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L’égyptologue eut quelque peine à desserrer les mâchoires.
– Il y a eu des discussions d’ordre scientifique entre lui et moi, mais je le respecte !
– Vous le haïssez, monsieur Tumberfast. Et vous n’étiez pas indifférent au charme de Mme Mortimer. Mais elle était riche et vous ne l’êtes pas. Ce n’était pas avec votre salaire d’égyptologue que vous auriez pu la tenter. N’auriez-vous pas négocié quelques pièces, acquis une petite fortune et tenté de la séduire ?
– Je respecte trop l’Égypte ancienne, Inspecteur. Son art appartient à l’humanité, pas à des voleurs !
Dobelyou souriait, s’apprêtant à reprendre la parole.
– Malheureusement, dit Higgins, plus prompt, les accusations portées par Dobelyou contre l’un ou l’autre d’entre vous n’auraient pas valeur de preuve. Ce serait si commode de se décharger d’un crime en inventant une fable.
– Mais je n’ai pas commis le moindre crime ! s’enflamma William W. Dobelyou, se sentant à nouveau sur la sellette. Et moi, j’ai une preuve ! Je ne pouvais pas être à la fois en haut et en bas. J’ai couru à toutes jambes quand j’ai entendu les deux détonations. J’ai arraché le seau des mains d’Indira, pour ne pas perdre le butin. J’ai dévalé l’escalier et heurté le veilleur de nuit avant de m’enfuir. Vous pouvez le lui demander !
J. J. Battiscombe, qui se faisait le plus discret possible, fut gêné d’être mis ainsi en lumière.
– Ce qui pose problème, objecta Higgins, c’est que vous vous connaissiez assez bien, tous les deux. Monsieur Battiscombe, n’auriez-vous pas rencontré Dobelyou en Inde, à l’époque où vous tentiez de… faire des affaires ?
– Je… je ne m’en souviens pas.
– Menteur ! accusa Dobelyou, furieux. C’est moi qui t’ai dépanné, sinon tu serais en prison pour recel d’objets volés ! Tu m’avais promis que tu renverrais l’ascenseur un jour et tu as bien été obligé de le faire ! C’est lui qui m’a indiqué le coup du British Museum, inspecteur.
– C’est faux ! Vous n’allez quand même pas croire ce bandit, ce brigand, ce…
Scott Marlow fut obligé d’intervenir et de calmer Dobelyou qui s’était levé en se promettant d’agresser l’ex-veilleur de nuit.
Higgins s’exprima avec lenteur.
– Vous auriez donc drogué vous-même votre thé, monsieur Battiscombe, pour faire croire que vous dormiez pendant le vol et que vous étiez une victime des voleurs. Ce thé, vous ne l’avez pas bu. Vous avez joué la comédie devant Frances et Philipp Mortimer.
– Non, inspecteur, j’étais assoupi !
– Qui a ouvert la porte de ce bureau, monsieur Battiscombe ? Qui a décroché la clé au tableau de service ?
– Moi, mais…
– Et si vous aviez fait semblant de décrocher cette clé, monsieur Battiscombe ? Ne l’aviez-vous pas dissimulée dans l’une de vos poches ? Vous l’aviez déjà utilisée en refermant la porte derrière vous… après avoir assassiné Mme Mortimer.
– Impossible, inspecteur, j’étais en bas ! Dobelyou m’a bousculé, j’ai même eu ma veste mouillée par l’eau du seau qu’il tenait en main ! Quand je suis monté, Philipp Mortimer m’a vu… C’était bien après les coups de feu !
– Votre innocence repose sur les témoignages de Dobelyou et de Philipp Mortimer, remarqua Higgins, pensif. Et si vous aviez mouillé vous-même vos vêtements ? Si vous aviez utilisé votre remarquable discrétion pour commettre un vol à votre propre compte, sans supposer que Frances Mortimer aurait pu vous surprendre dans le bureau de son mari ? Un ancien militaire comme vous est forcément un bon tireur.
Le visage de J. J. Battiscombe devint pathétique.
– Je vous jure que je suis innocent, inspecteur ! J’ai commis une faute grave, je l’avoue. La vie a été injuste envers moi, je méritais mieux. Le montant de ma retraite est misérable ! Quand Dobelyou est venu me menacer de révéler mon passé, j’ai cru que j’allais tout perdre et je lui ai fait promettre qu’il n’y aurait qu’un vol et que nous ne nous reverrions jamais. Pour le reste, je n’ai pas la moindre responsabilité !
– Qu’en pensez-vous, Barry ? interrogea Higgins en regardant le chauffeur des Mortimer. Vous prétendez bien avoir vu s’enfuir William W. Dobelyou ?
Les traits anguleux du chauffeur se chargèrent d’agressivité.
– Je l’ai vu et bien vu !
– Rien n’est plus sujet à caution que le témoignage d’un auteur de lettres anonymes, dit Higgins, sévère. Vous détestiez Mme Mortimer, n’est-ce pas ?
Barry se renfrogna, refusant de répondre.
– Vous détestez d’ailleurs tous les Mortimer, Barry. Ce sont des riches, ils vous exploitent. Votre patron avait refusé de vous augmenter, je crois ?
– Exact, précisa le nouveau directeur du British Museum. Je n’étais que médiocrement satisfait des services de Barry. Il se plaignait sans arrêt.
– C’est faux ! protesta Barry, dévisageant John Arthur Mortimer d’une manière haineuse. Je suis l’homme à tout faire, chez vous. La voiture, les poubelles, la plomberie… Je n’ai jamais fini. J’étais bien mal payé de mon dévouement.
– Dans ces conditions, pourquoi ne pas être parti depuis longtemps ? demanda Higgins.
Barry baissa les yeux.
– Ça ne vous regarde pas.
– Vous êtes bien mystérieux, Barry. Je me demande si ce n’est pas Mme Mortimer qui vous a retenu.
– Peut-être bien, inspecteur, elle m’a aguiché, elle m’a…
– Taisez-vous, intervint Sir John Arthur. Vous êtes un méprisable individu. Mon épouse m’a parlé de votre conduite inqualifiable à son égard. Nous étions décidés à vous licencier.
Scott Marlow délaissa William W. Dobelyou, beaucoup moins faraud qu’au début de la reconstitution. Il s’approcha de Barry, dont l’attitude lui déplaisait fort. Le superintendant avait une paire de menottes dans la poche gauche de sa veste. Il n’attendait qu’un signe de Higgins pour la passer aux poignets de l’assassin.
– Vous étiez particulièrement attentif aux allées et venues des membres de la famille Mortimer, dit Higgins à Barry et vous les avez tous calomniés.
– Je n’ai dit que la vérité !
– Vous êtes rancunier et vaniteux, Barry, et vous ne supportez pas qu’une femme vous abandonne. Vous avez envoyé une lettre anonyme pour dénoncer la passion d’Agatha Lillby parce qu’elle vous avait quitté. Et si vous aviez assassiné Frances Mortimer parce qu’elle refusait de vous céder… ou parce qu’elle ne voulait plus vous céder ?
– Je vous interdis de parler ainsi ! protesta John Arthur Mortimer. Comment pouvez-vous imaginer que ma femme…
– Ça vous aurait vexé, Sir ? ironisa Barry. Vous aimeriez peut-être que je sois accusé de meurtre ? Mais c’est impossible. Je me trouvais dans votre superbe Rolls, devant l’annexe du musée et j’ai même vu s’enfuir le voleur.
– Vous n’avez malheureusement aucun témoin, indiqua Higgins.
– Comment aurais-je pu monter au premier étage sans être vu par le veilleur de nuit et par Philipp Mortimer ?
– La haine est souvent fort inventive, Barry. Et vous étiez si mécontent de votre salaire ! À force de fouiller dans les corbeilles à papier de Sir John Arthur, vous avez sans doute découvert des renseignements négociables. Je me demande si vous ne les avez pas vendus à un professionnel du vol comme William W. Dobelyou.
– Ça ne tient pas debout ! Je hais les riches, c’est tout. Jamais je ne plaindrai une femme comme Frances. Elle a tout eu, dans cette vie. Moi, rien. Mais je ne porte aucune responsabilité dans ce meurtre.
– Je n’en suis pas si sûr, insista Higgins. Si vous étiez le complice de Battiscombe et de Dobelyou, vous avez mis au point, ensemble, une version des événements et vous vous y tenez.
– Je ne connaissais pas le chauffeur des Mortimer, je le jure ! déclara J. J. Battiscombe. Moi non plus, je ne porte aucune responsabilité dans ce crime odieux !
– Tout le monde cherche une porte de sortie, observa Dobelyou. Et si j’affirmais que j’étais en relation d’affaires avec tous ces messieurs ?
Le crime de la momie
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