Alek dressa la tête. Ils avaient bifurqué dans une ruelle étroite, et les piétons s’égaillaient devant eux à l’approche du scarabée de métal.

— Surtout n’écrasez personne, Klopp ! hurla-t-il, à l’instant où le mécanopode se cognait la patte avant droite dans une pile de tonneaux, qui s’effondra.

L’un des tonneaux se fracassa. Une forte odeur de vinaigre se répandit aussitôt. Au virage suivant, le taxi se remit à déraper et faillit verser dans la vitrine d’un boucher, mais Klopp parvint de justesse à en reprendre le contrôle.

— Où faut-il que j’aille ? cria-t-il.

Alek sortit de sa poche le plan de Zaven et procéda à une estimation rapide.

— Prenez à gauche dès que vous le pourrez, et ralentissez donc. Je ne vois personne derrière nous.

Klopp hocha la tête, et ramena la machine au petit trot. La rue suivante était bordée de boutiques de pièces mécaniques, et encombrée par un flot de mécanopodes de livraison. Personne ne prêta la moindre attention à leur taxi.

— J’ignore comment vous pouvez supporter ces saletés de machines, grommela Dylan en se rasseyant sur sa banquette. Ce sont des pièges mortels quand elles vont vite !

— Je croyais que c’était votre plan, lui rappela Alek.

— Eh bien, ça a marché, non ?

— Pour l’instant. Mais ils ne tarderont pas à nous retrouver.

Le taxi s’enfonça dans le quartier industriel ; Klopp se laissait guider par les indications d’Alek. Ils commencèrent à repérer les inscriptions du comité en plusieurs langues. Mais les plaques murales étaient rares dans ce quartier, et aucune ne correspondait aux rues que Zaven avait pris la peine de nommer sur son plan.

— Je crois reconnaître l’endroit, dit Alek à Klopp. Nous ne sommes plus très loin.

— Je pense à une chose, monsieur, intervint Bauer. N’avez-vous pas dit au chauffeur où nous allions ?

— Je lui ai seulement donné le nom du quartier.

— Les Ottomans ont dû l’interroger à l’heure qu’il est. Ils seront là d’un moment à l’autre.

— Vous avez raison, Hans. Il faut nous dépêcher.

Alek se tourna vers Klopp.

— L’entrepôt de Zaven domine toute la ville. Nous devrions pouvoir le repérer depuis les hauteurs.

Klopp opina du chef et se mit à prendre toutes les rues qui montaient. Le taxi s’arrêta enfin au sommet d’une colline, d’où Alek aperçut les entrepôts, dont celui de Zaven avec son appartement sur le toit.

— C’est là ! À moins de cinq cents mètres.

— Vous entendez ce bruit ? demanda Dylan.

Alek tendit l’oreille. Malgré le moteur du scarabée, il le perçut sans peine – un léger bourdonnement, à la limite de l’audible. Il regarda autour de lui mais ne vit rien de particulier à part des mécanopodes de livraison ainsi qu’un chariot messager automatique.

— Ça ne vient pas d’en bas, déclara Dylan d’une voix sourde, le nez en l’air.

Alek leva les yeux et le vit à son tour.

Un gyroplane en vol stationnaire, pile au-dessus de leurs têtes.