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S’

IL AVAIT ÉTÉ DANS UN ÉTAT D’ESPRIT OBJECTIF, Nigel Embling aurait pu jauger son humeur présente comme une vulgaire tendance à l’auto-apitoiement, mais pour l’heure, il lui semblait absolument manifeste que le monde courait irrémédiablement – et très rapidement – à sa perte. Sans doute que plus tard il réviserait son jugement, mais pour l’heure, alors qu’assis à la table de sa cuisine avec une tasse de thé, il parcourait son Daily Mashriq matinal, l’un des cinq ou six quotidiens de Peshawar, au Pakistan, rien de ce qu’il lisait n’était susceptible d’améliorer son humeur.

« Quelle bande d’idiots », grommela-t-il.

Mahmoud, son boy, apparut comme par magie au seuil de la cuisine. « Un problème, monsieur Nigel ? » Mahmoud, onze ans, débordait d’enthousiasme et de sollicitude – surtout à cette heure de la journée – mais Embling savait que, sans lui, ce serait la pagaille dans ses pénates.

« Non, non, Mahmoud, je parlais tout seul.

– Oh, ça ce n’est pas bon, monsieur, pas bon du tout. Il est atteint, voilà ce que vont se dire les gens. Je vous en prie, vraiment, essayez de parler seulement quand vous êtes tout seul à la maison, d’accord ?

– Oui, c’est parfait. Maintenant, retourne étudier.

– Oui, monsieur Nigel. »

Mahmoud était un orphelin, ses père, mère et ses deux sœurs étant morts victimes des violences entre sunnites et chiites qui avaient déchiré le Pakistan après l’assassinat de Benazir Bhutto. Embling avait quasiment adopté le garçon, lui offrant le vivre et le couvert, l’éducation, un petit pécule et, à l’insu de son protégé, il lui avait ouvert un plan d’épargne qu’il toucherait à sa majorité.

Encore une mosquée incendiée, encore un chef de faction retrouvé assassiné, encore une rumeur d’élections truquées, encore un agent de l’ISI arrêté pour avoir dérobé des secrets d’État, encore un appel au calme de Peshawar. Tout cela était proprement navrant. Certes, le Pakistan n’avait jamais été un havre de paix, mais il avait connu des périodes de calme, même si c’était un calme trompeur, juste une mince pellicule recouvrant le chaudron de violence qui bouillonnait constamment sous la surface. Envers et contre tout, Embling savait qu’il n’avait nul autre endroit pour lui sur cette terre, même s’il n’avait jamais vraiment su pourquoi. Une affaire de réincarnation, peut-être, mais quoi qu’il en soit, le Pakistan était à coup sûr entré dans sa vie pour s’y imposer et aujourd’hui, à l’âge de soixante-huit ans, il se sentait fermement ancré dans sa patrie d’adoption.

Embling savait que la plupart des hommes dans sa situation seraient – voire devraient être – inquiets – lui, un chrétien d’Angleterre, le pays d’origine du « Raj » britannique – la « domination » en hindi. Durant près d’un siècle, du milieu des années 1850 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne avait dominé ce qu’on appelait alors le « sous-continent indien » qui, au gré des périodes, avait inclus l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie, Singapour et la Birmanie, aujourd’hui connue sous le nom de Myanmar, même si Embling persistait à utiliser la dénomination ancienne, et tant pis pour le politiquement correct. Si les souvenirs de la domination britannique au Pakistan avaient fini par s’effacer avec le temps, son impact n’avait pas entièrement disparu, et Embling pouvait encore le voir et le sentir chaque fois qu’il mettait le nez dehors ; dans le regard des anciens au marché, ou les murmures échangés par les agents de police qui avaient entendu les histoires narrées par leurs parents et leurs grands-parents. Embling ne faisait rien pour masquer ses antécédents, et du reste, il aurait eu bien du mal, même avec sa maîtrise presque parfaite, quoique avec toujours une pointe d’accent, des langues locales, l’urdu et le pashtoune. Sans parler de sa peau blanche et de sa grande carcasse d’un mètre quatre-vingt-dix. Pas vraiment couleur locale.

Malgré tout, en général on lui témoignait toujours du respect, et cela tenait moins à un reliquat de déférence vis-à-vis des anciens colonisateurs qu’à son histoire personnelle. Il vivait, après tout, au Pakistan depuis plus longtemps que la plupart des gens qu’on pouvait croiser au bazar de Khyber. Combien d’années au juste ? S’il enlevait les périodes de congé et quelques brèves incursions dans les pays voisins… plus de quarante ans. Assez longtemps pour que ses anciens (et parfois actuels) compatriotes, l’aient depuis longtemps considéré comme « assimilé ». Peu lui importait du reste. Malgré tous ses défauts, les presque échecs et les endroits louches qu’il avait pu connaître, il n’avait pas d’autre point de chute que le Pakistan, et au fond de son cœur, il mettait un point d’honneur à se dire si bien intégré qu’il était devenu « plus Paki que Rosbif ».

À l’âge tendre de vingt-deux ans, Embling avait été l’une des recrues d’après-guerre du MI6 auprès des étudiants d’Oxford. Il avait alors été contacté par le père d’un camarade qu’il avait pris pour un fonctionnaire au ministère de la Défense alors qu’il était en réalité agent recruteur pour le MI6 – et l’un des rares, du reste, à avoir informé ses supérieurs que le tristement célèbre Kim Philby n’était pas la prise magnifique qu’on imaginait et qu’il finirait par coûter des vies ou qu’il se laisserait tenter et changerait de bord ; ce qui fut bel et bien le cas, Philby ayant durant des années travaillé comme taupe pour les Soviétiques.

Après avoir survécu aux rigueurs de l’entraînement à Fort Monckton sur la côte du Hampshire, Embling fut affecté à la Province pakistanaise de la Frontière du Nord-Ouest (également baptisée Pakhtunkhwa ou Sarhad, ça dépendait de votre interlocuteur), qui jouxtait un Afghanistan déjà en train de devenir la chasse gardée du KGB. Embling avait alors passé près de six années à vivre dans les montagnes le long de la frontière et avait participé aux incursions des seigneurs de la guerre pachtounes qui régnaient sur cette zone floue à cheval sur les deux pays. Si les Soviétiques voulaient tâter le terrain côté pakistanais, il leur faudrait nécessairement traverser le territoire pachtoune.

À l’exception de rares retours au pays, Embling avait donc vécu toute sa carrière dans les États d’Asie centrale – Turkestan, Kazakhstan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizistan et Tadjikistan – qui tous, à des degrés divers et à diverses périodes, étaient tombés dans l’escarcelle de l’Union soviétique ou avaient du moins vécu sous son influence. Pendant que les Américains de la CIA et ses compatriotes du MI6 – dont la dénomination officielle était le SIS, Secret Intelligent Service, un acronyme auquel il n’avait jamais pu se faire – se livraient à la guerre froide dans les rues embrumées de Berlin, Budapest et Prague, Embling sillonnait les montagnes avec les Pachtounes, vivant de quabli pulaw dampukht – du riz agrémenté de carottes et de raisins secs – et de thé noir amer. En 1977, à l’insu de ses supérieurs à Londres, il avait même convolé au sein d’une tribu pachtoune, prenant pour épouse la fille cadette d’un seigneur de la guerre local, pour la perdre à peine deux ans plus tard dans un raid aérien lors de l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques. On n’avait jamais retrouvé son corps. Il se demandait souvent si ce n’était pas là la raison qui l’avait conduit à rester au Pakistan bien après l’âge de la retraite. Quelque part au fond de son cœur brisé, n’entretenait-il pas l’espoir insensé que Farishta était encore en vie ? Après tout, son prénom signifiait « ange ».

Un rêve insensé, songeait-il à présent.

Tout comme celui de voir un Pakistan stable.

 

À douze mille kilomètres de là, à Silver Spring, Maryland, Mary Pat Foley pensait à peu près la même chose tandis qu’elle buvait un breuvage similaire – le mélange café-déca réchauffé et salé qu’elle s’autorisait le soir – mais l’objet de sa réflexion était bien différent : l’Émir et les deux problèmes qui avaient pourri la vie du renseignement américain depuis près d’une décennie ; à savoir où se trouvait le bonhomme et comment l’en déloger. Questions demeurées pendantes, à de bien rares et trop brèves exceptions, et bien que l’individu fût l’ennemi public numéro un de la Maison Blanche, un statut que, du reste, Mary Pat rechignait à lui accorder. L’homme méritait sans aucun doute d’être capturé ou mieux encore neutralisé une bonne fois pour toutes et de voir ses cendres dispersées aux quatre vents, mais tuer l’Émir n’allait pas ipso facto résoudre le problème du terrorisme. On débattait même encore du niveau – et de la qualité – des renseignements opérationnels éventuellement détenus par le personnage, quand bien même il en détiendrait. Sur ce point, tant Mary Pat que son mari Ed, aujourd’hui retraité, restaient dubitatifs. L’homme se savait traqué et, même s’il était un fieffé salopard, même s’il avait commis des massacres, il n’était certainement pas assez idiot pour se permettre de détenir lui-même des données sensibles, surtout de nos jours, quand les terroristes avaient enfin compris tout l’intérêt de compartimenter les tâches. Si l’Émir avait été un chef d’État reconnu, installé dans un palais quelque part, il aurait été tenu régulièrement informé, mais voilà, il n’était pas chef d’État – du moins, pas au sens où on l’entend. Pour autant que le sache la CIA, il devait se terrer quelque part dans les montagnes désertes du Pakistan, à la frontière afghane. Mais cela revenait bien sûr à chercher une aiguille dans une botte de foin. Qui sait, toutefois, peut-être auraient-ils un jour de la veine et finiraient-ils par tomber sur lui. Pour sa part, elle en était certaine. La question restait de savoir s’ils le captureraient vivant ou non. Elle s’en moquait un peu, même si l’idée de pouvoir se confronter à ce salopard pour le regarder droit dans les yeux n’était pas dénuée d’attrait.

« Eh, chou… je suis rentré… », lança gaiement Ed Foley, descendant l’escalier pour entrer dans la cuisine, en tee-shirt et pantalon de survêtement.

Depuis sa retraite, les trajets domicile-travail d’Ed se réduisaient à une dizaine de mètres et aux six marches menant au bureau où il rédigeait une histoire du renseignement américain, depuis la Révolution jusqu’à l’Afghanistan. Le chapitre sur lequel il travaillait en ce moment – sacrément bon, aux dires de Mary Pat – évoquait John Honeyman, un tisserand d’origine irlandaise et peut-être l’espion le plus méconnu de son époque. Chargé par George Washington en personne d’infiltrer les redoutables mercenaires de Hesse de Howe, stationnés aux environs de Trenton, Honeyman, jouant les marchands de bestiaux, s’était glissé dans les rangs de l’ennemi, avait repéré l’ordre de bataille et les positions des soldats hessois, avant de revenir en catimini, donnant ainsi à Washington l’avantage nécessaire pour les mettre en déroute. Pour Ed, c’était le chapitre rêvé, ce petit fragment d’histoire méconnue. Écrire sur Wild Bill Donovan, la baie des Cochons ou le Rideau de fer était certes bel et bon, mais il n’y avait pas tant de façons différentes de retailler de vieux marronniers cent fois rebattus.

Ed avait certainement mérité sa retraite à plus d’un titre, tout comme Mary Pat, mais seuls quelques initiés à Langley – au nombre desquels Jack Ryan Senior – sauraient jamais à quel point le couple avait servi son pays et s’était sacrifié pour lui. Irlandais de naissance, Ed avait fait ses études à Fordham, commencé sa carrière dans le journalisme, reporter besogneux mais assez anonyme au New York Times, avant d’entrer dans le monde de l’espionnage. Quant à Mary Pat, s’il était une femme qui était née pour travailler dans le renseignement, c’était bien elle, petite-fille du maître d’équitation du tsar Nicolas II et fille du colonel Vanya Borissovitch Kaminsky qui, en 1917, avait senti le vent et s’était enfui de Russie avec les siens juste avant que la révolution ne renverse la dynastie des Romanov et n’assassine le tsar et sa famille.

« Dure journée au bureau, chéri ? s’enquit Mary Pat.

– Épuisante, absolument épuisante. Tant de grands mots, et si peu d’entrées dans le dictionnaire. » Il se pencha pour lui faire une bise sur la joue. « Et de ton côté ?

– Très bien, très bien.

– Encore à te triturer les méninges, pas vrai ? Au sujet de qui tu sais ? »

Mary Pat acquiesça. « Faut que j’aille y voir de plus près ce soir, de toute façon. Il se pourrait bien qu’il y ait du nouveau. Enfin, je ne le croirai que quand je l’aurai vu. »

Ed fronça les sourcils mais Mary Pat n’aurait su dire si c’était parce qu’il regrettait l’action sur le terrain ou parce qu’il était devenu aussi sceptique qu’elle. Les groupes terroristes étaient de plus en plus doués en matière de renseignement, surtout depuis le 11-Septembre.

Mary Pat et Ed Foley avaient l’un comme l’autre bien gagné le droit de se montrer un brin cyniques si ça leur chantait. Après tout, ils avaient été aux premières loges pour connaître les rouages internes et témoigner de l’histoire tortueuse de la CIA ces trente dernières années. Le couple avait été en poste à Moscou pour l’Agence, du temps où la Russie dirigeait encore l’Union soviétique et où le KGB et ses satellites étaient leur seul véritable croquemitaine.

Tous deux avaient gravi les échelons de la direction des opérations à Langley, Ed pour terminer sa carrière au poste de directeur central du renseignement tandis que Mary Pat, naguère directrice adjointe des opérations, avait demandé son transfert au NCTC, le Centre national antiterroriste, au poste équivalent d’adjointe à la direction. Comme prévu, la boîte à rumeurs s’était emballée et le bruit avait couru qu’on l’avait limogée de la direction des Opérations et que son poste actuel n’était qu’une transition avant la retraite. Rien ne pouvait être plus éloigné de la réalité, bien entendu. Le NCTC était en réalité à la pointe du combat et c’était là que Mary Pat désirait se trouver.

Bien entendu, sa décision avait été facilitée par le fait que la direction des Opérations avait perdu son lustre d’antan. Sa nouvelle dénomination de « Service clandestin » qui les irritait tous les deux (même s’ils étaient conscients que le titre précédent ne trompait personne mais Service clandestin, ça faisait quand même un peu trop tape-à-l’œil à leur goût), n’était somme toute qu’un changement de nom. Hélas, celui-ci s’était produit à peu près au moment où ils s’étaient rendu compte de la réorientation du service, désormais moins concerné par les opérations secrètes et la collecte de renseignement que par les manœuvres politiques. Et si Mary Pat et Ed avaient bien souvent des opinions tranchées et souvent divergentes en la matière, l’un et l’autre s’accordaient à penser que la politique et le renseignement ne faisaient guère bon ménage. Bien trop de cadres dirigeants de la CIA étaient d’abord des politiciens qui y voyaient surtout un tremplin vers de plus hautes et plus nobles fonctions, un plan de carrière qui n’avait jamais effleuré les Foley. Pour eux, il n’y avait pas de plus noble vocation que de servir la défense de son pays, que ce soit sous l’uniforme sur le champ de bataille ou derrière le rideau feutré de ce que James Jesus Angleton, le maître espion de la guerre froide avait baptisé « le Jeu de miroirs ». Rien d’étonnant à ce qu’Angleton se soit mué en dangereux paranoïaque dont la frénésie de chasse aux sorcières contre d’hypothétiques taupes soviétiques avait fini par miner Langley de l’intérieur, comme un véritable cancer. Aux yeux de Mary Pat, quand il s’agissait d’évoquer l’univers de l’espionnage, Angleton était trop bardé de certitudes.

Quand bien même elle appréciait l’univers dans lequel elle évoluait, elle savait que ce « Jeu » avait un prix. Ces derniers mois, elle avait évoqué avec Ed l’éventualité de prendre sa retraite, et tandis que son mari s’était comme toujours montré plein de tact (sinon de subtilité), il était clair que sa religion était faite, et elle n’hésitait pas à laisser négligemment traîner sur la table de la cuisine un exemplaire du National Geographic ouvert sur une photo des îles Fidji ou bien un article sur l’histoire de la Nouvelle-Zélande – deux lieux qu’ils avaient placé sur leur « liste d’attente ».

En ces rares moments où elle s’autorisait un instant d’introspection sur un autre sujet que le travail, Mary Pat s’était surprise à caresser la question critique : pourquoi est-ce que je reste ? sans vraiment oser l’aborder de front. Ce n’est pas l’argent qui manquait, et ils ne risquaient pas non plus de s’ennuyer. Donc, si ce n’était pas une question financière, alors quoi ? À vrai dire, c’était simple : le renseignement avait toujours été sa vocation, elle le savait – elle l’avait su du jour où elle était entrée à la CIA. Elle y avait fait du bon boulot en son temps, mais il était indéniable que l’Agence n’était plus ce qu’elle était autrefois. Les personnels avaient changé, l’ambition brouillait leurs motivations. Plus personne ne semblait se demander ce qu’il pouvait faire pour son pays7. Pis encore, les tentacules de la politique de Washington s’étaient profondément introduits dans le milieu du renseignement et Mary Pat redoutait que ce changement fût irréversible.

« T’en auras jusqu’à quand ? demanda Ed.

– Difficile à dire. Peut-être minuit. Si ça prolonge un peu trop, je te passerai un coup de fil. Ne m’attends pas.

– Des détails croustillants sur l’affaire de Georgetown ?

– Rien de plus que ce qu’ont raconté les journaux. Un tireur isolé, la victime a été tuée d’une seule balle en pleine tête…

– J’ai entendu le téléphone sonner tout à l’heure…

– Deux fois. Ed Junior. Juste pour nous donner le bonjour ; il a dit qu’il te rappellerait demain. Et Jack Ryan. Il voulait savoir comment le bouquin avançait. Il a demandé que tu le rappelles à l’occasion. Peut-être que tu pourrais lui soutirer quelques détails.

– Je n’y compte pas trop. »

Les deux hommes écrivaient plus ou moins leurs mémoires : Ed, une histoire, l’ancien président Ryan, une chronique. Ils compatissaient et croisaient leurs souvenirs réciproques au moins une fois par semaine.

La carrière de Jack Ryan, depuis ses premiers pas à la CIA jusqu’à la magistrature suprême, où il avait été propulsé à la suite d’une tragédie, était intimement liée à celles du couple Foley. Une alternance de moments merveilleux et de périodes réellement effroyables.

Elle soupçonnait les entretiens téléphoniques hebdomadaires des deux hommes d’être composés à quatre-vingt-dix pour cent d’histoires de guerre et à dix pour cent seulement de sujets concernant leurs bouquins. Elle ne le leur reprochait pas. L’un et l’autre le méritaient amplement. La carrière d’Ed, elle la connaissait par cœur, mais elle était convaincue que certaines phases de celle de Jack Ryan n’étaient connues que de deux ou trois personnes à part lui, ce qui était révélateur, compte tenu de sa propre habilitation. Enfin bon, consolait-elle, que serait la vie sans un brin de mystère ?

Mary Pat consulta sa montre, termina sa tasse de café, grimaça, le trouvant amer, puis se leva. Elle embrassa son mari sur la joue.

« Faut que j’y aille. N’oublie pas de nourrir le chat, hein ?

– Évidemment, chou. Sois prudente. »

Note

7. Allusion à la phrase célèbre de John Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous mais ce que vous pouvez faire pour votre pays. »