Chapitre 2
Conseil du 9 mars
1966.
Nous avons vécu un grand moment. Couve a commencé
par expliquer pourquoi et comment nous allons procéder à cette
sortie de l'OTAN dont il est question depuis si longtemps
1 : « Déjà, nous avons soustrait nos forces
navales. Il convient maintenant de soustraire nos forces
d'Allemagne au commandement intégré, et de quitter le
SHAPE2 et le commandement intégré du
Centre-Europe. La conséquence de notre retrait sera que ces
commandements quitteront la France. Quant à nos forces en
Allemagne, elles y seront stationnées en vertu d'un régime
contractuel. Les gens sont toujours surpris de voir que d'autres
font ce qu'ils ont dit qu'ils feraient. On a cru que nous ne
ferions rien parce qu'il y avait les élections législatives l'année
prochaine. On a cru que nous ferions quelque chose pour que de
Gaulle ait un bon dossier en allant à Moscou. Mais en réalité, la
seule chose surprenante est que nous ayons attendu si longtemps.
Les Américains ont cherché à nous mettre en garde. Nous agissons
proprio motu et sans demander leur
accord. C'est une grosse affaire. Elle va avoir beaucoup de
conséquences. Elle met enjeu notre situation internationale.
« On n'intègre pas les forces atomiques
»
GdG. — C'est le commencement d'un aboutissement
qui est indispensable. Il faut faire une différence entre
l'Alliance atlantique et l'application qui en est faite. Depuis
l'époque où l' organisation a été conçue, les circonstances ont
changé. Elles ont changé dans les pays de l'Est. Elles ont changé
dans la situation mondiale. Elles ont changé à l'intérieur de
nous-mêmes.
« Où, pourquoi, en vue de quoi, l'Amérique
est-elle engagée aujourd'hui ? Elle est engagée non plus en vue de
la défense de l'Europe contre la menace soviétique, mais en vue de
ses positions en Asie. Il y a un risque que nous soyons entraînés
dans une conflagration, que nous le voulions ou que nous ne le
voulions pas. Quand, sous le gouvernement Guy Mollet, les Russes
ont menacé de nous lancer des bombes à cause de notre intervention
à Suez, l'Amérique non seulement a dit qu'elle ne réagirait pas,
mais a même fait pression sur nous pour nous faire plier le genou.
Et nous, nous serions intégrés, comme
ils disent, dans une guerre que nous n'aurions pas vraiment décidée
? Et rien n'empêcherait que des bombes tombent sur notre territoire
?
« Mais on n'intègre pas les forces atomiques. Or,
nous en avons et nous en aurons de plus en plus.
« Nous sommes un pays dans lequel, depuis
vingt-cinq ans, il n'est pas né un Français qui se souvienne d'une
France sans troupes étrangères. Ça ne peut pas durer
éternellement.
« Ce qui donne la dignité, ce qui constitue la
raison d'être d'un gouvernement, c'est de répondre de la sécurité
de son pays. Les responsabilités du commandement et de la défense
sont des responsabilités qu'un grand État ne peut aliéner sans
cesser d'être un grand État. Je pense à l'Allemagne, à l'Italie,
qui le ressentent durement.
« Un commandement militaire qui ne répond plus de
la bataille est privé de son autorité, de sa conscience, de sa
responsabilité. Nous avons eu des incidents graves, en Algérie,
avec l'OAS. Pourquoi ? Parce que des chefs militaires oubliaient
que leur seule légitimité est la défense de leur propre pays. Mais
cette légitimité, il faut en assumer l'exigence.
« Voilà la vérité. Voilà ce que nous sommes en
train de faire. S'il y a un avis différent, c'est le moment de le
dire. »
Un silence s'établit, l'émotion est palpable. Puis
un accent chaleureux s'élève :
Edgar Faure : « Je voudrais dire, moi qui suis
l'élément le plus hétérogène...
GdG. — Vous ne l'êtes plus, puisque vous faites
partie du gouvernement.
Edgar Faure. — Eh bien, je suis profondément
d'accord avec tout ce que vous venez de définir.
GdG. — Je suis d'autant plus sensible à ce que
vous dites que vous avez fait partie des gouvernements qui ont
précédé mon retour aux affaires.
Edgar Faure. — Nous y avons souvent souffert de
cette dépendance et de cette intégration, mais nous n'avions pas la
capacité politique de nous y opposer.
GdG. — Nous allons y mettre fin. Personne d'autre
ne demande la parole ? Messieurs, je vous remercie. »
« Il faudra que nous fixions nous-mêmes les
délais »
Conseil du 16 mars 1966.
Messmer propose la nomination d'un général à
l'état-major du SHAPE.
GdG : « Ce n'est pas pour bien longtemps. »
(Rires.)
Quand vient le moment des communications, Couve
fait état des réactions à la décision française : « Le Pentagone,
le Département d'État sont professionnellement mécontents. Mais
personne ne met en cause le retrait. Ils en sont réduits à parler
calendrier, frais, délais...
GdG. — Pour les détails d'exécution, il faut créer
un mouvement. À défaut de réponses des alliés, il faudra que nous
fixions nous-mêmes des délais, qui seront observés sans aucun doute
et que nous veillerons à faire observer.
« Pour l'essentiel, personne ne paraît contester
qu'il y a intérêt à ce que nous restions dans l'Alliance, et ce
n'est pas contraire à nos intentions.
« Pour nos troupes en Allemagne, elles resteront.
De même que les approvisionnements allemands en France, qui ne nous
gênent pas et qui sont même une garantie pour nous.
« Restent les discours et les critiques. Nous y
sommes rompus. De toute façon, ça n'aboutira pas à
grand-chose.
Pompidou. — Il y a un problème d'opinion publique
et il faut donc expliquer.
Debré. — Et il y a les contrecoups ponctuels de
ces départs sur l'économie locale.
GdG. — Il y a trois choses. Il y a les
états-majors, qui ne font rien, mais le font à grand train. C'est
terminé, et leur départ n'aura aucune conséquence sur la
main-d'oeuvre. Il y a des bases aériennes : elles emploient surtout
des Américains, et quelques Français, dans l'Est. Et puis il y a la
base de Châteauroux ; nous ne les obligeons pas à la fermer du jour
au lendemain. Ça durera jusqu'à l'an prochain. La question de la
main-d'oeuvre ne se posera donc que progressivement.
Debré. — Il faut montrer que nous faisons quelque
chose pour cette main-d'oeuvre.
Messmer. — Pour être précis, le personnel français
de toutes ces installations se monte à 16 000 personnes.
Marette. — Il y a du matériel, des faisceaux
téléphoniques, des câbles à récupérer.
GdG. — Il faudra récupérer beaucoup de choses ; la
plus importante d'entre elles, c'est quand même notre souveraineté.
»
« Il y a deux poids et deux mesures de
l'intégration »
Conseil du 23 mars
1966.
Couve : « Les quatorze membres de l'OTAN ont fait
une courte déclaration pour réaffirmer les liens pour eux
essentiels entre l'Alliance et l'OTAN. Le Président Johnson a
envoyé une longue lettre pour dire la même chose, regretter notre
égarement et former l'espoir que nous rentrerons au bercail.
GdG. — La lettre de Johnson est un prêche sans
acrimonie, mais un prêche. Dans tout ce qu'il dit longuement, il y
a un point remarquable : l'intégration. Il a l'air de dire qu'elle
est là pour tout le monde. Naturellement, ça n'est pas exact.
L'essentiel de la défense française, aujourd'hui, c'est l'arme
atomique. Or, elle n'est pas intégrée. Et la défense américaine,
est-ce qu'elle est intégrée ? Les forces américaines sont sous des
commandements américains. Les forces alliées sont aussi sous des
commandements américains. Il y a deux poids et deux mesures de
l'intégration. »
« Détendre un système conçu pour une période
de tension »
Conseil du 31 mars
1966.
Couve : « Nous avons remis le 29 mars aux Quatorze
une note qui précise le calendrier et répond aux premières
réactions. Nous y repoussons l'idée que le déménagement se fasse à
nos frais. Nous dénonçons, avec préavis d'un an, le statut
privilégié des quartiers généraux, ce qui les oblige à partir. Nous
laissons à l'Allemagne la responsabilité de dire si elle souhaite
le maintien de nos forces chez elle. Cette nouvelle étape, plus
concrète, provoque de vives réactions. M. George Ball est venu les
exprimer. Nous nous sommes abstenus de lui dire que la façon dont
il est arrivé sur notre territoire, dans un avion militaire
échappant à notre contrôle aérien, justifiait nos démarches... La
situation ressemble à celle de 1963 à propos de l'entrée de
l'Angleterre dans le Marché commun. Ça va durer un certain nombre
de mois.
GdG. — Le plus gros est fait. Les décisions sont
prises. Il me paraît probable qu'après un temps de mauvaise humeur,
nos alliés verront qu'ils ont intérêt à s'en accommoder. Ne
serait-ce que pour pouvoir continuer de bénéficier de
communications aériennes entre le nord et le sud. Il n'y a pas un
avion allant d'Allemagne en Italie qui ne doive survoler notre
territoire 3.
« Il ne tient qu'à nos alliés d'entrer dans la
voie que nous leur
proposons : un système de coopération
militaire organisé pour le temps de guerre, et non pas pour le
temps de paix. Il est naturel de notre part de détendre en période
de détente un système conçu pour une période de tension mais qui a
pour effet de l'entretenir. Il n'y a pas à s'organiser en temps de
paix comme si nous étions déjà en temps de guerre, mais à aller
vers la paix sans oublier de se préparer comme si la guerre pouvait
éclater.
« Voilà où on en est. On verra la suite. »
« Nous retrouver entre Français en France et
entre alliés au sein de l'Alliance »
Conseil du 13 avril
1966.
Couve : « Les préliminaires sont terminés. Les
deux discussions essentielles, avec les Américains et avec les
Allemands, vont pouvoir commencer. Les Américains essaient de
prolonger les délais d'un an.
GdG. — Ni les Allemands, les pauvres, ni les
Américains, ne contestent nos décisions. Il n'est plus question que
de modalités et de délais.
« Notre intérêt commun, c'est l'Alliance. Nous y
sommes avec l'Allemagne et nous y restons comme eux. Non pas sur
les mêmes bases qu'auparavant, mais comme l'État souverain que nous
sommes redevenus.
« Notre intérêt commun, c'est aussi que les choses
se fassent le plus vite possible. Quand une décision est prise,
l'indécision dans l'exécution est mauvaise. Il faut préciser et
établir le plus tôt possible. Pourquoi traîner et pignocher, une
fois passé le premier accès de mélancolie ?
« En ce qui nous concerne, nous sommes résolus à
nous retrouver entre Français en France, et entre alliés au sein de
l'Alliance. »
« Cela commande quelque commisération et même
quelque considération »
Conseil du 4 mai
1966.
Messmer : « Je suis allé voir mon homologue à
Bonn. Il m'a dit que l'ensemble des ministres souhaitent que nous
conservions nos forces sur le territoire allemand. Les généraux
allemands sont compréhensifs. Mais l'aide-mémoire préparé par les
Affaires étrangères de Bonn se réfugie dans des arguties
juridiques.
Couve. — Les Allemands partent de l'idée que la
France est demanderesse, et ils posent alors des conditions qui
seraient le retour au statu quo de l'
OTAN. Nous ne nous presserons pas de répondre. Un accord sera bien
difficile à atteindre.
GdG. — L'idée allemande est
que l'intégration est bonne pour tout le monde. En réalité, elle
est bonne pour eux. En effet, l'Allemagne est coupée en morceaux ;
ses frontières ne sont pas reconnues ; il y a des troupes
étrangères sur son territoire ; dans une confrontation avec le bloc
soviétique, elle est très à l'étroit, elle n'a aucun recul, elle
est acculée à nous. Nous, en revanche, nous ne sommes pas vaincus,
pas coupés en morceaux ; nous avons une capitale, nous n'avons pas
besoin de troupes étrangères.
« Le mythe de l'intégration leur était commode
parce qu'il permettait au vainqueur et au vaincu d'être dans le
même sac. C'était le système Monnet. Il est agréable pour les
Allemands et inacceptable pour nous. D'où le litige entre eux et
nous. Pour en sortir, il faut être simple.
« L'Alliance atlantique continue et continuera. Le
dégagement militaire américain, il s'accomplit et continuera de
s'accomplir. Si les Allemands ne souhaitent pas que nous restions
en Allemagne, nous n'y resterons pas. Nous n'avons aucun souhait à
formuler. S'ils ne se prêtent pas à un arrangement, le malheur ne
sera pas bien grand. Si les Allemands se prêtent à notre maintien —
et surtout les Américains, car ce mémorandum, c'est un mémorandum
américain ! —, eh bien, nous resterons. Sinon, nous partirons.
Finalement, après tous les conflits du monde, vient toujours un
moment où chacun rentre chez soi.
« Il vaut mieux être dans la situation de la
France que dans celle des Allemands. Ils sont dans une situation
difficile. Cela commande quelque commisération et même quelque
considération. »
« Ce qu'il faut, c'est enlever les soldats
américains »
Conseil restreint du jeudi 2
juin 1966.
GdG : « Cette affaire de l'OTAN est à la fois
simple et complexe. Simple, parce que nous savons ce que nous
voulons et où nous allons. Complexe, parce qu'il y a en réalité
plusieurs négociations. »
Il en distingue quatre. La première avec la
République fédérale d'Allemagne ; la deuxième sur l'emploi de nos
forces en temps de guerre (« S'il y avait une action militaire de
l'OTAN, nous adopterions d'abord une attitude de réserve. Nous nous
joindrions à cette action, ou ne nous y joindrions pas, en fonction
des circonstances. Cela dépendrait de notre libre volonté. Mais à
partir du moment où nous aurions décidé de participer à ces
opérations, il est clair que nous le ferions en conjonction avec
nos alliés ») ; la troisième sur les conditions du départ des
Américains ; la quatrième entre la France et les différents
gouvernements alliés, sur les facilités que nous accordons en temps
de paix pour le survol et les communications, ainsi qu'en temps de
guerre éventuellement.
Couve précise un point : «
Quant aux facilités à accorder aux Américains, nous pouvons donner
des délais plus longs. Par exemple, il y a deux oléoducs, l'un
collectif de l'OTAN, l'autre seulement américain.
GdG. — Ça, ce n'est pas de l'intégration, puisque
nous pouvons couper les oléoducs à chaque instant... comme le
survol des avions de l'OTAN, que nous pouvons interdire à tout
moment. Ce qu'il faut, c'est enlever les soldats américains ;
sinon, il n'y a pas de raison qu'ils ne restent pas éternellement
chez nous, comme en pays occupé. »
« Nous n'avons fait qu'anticiper un changement
profond de l'Alliance »
Conseil du 19 octobre
1966.
Couve : « Il paraît certain que, l'an prochain,
les Américains et les Anglais diminueront leur présence militaire
en Allemagne. Bonn est très troublé, et du coup incité à regarder à
nouveau vers nous. C'est l'effondrement de leur politique
extérieure.
GdG. — En fait, la question financière liée à la
présence des troupes anglaises ou américaines en Allemagne, ce
n'est pas notre affaire. Mais quant au fond, il est clair qu'en
nous dégageant de l'OTAN, nous n'avons fait qu'anticiper un
changement profond de l'Alliance, laquelle a été organisée en
fonction de la Guerre froide, et appelle donc une mise à jour.
»
C'est une vue des choses assez optimiste !
« L'Allemagne, il faut rester au contact
»
Conseil du 9 novembre
1966.
Couve : « En Allemagne, la crise politique est
sérieuse, et c'est la première depuis 1948. Elle tient à l'usure du
pouvoir, aggravée par la faiblesse du Chancelier Erhard. Il semble
incapable de gouverner, comme de démissionner. En arrière-fond, il
y a un doute sur la politique nationale : elle s'est complètement
reposée sur les Américains ; or, depuis quelques semaines, les
Allemands découvrent avec stupeur qu'ils ne peuvent pas compter sur
les Américains pour épouser leurs querelles.
GdG. — La Guerre froide s'atténuant, l'Allemagne
est à la dérive et, Adenauer disparu, la vérité apparaît aux
Allemands. Il est à craindre que, faute de rechercher des
arrangements avec les Russes, l'Allemagne reste en porte-à-faux.
Mais Dieu sait où elle peut aller. Il faut donc rester au contact
avec elle, l'orienter vers des voies pacifiques et veiller à ce
qu'elle ne tourne pas mal. Mais en pareil cas, elle aurait beaucoup
de monde contre elle ! »
« Avec Kiesinger, les relations seront
faciles, tout au moins quant aux sentiments »
Conseil du 30 novembre
1966.
Couve : « Erhard a finalement démissionné. Pour
éviter des élections générales, la CDU le remplace par Kiesinger,
qui a convaincu Willy Brandt et les socialistes de former une
"grande coalition". Brandt a exigé pour lui-même le portefeuille
des Affaires étrangères. Le Bundestag doit introniser demain cet
arrangement de partis.
GdG. — Avec Kiesinger, les relations seront
faciles, tout au moins quant aux sentiments. Brandt n'est pas mal
disposé. Erhard était inconsistant, Schröder était systématiquement
hostile. Quant à l'Allemagne, elle a de l'ambition, mais son régime
ne s'y prête guère. On exagère la comparaison entre l'extrême
droite 4 et les
débuts de Hitler. Les conditions qui ont fait Hitler ne sont pas
réunies, et Hitler n'est pas là, on le saurait. Les entreprises
successives de Hitler ont été abondamment servies par la carence de
ses voisins. Aujourd'hui, la France s'est redressée et la Russie
pèse de tout son poids. Nous n'avons pas mis l'Allemagne en pièces,
mais la Russie la maintient en deux morceaux. Il est dérisoire de
penser, comme l'ont vu Erhard et Schröder, que la réunification se
fera par une politique de force. Il n'y a donc pas d'autre voie
qu'une détente générale européenne. Il n'y a aucune raison pour
nous de changer de politique vis-à-vis de l'Allemagne. »
« Les Allemands ont pris conscience qu'ils
n'atteindront pas leur but par la guerre froide »
Conseil du 18 janvier
1967.
Kiesinger et Brandt ont fait leur visite
ad limina le 13 janvier. Couve : « Le
changement est profond pour les rapports avec l'Est. C'est
l'abandon de la doctrine Hallstein5 : la
reconnaissance de la RDA par les démocraties populaires n'est plus
un obstacle aux contacts que Bonn prend avec elles. Mais ils
demeurent réservés sur la ligne Oder-Neisse. Dans le domaine
nucléaire, ils se contentent de l'OTAN. Donc, une bonne impression,
mais l'expérience nous
dira s'ils savent mieux résister aux pressions des Anglo-Saxons que
l'équipe précédente.
GdG. — Ce voyage a été important, dans la mesure
où il a contribué à donner conscience aux Allemands du fait qu'ils
n'atteindront pas leur but par la guerre froide, ni à plus forte
raison en l'aggravant. À cet égard, il y a un changement capital
chez eux. Ils reconnaissent que c'est la voie de la détente qui est
pour eux la plus prometteuse. Ils sont donc plus engageants
vis-à-vis de nous. Il faut s'efforcer d'en tirer parti dans le
cadre des Six, notamment pour la question monétaire.
« Dans l'affaire du Marché commun, ils ne disent
pas la même chose que nous, mais ils ne passent pas outre à notre
volonté si nous l'exprimons clairement.
« Le Chancelier Kiesinger est un homme courtois.
Il est au fait des affaires et fait bonne impression. M. Brandt est
ambitieux, avec des vues politiques et des capacités. Nous verrons
si l'attelage ira loin. C'est de notre côté qu'il penchera, en tout
cas pour commencer. »
« Je constate que tout le monde est content
»
Conseil du 22 mars
1967.
Couve : « Les évacuations des états-majors et des
troupes de l'OTAN se poursuivent, dans la dignité. Les Américains
se sont montrés accommodants. L'opération va leur coûter cher. Des
cérémonies d'adieu ont lieu dans une atmosphère très convenable. On
se quitte à l'amiable.
GdG. — Eh bien, je constate que tout le monde est
content. Nous avons donc fait ce qu'il fallait faire. »
1 Dès décembre 1964, de Gaulle l'a annoncé à Bohlen,
ambassadeur des États-Unis. Voir C'était de Gaulle, t.
II, Ire partie, ch. 10.
2 Supreme Headquarters of the
Allied Powers in Europe, le grand quartier général de l'
OTAN, à Rocquencourt, près de Versailles.
3 En effet, l'Autriche et la Suisse étant neutres, leur
espace aérien ne peut servir aux vols militaires de l' OTAN.
4 Aux élections régionales de Hesse et de Bavière,
quelques candidats d'extrême droite viennent d'être élus.
5 Selon laquelle la République fédérale n'entretient
pas de relations diplomatiques avec les États qui reconnaissent
l'Allemagne de l'Est comme État souverain. Elle a été formulée en
1955 par Hallstein, alors secrétaire d'État aux Affaires
étrangères.