Monsieur Hamon est le médecin des heures martyres de Port-Royal. Les religieuses le pressent d’écrire des livres pour les conforter. Il en souffre et dit que c’est comme demander à un petit garçon d’aller faire tout seul les moissons en plein été, tête nue. Il rédige avec peine des traités aussi rêveurs que le vent sur les blés autour de Port-Royal. Il soigne aussi les paysans. Ceux-ci le voient passer sur les chemins, monté sur un âne, tricotant ou lisant un livre installé sur un pupitre qu’il a attaché à la selle. La lecture est son paradis. Il invente une échelle mentale dont les degrés s’élèvent de la lecture distraite à la méditation attentive puis à la gloire qui est l’instant où le lecteur, comme l’enfant juché sur les épaules de son père, touche le ciel d’une vérité brûlante.

 

Je demande à un livre qu’il me donne du courage et ne me trompe sur rien.

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Même en enfer il y a peut-être un ange.

 

« Ils ne savent pas ce qu’ils font » est la parole la plus intelligente jamais dite. Elle fait du Christ le plus profond des voyants, son visage aux yeux d’or collé à la fenêtre du réel.

 

Ce qu’il y a de bien dans les Évangiles c’est que personne ne les a jamais lus.

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Les arbres sont moins enjoués que les fleurs. Peut-être ont-ils plus de responsabilités.

 

Deux arbres artificiels accueillent la clientèle de la banque. La vie est dans ce lieu si maltraitée que même les faux arbres ont l’air d’y dépérir.

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Ce je-ne-sais-quoi de secourable qui se trouve partout, dans la dentelle fait main d’une fougère, dans les rides de sagesse d’un vieux mur ou dans la procession des feuilles d’automne avec leurs robes sacerdotales rouges et brunes.

 

Les cheveux de la sorcière sont faits des serpents de notre lassitude.

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La pluie s’est soudain mise à courir partout sur les trottoirs, éclaboussant les passants endeuillés de sa joie de gamine.

 

À quoi comparer l’éclat d’un poème sinon à l’aveuglante lumière du linge « mis à part » dans le tombeau vide au matin de Pâques ? Quelqu’un ou quelque chose s’est séparé de sa propre mort. Le poème comme le linge, tous deux « mis à part », témoignent de cette résurrection.

 

Les cercueils ne sont pas des miroirs.