Exténuée, anéantie, la vieille recule jusqu’au parapet et s’y adosse. Elle laisse passer quelques minutes avant de relire la lettre.

À chaque mot un lambeau de sa propre jeunesse lui est arraché. Bouleversée à l’idée que celui qui était éloigné à la suite d’une erreur, d’un malentendu, aurait pu être son propre compagnon, elle n’a plus qu’une idée : rejoindre Anton, au plus tôt, avant qu’un autre malheur n’arrive.

Elle reprend son chemin à rebours.

Dans sa tête tout est confus. Que faudra-t-il dire à la jeune femme ? Comment annoncer ce malheur ?

Pour courir jusqu’au pont Anya avait eu des ailes. Au retour, son corps se plombe, ses jambes sont molles, cotonneuses, elles fléchissent à chaque pas. L’idée qu’Anton avait pu, durant sa courte absence, être blessé, tué peut-être, et qu’elle retrouverait son cadavre, étendu auprès de celui de la jeune femme, l’épouvante.

Elle se force à avancer plus vite.

Une douleur lancinante la traverse, puis s’agrippe à sa poitrine. Son cœur s’accélère.

Elle se fait violence pour hâter le pas.