ÉPILOGUE

 

Depuis combien de temps ai-je rebroussé chemin, reprenant à l’envers le fil du temps, afin de retrouver les traces laissées par ma mère trente ans auparavant dans le sable de ce pays ?

Je ne sais où me conduiront mes jambes et il me semble que la boîte que je porte me murmure des mots dans la solitude éblouissante du désert.

Je n’ai rien volé à ma nièce qu’une douleur promise. La boîte restera au désert, je ne la lui remettrai pas à Pâques comme le veut la tradition. Elle ne passera plus de main en main. Sa course s’arrête ici, à mes pieds, dans l’immensité absurde de cette étendue blanche. Ce cahier décousu où reposent les débris rêvés de nos existences, je le rends feuille à feuille au vent dont il est issu...

Mes pages s’envolent une à une...

Je n’ai plus qu’à gaspiller la dernière des prières du troisième soir. Alors, se lèveront les morts pour la dernière fois avant de regagner le néant à tout jamais et le fil sera coupé.

 

Et maintenant, que, par ma prière, surgisse la voix des mères :

 

Mon nom est Frasquita Carasco. Mon âme est une aiguille.

Tes feuilles lancées au désert, les voici réunies, reliées dans un livre que tu pourras refermer à jamais sur mon histoire.

Soledad, ma fille, sens ce vent sur ton visage.

C’est mon baiser.

Celui que jamais je ne t’ai donné.