Là-bas, à la préfecture, Mme la maréchale de camp avait dit, à propos du colonel comte Roland de Savray et de Louise, la belle comtesse, filleule du roi Louis XVIII :
– Il y a plus d’une histoire… celle du Juif-Errant est drôle !
Bien des gens pourront se demander quel rapport existait entre le brillant bonheur de ces jeunes époux et le Maudit de la légende populaire.
Cependant il y avait ici, dans le pavillon, vis-à-vis du vicomte Paul, une jolie et pâle créature, douce comme le mélancolique sourire des saintes, que les gens de la maison et aussi les gens du pays appelaient « la fille du Juif-Errant. »
Lotte semblait avoir de huit à dix ans. Elle était grande pour cet âge. Ceux qui la connaissaient prétendaient qu’on l’avait toujours vue ainsi. Depuis longtemps, bien longtemps, elle avait toujours de huit à dix ans. Certains disaient : « depuis onze ans ! »
Elle parlait peu. Ses grands yeux bleus rêvaient souvent et souvent priaient. Ses cheveux d’un blond doré tombaient en masses soyeuses sur la transparente pâleur de ses joues.
Il y avait autour d’elle comme un froid, un mystère, une frayeur, et un charme.
Seuls, la comtesse Louise et son fils Paul s’embrassaient de bon cœur.