13

Renata eut l’air étonnée de me trouver assise sur le seuil de Bloom à sept heures du matin quand elle gara sa camionnette dans la rue déserte. Je n’avais pas dormi de la nuit, et cela se voyait. Elle haussa les sourcils et me sourit.

— Tu as attendu le père Noël ? Personne ne t’a jamais dit la vérité ?

— Non, fis-je. Personne ne m’a jamais dit la vérité.

Je suivis Renata dans la réserve où je l’aidai à sortir les seaux de roses rouges, d’œillets blancs et de gypsophiles. Les trois variétés que j’aimais le moins.

— Dis-moi, la mariée qui t’a demandé ça doit être une folle furieuse.

— Elle m’a menacée de mort, plaisanta Renata, qui partageait mon dédain pour les roses rouges.

Elle sortit de la boutique, pour revenir quelques minutes plus tard avec deux tasses de café. J’avais déjà terminé trois centres de table.

— Merci, lui dis-je en acceptant le gobelet en carton.

— Il n’y a pas de quoi. Ne va pas si vite. Je ne suis pas pressée de subir le déjeuner de Noël chez ma mère.

Je me saisis d’une rose et avec des gestes au ralenti lui ôtai ses épines, que j’alignai sur la table.

— C’est mieux. Quoique pas encore assez lent.

Nous eûmes beau traîner un maximum, tout fut fini à midi. Renata relut le bon de commande et procéda à une première vérification, puis à une seconde. Quand elle posa sa liste, je m’étonnai :

— C’est tout ?

— Oui. Hélas. Il ne me reste plus qu’à livrer, et je suis bonne pour la fête de Noël… Tu viens avec moi.

— Non merci, répondis-je.

Je mis mon sac à dos en buvant une dernière gorgée de café froid.

— Si tu crois que tu as le choix, tu te trompes.

Je me serais volontiers rebiffée, mais je me sentais redevable pour la prime, et je n’étais pas contre un repas de fête, même si je me serais passée de l’ambiance qui allait avec. Je n’avais jamais goûté à la cuisine russe – ce serait certainement meilleur que les tranches de jambon blanc que j’avais projeté de consommer directement dans l’emballage.

— Comme tu voudras. Mais j’ai un rendez-vous ailleurs à dix-sept heures.

Elle rit. Elle se doutait bien que je n’avais nulle part où aller le jour de Noël.

 

La mère de Renata habitait le quartier de Richmond. Nous prîmes le chemin le plus long possible pour traverser la ville.

— Ma mère est infernale, laissa tomber Renata.

— De quelle manière ?

— De toutes les manières.

Elle se gara devant une maison rose vif. Un drapeau de Noël flottait sur une hampe en bois et le modeste porche croulait sous des figurines en plastique phosphorescentes : anges, rennes, chipmunks affublés de bonnets rouges et pingouins avec une écharpe tricotée autour du cou.

Renata poussa la porte, laquelle s’ouvrit sur un mur de chaleur. Des hommes et des femmes étaient perchés sur les coussins, les bras et le dossier du canapé ; des écoliers jouaient à plat ventre sur le tapis, des enfants en bas âge se promenaient à quatre pattes. Je m’empressai d’ôter ma veste et mon pull, mais le chemin jusqu’à la penderie, devant laquelle Renata bavardait avec quelqu’un de mon âge, était bloqué par des tout-petits.

Alors que je me tenais toujours plantée près de la porte d’entrée, une Renata plus âgée et plus douce se faufila dans la cohue avec un plateau en bois chargé de rondelles d’orange, d’amandes, de figues et de dattes.

— Victoria ! s’exclama-t-elle dès qu’elle m’aperçut.

Elle passa le plateau à Natalia, vautrée sur le canapé, et traversa la pièce jusqu’à moi, enjambant les enfants. Lorsqu’elle me serra contre elle, mon visage s’enfonça dans le creux de son aisselle et les grandes manches évasées de son gilet en laine gris s’enroulèrent autour de moi comme les appendices d’un être vivant. Elle était grande et forte. A peine avais-je réussi à me dégager, qu’elle me prit par les épaules et m’obligea à lever mon visage vers le sien.

— Adorable Victoria, dit-elle tandis que ses longs cheveux blancs chatouillaient mes joues. Mes filles m’ont beaucoup parlé de toi… Je t’aimais déjà avant de te rencontrer.

Elle sentait les primevères et le cidre. Je pris mes distances.

— Merci de m’avoir invitée, madame…

Je laissai ma phrase en suspens : Renata ne m’avait jamais dit son nom de famille.

— Marta Rubina mais je ne réponds qu’à « maman Ruby ».

Elle avança comme pour me donner une poignée de main, puis éclata de rire et m’étreignit de nouveau. Nous étions coincées dans un renfoncement et je crois que sans le soutien du mur auquel j’étais adossée, j’aurais glissé à terre. Elle me passa un bras autour des épaules et entreprit de me présenter à la ronde. Les enfants se dispersaient pour nous laisser le passage, tandis que Renata, assise à présent sur une chaise pliante, nous observait, un sourire amusé aux lèvres.

Maman Ruby me conduisit à la cuisine, où elle me fit prendre place devant deux assiettes qui disparaissaient sous une montagne de nourriture. Sur la première : un poisson entier, de belle taille, cuit au four avec des épices et un légume que je ne sus pas identifier. Sur la seconde : des haricots, des petits pois et des pommes de terre saupoudrées de persil. Elle me tendit une fourchette, une cuillère et un bol de soupe aux champignons.

— Ça fait des heures qu’on a terminé, m’informa-t-elle, mais j’en ai gardé un peu pour toi. Renata m’a prévenue que tu aurais faim… Rien ne me fait plus plaisir. J’adore nourrir ma famille.

Maman Ruby s’assit face à moi. Elle enleva les arêtes de mon poisson, plongea le doigt dans mes petits pois, poussa un cri et les mit à réchauffer. Elle me présenta à tous ceux qui passaient par là : ses filles, ses gendres, ses petits-enfants, les copains et copines de divers membres de la famille.

Je levais les yeux et saluais d’un hochement de tête, mais pas une seconde je ne posai ma fourchette.

 

Je m’endormis – bien malgré moi – chez maman Ruby. Après le dîner, je m’étais esquivée et réfugiée dans la chambre d’amis où, vaincue par la cuisine lourde et ma nuit d’insomnie de la veille, j’avais glissé dans l’inconscience avant même de remonter le drap sur mes épaules.

Une odeur de café me réveilla le lendemain matin. Je m’étirai et sortis dans le couloir en quête de la salle de bains. La porte était ouverte. Maman Ruby était sous la douche, derrière un rideau en plastique translucide. Je pris aussitôt mes jambes à mon cou alors qu’elle s’écriait :

— Entre ! Il n’y a qu’une salle de bains. Ne fais pas attention à moi !

Je retrouvai Renata dans la cuisine, en train de se verser du café. Elle me tendit une tasse.

— Ta mère est sous la douche, l’informai-je.

— Avec la porte ouverte, je parie, dit-elle en bâillant.

Je confirmai.

— Désolée.

Je me servis à mon tour de café et m’adossai à l’évier.

— En Russie ma mère était sage-femme. Elle a l’habitude de voir les femmes nues quelques minutes seulement après les avoir rencontrées. La Californie des années soixante-dix lui allait comme un gant, et je ne crois pas qu’elle ait remarqué que les choses ont changé.

Maman Ruby surgit alors, drapée dans un peignoir corail.

— Qu’est-ce qui a changé ? interrogea-t-elle.

— La nudité.

— Je ne pense pas que la nudité ait changé depuis la naissance du premier être humain, déclara maman Ruby. Seule la société change.

Renata leva les yeux au ciel et, à mon bénéfice, expliqua :

— Ma mère et moi nous disputons sur ce point depuis que j’ai eu l’âge de raison. A dix ans, je lui ai dit que je ne voulais pas d’enfants parce que je refusais de me retrouver de nouveau nue devant elle. Et regarde-moi… cinquante ans, et sans enfants.

Maman Ruby cassa un œuf dans une poêle. L’huile grésilla.

— J’ai mis au monde mes douze petits-enfants, me précisa-t-elle, manifestement très fière.

— Vous êtes encore sage-femme ?

— Pas légalement. Mais on m’appelle encore à deux heures du matin des quatre coins de cette ville. Et je me déplace chaque fois.

Elle me tendit des œufs au plat cuits à la perfection.

— Merci.

Après les avoir mangés, j’allai au bout du couloir et m’enfermai à double tour dans la salle de bains.

 

— Explique-moi un peu mieux, si tu veux bien, la prochaine fois, lançai-je à Renata dans la camionnette alors que nous retournions à Bloom un peu plus tard au cours de la matinée.

Reposées et repues, nous étions prêtes pour affronter une semaine pleine de mariages.

— Si je t’avais prévenue, tu ne serais pas venue. Et tu avais besoin de dormir un peu et de te mettre quelque chose dans le ventre. Ne me dis pas le contraire.

Je ne discutai pas.

— Ma mère est une célébrité dans le milieu des sages-femmes. Elle a tout vu, et ses résultats sont bien meilleurs que ceux de la médecine moderne, alors que logiquement ce devrait être le contraire. Tu finiras par la trouver géniale, comme la plupart des gens.

— Mais pas toi ?

— Je respecte ma mère, déclara Renata en marquant un temps de pause. C’est juste qu’on est différentes. Tout le monde pense a priori qu’il existe une continuité biologique entre les mères et leurs enfants, ce n’est pas toujours vrai. Tu ne connais pas mes autres sœurs, mais regarde déjà Natalia, ma mère et moi…

Elle avait raison : ces trois-là n’auraient pas pu être plus différentes !

Tout en dressant une liste des quantités de fleurs à commander, je pensais à la mère de Grant. Je me souvenais de sa main pâle sortant du néant lors de ma visite avec Elizabeth. Quelle avait bien pu être l’enfance de Grant ? Seul, entouré de fleurs, et sa mère qui déambulait de pièce en pièce, oscillant entre le présent et le passé. Je lui poserais la question s’il voulait bien m’adresser de nouveau la parole.

Il ne se montra pas au marché aux fleurs cette semaine-là ni la suivante. Son stand vide n’offrait que des contreplaqués lépreux et un air d’abandon. Je me demandais s’il allait jamais revenir, ou si la perspective de me revoir suffisait à l’éloigner définitivement.

Rongée par cette absence, je voyais bien que mon travail s’en ressentait. Renata se mit à s’asseoir à côté de moi et à meubler nos habituels silences de récits humoristiques dont les protagonistes étaient sa mère, ses sœurs, ses nièces et neveux. Je ne l’écoutais que d’une oreille, mais son babillage ininterrompu me permettait de rester concentrée sur les fleurs.

Le Nouvel An s’envola dans un froufrou de mariages en blanc et de bouquets de perce-neige. Grant n’avait toujours pas reparu au marché. Renata m’offrit une semaine de congé. Je me confinai dans la chambre bleue, ne sortant que pour manger et aller aux toilettes. Chaque fois que je me trouvais sur le seuil de ma chambre, mes yeux tombaient sur la boîte à photos orange et ma poitrine se gonflait de chagrin.

Renata ne m’attendait pas avant le dimanche suivant, pourtant le samedi après-midi, on frappa à ma porte. Je pointai la tête et vis Natalia, encore en pyjama et de mauvaise humeur.

— Renata a téléphoné, m’annonça-t-elle. Elle a besoin de toi. Elle voudrait que tu prennes une douche et que tu la rejoignes aussi vite que possible.

Une douche ? me dis-je. Drôle de requête. Sans doute avait-elle besoin de mon aide pour une livraison. Elle aurait supposé, à juste titre que j’étais en train de dormir et que je ne m’étais pas beaucoup lavée pendant la semaine.

Je pris tout mon temps, je me fis un shampoing et me brossai les dents avec de l’eau brûlante. En me frictionnant avec la serviette, je vis que j’avais la peau rouge et marbrée. Je choisis dans mes affaires ma tenue la plus élégante : un ensemble pantalon noir et un chemisier blanc tout doux, avec un plastron plissé comme une chemise de smoking. J’égalisai mes pointes puis passai un coup de sèche-cheveux sur mes épaules comme chez le coiffeur.

En arrivant à Bloom, j’aperçus de loin une silhouette familière assise au bord du trottoir désert, un carton ouvert sur les genoux. Grant. La raison de l’appel de Renata ! Je m’arrêtai et contemplai son profil, grave et attentif. Il se tourna vers moi et, dans le même mouvement, se leva.

Chacun se mit à marcher à tout petits pas jusqu’à ce que nos trajectoires se rejoignent à mi-côte. Grant me parut soudain très grand. Je ne voyais pas ce qu’il y avait dans sa boîte en carton, qu’il tenait sous son menton.

— Tu es joliment habillée, me dit-il.

— Merci.

Je ne pouvais pas lui retourner le compliment. Il avait déjà une journée de travail derrière lui. Cela se voyait à ses genoux tachés de terre et à la boue fraîche qui collait aux semelles de ses souliers. Et puis il sentait fort, pas comme les fleurs, comme un homme mal lavé : sueur, cigarette et terreau mélangés.

— Je ne me suis pas changé, s’excusa-t-il, prenant apparemment tout à coup conscience de son apparence. J’aurais dû.

— Ça ne fait rien.

Je cherchais à être gentille, mais il me sembla soudain que je n’avais réussi qu’à le rembarrer. La figure de Grant s’allongea, et je fus traversée d’un éclair de colère, pas contre Grant, contre moi-même, parce que j’étais décidément incapable de maîtriser les subtilités de l’intonation. En guise de geste d’excuse, toujours maladroite, j’avançai d’un pas.

— Je sais, répliqua-t-il. J’ai juste fait un saut parce que je me suis dit que tu serais contente d’avoir ça… pour ton amie.

Il abaissa le carton. Je reconnus les six pots en céramique d’où jaillissaient en touffes légères et vaporeuses des fleurs d’un jaune ensoleillé à l’extrémité de leurs longues tiges. Les jonquilles… Un parfum suave, entêtant m’emplit les narines.

Je plongeai les bras dans la boîte, croyant que j’allais pouvoir soulever les six pots à la fois. Cette couleur, j’avais tellement envie de l’avoir tout autour de moi. Grant baissa encore le carton et à force de tirer doucement, je réussis à les prendre tous les six. J’enfouis mon visage dans les pétales. Pendant un moment, les pots restèrent bien calés dans mes bras, puis les deux du milieu glissèrent et se fracassèrent sur le trottoir, les bulbes roulant sur le côté dans une giclée de terre, les hampes tordues. Grant tomba à genoux pour les ramasser.

Je serrai les quatre rescapés contre ma poitrine, en les baissant un peu afin d’observer Grant par-dessus les pétales. Il prit les bulbes au creux de ses mains puissantes et redressa les tiges, en prenant soin de les enrouler dans leurs longues feuilles pointues aux endroits où elles avaient été fragilisées par leur chute.

— Où tu veux que je les mette ? me demanda-t-il en levant les yeux vers moi.

Je m’agenouillai à côté de lui.

— Ici, indiquai-je en désignant du menton les pots dans mes mains.

Il écarta les touffes jaunes et déposa les bulbes blessés au pied des jonquilles. Grant ne retira pas ses mains tout de suite. A son souffle régulier et lent, je le sentais en train de se préparer à partir.

Je relâchai les muscles de mes bras et les pots glissèrent sur mes genoux comme au ralenti. Les mains de Grant suivirent le mouvement. Je les pris dans les miennes et les levai vers mon visage, contre mes lèvres, mes joues, mes paupières. Je les nouai autour de ma nuque et l’attirai vers moi. Nos fronts se touchèrent. Je fermai les yeux. Sa bouche était douce et pleine, même si sa lèvre supérieure piquait un peu. Je l’entendis retenir sa respiration. Je l’embrassai de nouveau, avec plus de force, avidement. Je me rapprochai à genoux en renversant les pots de jonquilles, mue par le désir d’être plus près de lui encore, de l’embrasser plus passionnément, plus longtemps, pour lui montrer combien il m’avait manqué.

Lorsque, essoufflés, nos corps s’arrachèrent à cette étreinte, un seul pot avait roulé en bas de la côte, d’un jaune d’or d’une intensité presque insoutenable sous le soleil d’hiver.

J’avais peut-être tort finalement, me dis-je en regardant les jonquilles s’agiter dans la brise. Il était possible, après tout, que chaque fleur possède une signification, cachée quelque part dans le solide tube de sa tige, dans le délicat assemblage de ses pétales.

En tout cas, une chose était sûre : Annemarie allait être contente !

Le Langage secret des Fleurs
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