Louise dansait pour la troisième fois, mais c’était avec son mari, et si vous saviez comme elle semblait heureuse !
En dansant, elle murmurait :
– Notre Paul va nous gronder au retour…
Ils faisaient un couple charmant. Le salon de la préfecture souriait à les regarder. Sir Arthur ne quittait pas des yeux la comtesse Louise.
Mme Lancelot, des domaines, poursuivit :
– Toute la nuit, la maison des Savray-Pain-sec fut éclairée. Le mari rentra ; Joli-Cœur aussi, et aussi Fanchon Honoré. Chacun se doutait bien qu’un décès allait avoir lieu ; pourtant, la barre de la porte fut mise. On n’envoya chercher ni médecin ni prêtre.
M. Lancelot et moi nous habitions la maison voisine…
– Ah ! interrompit le commandant de la gendarmerie, alors la servante qui avait jeté les ordures était de chez vous !
Les domaines rougirent un peu en répliquant :
– Ne me parlez pas des domestiques !… Toute la nuit, ce fut un va-et-vient chez les Savray. Nous entendions comme des gémissements et comme des prières. Puis, vers l’aube, il y eut un chant mâle et joyeux, auquel une voix d’enfant se mêlait.
Au lever du soleil, le voyageur sortit droit et ferme sur ses jambes robustes.
Il était seul. Il descendit la montagne en se dirigeant vers l’orient. Nous le perdîmes de vue dans la vallée. Quand nous l’aperçûmes de nouveau gravissant la montée, il tenait par la main une petite fille dont le corps, gracieux et diaphane, était percé par les rayons du soleil levant.
Ce jour-là même, une lettre arriva chez le notaire de Lamballe. Une tante de la comtesse Louise était morte à Landerneau. Il y avait un gros héritage.
À l’état-major, autre lettre qui nommait le lieutenant Roland de Savray capitaine.
Troisième lettre à la préfecture de Saint-Brieuc. Le roi Louis XVIII se souvenait de sa filleule Louise et envoyait le titre de comte à son mari.
M. Lancelot et moi nous congédiâmes notre servante, car c’est ce qui aurait pu nous tomber. Mais maintenant, il faudrait attendre cent ans…
– Et encore, dit M. Lancelot, ce sera le tour de la ville d’Ofen, en Hongrie.
– Le mieux, conclut le commandant Lamadou, c’est d’avoir bon cœur tous les jours.