Dévotion

A-Man n’a pas besoin de ma dévotion, dit-il. Mais je le suis, de toute façon. Parfois, je m’en remets tellement à lui, encore plus à lui qu’à moi, que cela me rend vulnérable au-delà de ce que je suis capable d’endurer ! Le meilleur antidote à cet état de fait, ce n’est pas de serrer les dents et de souffrir comme un prix de venu – j’ai au moins mûri et dépassé ce stade. Non, l’antidote, c’est un autre partenaire. Ça s’appelle « la Solution des deux jules Â». Toute femme devrait y souscrire si besoin est. Beaucoup y recourent déjà sans le reconnaître. Comme m’a conseillé une de mes amies : « Si tu as des problèmes avec un homme, prends-en un autre. Â» Dans mon cas, A-Man forme avec le Braque de service la combinaison idéale. Quelqu’un qui a besoin de me donner autant que je lui donne… Autant de pouvoir, s’entend.

Alors que mon désir le plus grand est de me rendre à lui, avec tous les autres je suis dominatrice. Je ne baise jamais avec aucun autre, et nul autre que lui ne fourre sa verge dans mon cul.

Une fois, peu après le numéro 169, j’ai ressenti ce besoin et j’ai appelé un vieil ami Braque. À ma vive surprise, il m’a appris qu’il avait réellement envie de me foutre – ce qui était hors de question. Mais il m’a donné à entendre que, si j’y mettais le prix, il me boufferait la chatte : c’est ahurissant comme les Braques peuvent devenir exigeants quand on les néglige trop longtemps ! L’argent lui garantirait un certain détachement. Il serait une langue à louer. J’adorais l’idée de traiter un homme en putain, même si je la trouvais par trop politiquement correcte. Mais, avant que nous ayons négocié un prix, il m’a proposé de me faire une faveur à condition que je sois entièrement dominatrice, jusqu’à lui imposer le moindre geste, le moindre mouvement, la satisfaction du moindre de mes désirs. D’accord, d’accord, ai-je répondu, mais juste cette fois. Je peux, à l’occasion, me montrer docile avec un Braque. Je pouvais bien être dominatrice pour une nuit. Mais ce m’eût été plus facile de le payer. Nous inversions désormais tous les deux les rôles, et je ne savais plus très bien qui dirigeait les opérations.

Il est venu me rendre visite. Je l’attendais, allongée dans mes dessous noirs sur le lit de mon boudoir. D’abord, j’ai voulu qu’il m’admire pendant qu’il s’installait dans un fauteuil. Pourquoi étais-je la souris la plus chaude de la fête ? Il expliqua. De sa vie ? Il expliqua encore. Je trouvais ce petit jeu assez amusant. Du monde entier ? Il poursuivit ses explications, mais cette fois je ne fus pas convaincue. Jeu suivant. Nous examinâmes mon cul sous tous les angles dans la glace, et il en souligna toutes les lignes et toutes les courbes pour me prouver que c’était le plus beau cul – le plus beau du boudoir, en tout cas. Nous regardâmes ensuite comment les lèvres de ma vulve rasée pointaient entre mes cuisses au-dessous de mes fesses quand je me penchais en avant. C’était vraiment drôle… Tout ça exposé, sans pudeur.

Jusque-là, il n’avait pas été autorisé à me toucher. Toujours étendue sur mon lit, je lui ai ensuite demandé de me masser d’abord le dos, puis les seins et le ventre, puis les fesses, et enfin les hanches et les cuisses. Je lui ai alors ordonné de regagner son fauteuil, de s’asseoir, de sortir sa queue et de se caresser pendant que je lui montrais ma chatte comme une strip-teaseuse sur la piste : lèvres étirées, bouton rouge et gonflé, longues jambes fines, escarpins mortels. Il bandait comme un cheval.

Je lui ai demandé de me faire minette pendant un moment, avec de longues caresses qui allaient de mon cul à mon clitoris en passant par ma vulve et retour. Tout le paquet bien mouillé. C’était sublime. Vraiment sublime. Ensuite, je l’ai prié de se concentrer pour honorer mon anneau sacré avec une pression légèrement croissante de la langue jusqu’à ce que celle-ci commence à forcer le passage. « Comme si tu en avais envie. – Comme si j’en avais envie ? Â» Et comment qu’il en avait envie ! Puis il m’a servi une douzaine de centimètres d’un vibro « red chili pepper Â» dans le cul. Je n’avais pas demandé cet intermède, à dire vrai, mais c’était chaud, si bien que je n’ai rien trouvé à redire.

Après quoi j’ai eu droit à me faire lécher le clitoris en bonne et due forme, aussi longtemps que nécessaire malgré mes tentatives de résistance. Dans l’intervalle, j’ai donné libre cours à tous mes fantasmes, piochant au hasard dans mon Rolodex personnel. Celui d’A-Man en train de regarder cet autre type me lécher, amusé par ma complaisance coupable, approbateur, et lui disant : « Continue jusqu’à ce qu’elle ait sa dose, puis je lui fouaillerai le cul. Â» Je m’imaginais ensuite qu’A-Man me suçait le bouton impitoyablement… Mais c’était bien trop excitant, aussi j’ai dû arrêter. Puis j’imaginais tous les hommes avec qui j’étais sortie et que j’avais plaqués en train de mater la scène, en rang d’oignons devant la fenêtre de ma chambre. Je montrais mon plaisir et ma cyprine comme une belle salope. Et mes fantasmes se sont succédé jusqu’au dernier, jusqu’au fantasme final : la réalité.

Cet homme, pour des raisons que je ne comprends pas vraiment – se pouvait-il que ce soit de l’amour ? –, accepte d’être l’esclave de mon orgasme et me dévore jusqu’à ce que j’aie mon content (et mon content, bien sûr, c’est beaucoup). Cette bouleversante expérience de l’abondance m’a précipitée, inopinément, dans un état de gratitude qui s’est manifesté par la courbe d’un orgasme profond, silencieux, capiteux, dont j’ai mis vingt minutes à émerger. Le Braque, ce cher et tendre Braque, m’a quittée sans bruit, afin que je puisse jouir de 1’immense béatitude de ma vie. J’ai retrouvé la paix apportée par le pouvoir : sa soumission à mes caprices équilibrait ma soumission à A-Man. Me voilà de nouveau prête pour l’enculade. Je ferai n’importe quoi pour être prête en l’honneur d’A-Man. C’est là la mesure de ma dévotion… Et aussi, j’imagine, de celle de Braque !