La calèche courait au galop furieux de ses deux chevaux. Le comte Roland soutenait dans ses bras la comtesse mourante. On rencontrait sur la route les hussards qui se hâtaient, les pompiers qui allaient à perdre haleine, la foule secourable ou simplement curieuse qui trottait en bavardant.
– Paul ! murmurait la comtesse. Personne ne me parle de Paul !
Derrière la calèche, à la place du valet de pied, il y avait un homme chaudement enveloppé dans un ample manteau. Cet homme se penchait parfois sur la capote relevée pour regarder la comtesse Louise. On aurait pu reconnaître alors les cheveux fades et les cils blondâtres de sir Arthur brillant aux rayons de la lune.
On rencontre parfois chez les Anglais de chevaleresques dévoûments. Peut-être que sir Arthur avait choisi cette voie pour arriver plus vite et livrer bataille à l’incendie. C’était un original.
Au tournant des peupliers, on aperçut un magnifique et horrible tableau. La villa n’était plus qu’une immense gerbe de flamme, éclairant ce doux paysage où naguère il y avait tant de bonheur !
Les hussards attaquaient le feu, et avec quelle vaillance ! Qui n’a vu nos soldats français aux prises avec ces tempêtes embrasées n’a jamais admiré le sublime transport de la vaillance humaine !
On les voyait se lancer en masses, comme si la charge eût sonné, comme si l’ennemi eût été de chair et d’os ; on les voyait attaquer, tête baissée, le fulgurant colosse. La plupart étaient repoussés au premier choc, mais certains passaient : des démons, des salamandres, qui s’agitaient, noirs, dans la rouge fournaise.
– Paul criait la comtesse Louise. Paul est-il sauvé ?
Le colonel Roland s’était élancé hors de la calèche. Il gravissait la colline. Sir Arthur sauta à terre et le suivit, laissant Louise plus qu’à demi évanouie dans la voiture.
Des blessés passaient, portés sur des brancards. Louise n’osait plus interroger, mais elle entendit qu’on disait :
– Il n’y a plus que l’enfant en haut, tout en haut de la maison !
L’enfant ! son Paul ! son cœur !
Louise joignit les mains, prononça le nom de Dieu et tomba sans connaissance.