Le soleil et la lune

 

Le soleil par son lever, sa matinée, son zénith et son déclin parcourt en quelques heures les grandes étapes d’une vie qui serait brève et somptueuse. Or cette trajectoire – qui joue un tel rôle dans notre vie quotidienne – n’est qu’apparente, puisque la « révolution copernicienne » (1543) nous a appris que c’était la terre qui tournait, le soleil demeurant immobile. On peut parler d’un échec de Copernic, puisque nous continuons malgré lui à voir le soleil se lever et se coucher, phénomène évident dont sa théorie n’a pu venir à bout. Il y a ainsi des apparences spécieuses qui résistent à toutes les réfutations.

Bien que la lune bouge à sa manière autant que le soleil, on ignore volontiers sa trajectoire. On la veut immobile. Il est vrai que le sommeil qui occupe le plus clair de nos nuits ne nous laisse guère le loisir d’observer le mouvement de la lune.

Il y a des nuits sans lune, celles qu’on appelle paradoxalement « de nouvelle lune ». Il n’y a pas de jour sans soleil. Même quand les nuages le cachent, on sait bien qu’il est là, puisqu’il fait jour.

La lune manifeste son pouvoir mystérieux par les marées. Elle tire à elle l’immense couverture liquide – et c’est la marée basse –, puis elle la laisse retomber – et c’est la marée haute. Les explications que les scientifiques donnent de ce phénomène sont si embrouillées qu’on comprend bien qu’ils n’y comprennent rien. D’ailleurs toutes les fois qu’on fait intervenir l’influence de la lune, c’est qu’on n’y comprend rien. Ainsi l’humeur changeante des personnes dites « lunatiques ». De même certaines taches pâlichonnes sur les tapis et les moquettes qu’on appelle des « frappures de lune ».

Au contraire le soleil symbolise la raison, l’équilibre, l’architecture. Louis XIV se voulut pour cela Roi-Soleil. Le sexe du soleil est évidemment masculin, comme celui de la lune, féminin, et c’est une grande aberration de la langue allemande d’en disposer autrement. Apollon, dieu solaire, et Diane, déesse lunaire, n’en sont pas pour autant mari et femme, mais frère et sœur. Ils répugnent l’un et l’autre à tout accouplement, chacun en un sens différent, la lune par sa froideur virginale, le soleil par sa plénitude autosuffisante.

« La lune est le soleil des statues », a écrit Jean Cocteau. Il aurait pu écrire plus simplement que la lune était la statue du soleil. Mais le « bain de soleil », dont la mode résiste à toutes les condamnations par les médecins, a pour but de transformer le corps en sa propre statue de bronze doré, une statue solaire.

CITATION

La gloire est le soleil des morts.

Honoré de Balzac