Marie s’alarme du temps qui passe, de la brusque disparition du soleil derrière un nuage. Puis, l’astre reparaît. Elle en éprouve, malgré cette chaleur accablante, une sorte de soulagement.
Non loin, une fenêtre grince. Marie, qui ne peut ni bouger ni se retourner, se pelotonne, autour de ce qui lui reste de vie, cette vie prise aux filets de sa conscience et qui se débat, cherchant à lui échapper.
Une porte s’ouvrira peut-être ? Quelqu’un l’apercevra peut-être ? Quelqu’un lira la lettre, l’emportera avec la photo, atteindra le pont, et Steph saura qu’elle est avec lui, auprès de lui, à jamais, que seul un accident a interrompu sa course.
Marie s’éloigne du passé et des souvenirs. Elle ne veut être que ce présent et que cette parcelle d’avenir qu’elle cherche encore à sauver.
Sa fin, elle la sent proche, elle lui fait face, tandis que « vivre » s’offrait encore.
« Vivre », elle a toujours aimé ce mot, elle l’aime toujours en cette seconde comme un élan, une fontaine surgie des ombres.
Cette ville de son enfance qu’elle avait longuement quittée, elle la parcourait depuis son retour en tous sens, s’émerveillait de ses beautés, s’indignait de ses misères. Son amour pour Steph, tourmenté et radieux, l’accompagnait partout. Cet amour stabilisait, centrait son existence ; tandis que d’autres passions, éphémères, s’étaient dissipées au cours des saisons.
Mais en ce jour l’Histoire avait eu raison de son histoire, Marie faisait soudain partie de ces vies sacrifiées, rompues, écrasées par la chevauchée des guerres. Les violences issues de croyances perverties, d’idéologies défigurées, de cet instinct de mort et de prédation qui marquent toutes formes de vie, avaient eu raison de sa petite existence.