l’heure du déjeuner, j’ai rapporté à LaManche mes découvertes relatives à la noyée.

De son côté, il m’a appris que Théodore Doucet avait eu un premier entretien psychiatrique. D’après le médecin, il avait totalement oublié que sa femme et sa fille étaient décédées. Il avait perdu toute notion du temps et croyait que Dorothée et Geneviève n’allaient pas tarder à rentrer de l’église pour préparer le souper. Il était détenu à l’Institut Philippe-Pinel, le plus grand hôpital psychiatrique de Montréal.

De retour dans mon labo, j’ai trouvé les os du vieux monsieur mort dans l’incendie étalés sur la table : un pelvis, un bras et une jambe. Ayant enfilé des gants, je les ai transférés sur une autre table de travail pour les examiner.

Le peu d’éléments en assez bon état pour être analysés m’ont tout de même permis de confirmer que la victime était bien de sexe masculin. La symphyse pubienne ainsi que les signes d’arthrite avancée correspondaient à un âge proche de quatre-vingt-treize ans.

Autrement dit : correspondance en matière d’âge et de sexe ; correspondance aussi en ce qui concernait le numéro de l’implant orthopédique. L’individu était connu pour vivre à cette adresse. Et connu également pour fumer au lit.

Pour ma part, il ne m’en fallait pas plus pour être certaine de son identité. À présent, ce serait au coroner de décider.

À trois heures, mon rapport sur le grand-père était au secrétariat pour être dactylographié.

Selon le protocole en vigueur au labo, je ne fais pas partie des personnes à prévenir lorsqu’un mort arrive à la morgue. En règle générale, le cas est adressé à l’un des cinq pathologistes en titre, qui me le transmet, si nécessaire. Toutefois j’avais demandé à être avertie dès réception d’un colis en provenance de Rimouski. N’ayant rien reçu, je suis allée aux nouvelles à la réception de la morgue, au cas où on aurait oublié de me transmettre le message.

Toujours rien.

À Geneviève Doucet, maintenant. Ses os constituaient le troisième groupe de morceaux de cadavre mis à tremper pendant la nuit. À l’aide d’une longue pince, j’ai repêché son crâne, son pelvis et plusieurs os longs. J’ai passé une bonne heure à les éplucher. La chair était plus coriace que de la peau de crocodile, ce qui fait que je piétinais.

J’étais en train de remettre à bouillir un panier plein de ses os quand la porte de mon labo s’est ouverte. Je me suis retournée.

Bien sûr, Ryan. Celui-là, il a le don pour débarquer quand je suis au pire de ma forme. J’ai attendu une boutade sur les cheveux aplatis et l’eau de toilette Chair bouillie. Elle n’est pas venue.

— Excuse-moi. Je n’ai pas pu apporter Charlie hier soir.

— Ce n’est pas grave.

J’ai refermé le couvercle en aluminium et vérifié la température.

— C’est Lili, a fait Ryan, manière de me fournir une explication.

— Rien de sérieux, j’espère.

J’ai repoussé mes cheveux à l’aide de la manche d’une blouse de laboratoire.

— Je passerai ce soir… C’est ma flotteuse ? a ajouté Ryan en désignant les restes derrière moi.

— Oui.

Je me suis avancée vers la table, tenant loin de moi mes gants mouillés et gras.

— Une fille jeune. Entre quinze et dix-huit ans. Métisse.

— Explique-moi ça.

— Si elle n’avait pas eu ses dents de devant, j’aurais dit qu’elle était blanche. Elle a une fosse nasale étroite et resserrée au fond, un pont du nez haut placé et des pommettes peu marquées. Mais ses huit incisives sont en forme de pelle.

— Ce qui veut dire ?

— Il y a de grandes chances pour qu’elle ait du sang asiatique ou amérindien.

— Les Premières Nations ?

— Ou Japonaise, Chinoise, Coréenne… Asiatique, quoi. Tu sais bien.

— Montre-moi ça, a insisté Ryan sans s’arrêter à l’ironie.

J’ai fait pivoter le crâne de manière que les dents du haut lui soient bien visibles.

— Côté langue, les quatre dents de devant présentent un léger creux au centre par rapport au bord de la dent, qui est relevé sur tout le pourtour.

J’ai pris la mâchoire pour lui montrer précisément de quoi je parlais.

— Pareil avec les dents du bas.

J’ai reposé la mâchoire.

— J’ai mesuré le crâne. D’après le logiciel Fordisc 3.0, les mesures indiquent une ascendance caucasienne et mongole.

— Une métisse blanche et indienne, a dit Ryan.

— Ou asiatique, ai-je précisé sur le ton du prof corrigeant un élève borné. Les indicateurs d’âge t’intéressent ?

— Uniquement les plus importants.

J’ai désigné une région bosselée, à la base du crâne.

— Ici, les os sont complètement soudés.

— En revanche, les dents de sagesse ne sont pas complètement sorties, a fait remarquer Ryan.

— C’est exact. Les troisièmes molaires commençaient seulement à émerger. D’ailleurs, elles ne sont pas encore en alignement avec les autres dents.

Progressant en direction des pieds, je me suis arrêtée à la hauteur du pelvis droit et j’ai passé le doigt sur une ligne irrégulière, située en dessous du bord supérieur de la partie plate.

— Les crêtes iliaques ne sont pas complètement soudées. Les épiphyses de la clavicule ne le sont pas non plus.

J’ai signalé une irrégularité similaire sur cet os, du côté de la gorge, avant de conclure avec un geste qui englobait les os du bras et de la jambe :

— Les cabochons de croissance des os longs se trouvent à différents stades de fusion.

— Autre chose ?

— Elle devait mesurer dans les un mètre soixante.

— C’est tout ?

J’ai hoché la tête.

— Rien d’anormal, aucune anomalie. Pas de fractures récentes ou anciennes.

— LaManche pensait que l’hyoïde était intact.

Ryan se référait à un os en forme de U situé dans la gorge qui est souvent brisé quand la victime a été étranglée manuellement.

J’ai réuni dans le creux de ma main un petit disque ovale et deux petits étriers et les lui ai montrés, posés sur mon gant.

— À cet âge, les ailerons et le corps de l’hyoïde ne sont pas complètement ossifiés. Ils conservent donc une certaine élasticité et peuvent supporter une pression considérable sans se casser.

— Autrement dit, elle peut quand même avoir été étranglée.

— Étranglée, étouffée, empoisonnée, poignardée… Je ne peux dire que ce que les os me disent.

J’ai replacé l’hyoïde sur la table.

— Et ils te disent quoi ?

— Qu’elle n’a pas été tuée par balle ni d’un coup de matraque. Je n’ai découvert aucune blessure donnant à penser qu’une balle avait pu entrer et sortir de son corps. Je n’ai pas remarqué non plus de fracture, de coupures ni de marque de fouet où que ce soit sur le squelette.

— L’autopsie n’a rien révélé non plus ?

Pendant le déjeuner, j’avais discuté avec LaManche de ce qu’il avait trouvé au cours de son examen. Pas grand-chose, en vérité.

— Les poumons étaient en trop mauvais état pour qu’on puisse dire si elle respirait encore quand elle a été immergée. Les prédateurs aquatiques n’ont rien laissé de ses yeux, de sorte qu’il est impossible de savoir s’il y avait des pétéchies ou non.

Les pétéchies sont des points rouges hémorragiques résultant de l’éclatement des capillaires, qui survient à la suite d’une augmentation de la pression dans les veines. Cela se produit en cas de compression prolongée du cou, lorsque le sang se retrouve obligé de remonter vers le cœur. La présence de pétéchies sur la peau du visage, notamment autour des yeux, suggère fortement une mort par strangulation.

— Si je comprends bien, elle était probablement morte quand elle a été plongée dans l’eau.

— Si tu veux, je peux m’amuser à rechercher les diatomées.

— Je sais que tu finiras par me dire de quoi il s’agit.

— Les algues unicellulaires que l’on trouve dans les habitats aquatiques ou marécageux. Certains pathologistes croient que le fait d’inhaler de l’eau fait pénétrer des diatomées dans le système alvéolaire et dans le sang, et que ces diatomées se déposent par la suite dans le cerveau, les reins et d’autres organes, y compris la mœlle épinière. Pour eux, la présence de diatomées signifie noyade.

— Tu n’as pas l’air de partager leur avis.

— Je ne suis pas convaincue, et LaManche non plus, que les diatomées puissent se glisser à l’intérieur d’un corps immergé, que ce corps se soit retrouvé dans l’eau à la suite d’une noyade ou pour une autre raison. Mais, par d’autres aspects, je reconnais qu’elles peuvent avoir de l’intérêt. Comme elles sont souvent spécifiques à certains lieux, leur présence peut être tout à fait révélatrice. De même, leur assemblage à l’intérieur ou à l’extérieur du corps peut servir d’échantillon de contrôle quand il s’agit d’identifier un micro-habitat.

— Autrement dit, la présence de telle ou telle diatomée peut réduire l’éventail de possibilités quand on veut déterminer si un corps s’est déplacé : séjour dans de l’eau salée, dans une rivière, dans un marécage ou dans un estuaire.

— Grosso modo, c’est ça. Mais il ne faut pas être pressé.

— C’est pas mal.

— Avant de mettre les os à bouillir, j’ai prélevé des échantillons pour un test d’ADN. Si tu veux, je peux demander à un spécialiste en biologie marine d’examiner la mœlle. Et aussi la chaussette de la victime.

— Dans ce cas, l’affaire est pratiquement résolue, a fait Ryan, les mains tendues devant lui, paumes en l’air.

J’ai soulevé des sourcils interrogateurs.

— La fille est morte près d’une rivière ou d’un endroit qui y ressemble. Elle était soit morte, soit vivante quand elle a été plongée dans l’eau. Si elle était vivante, elle a pu tomber, sauter ou être poussée, de sorte que sa mort peut aussi bien être volontaire, criminelle ou accidentelle.

— Ou elle a pu mourir d’un arrêt cardiaque ou d’un infarctus, ai-je ajouté, sachant qu’il ne restait que deux catégories : mort naturelle et mort indéterminée.

— C’est vrai, mais c’était une adolescente.

— Les adolescentes aussi peuvent mourir de crise cardiaque.

 

Ryan s’est pointé chez moi, ce soir-là. J’avais eu le temps de prendre une douche et de me laver les cheveux. Et aussi, je l’avoue, de me mettre du mascara, du brillant à lèvres et un soupçon d’Alfred Sung derrière les oreilles.

La sonnette de l’immeuble a gazouillé vers les neuf heures du soir. J’étais en train de lire un article sur la spectroscopie FTIR dans le Journal of Forensic Sciences, la revue des sciences médico-légales, tandis que Birdie se léchait soigneusement entre les orteils à l’autre bout du canapé. Perdant tout intérêt pour sa toilette, le chat s’est dirigé vers l’entrée à pas feutrés.

L’écran de sécurité m’a montré Ryan debout dans l’entre-deux-portes, une cage à oiseaux à ses pieds. J’ai appuyé sur le bouton pour les laisser entrer et je les ai accueillis devant ma porte, chaleureusement. Après avoir caressé le chat derrière l’oreille, Ryan a accepté mon invitation à boire une bière.

Pendant que je versais une Moosehead pour lui et un Coke Diète pour moi, il a installé Charlie sur la table de la salle à manger. Birdie a retrouvé sa pose de sphinx, sur une chaise, tête dressée et pattes en rond. Concentré sur la cage et son occupant.

Charlie, en pleine forme, sautillait d’un barreau à l’autre, éparpillait ses graines, penchait la tête tantôt à droite et tantôt à gauche pour mieux voir le chat. De temps à autre, il nous sortait une chanson de son répertoire.

Ryan s’est installé à la place qu’occupait Birdie, au bout du canapé. J’ai repris la mienne, les pieds sous les fesses. Et nous avons recommencé à nous dire que nos filles allaient bien. Lily avait un boulot de serveuse au Café Cherrier, rue Saint-Denis, Katy faisait un stage d’espagnol à Santiago du Chili.

Mon appartement de Montréal est loin d’être immense. Une cuisine, une chambre, un bureau et deux salles de bains. Il n’y a que le salon qui soit grand, avec ses portes-fenêtres en vis-à-vis qui donnent au nord sur la cour centrale et au sud sur une pelouse minuscule. À cela, ajouter une cheminée en pierre, une table à manger en verre, un canapé provençal jaune et bleu et sa causeuse assortie. Des corniches, des tours de fenêtre, et un manteau de cheminée en merisier.

Le regard de Ryan passait d’un objet à l’autre pendant que nous bavardions. S’arrêtait sur les photos de Katy, de ma sœur Harry, de mon neveu Kit. Se posait sur l’assiette en céramique que m’avait offerte une vieille femme, au Guatemala. Sur la plaque gravée représentant une girafe, achetée au Rwanda. Croisait rarement le mien.

Inévitablement, nous avons parlé boulot. Un sujet sûr, neutre.

Depuis la mort de son coéquipier, voilà déjà pas mal d’années, Ryan est affecté aux cas spéciaux. Il m’a décrit l’enquête sur laquelle il bossait.

Trois filles disparues. Deux autres retrouvées mortes dans une rivière ou à proximité. Et maintenant, la noyée du lac des Deux Montagnes. Sa flotteuse, comme il disait. Six en tout.

De mon côté, je lui ai raconté la victime calcinée, les Doucet et le squelette de Rimouski en route vers mon labo. Il a voulu savoir qui était chargé de ce dernier cas. Je lui ai dit que je m’en occupais à la demande d’Hippo.

Il m’a appris alors qu’il travaillait justement avec lui sur ces affaires de filles mortes ou disparues. De là, nous sommes passés aux histoires incroyables qui n’arrivent qu’à ce type, Hippo. La fois où il a oublié son pistolet dans les toilettes d’une station d’essence ; celle où, après avoir extirpé un suspect d’une pompe hydraulique, il s’était retrouvé le pantalon déchiré et les fesses à l’air ; celle où le gars qu’il avait épinglé n’avait rien trouvé de mieux que de se soulager dans sa bagnole.

Conversation qui ne portait pas à conséquence. Comme entre un frère et une sœur. Pas une seule fois il n’a fait mention du passé ou de l’avenir. Pas une seule fois nous nous sommes frôlés. Les seules références au sexe étaient celles que piaillait Charlie.

À dix heures et demie, Ryan s’est levé. Je l’ai raccompagné jusqu’à la porte. En chemin, toutes les cellules de mon cerveau m’ont hurlé d’en rester là. Les hommes, en effet, détestent qu’on fouille leurs sentiments. Moi aussi d’ailleurs.

Mais j’ai ignoré les conseils de mon instinct, comme bien souvent, d’ailleurs. Et j’ai posé la main sur le bras de Ryan.

— Parle-moi…

— En ce moment, Lily…

J’ai explosé.

— Non ! Ce n’est pas Lily, le problème…

Les yeux myosotis refusaient de croiser les miens. Le temps d’un battement de cœur, et il s’est déballé :

— Tu es toujours accrochée à ton mari.

— Voyons, ça fait des années qu’on est séparés, Pete et moi.

Ryan a fini par planter son regard dans le mien. J’ai ressenti comme une brûlure au niveau de l’estomac.

— C’est bien ça, a-t-il dit. Séparés.

— C’est parce que je déteste les avocats et toutes leurs paperasses.

— Tu n’étais plus la même.

— Il venait de se faire tirer dessus.

Ryan n’a pas répondu.

— Que je sois toujours mariée ne te dérangeait pas, jusque-là.

— En effet, je m’en fichais.

— Pourquoi est-ce que ça a de l’importance, maintenant ?

— Je ne vous avais pas vu ensemble.

— Et maintenant que tu nous as vus ensemble ?

— J’ai compris la place que tenait Pete dans ton cœur… Et toi dans le mien, a-t-il ajouté avant que j’aie le temps d’ouvrir la bouche.

J’en suis restée pantoise. Incapable de trouver une réponse intelligente.

— Et maintenant ?

— J’essaie de m’y faire.

— Et tu y arrives ?

— Pas très bien.

L’instant d’après, il avait disparu.

Je me suis couchée. Les émotions se faisaient la guerre en moi.

Rancœur contre Ryan pour avoir percé à jour mes sentiments alors que je me donnais tant de mal pour rester légère malgré toutes mes questions.

Énervement contre son attitude de cow-boy qui punit les méchants.

Pourtant, il avait raison sur un point : pourquoi est-ce que je ne divorçais pas de Pete ?

Je me fâche lentement, mais je n’oublie pas les insultes ; elles s’empilent en moi jusqu’à la fin des temps. Ryan est exactement le contraire : il est prompt à réagir et oublie tout aussi vite.

Nous lisons l’un dans l’autre à livre ouvert. Dans le cas présent, Ryan m’envoyait un signal clair : il était à des années-lumière d’être blessé ou vexé. En fait, il prenait ses distances.

À cette constatation, un sentiment a pris le pas sur tous les autres, la tristesse.

Une larme a glissé du coin de mon œil sur ma joue, et j’ai lâché tout haut du fond de ma couche solitaire :

— OK, cow-boy. Adios.