Vampires
Bien qu’inachevé, ce texte de Thierry Jonquet est assurément un des plus aboutis sur le plan littéraire : ironie noire, voire macabre, maîtrise du récit et de la langue, cocasserie des personnages… l’auteur était au mieux de sa forme avant de mourir brutalement en août 2009.Il s’attache ici à suivre la vie d’une famille de vampires, laquelle a élu résidence rue de Belleville, le quartier fétiche de Jonquet. Mais les journées sont longues pour ceux qui doivent fuir la lumière du soleil. Heureusement, un empaleur vient distraire leur routine naturellement sanglante. Et un dénommé Valjean mène l'enquête.
C’est le dernier roman auquel travaillait Thierry Jonquet, avant d’être frappé par la maladie, avant de mourir à l’été 2009.
Le roman, qui, on le sent, aurait dû courir sur quelque quatre cents pages, s’arrête net à la 185e, par cette phrase : « Un long travail commençait. Aussi routinier qu’incertain. »
Aucune routine, rien d’incertain, dans ce roman inachevé : si l’écrivain explore toujours l’aujourd’hui, s’il raconte toujours des histoires terribles, il a pris le parti de la dérision, le parti de rire.
Oui, Thierry Jonquet a pris le parti de se moquer de l’horreur, surtout de se moquer de ses détracteurs, ceux qui rechignent à regarder le monde en face, qui boudent les écrivains qui ont des convictions et posent trop de questions.
Ces 185 pages ont une légèreté jusqu’alors inconnue chez le maître du noir. Ni ébauche ni brouillon, elles sont – pour le coup – achevées, nickel. Et l’on voit là, flagrante, la façon de travailler de Thierry Jonquet : enquête, documentation, plan, et écriture.
Des romans inachevés, ce n’est pas ce qui manque dans l’histoire littéraire. Juste un exemple, celui de l’américain Richard Hugo, poète, qui initia les fameux ateliers d’écriture de Missoula, Montana, avec ses copains, les James Welch, James Crumley, William Kittredge, Jim Harrison. La Mort et la belle vie (ed Albin-Michel, 1997), son unique roman, s’arrête net. C’est un des plus beaux polars, lui aussi tout en dérision.
Humour, tendresse, voici Vampires.
Chacun sait que les vampires n’existent pas. Et pourtant… Quand vous aurez lu ce farceur de Thierry Jonquet, vous ne serez plus certain de rien. Sinon d’avoir lu un roman d’une ampleur formidable.