Alek sentit une odeur de fumée. Il avait l’impression qu’on lui martelait la poitrine de l’intérieur. Ses côtes le torturaient à chaque battement de cœur.

— Jeune maître ? M’entendez-vous ?

Alek s’obligea à ouvrir les yeux.

— Je vais bien, Klopp.

— Oh non, répliqua l’autre. Je vous ramène dans la nacelle.

Le vieil homme passa un bras noueux autour d’Alek et le hissa sur ses pieds.

— Sang du Christ, Klopp ! Vous me faites mal !

Il chancela, étourdi par la douleur. M. Hirst ne fit pas un geste pour l’aider ; il continuait à couver d’un regard inquiet le flanc frémissant du Léviathan.

Par miracle, l’aéronef n’avait pas pris feu.

— Le moteur ? demanda Alek à Klopp.

Son maître de mécanique huma l’air et secoua la tête.

— Tous les circuits électriques sont cuits, et je n’entends rien non plus à tribord.

Alek se tourna vers Hirst et lui dit :

— Nous avons perdu nos deux moteurs. Vous pourriez peut-être ranger cela.

Le chef mécanicien contempla le pistolet à air comprimé qu’il tenait à la main, le remit dans sa poche et sortit son sifflet.

— Je vous appelle le médecin du bord. Dites à votre ami mutin de vous reposer.

— Mon ami mutin vient de vous sauver la…, commença Alek, avant d’être interrompu par un nouveau vertige. Reposez-moi, murmura-t-il à Klopp. Il dit qu’il va faire venir un médecin jusqu’ici.

— Mais c’est lui qui vous a tiré dessus !

— C’est vous qu’il visait. Aidez-moi, s’il vous plaît.

Avec un regard mauvais en direction de Hirst, Klopp reposa doucement Alek contre les commandes. Tout en économisant son souffle, Alek leva les yeux vers le flanc de l’aéronef. Les cils continuaient d’osciller comme une plaine herbeuse balayée par le vent. Même sans moteurs, la bête continuait à fuir les cuirassés.

Le jeune homme regarda à l’arrière, à travers l’hélice désormais immobile. Les navires allemands s’éloignaient à l’horizon.

— Curieux, s’étonna-t-il. Ils semblent renoncer à nous achever.

Klopp hocha la tête.

— Ils ont remis le cap au nord, nord-est. On doit les attendre quelque part.

— Au nord, nord-est, répéta Alek.

Il sentait que c’était important. Il sentait qu’il aurait dû s’inquiéter à l’idée que le Léviathan fasse désormais route au sud, tournant le dos à Constantinople.

Mais dans l’immédiat, une seule chose le préoccupait : continuer à respirer.