Chapitre XVI






La nuit était si claire que les collines semblaient taillées dans la même matière que les rayons de la lune. Samuel Hamilton chevauchait dans un paysage silencieux, dépourvu d’air, mort. Les ombres étaient noires sans demi-teintes et les clartés, blanches, sans couleur. Çà et là, Samuel surprenait l’activité secrète des animaux nocturnes : le daim qui broute toute la nuit quand la lune est claire et qui dort dans les broussailles pendant le jour ; les lapins, les rats des champs et toutes les autres petites bêtes chassées dans la journée, glissaient, sautaient, se faufilaient ou se figeaient dans des attitudes qui les faisaient ressembler à des pierres ou à de petits arbustes, quand l’oreille ou le nez décelaient un danger ; les pillards étaient au travail : la longue belette qui se coule comme une vague marron clair ; le chat sauvage ramassé le long du sol, presque invisible, sauf quand ses yeux jaunes reflètent la lumière et étincellent ; le renard flairant avec son nez pointu, à la recherche d’un repas sanglant ; les ratons laveurs tapotant l’eau de leurs pattes, parlant grenouille. Les coyotes erraient le long des sentiers et, tourmentés par un chagrin joyeux, levaient la tête et hurlaient leur amour à leur déesse la lune dans un sanglotant éclat de rire. Et, au-dessus de ce monde d’ombre, volaient les chouettes, dessinant une traînée de peur obscure sur le sol. Le vent de l’après-midi était tombé et seule une petite brise soupirante naissait des terres froides, attirée par les collines chaudes.

Le bruit lourd et irrégulier des sabots de Doxology imposait le silence à la gent nocturne bien après son passage. La barbe de Samuel brillait et sa chevelure était gonflée. Il avait posé son chapeau noir sur le pommeau de sa selle. Un malaise le tenait à l’estomac, une appréhension qui ressemblait à un début de cauchemar. C’était un weltschmerz, que nous avons transformé en welshrats. Ce mot dit la tristesse du monde qui emplit l’âme comme un gaz et en prend si bien possession que l’on a beau chercher ce qui fait mal, on ne le trouve pas.

Samuel fouilla sa mémoire. Il revit la belle ferme et ses promesses d’eau. Rien de blessant là-dedans, à moins qu’il n’abritât une jalousie cachée. Il s’interrogea et ne trouva chez lui nulle trace de jalousie. Il se remémora alors le rêve d’Adam et son jardin d’Eden, son adoration pour Cathy. Rien non plus, à moins… à moins qu’au fond de lui il nourrît une amertume secrète et que la vieille blessure ne se fût pas cicatrisée. Mais cela faisait si longtemps qu’il avait oublié la douleur. Le souvenir en était chaud et doux, maintenant que tout était fini. Ses reins et ses cuisses avaient oublié le désir.

Tout en chevauchant à travers la lumière et l’ombre, il continuait à chercher. Quand les animaux rongeurs avaient-ils commencé de grouiller dans sa poitrine ? C’est alors qu’il trouva. C’était Cathy, la jolie, la petite, la délicate Cathy. Oui, mais encore ? Elle était silencieuse. Beaucoup de femmes le sont. Qu’était-ce alors ? D’où venait le mal ? Il avait ressenti une tension comparable à celle qui précède la découverte de l’eau. Il se rappela ses frissons, le passage des anges. Désormais, il avait épinglé le temps, l’endroit et l’acteur. C’était venu pendant le dîner, c’était venu de Cathy.

Il évoqua son image et il observa les yeux grands ouverts, les narines délicates, la bouche jolie mais trop petite à son goût, le petit menton ferme, puis il revint aux yeux. Etaient-ils froids ? Étaient-ce ses yeux ? Il en revenait toujours à ce point. Les yeux de Cathy n’étaient pas habités. Ils ne communiquaient rien. Derrière eux il n’y avait rien de familier. Ce n’étaient pas des yeux humains. Ils lui rappelaient quelque chose. Mais qu’était-ce ? Un souvenir ? Une image ? Il alla loin dans sa mémoire et, soudain, elle revécut.

L’image jaillit du fond des années avec ses couleurs, ses cris et ses sensations compactes, intactes. Il se vit tout petit garçon, si petit qu’il devait se lever sur la pointe des pieds pour atteindre la main de son père. Les pavés de Londonderry le faisaient trébucher. C’était la seule grande ville qu’il ait vue. On le poussait, on s’amusait. C’était une fête, avec ses théâtres de marionnettes, ses étalages de légumes, ses chevaux et ses moutons présentés dans la rue pour la vente, et ses marchands de babioles aux couleurs brillantes, babioles désirables et qu’il obtiendrait peut-être puisque son père était de bonne humeur.

C’est alors que la foule s’engouffra dans une rue étroite, comme des débris entraînés par le courant. Les poitrines pressaient les dos et on marchait en levant haut les pieds. La ruelle débouchait dans une place et, sur le mur gris d’une maison, se découpait la haute structure d’une potence d’où pendait un nœud coulant.

Samuel et son père furent emportés, bousculés par le flot, poussés au plus près. Il entendait encore son père dire : « Ce n’est pas pour un enfant. Ce n’est pour personne, mais encore moins pour un enfant. » Son père lutta pour se retourner, pour se forcer un chemin dans la foule. « Laissez-nous sortir, j’ai un enfant. »

Le flot était anonyme et poussait sans passion. Samuel leva la tête. Un groupe d’hommes habillés et coiffés de noir avait gravi la haute plate-forme et entourait un homme aux cheveux dorés, habillé d’un pantalon noir et d’une chemise bleu clair, ouverte sur la gorge. Samuel et son père étaient si près que l’enfant devait lever la tête pour voir.

L’homme doré semblait ne pas avoir de bras. Il regarda la foule, puis son regard s’abaissa et fixa Samuel. L’image était claire, en pleine lumière, parfaite. Les yeux de l’homme n’avaient pas de profondeur. Ils n’étaient pas comme les autres yeux. Ce n’étaient pas les yeux d’un homme.

Soudain l’agitation crût sur la plate-forme et le père de Samuel posa ses deux mains sur la tête de l’enfant. Les paumes couvrirent ses oreilles et les doigts se rejoignirent sur sa nuque. Puis les mains, de tout leur poids, s’appuyèrent sur sa tête et son visage fut collé contre le manteau des dimanches de son père. Il essaya de lutter mais il ne put dégager sa tête. Il ne distinguait qu’une bande de lumière et un murmure assourdi. Il entendait des battements de cœur. Puis, les mains qui le maintenaient se contractèrent, son père s’arrêta de respirer et son corps se mit à trembler.

Il y avait encore une autre image. Il en rassembla les fragments et l’examina au-dessus de la tête de son cheval : une table usée dans un pub, des rires, des éclats de voix. Un pot d’étain plein de bière était devant son père et devant lui une tasse de lait chaud aromatisé à la cannelle. Les lèvres de son père étaient curieusement bleues et il y avait des larmes dans ses yeux.

« Je ne t’aurais pas emmené si j’avais su. Ce n’est pas un spectacle pour un homme et encore moins pour un petit garçon.

Je n’ai rien vu, rétorqua Samuel. Tu m’as tenu la tête en bas.

Je m’en félicite.

– Qu’est-ce qu’il y avait ?

– Autant te le dire. On tuait un méchant homme.

– C’était l’homme doré ?

– Oui, mais n’en éprouve pas de chagrin. Il devait mourir non pas une, mais beaucoup de fois. Il avait commis des choses affreuses, des choses comme seul un monstre peut en imaginer. Et ce n’est pas qu’on l’ait pendu qui me peine, mais que ce soit l’occasion d’une fête, lorsque l’on devrait pendre un homme secrètement, dans le noir.

J’ai vu l’homme doré. Il m’a regardé.

Rien que pour cela, je suis heureux qu’il ne soit plus.

Qu’avait-il fait ?

Je ne veux pas que tu aies de cauchemars.

Il avait des yeux étranges, l’homme doré. Ils ressemblaient à des yeux de chèvre.

– Bois ton lait sucré et je te donnerai un bâton avec des rubans et un long sifflet qui ressemble à de l’argent.

– Et la boîte brillante avec une image dedans ?

– Cela aussi. Bois ton lait et ne demande plus rien. »

Telle était l’image arrachée au passé poussiéreux.

Doxology gravissait la dernière montée avant le creux où se dressait la maison et ses gros sabots butaient contre les pierres.

« C’étaient les yeux, à n’en pas douter, pensait Samuel. Deux fois seulement dans ma vie j’ai vu des yeux comme ceux-là. Des yeux inhumains. » Et il se dit : « Ce sont les fantasmagories de la nuit ! Quel rapport peut-il y avoir entre l’homme doré que l’on a pendu il y a si longtemps et la douce petite femme grosse ? Liza a raison. Un jour mon imagination me conduira en enfer. Il faut que je me débarrasse de cette pensée stupide ou bien je serai tout le temps à chercher le diable dans cette enfant. Voilà comment on se fait prendre au piège. Penses-y un bon coup et oublie-le. Il ne s’agit que d’une ressemblance de forme et de couleur. Pourtant non, ce n’est pas cela. Il s’agit d’un regard et ni la forme ni la couleur n’ont rien à y voir. Mais alors, pourquoi un regard est-il mauvais ? Peut-être un tel regard pourrait-il habiter le visage d’un saint ? Maintenant, débarrasse-toi de tout ce romanesque… pour toujours. » Il frissonna. « Il va falloir que j’installe des barreaux un peu partout pour empêcher les anges de passer. »

Alors Samuel Hamilton résolut de vouer tous ses efforts à la création du Paradis de la Vallée pour racheter son péché.

Liza Hamilton, les pommettes cuisantes, arpentait sa cuisine comme un fauve en cage. Un feu de chêne ronflait dans le four à pain. La pâte levait dans les paniers. Liza s’était levée avant l’aube, comme toujours. C’était commettre un péché que de rester au lit après l’aurore ou se promener après le crépuscule. Une seule personne au monde pouvait impunément rester allongée entre ses draps après l’aurore, et cette personne était le dernier né de Liza, Joe.

Seuls Tom et Joe habitaient désormais la ferme. Tom, large et rouge, qui soignait déjà une fine moustache naissante, était assis à la table de la cuisine, les manches boutonnées comme on le lui avait enseigné. Liza versa de petits tas de pâte à beignets sur une pierre plate. Des volcans se formèrent en sifflant. Les gâteaux avaient une couleur brune plus foncée sur les bords. La cuisine embaumait.

Samuel entra, venant de la cour où il était allé se laver. Son visage et sa barbe ruisselaient d’eau et il déroula les manches de sa chemise et les boutonna avant d’entrer dans la cuisine. Des manches relevées à table n’étaient pas acceptées par Mrs. Hamilton. Elles indiquaient une ignorance ou un mépris des lois du savoir-vivre.

« Je suis en retard, maman », dit Samuel.

Elle ne se retourna pas pour le regarder. Sa spatule se déplaça avec la rapidité d’un serpent qui attaque et les petites boules de pâte retournées grésillèrent sur la pierre chaude.

« Quelle heure était-il lorsque tu es rentré ? demanda-t-elle.

– Oh ! Il était tard, tard. Près de onze heures. Je n’ai pas regardé, de peur de te réveiller.

– Je ne me suis pas réveillée, ronchonna Liza. Peut-être trouves-tu qu’il est bon pour la santé de vagabonder toute la nuit. Mais le Seigneur aura son mot à dire. »

Il était bien connu que Liza Hamilton et le Seigneur avaient des vues similaires sur presque tous les sujets. Elle se retourna, fit un geste rapide, et une assiette de gâteaux chauds et croquants se trouva entre les mains de Tom.

« À quoi ressemble la terre des Sanchez, maintenant ? » demanda-t-elle.

Samuel se dirigea vers sa femme, se pencha vers elle et embrassa sa pommette rouge.

« Bonjour, maman. Donne-moi ta bénédiction.

– Sois béni », répondit mécaniquement Liza.

Samuel s’assit à table et dit :

« Sois béni, Tom. Eh bien, Mr. Trask fait de grands changements. Il remet en état la vieille maison pour y vivre. »

Liza se retourna d’un mouvement brusque.

« La maison où les vaches et les cochons ont couché pendant des années ?

– Oh ! Les planchers ont été grattés et les fenêtres changées. Tout est neuf et repeint.

– Ils n’enlèveront jamais l’odeur de cochon, dit fermement Liza. La puanteur du cochon résiste à tout.

– Je t’assure que je suis entré à l’intérieur et que je n’ai rien senti, sinon la peinture.

– Lorsque la peinture sera sèche, le cochon ressortira.

– Il a un jardin où coule un ruisseau et il a préparé un endroit pour les fleurs, des roses, et il a fait venir des arbustes de Boston.

– Je ne sais pas de quel œil le Seigneur voit un tel gâchis, dit-elle en ronchonnant. Mais je n’ai rien à redire contre les roses.

– Il a dit qu’il essaierait de me donner quelques boutures », dit Samuel.

Tom termina ses gâteaux et tourna son café.

« Quel genre d’homme est-ce, papa ?

– Je crois que c’est un homme de valeur. Il a la langue bien pendue et l’esprit alerte. Il se laisse aller à rêver…

– Ecoutez-moi l’hôpital qui se moque de la charité ! interrompit Liza.

– Je sais, maman, je sais. Mais n’as-tu jamais compris que mes rêves remplaçaient quelque chose que je n’ai pas ? Mr. Trask peut se permettre de rêver. Il le réalisera avec ses dollars. Il veut faire de sa terre un jardin et il y arrivera.

– Comment est sa femme ? demanda Liza.

– Elle est très jeune et très jolie. Elle est calme et parle peu. Bientôt elle va avoir son premier bébé.

– Je le sais, dit Liza. Quel est son nom de jeune fille ?

– Je ne sais pas.

– D’où vient-elle ?

– Je ne sais pas. »

Liza posa une assiette de gâteaux chauds devant Samuel, versa du café dans sa tasse et remplit celle de Tom.

« Qu’as-tu appris, alors ? Comment s’habille-t-elle ?

– Mais très bien. Une robe bleue avec un petit manteau rose cintré à la taille.

– Ça, tu le remarques ! Peux-tu me dire si c’était de la confection ou du sur mesure ?

– Oh ! De la confection.

– Tu n’en sais rien du tout, affirma Liza. Tu as bien cru que le costume de voyage que Dessie s’était fait pour aller à San José était de la confection.

– Dessie est très habile, dit Samuel. Elle ferait chanter une aiguille. »

Tom dit :

« Dessie va peut-être ouvrir un magasin de couture à Salinas.

– Elle me l’a dit, répondit Samuel. Elle aura certainement du succès.

– Salinas ? (Liza posa ses mains sur ses hanches.) Dessie ne m’a rien dit du tout.

– Je crois que nous avons trahi notre petite chérie, dit Samuel. Elle voulait faire une surprise à sa mère et nous avons tout gâché, comme une pierre dans une eau tranquille.

– Elle aurait pu me le dire, continua Liza. Je n’aime pas les surprises. Bon. Continue. Que faisait-elle ?

– Qui ?

– Mrs. Trask évidemment.

– Ce qu’elle faisait ? Mais elle était assise. Assise sur une chaise sous un chêne. Elle va bientôt accoucher.

– Ses mains, Samuel, ses mains. Qu’est-ce qu’elle faisait avec ses mains ? »

Samuel fouilla sa mémoire.

« Rien, il me semble. Je me rappelle. Elle a de petites mains et elle les avait croisées sur ses genoux. »

Liza renifla.

« Elle ne cousait pas ? Elle ne reprisait pas ? Elle ne tricotait pas ?

– Non, maman.

– Je ne sais pas si c’est très bon pour toi d’aller là bas. La richesse et l’oisiveté sont les outils du Malin et tu es une matière friable. »

Samuel leva la tête et rit de plaisir. Quelquefois, sa femme le mettait en joie, mais il ne pouvait pas lui dire pourquoi.

« C’est justement parce qu’il est riche que je vais là-bas, Liza. Je voulais te le dire après le petit déjeuner pour que tu aies le temps de m’écouter. Il veut que je lui fore quatre ou cinq puits et que je lui installe des moulins à vent, et peut-être des réservoirs.

– As-tu tout discuté ? Est-ce que ce sera un moulin à vent actionné par l’eau ? Est-ce qu’il te paiera ou est-ce que tu reviendras en t’excusant comme d’habitude ? « Il « me paiera quand sa moisson aura poussé, imita-t-elle.

« Il me paiera quand son oncle millionnaire sera mort. » Je sais par expérience, Samuel, que si l’on ne te paie pas tout de suite, on ne te paie jamais. Avec tout ce que l’on te doit, nous pourrions acheter une ferme au fond de la Vallée.

– Adam Trask paiera, dit Samuel. Il est à son aise. Son père lui a laissé une fortune. C’est tout un hiver de travail, maman. Nous mettrons quelque chose de côté et nous aurons un vrai Noël. Il me paiera cinquante cents du pied, plus les moulins à vent. Je peux tout fabriquer ici, sauf les revêtements. J’aurai besoin des garçons pour m’aider. J’emmènerai Tom et Joe.

– Joe n’ira pas, dit-elle. Tu sais combien il est délicat.

– Je pense qu’il pourrait se débarrasser d’une partie de sa délicatesse. On peut mourir de faim, délicatement.

– Joe n’ira pas, trancha-t-elle. Et qui s’occupera de la ferme pendant que Tom et toi serez partis ?

– Je pensais que je pourrais demander à George de revenir. Son travail de bureau à King City ne lui plaît pas.

: – Peut-être qu’il ne lui plaît pas, mais pour huit dollars la semaine, on ne fait pas toujours ce que l’on veut.

– Maman, supplia Samuel. C’est notre chance ou jamais d’ouvrir un compte à la banque nationale. Ne jette pas le poids de ta langue sur le chemin de la fortune. Je t’en prie, maman. »

Elle grommela toute la matinée pendant que Tom et Samuel s’occupaient du matériel de forage, aiguisaient les sondes, dessinaient des croquis de moulins à vent révolutionnaires, et dressaient des plans de réservoirs. Au milieu de la matinée, Joe vint se joindre à eux et il fut si fasciné qu’il demanda à Samuel de l’emmener. Samuel répondit :

« Je regrette, mais je ne peux pas, Joe. Ta mère a besoin de toi ici.

– -Mais je voudrais y aller, papa. L’année prochaine, je rentre au collège de Palo Alto, c’est encore plus loin, laisse-moi venir avec toi. Je travaillerai dur.

– Je suis sûr que tu travaillerais si tu venais, mais je suis contre. Et quand tu en parleras à ta mère, je te serais tout à fait reconnaissant de glisser dans la conversation que je suis contre. Tu pourrais même lui laisser entendre que j’ai refusé de t’emmener. »

Joe sourit et Tom éclata de rire.

« Est-ce que tu veux que maman te persuade d’emmener Joe ? » demanda Tom.

Samuel fronça les sourcils et regarda ses fils.

« Je suis un homme avec des idées de fer, dit-il. Lorsque j’ai pris une décision, rien ne peut me faire revenir. J’ai considéré toutes les faces du problème et mon dernier mot est : Joe ne viendra pas. Vous ne voudriez pas me faire mentir ?

– Je vais aller parler tout de suite à maman, dit Joe.

– Doucement, fiston. Doucement, lui rappela Samuel. Sers-toi de ta tête. Laisse-la faire tout le travail. Pendant ce temps-là, je reconsidérerai ma décision. »

Deux jours plus tard, la grande charrette s’éloignait, chargée de bois de charpente et d’outils. Tom conduisait les quatre chevaux et, assis à côté de lui, Samuel et Joe balançaient leurs jambes.